Séance du 3 novembre 1999
M. le président. « Art. 1er ter. - Le dernier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail est ainsi rédigé :
« Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis au premier alinéa sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail, ils peuvent faire l'objet d'une rémunération par voie conventionnelle ou contractuelle. Le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires ou par le règlement intérieur ou par le contrat de travail, est considéré comme du temps de travail effectif. »
Sur l'article, la parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Madame le ministre, d'une manière générale, le temps de travail a toujours été considéré comme le temps pendant lequel le salarié était directement productif. En effet, l'article L. 212-4 du code du travail, issu initialement de la loi du 28 août 1942, considère que le temps de travail s'entend du travail effectif à l'exclusion des périodes d'inaction et du temps nécessaire à l'habillage et au casse-croûte.
L'analyse de la jurisprudence sur la définition du temps de travail effectif montre une évolution tenant compte des conditions de travail et de la volonté des entreprises de limiter la rémunération aux heures strictement productives. Ainsi, il faut souligner que les jugements successifs de la Cour de cassation ont considéré que les exclusions prévues dans le code du travail n'étaient qu'indicatives et que les temps de pause, quelle qu'en soit l'affectation - douche, repas, pause non consacrée à une activité effective - ne devaient pas, à défaut d'assimilation légale ou conventionnelle, être considérés comme temps de travail effectif.
Il convient de rappeler qu'au stade de la préparation de la loi du 13 juin 1998 la définition du temps de travail n'était pas prévue. Or l'Assemblée nationale a voté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement visant à compléter l'article L. 212-4 du code du travail définissant la durée du travail par une disposition énonçant que la durée du temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur.
A l'évidence, aujourd'hui, les temps de pause, les périodes de simple présence ou d'attente sont exclues du temps de travail effectif.
Ces principes ont été repris dans la définition du temps de travail insérée au début de l'article L. 212-4 du code du travail, dont ils constituent le premier alinéa : « La durée du temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »
L'alinéa 2 de même article précise par ailleurs : « Ne constitue pas du travail effectif le temps nécessaire à l'habillage et au casse-croûte. »
La nouvelle définition du temps de travail qui nous est proposée est en profonde contradiction avec le deuxième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail. Les parlementaires qui sont à l'origine de cet amendement sous-entendent que, en dépit des efforts de clarification entrepris dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 et malgré les positions constantes de la Cour de cassation, certaines entreprises ont cherché à interpréter la notion de travail effectif de manière biaisée.
Or les interprétations de la Cour de cassation ont toujours été très explicites en considérant que le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition permanente de son employeur, sous son autorité, sans effectuer de prestations ne correspondant pas à du travail effectif. Par ailleurs, l'alinéa 2 du même article est on ne peut plus clair et ne souffre d'aucune imprécision qui puisse prêter à interprétation. La loi du 13 juin 1998 incitait les partenaires sociaux à engager des négociations en vue de la mise en application effective de la réduction du temps de travail de trente-neuf heures à trente-cinq heures pour les salariés des entreprises de plus de vingt salariés.
C'est donc sur ces bases légales que les partenaires salariés des différentes branches professionnelles ont négocié des accords.
Les dispositions que je viens de commenter remettent fondamentalement en cause les éléments préalables à la négociation de ces accords, à savoir la définition même du temps de travail effectif.
Dès lors, les dispositions contenues dans l'article 1er ter adopté par l'Assemblée nationale annulent de facto les accords de branche et les accords d'entreprise qui sont, pour la plupart, déjà entrés en application.
Par leur spécificité, de nombreux secteurs de la transformation des produits alimentaires devront subir des distorsions de concurrence inacceptables. On se trouve ainsi face à une réduction du temps de travail non pas de trente-neuf heures à trente-cinq heures, mais de trente-neuf heures à trente-deux heures, voire à trente heures dans certains secteurs.
La rentabilité trop faible du secteur n'est pas en mesure de procurer des résultats susceptibles d'amortir un alourdissement des charges de personnel de près de 25 % sans contrepartie, avec une réduction du temps de travail effective de trente-neuf heures à trente heures.
Par ailleurs, face aux difficultés énormes qu'il y a à recruter les effectifs nécessaires dans ce secteur d'activité, il est impossible de gérer sans conséquences graves et irréversibles une nouvelle réduction du temps de travail de 15 %.
Enfin, l'activité des industries agroalimentaires, et plus particulièrement celle des viandes de boucherie, est caractérisée par de très fortes fluctuations d'activité dues à la saisonnalité, aux moeurs alimentaires et à la gestion des campagnes promotionnelles qui nous sont imposées.
Ces surcroîts d'activité ponctuels ne pourront être gérés dans les limites imposées par la réglementation du travail en ce qui concerne la limite supérieure de l'horaire hebdomadaire, prévue en l'état actuel des choses à quarante-cinq heures par semaine.
Pour toutes ces raisons, il est inadmissible que l'amendement de M. Gorce relatif à la nouvelle définition du temps de travail puisse être maintenu. Si c'était le cas, il aurait de lourdes conséquences sur le revenu des salariés. Or il n'est de l'intérêt de personne de réduire le pouvoir d'achat des salariés !
Aussi convient-il de revenir sans nuance à la définition du temps de travail effectif qui avait prévalu sur la base de la loi du 13 juin 1998.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Avec cet article 1er ter tel qu'il nous a été transmis par l'Assemblée nationale et avec les amendements que nous proposera tout à l'heure la commission, nous nous trouvons en présence de deux rédactions parfaitement contradictoires, tout au moins dans leurs conséquences. Or ni l'une ni l'autre ne règle, à notre sens, le problème de l'habillage et du déshabillage.
La première rédaction, issue de l'Assemblée nationale, impose que le temps d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé, relève du temps de travail effectif. Il en résulte que ce temps doit être rémunéré et qu'il compte pour le déclenchement du contingent d'heures supplémentaires.
On nous dit par ailleurs que, si ce temps d'habillage devient du temps de travail effectif, il va en résulter pour certaines entreprises une diminution du temps de travail qui pourra atteindre en une seule fois non pas quatre heures, de trente-neuf à trente-cinq heures, mais beaucoup plus, comme l'a dit mon prédécesseur.
Il est vrai que, dans certains secteurs, l'habillage et le déshabillage ne sont pas une formalité mais une précaution, voire une exigence en matière d'hygiène.
Dans l'agroalimentaire, les salariés au contact des aliments traités doivent se déshabiller complètement puis s'habiller avant de commencer leur travail, se changer à l'occasion de chaque pause, et ainsi de suite tout au long de la journée, ce qui peut aboutir à des temps extrêmement longs.
Ces précautions d'hygiène indispensables sont pratiquées depuis longtemps et ont été renforcées par les normes européennes, draconiennes en la matière, auxquelles il n'est évidemment pas question de déroger.
Au demeurant, l'agroalimentaire n'est pas seul concerné par ce nécessaire cérémonial vestimentaire. L'objectif peut aussi être de protéger le salarié, comme c'est le cas, par exemple, dans l'industrie nucléaire.
Il ressort de ce qui vient d'être dit que la rédaction que nous transmet l'Assemblée nationale, si elle est légitime dans son intention, ne peut constituer une norme intangible, pour une raison simple : elle ne prend pas en compte toutes les réalités de certaines catégories d'entreprises, ainsi que vous l'avez dit vous-même, madame le ministre.
De son côté, la rédaction que nous propose la commission prévoit simplement que ce temps soit rémunéré selon des modalités fixées par accord collectif. Ce faisant, elle supprime la référence au temps de travail effectif, ce qui présente l'inconvénient inverse.
Le temps d'habillage et de déshabillage peut, en effet, soit être relativement court, et il n'y a alors pas lieu de le décompter du temps de travail effectif, soit constituer une part du travail, comme c'est le cas, notamment, dans les parcs d'attractions, où les salariés sont costumés sans que cela soit imposé par une réglementation ou une nécessité absolue de sécurité.
Dans les deux cas, la rédaction nous semble trop fermée. La possibilité doit demeurer ouverte aux partenaires sociaux des branches et des entreprises de décider suivant les cas.
Le choix de la négociation collective, qui m'a paru avoir les faveurs de la majorité sénatoriale, peut être ici pleinement respecté : rien n'empêche que les temps d'habillage et de déshabillage soient définis par les partenaires sociaux eux-mêmes comme du temps de travail effectif ou non.
Au demeurant, dans certaines entreprises, des accords ont déjà été signés dans le cadre de la loi de 1998. Les voilà maintenant, avec leurs signataires, placés en porte-à-faux et dans l'incertitude, et ce, que l'on adopte la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale ou celle que propose la commission.
Pour notre part, devant cette impasse rédactionnelle, nous souhaitons que l'on parvienne, au cours de la navette, à une rédaction plus ouverte qui permette aux partenaires sociaux d'opter pour la solution la mieux adaptée tant aux réalités économiques qu'aux intérêts des salariés.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je crains d'être légèrement décalé par rapport à certains des points de vue qui viennent de s'exprimer sur la question du calcul du temps de travail effectif. Je considère en effet, pour ma part, que c'est une question tout à fait centrale dans cette loi parce que, si l'on entend réduire le temps de travail, on ne peut faire moins que de se demander ce que l'on réduit vraiment !
Je veux d'abord dire à quel point, sur ce sujet, j'ai été attentif à l'argumentation juridique de grande qualité qui nous a été présentée il y a un instant. Il y avait en effet polémique et bataille sur la définition de ce qu'est le temps de travail effectif et j'ai entendu tout à l'heure notre collègue M. Cazeau se référer à un texte qui, si j'ai bien suivi la discussion, est ce que nous appelons l'« amendement Vichy », car cette disposition...
M. Alain Vasselle. Date de 1942 !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je n'ai nullement l'intention d'être insultant, je vous le dis tout de suite, mais cette précision concernant la nature du temps de travail effectif a été, en effet, introduite à un temps où nous serons tous d'accord pour dire que le rapport de force n'allait pas dans le sens des travailleurs, et je crois que personne ne sera en désaccord avec moi sur ce moment lamentable de notre histoire : au passage, les rédacteurs de 1942 en avaient profité pour ne compter que le temps de travail effectif.
C'est d'ailleurs une vieille tentation que de considérer que le travail humain, qui est la richesse dont dispose le travailleur, que sa disponibilité à travailler est une marchandise. On achète donc - ce n'est pas pour rien que l'on parle de marché du travail ! - la marchandise « force de travail », et on ne veut payer, pour simplifier et pour caricaturer les choses, que ce que l'on consomme vraiment, et pas le reste.
C'est une vision tout à fait étroite qui est à l'avantage exclusif de l'employeur : on ne paie que le temps productif.
Pour ma part, je tiens à mettre vraiment en garde tous ceux qui partageraient cette approche du problème qui évacue l'être humain, surtout dans les conditions actuelles de la production, avec le développement de l'informatique qui permet de savoir, de seconde en seconde, quand vous travaillez, quand vous arrêtez, quand vous faites fonctionner votre poste de travail.
Si l'on ne devait compter que le temps de travail effectif, on aboutirait alors, par le grignotage de tout ce qu'on appelle les « temps morts » de la production, à ce qui pourrait véritablement s'appeler une exploitation à 100 % du travail que l'homme peut fournir, nonobstant le fait que c'est bien un être humain qui le fournit et, qui donc parfois s'arrête, fait des pauses casse-croûte, et qui, pendant des années, a mené bataille pour pouvoir grapiller ces petits temps qui sont la part d'humanité dans le travail.
Lors des négociations sur la réduction du temps de travail, il est évident que ceux qui n'avaient pas intérêt à compter trop largement - on les comprend : c'est la logique de la discussion - aient commencé par dire que l'on mettait dans le « pot » tous les temps de pause : pause pipi, pause casse-croûte, bref, toutes les pauses humaines... Aux termes de ces calculs, certains travailleurs ont appris avec surprise que, bien qu'ils se trouvaient à leur poste de travail et sous la contrainte de leur employeur pendant trente-neuf ou quarante heures, ils ne travaillaient en temps effectif que trente-cinq heures, voire trente-deux heures, sauf à ne pas faire de pause, ne pas manger et se retenir toute la journée. Mais voilà, il s'agit d'êtres humains qui font le travail.
Je considère donc que le temps de travail effectif, dans le respect de tout ce qui fait une personne, c'est le temps pendant lequel le travailleur est sous la sujétion de son employeur et ne peut librement vaquer à ses occupations.
Je vois bien que, dans certains domaines, il y a en effet friction et contradiction, et il faut les étudier. Mais ce sont des exceptions et, dès lors qu'il s'agit d'exceptions, la propension est forte de qualifier d'exceptionnelles des choses qui, à mes yeux, ne le sont pas, mais participent tout simplement des conditions de la production.
Personne n'imagine qu'une matière première peut être livrée gratuitement. En revanche, certains sont prêts à admettre que le temps que passe un travailleur, dans l'industrie alimentaire par exemple, à se changer plusieurs fois par jour, pour des raisons d'hygiène, donc de certification, de qualité du produit, n'est pas du temps de travail effectif.
Le temps que cette matière première humaine passe à s'habiller pour se conformer aux normes de l'acte de production est pour moi du temps de travail. En effet, pendant le temps que le travailleur passe à se changer, il ne fait pas autre chose. D'ailleurs, il n'a pas le choix !
Celui qui n'a que sa force de travail à vendre, avec tout ce que l'on peut mettre dans cette force de travail, d'intelligence, de savoir-faire ou de qualification, il vend un temps, le temps dont il ne dispose pas pour lui-même. Telle est l'essence du contrat de travail, qui n'est pas un contrat d'échange, un contrat libre, un contrat égalitaire, mais un contrat de subordination, aux termes mêmes du code du travail.
Pendant tout le temps où le travailleur est subordonné à son employeur, il est au travail. Ce n'est pas l'acte mécanique de la production qui définit le fait que l'on est au travail, c'est la subordination.
C'est pourquoi je considère qu'il faut s'en tenir à la nouvelle formulation retenue par l'Assemblée nationale, quitte, ici ou là, aux producteurs de faire un grand effort d'imagination pour faire en sorte que les choses se passent au mieux, soit en rendant le travail moins pénible, soit en répercutant le coût réel de leur production.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'interviendrai dès maintenant car nous sommes face à un problème délicat, ce qui me permettra d'être d'autant plus concise sur les amendements.
Rien ne m'a choqué dans les propos que j'ai entendus, même s'ils traduisent des positions différentes. Ce problème n'est pas facile.
M. Deneux nous a rappelé l'historique, juste d'ailleurs, de la notion de travail effectif, rappelant qu'au départ le travail effectif était le travail directement productif, ce qui, bien évidemment - M. Jean-Luc Mélenchon l'a dit - ne pouvait être considéré comme normal.
C'est la raison pour laquelle, au fil du temps, la jurisprudence, alors même que la loi n'avait pas été modifiée, a considéré que le temps consacré au casse-croûte - on peut parler de repas aujourd'hui - lorsque le salarié ne peut pas s'éloigner de son poste de travail, ou lorsqu'il prend ce repas dans une salle proche de son lieu de travail et peut à tout moment être appelé sur son poste de travail, donc ne peut librement vaquer à ses occupations, était du temps de travail. Cela ne signifie pas pour autant que tout temps de restauration est un temps de travail effectif.
M. Patrick Lassourd. Voilà !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cette jurisprudence, par la suite, a pris en compte le temps de transport lorsque le travailleur est obligé de passer par le siège de l'entreprise, par exemple avant de se rendre sur un chantier. La jurisprudence a considéré que le transport entre le siège de l'entreprise et le chantier était du travail effectif puisque c'était un temps contraint pour le salarié.
C'est cette logique-là qui a été reprise dans la loi de juin 1998, qui s'est ainsi alignée sur la jurisprudence.
Mais il est vrai que, si cette jurisprudence et la rédaction de l'article en question, dans son premier alinéa, étaient bonnes et permettaient de prendre en compte la réalité et la diversité des situations - j'en viendrai dans quelques instants à l'intervention de M. Cazeau - la deuxième phrase disposant que « la durée du travail s'entend à l'exclusion du temps nécessaire à l'habillage et au casse-croûte » apparaissait en contradiction absolue avec le premier alinéa. Dès lors que nous souhaitions faire une loi qui soit transparente, claire et applicable, il aurait été quelque peu étonnant de ne pas modifier cet article, compte tenu de l'obsolescence du terme « casse-croûte » et du fait que le temps nécessaire à l'habillage n'était pas compté comme du temps de travail effectif.
Le travail effectué par l'Assemblée nationale a abouti à une rédaction qui traite de manière claire le problème de la restauration et des temps de pause - ce n'est pas contesté aujourd'hui, me semble-t-il - et de manière générale le problème de l'habillage et du déshabillage. Je rejoins là l'intervention de M. Cazeau que je partage en grande partie.
Il est indéniable, comme l'a dit Jean-Luc Mélenchon voilà quelques instants, que, lorsque le port d'une tenue est imposé par la loi ou par une disposition réglementaire pour des raisons de sécurité - je pense au désamiantage - ou d'hygiène, le temps d'habillage ou de déshabillage doit être automatiquement compté comme du temps de travail.
De la même manière, lorsque les salariés sont obligés de se déguiser, pour travailler dans un parc de loisirs par exemple, de revêtir une tenue spécifique, je ne vois pas comment on pourrait ne pas considérer qu'il s'agit de temps de travail.
En revanche, dans un certain nombre d'entreprises - c'est peut-être là où le texte pose un problème et je partage sur ce point le souci de M. Cazeau - sont mis à la disposition du salarié des vêtements de travail qu'il met ou pas, et qu'il met parfois d'ailleurs pour ne pas abîmer ses propres vêtements. Dans ce cas, je comprends très bien que l'on puisse considérer qu'il faille une contrepartie à ce temps. Si, par exemple, un règlement intérieur impose que l'on enfile telle veste - c'est le cas dans certains établissements automobiles - je ne suis pas sûre qu'il faille considérer, en l'état, qu'il s'agisse de temps de travail, d'autant qu'il est très difficile d'en mesurer effectivement le temps. Combien de temps faut-il donner à l'ouvrier pour qu'il enfile sa veste de travail, une minute, dix minutes ?
Je crois donc que nous devons continuer à travailler sur ce texte. Je dis d'emblée, pour ne pas reprendre la parole plus longuement ensuite, que supprimer l'article 1er ter, comme le propose M. Lassourd, serait remettre en cause la jurisprudence. Cela ne me paraît pas correct s'agissant d'obligations en termes de sécurité, qui imposent, par exemple, le port d'une tenue, s'en remettre, comme le propose le rapporteur, dans une position médiane, à la convention collective me paraît, là aussi, un peu en deçà de la jurisprudence dans un certain nombre de domaines.
Je me demande donc si nous ne devrions pas continuer à travailler pour considérer que, chaque fois que ces vêtements sont portés pour des raisons imposées par la loi ou le règlement, à l'évidence, c'est du temps de travail, sinon il doit y avoir des contreparties prévues par une convention sous forme de temps ou sous forme pécuniaire. Ainsi, nous serions capables de traiter le secteur où véritablement cela pose problème, c'est-à-dire le secteur agro-alimentaire, ainsi que l'a évoqué tout à l'heure M. Cazeau.
Je terminerai en disant que, dans les secteurs où le port d'une tenue spécifique pour des raisons d'hygiène stricte nécessite des changements fréquents, le problème est déjà traité et, qu'en règle générale, l'habillage est considéré comme du travail effectif ; mais c'est la négociation qui le prévoit.
Je le dis très simplement, le texte, aujourd'hui, n'est sans doute pas satisfaisant à 100 %. Il constitue une avancée certaine, mais il pose des problèmes dans certains secteurs. Je me propose de continuer à y travailler, à la fois avec vous-même et avec les députés, pour que nous parvenions, je l'espère, au cours de la navette, à une rédaction qui protège les salariés sans créer de difficultés dans certains secteurs, remettant ainsi en cause, d'ailleurs, des accords déjà signés.
Je ne pourrai donc pas être favorable aux amendements tels qu'ils sont rédigés, mais je suis consciente des difficultés et prête à trouver avec vous-mêmes une solution.
M. le président. Sur l'article 1er ter, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 59, M. Lassourd propose de supprimer l'article 1er ter.
Je suis tout d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission.
L'amendement n° 60 est présenté par MM. Gournac, Esneu et Marini.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 1er ter pour le dernier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail :
« Le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires ou par le règlement intérieur ou par le contrat de travail, est rémunéré selon des modalités fixées par convention ou accord collectifs de travail. »
En outre, je suis saisi d'un sous-amendement n° 148, déposé par MM. Chérioux et Gournac, et tendant à compléter, in fine, le texte proposé par l'amendement n° 7 par les mots : « , lorsque cet habillage et ce déshabillage doivent s'effectuer sur le lieu de travail en vertu des textes précités ».
Enfin, par amendement n° 49, MM. Deneux, Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent :
I. - De compléter, in fine, le texte présenté par cet article pour le dernier alinéa de l'article 212-4 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas visés par cet article les temps d'habillage et de déshabillage liés à des objectifs d'hygiène, d'asepsie et de sécurité. Ces temps pourront faire l'objet d'une rémunération par voie conventionnelle ou, à défaut, d'une pause portée de vingt à trente minutes par poste de travail. »
II. - En conséquence, à la fin du premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : « est ainsi rédigé » par les mots : « est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés : » ».
La parole est à M. Lassourd, pour défendre l'amendement n° 59.
M. Patrick Lassourd. Il n'est pas facile de défendre un amendement qui a déjà reçu un début de réponse. Néanmoins, je dirai pourquoi je propose de supprimer l'article 1er ter : tel qu'il est rédigé, l'article n'est pas du tout satisfaisant.
Il évoque, d'abord, le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses - et c'est bien formulé - qui sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque « le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives ».
Il faudra faire une distinction : en effet, de très nombreuses entreprises possèdent un restaurant d'entreprise qui permet aux salariés de se restaurer aux heures normales de repas. Ces restaurants d'entreprises sont, en définitive, une facilité offerte par les entreprises aux salariés. Que je sache, il y a une autonomie complète de ces salariés pendant ces temps de restauration. Ils ne sont pas sous la dépendance et sous la subordination du chef d'entreprise ; ils prennent simplement leur repas dans un lieu à l'intérieur de l'entreprise mais, pendant ce temps, ils sont libres de faire ce qu'ils veulent. Cette distinction doit être prise en compte sinon il y aura des dérapages.
Le second point que je veux souligner concerne les temps d'habillage. Permettez-moi de citer un exemple que j'ai déjà évoqué dans la discussion générale. Il s'agit d'un abattoir situé dans mon département, qui plus est dans ma commune. Les temps d'habillage et de déshabillage - il y a quatre changements par jour - requièrent quarante minutes. Si vous y ajoutez les temps de pause réglementaire, nous parvenons à une heure par jour et par salarié. Si vous prenez en compte les pauses et l'habillage dans le temps de travail effectif, le temps de travail est réduit non pas de 39 à 35 heures mais de 39 à 30 heures.
Cette entreprise a été rachetée voilà quatre ans et son compte d'exploitation n'est équilibré que depuis quelques mois. Je vous demande donc, madame le ministre, comment elle va faire pour s'en sortir.
J'ai bien écouté tous les arguments qui ont été avancés sur l'habillage, notamment pour des raisons d'hygiène et de sécurité. Disney n'est pas seul en cause ; il y a aussi les abattoirs !
Certes, on pourrait considérer que l'habillage, c'est du temps de travail effectif, que les salariés sont à la disposition de l'employeur, mais soyons pragmatiques. En effet, si l'on réduit le temps de travail effectif de 39 à 30 heures dans une entreprise qui équilibre à peine ses comptes d'exploitation et qui a une faible valeur ajoutée, je me demande comment elle va s'en sortir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur le président, avec votre autorisation, je commencerai par un propos tout à fait général.
En toute chose, il faut raison garder. Nous sommes vraiment dans le domaine de la négociation collective. De ce fait, comment voulez-vous que nous prévoyions tous les cas qui vont se présenter et que nous les réglions par un amendement ou par un article d'une loi ?
Pensez-vous que l'on va pouvoir répondre aux besoins des personnes qui travaillent dans le secteur de la cosmétologie, dans l'alimentaire ou l'agro-alimentaire ? Pensez-vous que l'on puisse faire la différence entre le soudeur qui porte des guêtres pour protéger ses vêtements personnels sans y être obligé et celui qui doit porter des habits spéciaux parce qu'il soude en l'air ?
Pensez-vous que les peintres de l'industrie automobile et les personnes qui travaillent dans le nucléaire ont les mêmes problèmes ? Et je ne parle pas de Mickey, puisqu'on a qualifié ce texte d'amendement « Mickey », ni de toute sorte de situations que l'on ne peut pas imaginer depuis notre banc.
Il est illusoire de penser que nous puissions régler tous ces problèmes ! Il nous faut faire preuve d'une grande humilité et reconnaître que l'on ne peut prévoir qu'un cadre, que l'on doit laisser aux partenaires sociaux la possibilité de résoudre les cas particuliers.
J'en viens à la présentation de l'amendement n° 7 qui dispose : « Le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires ou par le règlement intérieur ou par le contrat de travail, est rémunéré selon des modalités fixées par convention ou accord collectifs de travail. »
Voilà l'esprit dans lequel nous travaillons. L'article 1er ter modifie l'article L. 212-4 du code du travail relatif à la définition du travail effectif, en prévoyant que le temps nécessaire à la restauration, le temps des pauses, le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage constitue du travail effectif quand le salarié reste à la disposition de l'employeur.
Votre commission considère que le premier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail est suffisamment précis pour régler les questions relatives au temps de restauration et aux pauses.
Elle vous propose donc de rédiger à nouveau cet article pour retenir le principe selon lequel le temps d'habillage et de déshabillage ne constitue pas du temps de travail effectif, mais est rémunéré selon des modalités qui sont fixées par une convention ou par un accord collectif de travail. Il faut laisser aux partenaires sociaux leurs responsabilités et tenir compte de leur connaissance du terrain. Il nous faut nous en tenir là. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 148.
M. Jean Chérioux. Nous sommes tout à fait d'accord sur le fond : c'est à l'évidence au niveau des relations contractuelles que ce problème doit être réglé. On ne voit pas comment le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire peuvent connaître tous les problèmes. Seuls les gens de terrain peuvent définir les conditions dans lesquelles doit s'appliquer ce texte.
Cela dit, il est bien évident également que cet article L. 212-4 du code du travail date de 1942, ainsi que l'a souligné, à très juste titre, notre collègue M. Mélenchon.
Il ne semble pas nécessaire de rester dans le cadre d'une législation qui date de l'époque de la Charte du travail, d'autant que les choses ont bien changé depuis.
Il n'en demeure pas moins que nous ne devrons pas non plus ouvrir la porte trop grand en ce qui concerne les possibilités d'adaptation. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons compléter l'amendement n° 7 de la commission : les opérations d'habillage et de déshabillage doivent s'effectuer sur le lieu de travail.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre l'amendement n° 60.
M. Alain Gournac. Cet amendement, identique à celui de la commission, a été brillamment défendu voilà quelques instants par M. le rapporteur.
Il correspond à une attente très forte de beaucoup de salariés. En effet, certains d'entre eux passent, notamment dans le nucléaire, près de cinq heures par semaine à s'habiller et à se déshabiller pour obéir à des règles de sécurité. Ce temps d'habillage et de déshabillage fait partie intégrante de leur activité professionnelle et il est souhaitable que ce temps puisse être rémunéré.
M. le président. La parole est à M. Deneux, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Marcel Deneux. Nous avons déjà beaucoup parlé de ce problème et je pense qu'il correspond à des situations vécues sur le terrain. Il s'agit, comme l'a dit Mme le ministre à l'instant, de trouver une réponse dans le secteur des entreprises agroalimentaires pour lesquelles le passage trop brutal de 39 à 30 heures est insupportable pour leur compte d'exploitation.
Mon amendement apporte une solution de transition qui mériterait d'être retenue, d'autant qu'elle permettrait d'autres avancées sociales dans les années qui viennent.
Je dois ajouter que, dans certaines entreprises que je connais, lors des négociations qui ont eu lieu aboutissant à des accords qui s'appliquent au 1er octobre, les syndicats n'avaient pas étudié ce problème, qui devait sans doute ne pas leur paraître essentiel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 59, 60 et 49, ainsi que sur le sous-amendement n° 148 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour ce qui est de l'amendement n° 59, présenté par M. Lassourd, les justifications apportées à la suppression de l'article 1er ter sont réelles, nous l'avons bien senti.
Néanmoins, la commission a préféré réécrire cet article plutôt que de le supprimer, et ce afin d'encourager l'Assemblée nationale à modifier sa position en excluant le temps d'habillage et de déshabillage du temps de travail effectif.
Je souhaiterais donc, si toutefois cela ne lui coûte pas trop, que notre collègue veuille bien retirer son amendement car, personnellement, je ne souhaite pas que l'article 1er ter soit supprimé.
La commission n'a pas pu examiner le sous-amendement n° 148, sur lequel j'exprimerai, une position qui est personnelle.
M. Jean Delaneau, président de la commission. ... et partagée par le président de la commission !
M. Louis Souvet, rapporteur. Ce sous-amendement complète la rédaction de l'article 1er ter que propose la commission, afin de tenir compte du fait que certains habillages et déshabillages ne sont pas effectués sur le lieu de travail et ne doivent pas être nécessairement rémunérés. J'y suis favorable.
Quant à l'amendement n° 60, il est satisfait. Je souhaiterais donc que mes collègues veuillent bien le retirer au bénéfice de celui de la commission.
S'agissant de l'amendement n° 49, M. Huriet a reconnu ce matin, lors de la réunion de la commission, que nous avions respecté l'esprit de son amendement. En conséquence, je lui demanderai de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Lassourd, l'amendement n° 59 est-il maintenu ?
M. Patrick Lassourd. Je vais retirer cet amendement, compte tenu de l'intervention du rapporteur et des propos de Mme le ministre, qui semble accepter de considérer que cet article 1er, tel qu'il est formulé, pose des problèmes. Il faudra certainement affiner la rédaction de cet article de façon à le rendre applicable.
M. le président. L'amendement n° 59 est retiré.
Monsieur Gournac, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. J'adopte la même position que M. Lassourd et je retire l'amendement.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je vous en remercie.
M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.
Monsieur Deneux, l'amendement n° 49 est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux. Compte tenu des propos de M. le rapporteur et de la réponse engagée de Mme le ministre, je retire mon amendement afin de faciliter la recherche d'une solution.
Je voudrais par ailleurs dire à M. Mélenchon qu'il n'est pas normal que le législateur s'occupe de ce genre de détails...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce ne sont pas des détails !
M. Marcel Deneux. Je serais donc heureux, mon cher collègue, que le législateur que vous êtes visite de temps en temps des entreprises agroalimentaires pour voir où nous en sommes aujourd'hui.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais je le fais !
M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7 et sur le sous-amendement n° 148 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je salue le travail accompli par la commission pour essayer de régler le problème qui a été soulevé par de nombreux orateurs. Toutefois, comme je l'ai dit, je ne peux donner un avis totalement favorable à cet amendement.
Je pense, en effet, que, dans certains cas, pour des raisons de sécurité liées à une réglementation, le désamiantage par exemple, ou dans des centres de loisir, pour prendre un exemple totalement différent, ou quand les tenues sont imposées en raison travail, il faut que la rémunération soit de même nature que lors du travail effectif ; même si je comprends qu'on ne veuille pas décompter le temps d'habillage et de déshabillage dans le temps de travail pour ne pas franchir des seuils, notamment celui des heures supplémentaires.
Dans le même esprit, je ne peux évidemment pas être favorable au sous-amendement n° 148, qui porte sur l'amendement n° 7. Je partage toutefois l'avis de M. Chérioux lorsqu'il dit que cet habillage ou ce déshabillage doit s'effectuer sur le lieu de travail.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 148, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Considérant, à juste raison, que la définition du temps de travail effectif - référence incontournable permettant de calculer la durée légale du travail et, par conséquent, sa rémunération - est une question centrale conditionnant, en partie, la réussite des trente-cinq heures, les députés de la gauche plurielle ont proposé en première lecture de préciser ce qui doit être considéré comme du temps de travail effectif.
Déjà, lors de l'examen de la première loi, en décidant que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, nous avions fait un grand pas.
En effet, avant cela, seule la jurisprudence nous éclairait sur cette définition, puisque l'article L. 212-4 du code du travail considérait comme n'étant pas du temps de travail effectif, « le temps nécessaire à l'habillage ou casse-croûte et aux temps d'inaction ».
Notons toutefois que les usages internes aux entreprises pouvaient être différents.
Pour autant, tout n'était pas réglé car, en maintenant cette ancienne disposition du deuxième alinéa de l'article L. 212-4, contradictoire avec le premier alinéa de ce même article, la loi a permis à certains employeurs, peu scrupuleux, de décider que désormais, les salariés étant libres de leurs mouvements pendant les pauses, ces dernières seraient exclues de l'horaire de référence.
Ainsi, mes chers collègues, en décomposant les temps de pause, en évacuant certains congés exceptionnels, des accords ont permis aux entreprises concernées de se rapprocher des trente-cinq heures. C'est le cas, par exemple, dans la grande distribution.
Afin d'éviter qu'à l'avenir de tels abus ne se reproduisent, l'alinéa incriminé a été réécrit. Il est désormais acquis que les périodes de pause, de restauration sont incluses dans le temps de travail effectif, qui comprend aussi le temps d'habillage et de déshabillage lorsque le port d'une tenue est obligatoire.
Manifestement, cette avancée importante contrarie la commission des affaires sociales, et nos collègues de la majorité sénatoriale ne tiennent pas à ce que la question relative à la restauration et aux pauses puisse être réglée législativement, comme l'a rappelé très clairement à l'instant notre collègue Marcel Deneux.
Selon eux, la définition actuelle du code est assez précise ! Je crois avoir démontré que c'était loin d'être le cas, beaucoup de négociations butant sur cet aspect.
La rédaction de cet article proposée par M. le rapporteur est circonscrite au seul temps d'habillage, qui sera rémunéré selon des conditions fixées conventionnellement.
A l'évidence, cela n'apporte rien, mais je pense surtout, comme mon collègue Jean-Luc Mélenchon, que c'est une menace pour la réduction effective du temps de travail, pour la création d'emplois.
Cette menace est renforcée par le fait que, contrairement à la première loi, les aides ne seront plus désormais conditionnées à un mode constant de décompte de l'horaire collectif !
Résolus à écarter toute disposition contrevenant à la réalisation des objectifs susvisés, nous voterons contre l'amendement présenté par la commission.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Voilà un sujet extrêmement sensible à propos duquel nous nous rendons bien compte, à travers les interventions des uns et des autres, qu'il n'est pas si évident que cela de légiférer, qu'il n'est pas si facile de trouver la rédaction adaptée à la situation très diverse de chacune des entreprises, comme l'a souligné très justement notre rapporteur. En tout cas, il est un point sur lequel nous avons adopté une position constante, qui diverge sensiblement de celle du Gouvernement et de la majorité plurielle : nous souhaitons privilégier la voie conventionnelle ou les accords d'entreprise par rapport à la réglementation ou la législation.
Je crois qu'à la fois dans les syndicats, le personnel des entreprises, parmi les employeurs mais également dans les milieux administratifs politiques et publics, chacun se plaît à reconnaître aujourd'hui que le poids de l'administration ou de la réglementation devient tellement pesant qu'il finit parfois par paralyser une partie de notre économie.
M. le rapporteur, avec bon sens, propose que soient privilégiés, pour ce qui concerne la définition du temps de travail, les accords et la voie conventionnelle. La sagesse serait à mon sens de suivre la position de la commission des affaires sociales.
Permettez-moi, mes chers collègues, de relever, dans l'argumentation développée tout à l'heure par M. Mélenchon, le caractère quelque peu réducteur de son analyse. En effet, il a situé le débat par rapport à des dispositions législatives qui sont anciennes. Tout à l'heure, notre collègue Jean Chérioux, lui, a fait référence à des dispositions qui datent de 1942.
Il ne faut pas oublier - je pense que notre collègue M. Mélenchon voudra bien le reconnaître - que notre société a évolué depuis, de même que l'état d'esprit des salariés, comme celui des employeurs.
En définitive, lorsque les employeurs veulent déduire du temps de travail effectif les pauses consacrées au casse-croûte ou à l'habillage, lorsqu'ils cherchent à rémunérer le temps de travail effectif, c'est non pas tant pour en tirer profit pour eux-mêmes ou pour leur entreprise, que pour contribuer à l'amélioration de la compétitivité de celle-ci et en faire profiter le consommateur.
En effet, dans cette affaire, l'employeur n'est pas seul à trouver un intérêt au paiement du temps de travail effectif et à faire valoir au mieux la productivité de l'entreprise. Au début de la chaîne, l'entreprise cherche peut-être à améliorer sa compétitivité et à bien se situer sur le plan économique aux niveaux national, européen et international, mais, finalement, au bout de la chaîne, c'est tout de même le consommateur qui, grâce aux prix pratiqués, profite du résultat des négociations.
Enfin, je ne polémiquerai pas sur le sujet, puisque le débat a été tout à fait constructif et que chacun a développé des arguments qui se justifient parfaitement.
Au demeurant, il est un point sur lequel un consensus général semble se dégager au sein de notre assemblée : le temps d'habillage rendu nécessaire par la nature de la fonction du salarié dans l'entreprise - on a parlé des centrales nucléaires - doit entrer dans le temps de travail et faire l'objet d'une rémunération. Mais nous pensons que cela interviendra très naturellement par la voie conventionnelle, dans une négociation qui sera menée entre l'employeur et les salariés. Ce serait vraiment faire un procès d'intention aux partenaires sociaux que de penser qu'en l'absence de dispositions précises dans un texte législatif ou réglementaire le personnel de l'entreprise ne sera pas rémunéré pour le temps de travail qu'il consacre à l'habillage ou au déshabillage pour des raisons sanitaires.
Ne réglementons pas trop ; laissons suffisamment de souplesse pour que l'entreprise, les salariés, mais également le consommateur, chacun y trouve son compte.
Telle est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de la commission, sous-amendé.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai eu l'occasion d'expliquer assez largement mon point de vue sur cette question ; je n'y reviendrai pas. J'ai écouté, comme tout le monde, avec beaucoup d'attention, l'échange qui a eu lieu sur un point extrêmement important de cette loi, nous en convenons tous.
Je tiens tout d'abord à féliciter M. Vasselle pour sa démonstration claire, brillante et empreinte d'une certaine malice ; c'est en effet la première fois que j'entends développer l'argument selon lequel la gratuité du travail effectué profiterait au consommateur. C'est une trouvaille qu'il faut saluer !
Je crains que le partage de la valeur du travail gratuit ne s'opère pas de façon unilatérale en direction du seul consommateur. (Sourires sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Redoutez, monsieur Vasselle, d'être pris en défaut. Je crains en fait que cela ne participe aux profits de l'entreprise.
M. Jean Chérioux. Il y a la concurrence !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne polémique pas à cette heure ; je musarde pour être agréable à mes collègues.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Ce n'est pas l'heure de musarder !
M. Jean-Luc Mélenchon. On n'est pas obligé d'être triste dans une discussion sénatoriale !
Il est vrai, mes chers collègues, que l'interprétation du code tel qu'il était rédigé jusque-là permettait d'en avoir une approche restrictive ou une approche un peu plus large. Pour finir, lorsque le conflit éclatait, c'est devant les conseils de prud'hommes que l'affaire se tranchait. Tout dépendait, direz-vous, de l'état de consensus dans l'entreprise ; je dirai, moi qui suis plus traditionnel, du rapport de force. L'interprétation dépendait en fait beaucoup des individus, de leur âpreté aux gains et de leur sensibilité à la peine d'autrui.
La nouvelle rédaction tranche dans un sens. Je ne dis pas que cela ne soulève aucune difficulté. Nous avons décelé, pendant les négociations qui ont eu lieu, une certaine propension dans les entreprises ou les branches à vouloir faire passer pour du temps de loisir ce qui jusqu'ici avait été conquis comme du temps de pause pris en compte dans le travail effectif. De la sorte, à partir d'une loi que l'on voulait progressiste, qui devait donner plus de temps libre, on aboutissait à une situation telle que des salariés apprenaient qu'ils étaient déjà en dessous des 35 heures.
C'est ainsi que, dans un certain nombre d'entreprises, tous les temps de pause, tous les temps morts ont été pris en compte pour qu'il soit dit finalement aux salariés : « Mais vous ne faites déjà que 35 heures ! »
Dans l'entreprise Michelin, par exemple, d'une manière inacceptable, les gens ont appris qu'ils étaient déjà à 35 heures ; les malheureux ne le savaient pas !
La constation de cette situation a renforcé notre volonté d'être plus normatif.
Les discussions de notre assemblée ont une très grande importance, de la lecture de nos débats dépend l'interprétation qui sera faite de la loi telle qu'elle va résulter de la navette entre les deux assemblées. Il faut donc bien marquer ce point : à aucun moment, dans notre assemblée, il n'a été dit que les temps de pause, tous ces temps que l'on va baptiser de « temps morts » - on a bien décrit lesquels - n'étaient pas du temps de travail effectif.
Les partisans de la version la plus ouverte de la définition ont précisé ce point et ceux de la version que vous appelez la plus « fermée », dont je suis, ont concédé que la réglementation ne règle pas tous les problèmes.
En tout cas, ce qui vient de se passer ici est très important. En cela, je diverge légèrement de l'analyse que faisant à l'instant notre collègue du groupe communiste : une évolution a eu lieu. M. Chérioux disait tout à l'heure que la situation avait changé depuis 1942. Qui songerait à dire le contraire ? Certainement pas moi, et heureusement qu'elle a changé. Mais les propos que vous venez de tenir, chers collègues, marquent encore une évolution dans l'analyse qui est faite du temps de travail effectif. Nous divergeons seulement sur la manière d'y arriver. Vous voulez vous en remettre à la négociation et à la convention. Cela se comprend. Ce point de vue est cohérent. Je m'en tiens, pour ma part, à l'ordre public social. Je préfère qu'on prenne des précautions en instaurant la contrainte dans la loi. On verra à la fin quel équilibre sera trouvé et, madame le ministre, je ne veux surtout pas rendre votre tâche plus difficile puisque plusieurs collègues ont retiré leur amendement pour faciliter un arbitrage.
Quoi qu'il en soit, nous sommes tous d'accord pour décrire ce qu'est dorénavant le temps de travail effectif. Nous ne divergeons que sur le moyen de le constater.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai bien évidemment l'amendement n° 7. Notre collègue Bernard Cazeau, lorsqu'il s'est exprimé sur l'article 1er ter , a souhaité qu'une solution consensuelle puisse être trouvée au cours des prochaines lectures. Sa position a d'ailleurs été soutenue par Mme le ministre.
Mais il semble oublier que le projet de loi est déclaré d'urgence, ce que nous ne pouvons que regretter. Peut-être le Gouvernement pourra-t-il présenter un amendement au cours de la dernière lecture à l'Assemblée nationale ou au Sénat de façon à tenir compte de ce début de rapprochement entre les points de vue des uns et des autres.
Par ailleurs, je constate que notre collègue M. Mélenchon est très consensuel ce soir, ce qui me fait grand plaisir. Mais je constate aussi qu'il est bien pessimiste et qu'il est encore très marqué par l'esprit de la lutte des classes, qui se comprenait au xixe siècle. Il semble avoir oublié que la société française a heureusement évolué, que les syndicats ont pris de l'importance, que le mouvement ouvrier s'est développé, qu'il en est résulté un certain développement des conventions collectives, au sein desquelles bien des points ont été traités.
J'ai été choqué qu'il ait l'air de considérer que les syndicats et les représentants du personnel n'étaient peut-être pas toujours en état de négocier valablement ; c'est leur faire injure et je ne le suivrai pas sur ce point.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er ter , ainsi modifié.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater