Séance du 3 novembre 1999
M. le président. « Art. 1er quater . - L'article L. 212-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat. Ces périodes ne constituent pas du temps de travail effectif mais peuvent être rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs. »
Par amendement n° 8, M. Souvet, au nom de la commission, propose, après la première phrase de l'alinéa présenté par cet article pour compléter l'article L. 212-4 du code du travail, d'insérer la phrase suivante : « En l'absence d'un tel décret, une convention ou un accord de branche étendus ou un accord d'entreprise peut prévoir une durée d'équivalence par dérogation aux dispositions du premier alinéa. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 71 est présenté par M. Michel Mercier, les membres du groupe de l'Union centriste et M. Taugourdeau.
Le sous-amendement n° 91 rectifié est déposé par MM. Chérioux, Gournac et Taugourdeau.
Tous deux tendent, dans le texte proposé par l'amendement n° 8, après les mots : « convention ou un accord de branche étendus », à insérer les mots : « ou une convention collective nationale agréée ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de légaliser, s'agissant des horaires d'équivalence, les solutions jurisprudentielles consacrées depuis deux ans par la Cour de cassation, notamment à travers un arrêt du 29 juin 1999, qui considère l'équivalence conventionnelle comme une dérogation. Cette équivalence peut, en conséquence, résulter soit d'une convention ou d'un accord de branche étendus, soit d'un accord d'entreprise non frappé d'opposition.
L'article 1er quater valide le principe des équivalences mais en en limitant le champ à des cas prévus par décret.
Nous proposons de prévoir qu'en absence d'un tel décret une convention ou un accord de branche étendus ou un accord d'entreprise peut prévoir une durée d'équivalence par dérogation.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour défendre le sous-amendement n° 71.
M. Michel Mercier. Ce sous-amendement vise à prendre en compte la situation spécifique du secteur sanitaire et social à but non lucratif.
En effet, dans ce secteur, un seul accord étendu existe, celui de l'UNIFED, qui couvre un champ si vaste et des activités si diverses qu'il ne saurait apporter une définition suffisamment précise concernant ce qui pourrait être considéré comme un régime d'équivalence.
Le niveau de l'entreprise apparaît comme trop réduit. Le niveau des conventions collectives agréées, qui regroupent les établissements par activité, est donc celui qui nous semble le plus pertinent pour la définition d'un régime d'équivalence.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 91 rectifié.
M. Jean Chérioux. Chacun l'a compris, ce sous-amendement ressemble comme un frère au sous-amendement n° 71, que vient de présenter M. Michel Mercier, et c'est, bien entendu, pour les raisons qui ont été exposées par notre collègue voilà quelques instants que nous avons, nous aussi, déposé ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements identiques n°s 71 et 91 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je me permettrai de dire à M. Chérioux qu'il s'agit non pas d'un frère mais d'un clone ! (Sourires.)
La commission a émis un avis favorable sur les deux sous-amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 et sur les sous-amendements n°s 71 et 91 rectifié ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Aujourd'hui, la possibilité d'instaurer un régime d'équivalence résulte de l'article L. 212-4, alinéa 2, qui indique qu'un tel régime peut être mis en place par décret.
La validité des horaires d'équivalence par la voie conventionnelle a été admise de longue date par la Cour de cassation pour l'accord de branche étendu. Elle l'a admis pour l'accord d'entreprise dans un arrêt de juin 1999. Toutefois, cela me paraît poser un problème. En effet, la règle générale veut que toute heure de travail soit considérée comme une heure de travail effective et décomptée comme telle. Seules les spécificités de certains secteurs ont amené à reconnaître l'équivalence entre les horaires de travail et des horaires de travail effectif, et la notion de spécificité est ici très importante.
Au demeurant, notre pays connaît une réduction du nombre d'équivalences, voire leur suppression dans certain nombre de secteurs, et nous nous en réjouissons. Il convient, selon moi, que le mouvement continue en ce sens.
C'est la raison pour laquelle je suis totalement défavorable à ce que, par simple accord d'entreprise, il soit possible de mettre en place des équivalences, ce qui peut entraîner non seulement un certain nombre de risques pour les salariés mais aussi des distortions de concurrence. Je persiste à considérer que la notion d'équivalence est liée à certaines spécificités et que le régime d'équivalence doit être négocié au niveau adéquat, celui de la branche.
Le texte voté par l'Assemblée nationale précise que ce régime est institué par décret lorsqu'il existe un accord de branche ou, à défaut d'accord de branche, par décret en Conseil d'Etat. Il convient de s'en tenir là si nous souhaitons à la fois maintenir une protection pour les salariés et éviter des distorsions de concurrence.
En ce qui concerne le secteur sanitaire et social, l'agrément vise essentiellement le contrôle de l'équilibre financier d'un accord.
Rien n'empêche un accord signé dans le secteur sanitaire et social d'être par ailleurs étendu et donc de prévoir des équivalences qui soient reconnues par décret.
Par conséquent, le fait de m'opposer à l'amendement n° 8 et aux sous-amendements ne signifie pas que j'exclue le secteur sanitaire et social des possibilités d'équivalence. Mais n'utilisons pas la procédure de l'agrément financier pour tirer des conséquences juridiques comme on peut le faire avec un arrêté d'extension et un décret.
M. le président. Je vais mettre aux voix les sous-amendements identiques n°s 71 et 91 rectifié.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Comme l'a dit Mme la ministre, l'agrément a un caractère financier, mais c'est justement pour cette raison qu'il est important pour les associations : il leur est indispensable en ce qu'il leur apporte pratiquement la certitude d'obtenir les financements dont elles ont besoin pour exister. Tant qu'il n'y a pas d'agrément, elles ne sont pas certaines de pouvoir équilibrer leur budget.
Je pense donc qu'il est bon de faire référence à l'agrément : cela donne une certaine garantie aux associations, qui ne peuvent vivre sans que les collectivités publiques assurent le financement de leur activité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les sous-amendements identiques n°s 71 et 91 rectifié, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.
(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Introduit à l'Assemblée nationale, l'article 1er quater précise les conditions dans lesquelles un régime d'équivalence peut être mis en place.
La démarche visant à limiter au maximum la possibilité de recourir à cette notion d'équivalence est importante car, dans certains secteurs tels que l'hôtellerie, cela représente des durées considérables qui ne sont pas considérées et rémunérées comme du travail effectif. L'enjeu est donc de taille.
La commission des affaires sociales considère que la rédaction actuelle, en soumettant à un décret pris après une convention ou un accord de branche étendu ou à un décret en Conseil d'Etat l'institution de tels régimes, encadre trop strictement ces régimes dérogatoires et elle nous propose qu'un simple accord d'entreprise suffise.
C'est dire, chers collègues, combien vous tenez aux équivalences telles qu'elles pourraient être pratiquées aujourd'hui du fait d'évolutions jurisprudentielles et qu'il ne vous déplairait pas que l'on puisse aller plus loin. Vous êtes nostalgiques du temps où ces équivalences étaient la règle dans le commerce ou dans le secteur du nettoiement.
Vous savez pourtant que, légalement, une horaire d'équivalence suppose l'existence d'un décret ministériel.
Vous savez aussi que ces précisions sont actuellement nécessaires, simplement parce que les constructions jurisprudentielles récentes de la Cour de cassation - l'arrêt Auffère du 29 juin dernier - ont singulièrement étendu les possibilités d'instauration de ces équivalences.
En proposant de légaliser les solutions jurisprudentielles, en ouvrant la négociation de régimes d'équivalence au niveau de l'entreprise, c'est vous qui allez trop loin sur la voie dangereuse du travail gratuit.
C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er quater , ainsi modifié.
(L'article 1er quater est adopté.)
Article 1er quinquies