Séance du 17 novembre 1999







« I. - Après le cinquième alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les frais de recouvrement, calculés à proportion des cotisation dues, sont à la charge des employeurs. »
« II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 241-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des frais de recouvrement, calculés à proportion des cotisations dues, sont mis à la charge des employeurs. »
« III. - a) Dans le premier alinéa de l'article L. 241-5 du même code, après les mots : "cotisations dues", sont insérés les mots : "et les frais de recouvrement".
« b) En conséquence, au début de la seconde phrase du même alinéa, les mots : "Elles sont assises" sont remplacés par les mots : "Ils sont assis". »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement s'intègre dans la conception globale que nous proposons concernant les cotisations sociales des entreprises. Il porte très précisément sur le coût de recouvrement des cotisations dues par les entreprises.
Dans les faits, la mise en oeuvre des missions des unions de recouvrement a un coût dont on est bien obligé de tenir compte.
Le fait de contrôler les déclarations des entreprises assujetties, de mettre les assujettis en situation de payer effectivement leur dû constituent autant d'actes générateurs de charges de gestion pour les unions de recouvrement.
Nous proposons donc, avec cet amendement, de procéder à la mise en place d'un système qui permette à la fois, comme cela existe déjà pour la plupart des impôts directs ou pour les contributions sociales que perçoit, pour le compte des organismes sociaux, le Trésor public, de faire face, même symboliquement, aux charges de gestion des organismes de recouvrement et de pallier les insuffisances temporaires de règlement des cotisations dues par les entreprises assujetties.
Cet amendement a donc pour objectif d'assurer une plus grande permanence et une meilleure lisibilité des recettes de la protection sociale et d'obliger les entreprises à assumer leurs responsabilités en matière de financement.
M. le président. Quel est l'avis de la commision ?
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement vise, c'est clair, à mettre à la charge des entreprises les frais de recouvrement des cotisations sociales. Il s'agit, là encore, de leur imposer une charge nouvelle. Pourtant, le taux de recouvrement de ces cotisations est excellent : il est bien meilleur que celui des impôts !
Le taux des restes à recouvrer - les cotisations qui ne rentrent pas spontanément au cours d'une année - était de 1,24 % en 1998, contre 1,38 % en 1997, et il n'est plus aujourd'hui que de 0,72 %.
L'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, fait un excellent travail, et je crois que mettre à la charge des employeurs les frais de recouvrement reviendrait à alourdir les cotisations supportées par les entreprises.
Je ne vois pas très bien quel intérêt celles-ci auraient à s'acquitter en temps et en heure de leurs obligations sociales puisqu'elles devraient de toute façon régler les frais de recouvrement. J'ai donc peur, madame Borvo, que votre amendement n'aille à l'encontre de l'objectif visé.
Je voudrais répéter ici, en tant que président du conseil de surveillance de l'ACOSS, que les URSSAF effectuent un travail difficile, compte tenu notamment de la complexité croissante, des différents dispositifs d'exonération, et que, lors de chaque réunion du conseil de surveillance, on me demande de plaider pour la simplification des processus de recouvrement. Mais cela est un autre débat.
En tout état de cause, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais d'abord dire qu'en vertu des principes qui régissent le recouvrement des cotisations de sécurité sociale les employeurs sont bien sûr responsables du versement à la bonne date des cotisations dont ils sont redevables, mais que, lorsqu'ils ne s'acquittent pas de leurs obligations, ils doivent supporter l'ensemble des frais de procédure exposés par l'URSSAF pour obtenir le paiement de sa créance.
En revanche, lorque l'on recourt non pas à la voie contentieuse, mais simplement à une demande administrative de recouvrement, ce qui fait effectivement partie du travail des URSSAF, l'adoption de l'amendement soulèverait une difficulté, car soit on fait payer les seules entreprises qui sont en retard dans le versement de leurs cotisations, ce qui rend plus complexe encore le travail des URSSAF, soit on fait payer tout le monde, ce qui risque d'entraîner un effet pervers, que M. le rapporteur vient de souligner.
Je voudrais par ailleurs dire, comme les chiffres qui viennent d'être rappelés en témoignent, que des efforts importants ont été accomplis et que le recouvrement des cotisations sociales est bien meilleur que celui des impôts d'Etat.
Je ne suis pas sûre que cette proposition permette d'améliorer encore le rendement du recouvrement. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 110, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Alain Joyandet. La majorité plurielle est divisée !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La richesse naît de la diversité !
Mme Nicole Borvo. La diversité fait parfois avancer les choses... Mais pas toujours !
M. Dominique Braye. Pas souvent pour vous !
M. Hilaire Flandre. Même motif, même punition !
M. le président. Par amendement n° 111, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre IV du Livre II du code de la sécurité sociale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L... - Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation des rémunérations telles que définies à l'article L. 242-1 par rapport à la valeur ajoutée globale. Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, informés de ce rapport, pourront en contrôler l'application. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. La question essentielle du financement pérenne de notre système de sécurité sociale est directement posée par ce projet de loi.
Ce projet, tel qu'il est, en liaison avec la réduction du temps de travail, prévoit des exonérations de cotisations fondées sur l'idée que le coût du travail est excessif pour des entreprises à fort coefficient de main-d'oeuvre, il met donc en place un abaissement du coût du travail.
Comme vous le savez, nous pensons que cette conception a peu d'effets sur l'emploi et qu'elle tire les salaires vers le bas.
Nous pensons en outre que la progression de la productivité par salarié a été telle ces dernières années que les entreprises ont dégagé les moyens d'assumer la réduction du temps de travail.
Un financement pérenne de la protection sociale, implique donc, à nos yeux, qu'une démarche nouvelle imprègne la conception même des ressources mises à disposition et prenne notamment en compte les conditions générales de développement de l'activité.
Nous estimons ainsi qu'il est nécessaire de procéder à une individualisation de la contribution de chaque entreprise au financement de la protection sociale, individualisation fondée sur la manière dont la valeur ajoutée créée dans le cadre de l'activité est utilisée, sur les choix, les changements opérés.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Alain Vasselle. Ça, c'est de la simplification !
Mme Nicole Borvo. Toute démarche de substitution du capital au travail serait pénalisée, puisqu'une moindre progression de la part des salaires dans l'utilisation de la valeur ajoutée serait pénalisée tandis que toute démarche de progression de la masse salariale, soit par de nouveaux emplois, soit par des revalorisations de salaires, serait validée par un allégement de la contribution au financement de la protection sociale.
Plutôt que de faire de la valeur ajoutée un élément de définition de l'assiette des cotisations sociales, ce qui pourrait avoir des effets pervers, notamment en facilitant les opérations d'externalisation des coûts, nous en faisons un élément de variation à partir de l'assiette actuelle que ce rapport tend en fait à dynamiser.
Il convient également de préciser que cette définition de la valeur ajoutée est sensiblement différente de celle qui est prise en compte pour la TVA, qui est uniquement fondée sur l'activité d'exploitation et qui néglige les utilisations purement financières, élément que nous prendrons en compte, pour notre part.
Cet amendement vise donc clairement à créer les conditions d'un financement, renouvelé dans son approche et durable dans sa définition, de notre protection sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Charles Descours, rapporteur. Depuis hier matin, Mme Aubry nous présente la création du fonds prévu à l'article 2 comme une réforme des cotisations patronales. Non seulement nous sommes contre le financement de ce fonds, mais nous considérons en outre qu'il ne s'agit pas d'une véritable réforme des cotisations patronales. De plus, comme nous demandons la suppression de l'article 2, nous n'allons pas engager un débat sur ce thème !
Le rapport Chadelat demandé par le gouvernement Juppé, d'abord, le rapport Malinvaud demandé par le gouvernement Jospin, ensuite, ont engagé la réflexion sur la réforme des cotisations patronales. Je considère en revanche que ce que vous nous avez présenté comme étant une réforme des cotisations patronales n'en est pas une, madame le ministre.
Avant de vous donner l'avis de la commission, je souhaiterais donc entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le dispositif proposé par le groupe communiste vise à moduler les cotisations patronales en fonction du rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée.
Le rapport est difficile à établir et nous ne le connaissons que douze à dix-huit mois après la fin de la période concernée. C'est la raison pour laquelle il me semble extrêmement difficile de nous fonder sur un tel critère. Je relève cependant que, nous aussi, nous l'avons étudié car nous considérions qu'il s'agissait d'un moyen de bien prendre en compte la substitution du capital au travail et les efforts réalisés par les entreprises de main-d'oeuvre.
La deuxième possibilité - M. le rapporteur l'a rappelée - était évoquée dans le rapport Chadelat, sur lequel nous avons demandé un avis à M. Malinvaud ; elle consistait à prendre en compte la valeur ajoutée comme assiette d'une partie des cotisations patronales. Pour ma part, j'y étais totalement favorable.
Je voudrais toutefois rappeler à M. le rapporteur, si je puis me le permettre, que la valeur ajoutée, c'est 55 % de salaire et 45 % autre chose. Dans ces 45 %, il y a les impôts - que nous n'allons pas taxer une seconde fois ! - il y a les amortissements - qu'il n'est pas question de taxer une seconde fois - et il y a bénéfices et les produits financiers. C'est précisément cette dernière partie de la valeur ajoutée que nous retenons avec cette taxe, qui rapportera au total, dans les quatre ans, 12,5 milliards de francs, pour élargir l'assiette des cotisations patronales.
Je me réjouis donc de vous entendre dire, monsieur le rapporteur, qu'il ne s'agit pas d'une vraie réforme des cotisations patronales. Dois-je entendre par là que vous souhaitez que nous taxions davantage les profits, et ce dès maintenant ?
M. Charles Descours, rapporteur. Voyons !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si c'est le cas, déposez un amendement et, si c'est la demande à la fois du groupe communiste républicain et citoyen et de vous-même, le Gouvernement pourrait peut-être répondre favorablement à cette demande dès cette année !
M. Guy Fischer. Chiche !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En ce qui me concerne, je considère que le Gouvernement fait un premier pas, que c'est la première fois qu'une réforme des cotisations patronales permet de taxer, premièrement, les entreprises capitalistiques qui ont en général des activités polluantes et, deuxièmement, les profits et les produits financiers.
Mme Borvo estime que c'est insuffisant. On peut le penser effectivement. En tout cas, c'est la première fois que les cotisations patronales ne sont pas assises uniquement sur les salaires.
C'est peut-être insuffisant, monsieur le rapporteur. Alors, allons plus loin ! Mais déposez un amendement pour que nous allions tous ensemble plus loin.
Je suis défavorable au critère reposant sur le rapport entre le salaire et la valeur ajoutée, même si je comprends le raisonnement de Mme Borvo et si j'en partage les objectifs.
Nous allons essayer d'atteindre le même objectif d'une autre façon. Peut-être est-ce insuffisant. Disons que c'est un premier pas.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Madame Aubry, s'il suffit que le groupe communiste républicain et citoyen et la majorité sénatoriale soient d'accord pour que le Gouvernement se rallie à leur point de vue, nous allons pouvoir en avoir une illustration tout de suite, puisque le groupe communiste a déposé, à l'article 2, un amendement tendant...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai pas dit ça ! Je suis trop prudente ! (Sourires).
M. Charles Descours, rapporteur. J'avais donc mal compris, sans doute ! Cela aurait été trop beau !
Cela étant, puisque vous êtes défavorable à cet amendement, la commission y est également défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 112 n'a donc plus d'objet.

Article 2

M. le président. « Art. 2. - I. - Il e st inséré, au titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, un chapitre Ier quater ainsi rédigé :