Séance du 17 novembre 1999







« Chapitre Ier quater

« Fonds de financement de la réforme
des cotisations patronales de sécurité sociale

« Art. L. 131-8 . - Il est créé un fonds dont la mission est de compenser le coût, pour la sécurité sociale, des exonérations de cotisations patronales aux régimes de base de sécurité sociale mentionnées à l'article L. 131-8-1 et d'améliorer le financement de la sécurité sociale par la réforme des cotisations patronales.
« Ce fonds, dénommé "Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale", est un établissement public national à caractère administratif. Un décret en Conseil d'Etat fixe la composition du conseil d'administration, constitué de représentants de l'Etat, ainsi que la composition du conseil de surveillance, comprenant notamment des membres du Parlement et des représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national. Ce décret en Conseil d'Etat fixe également les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds.
« Art. L. 131-8-1 . - Les dépenses du fonds sont constituées :
« 1° Par le versement, aux régimes de sécurité sociale concernés, des montants correspondant :
« a) A la prise en charge de l'allégement visé aux articles L. 241-13-1 et L. 711-13-1 du présent code et aux articles 1031, 1062-1 et 1157-1 du code rural au titre des dispositions correspondantes ;
« b) A la prise en charge de l'aide visée à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ;
« c) A la prise en charge de la réduction visée aux articles L. 241-13 et L. 711-13 du présent code et aux articles 1031, 1062-1 et 1157-1 du code rural au titre des dispositions correspondantes ainsi qu'au IV de l'article 1er de la loi n° 95-882 du 4 août 1995 relative à des mesures d'urgence pour l'emploi et la sécurité sociale.
« 2° Par les frais de gestion administrative du fonds.
« Les versements mentionnés aux a, b et c du 1° ci-dessus se substituent à la compensation par le budget de l'Etat prévue à l'article L. 131-7 sous réserve que cette compensation soit intégrale. Dans le cas contraire, les dispositions prévues à l'article L. 131-7 s'appliquent.
« Art. L. 131-8-2 . - Les recettes du fonds sont constituées par :
« 1° Une fraction du produit du droit de consommation prévu à l'article 575 du code général des impôts, dans les conditions fixées par la loi de finances pour 2000 ;
« 2° La contribution sociale sur les bénéfices des sociétés visée aux articles 235 ter ZC et 1668 D du code général des impôts ;
« 3° La taxe générale sur les activités polluantes prévue à l'article 266 sexies du code des douanes ;
« 4° Une fraction fixée à 47 % du produit du droit de consommation prévu à l'article 403 du code général des impôts, à l'exception du produit de ce droit de consommation perçu dans les départements de la Corse et du prélèvement effectué au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles selon les dispositions de l'article 1615 bis du même code ;
« 5° La contribution visée aux articles L. 212-5 du code du travail et 992-2 du code rural ;
« 6° Les produits non consommés de l'exercice précédent ;
« 7° Une contribution de l'Etat, dans les conditions fixées par la loi de finances.
« Les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées, dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. Le solde annuel des dépenses et des recettes du fonds doit être nul.
« Art. L. 131-8-3 et L. 131-8-4 . - Supprimés .
« Art. L. 131-8-5 . - Les frais d'assiette et de recouvrement des impôts, droits, taxes et contributions mentionnés à l'article L. 131-8-2 sont à la charge du fonds, en proportion du produit qui lui est affecté ; leur montant est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.
« Art. L. 131-8-6 . - Les relations financières entre le fonds et les organismes de protection sociale, d'une part, le fonds et l'Etat, d'autre part, font l'objet de conventions destinées notamment à garantir la neutralité en trésorerie des flux financiers pour les organismes de sécurité sociale. »
« I bis. - Dans le 2° de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, le taux : "55 %" est remplacé par le taux : "8 %".
« II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2000. Les dispositions du 4° de l'article L. 131-8-2 du code de la sécurité sociale et du I bis du présent article sont applicables aux versements effectués au profit respectivement du fonds institué à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale et du fonds mentionné à l'article L. 135-1 du même code à compter du 1er janvier 2000.
« A titre transitoire et jusqu'à la date de création du fonds institué à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, les produits mentionnés à l'article L. 131-8-2, à l'exception de ceux mentionnés au 5°, sont versés à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, et les produits mentionnés au 5° de l'article L. 131-8-2 sont centralisés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. L'agence centrale suit lesdits produits dans des comptes spécifiques ouverts à cet effet. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce que je vais dire maintenant vaudra pour les articles 2, 3 et 4.
L'amendement de suppression que nous proposons à l'article 2 est cohérent avec la position que vient d'adopter le Sénat sur le projet de loi dit de réduction négociée du temps de travail, que nous appelons projet de loi sur les 35 heures. Je rappelle que nous avons dit oui à la réduction négociée, non à la réduction imposée.
Nous pourrions rappeler de manière ironique, si nous étions méchants, les déboires rencontrés par le Gouvernement pour financer ce fonds, la théorie contestable du « recyclage », l'effrayante « logique » des « retours pour les finances publiques ». Je pourrais ajouter que le financement de ce fonds n'est pas bouclé, qu'il est porteur de dérapages futurs pour nos finances publiques, qu'il met en cause, de manière préoccupante, l'équilibre futur du fonds de solidarité vieillesse - Alain Vasselle l'a bien montré dans son intervention à la tribune hier soir.
Je vais m'attacher à expliquer que la philosophie de ce fonds est dangereuse.
Contrairement au Gouvernement, nous ne sommes pas contraints de compenser la perte de compétitivité des entreprises par des allégements supplémentaires de charges sociales, et c'est là ma réponse aux propos que vous avez tenus voilà quelques minutes, madame la ministre.
Contrairement au Gouvernement, nous estimons que la marge de manoeuvre des finances publiques ne doit pas être monopolisée par le financement des 35 heures. Il est vrai que ce n'est pas nous qui avions fait cette promesse électorale...
Contrairement au Gouvernement, nous ne sommes pas obligés de trouver n'importe quelle recette, en créant trois prélèvements supplémentaires - je ne sais pas s'il y en a douze, mais sur les trois prélèvements supplémentaires, j'espère que vous serez d'accord, tout de même - affectés à la sécurité sociale : la TGAP, la CSB et la taxe sur les heures supplémentaires. Leur coût serait de 15 milliards de francs en 2000 et de plus de 30 milliards de francs « à terme ». Ces prélèvements supplémentaires sur les entreprises, parfois sur les petites entreprises, quand il s'agit de la TGAP - voire sur les salariés - sont inacceptables.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Vous passez sous silence les allégements de charges !
M. Charles Descours, rapporteur. La commission estime que le Gouvernement commet une grave erreur - je l'ai dit dans mon intervention initiale - en opérant une confusion entre politique de l'emploi et financement de la sécurité sociale. Les crédits pour la politique de l'emploi doivent être inscrits en loi de finances : nous ne pouvons pas approuver cette débudgétisation.
Je sais que le fonds de solidarité vieillesse, qui a été créé en 1993, était une première débudgétisation - je vous donne quelques arguments au cas où vous les auriez oubliés ! Mais je vous fais confiance à cet égard.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je les ai moi-même rappelés tout à l'heure !
M. Charles Descours, rapporteur. Mais l'objet même du FSV, à savoir prendre en charge le financement des avantages vieillesse à caractère non contributif, était bien un objet de protection sociale. Aujourd'hui, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, lui, tend à diminuer le coût du travail en France : son objet est celui d'une politique d'emploi.
Par ailleurs, si l'affectation des droits sur les tabacs à l'assurance maladie peut se justifier aisément - vous l'avez d'ailleurs rappelé à la tribune - cette affectation à un fonds d'allégement de charges ne correspond à aucune logique.
Tout à l'heure, vous avez essayé de nous expliquer le contraire. Je suis d'accord quand cela va à l'assurance maladie, mais je ne suis pas du tout d'accord quand cela va à un fonds d'allègement des charges des entreprises ou des employeurs.
Je tiens à signaler, mes chers collègues, qu'il n'existe pas de « sous-affectation », dans ce fonds, d'une recette à une dépense. On ne peut pas dire, par exemple, que la TGAP et la CSB « financent l'extension de la ristourne Juppé ». Tout au plus peut-on constater, par exemple, que les recettes de la TGAP et de la CSG que le Gouvernement attend pour 2000 correspondent au coût de l'extension de la ristourne Juppé tel qu'il l'évalue.
Je tiens à rappeler qu'il n'y a pas de « réforme des cotisations patronales ». Changer l'assiette des cotisations patronales, c'était introduire un autre mode de calcul et vous y aviez pensé vous-même, en septembre 1998. Vous nous l'aviez d'ailleurs dit à cette époque. Là, vous créez des prélèvements supplémentaires affectés à la sécurité sociale ; ce n'est pas du tout pareil. Certes, on imagine qu'il y aura des transferts entre entreprises « capitalistiques » et entreprises « de main-d'oeuvre ». J'estime que nous ne disposons d'aucune évaluation sur les conséquences du « basculement » que vous nous proposez.
Comme toute recette est affectée à une dépense dans ce fonds, votre réforme des cotisations patronales s'appuie avant tout sur les tabacs - 40 milliards de francs - et sur les alcools - 5,6 milliards de francs aujourd'hui et 11 milliards ou 12 milliards de francs demain.
Au-delà des choix politiques qui nous séparent légitimement, je crois que l'article 2 est dangereux pour la sécurité sociale. Le concept « étendu » et « vague » qu'en a le Gouvernement ne doit pas être accepté.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales propose la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard. Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Les discussions que nous avons chaque année dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sont, pour nous, l'occasion d'élaborer des nouvelles stratégies afin d'assurer la pérennité et l'évolution de notre système de protection sociale.
M. Dominique Braye. Vive les 35 heures !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Faire face à ces défis requiert des élus que nous sommes de répondre à la question capitale des ressources que notre collectivité est en mesure de mobiliser afin d'assurer le système de protection sociale.
Progressivement, nous avons été amenés à constater l'inadéquation de l'assiette traditionnelle des prélèvements sociaux que sont les salaires.
A l'analyse de la montée du chômage, il est apparu que le poids des cotisations pouvait être un frein à l'embauche, singulièrement pour les bas et moyens salaires.
En 1991, c'est le gouvernement de Michel Rocard qui lançait les bases d'une réforme du financement de la protection sociale, en intervenant sur les contributions des salariés à travers la CSG.
Ce basculement progressif et massif des cotisations maladies vers la CSG s'est traduit par un gain du pouvoir d'achat des salariés de 1 %, et les recettes pour la sécurité sociale ont été renforcées.
Aujourd'hui, c'est le gouvernement auquel vous appartenez et que nous soutenons, madame la ministre, qui poursuit cette entreprise en direction des cotisations patronales. L'article 2 crée à cet effet le nouveau fonds qui permettra de financer les dispositifs d'allégements en organisant la diversification des ressources permettant de soutenir cette politique.
Les parlementaires de l'opposition font feu de tout bois pour critiquer son positionnement ainsi que ses différentes sources d'alimentation. On vient d'entendre les propos de M. Descours. Certains, comme M. d'Aubert, prétendent qu'il fallait avant tout commencer par diminuer les dépenses d'intervention en matière de politique de l'emploi, en se gardant bien d'indiquer les actions qui feraient les frais de ses coupes claires.
M. le rapporteur évoque, quant à lui, dans son rapport « une synthèse monstrueuse de deux promesses électorales », la réforme des cotisations et la réduction du temps de travail.
De toute évidence, les parlementaires de l'opposition se lancent dans un jeu de surenchère verbale. Et je déplore la connotation péjorative qu'ils attribuent au respect d'engagements pris devant les Français.
Nous nous sommes en effet engagés devant eux à réformer le système des cotisations sociales et à promouvoir la réduction du temps de travail pour favoriser la création d'emplois et améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.
Et nous revendiquons pleinement la corrélation entre l'un et l'autre. En effet, l'extension importante de l'actuelle formule de la ristourne dégressive va concerner près de 70 % des salariés et va permettre la prise en charge de près de 86 % des cotisations pour un salaire égal au SMIC. Nous avons donc souhaité lier son application à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail afin d'en optimiser son impact sur la création d'emplois, qui demeure la priorité du Gouvernement.
Le projet de loi procède donc à un allégement des prélèvements effectués sur le facteur « travail ». C'est la ligne directrice des réformes lancées par la gauche, que ce soit en matière de CSG ou de taxe professionnelle.
Il organise en conséquence une diversification des ressources qui viennent abonder le fonds et qui doivent permettre de financer les allégements de cotisations assises sur les salaires.
Il s'agit notamment de la contribution sociale sur les bénéfices, qui concernera les entreprises enregistrant des bénéfices supérieurs à 50 millions de francs. Compte tenu de l'abattement de 5 millions, on estime à 4 000 le nombre des sociétés concernées l'année prochaine et le rendement est évalué à 4,3 milliards. La CSB participe donc au rééquilibrage entre entreprises de main-d'oeuvre et entreprises capitalistiques dans le financement de la protection sociale. Monsieur le rapporteur, vous estimez que cette mesure est « révolutionnaire ». Mais ne croyez-vous pas que, face à des enjeux aussi essentiels que la protection sociale et l'emploi, nous nous devons de proposer des solutions novatrices et efficaces, même si elles doivent être révolutionnaires ?
Le fonds sera également alimenté par la TGAP, dont le champ d'application est élargi notamment aux lessives, à certains produits phytosanitaires utilisés dans l'agriculture, dont on connaît l'impact préoccupant sur la pollution des eaux et les effets induits en termes de coût pour leur traitement.
Certains contestent l'affectation de cette taxe ; c'est ignorer le rapport direct entre ces pollutions et la santé de la population. Son rendement est estimé à 3,2 milliards de francs.
Ces deux nouvelles ressources vont financer l'extension de la ristourne dégressive jusqu'à 1,8 du SMIC dans le cadre du passage négocié aux trente-cinq heures. Cet élargissement permet de combattre l'effet « trappe à bas salaires » souligné par M. Malinvaud dans le précédent dispositif.
La fraction des droits sur le tabac continuera de financer la ristourne Juppé, à hauteur de 39,5 milliards de francs, ce qui représente plus de la moitié des dépenses du fonds pour 2000.
Enfin, l'aide structurelle de 4 000 francs sera assurée grâce à une contribution de l'Etat de 4,3 milliards de francs, ainsi que par la taxation de 10 % des heures supplémentaires dans les entreprises dont les négociations sur la réduction du temps de travail n'auront pas encore abouti.
Par ailleurs, le Gouvernement, fort du succès de l'expérience d'activation des dépenses de l'UNEDIC, dans le cadre notamment de l'ARPE, avait sollicité les organismes sociaux afin qu'ils participent au financement de cette aide. Cette implication était parfaitement concevable dans la mesure où la réduction du temps de travail crée des emplois et contribue donc à augmenter les recettes et à diminuer les dépenses de ces organismes.
Certains syndicats s'étaient d'ailleurs exprimés voici quelques mois en faveur d'une participation de l'UNEDIC à ce mouvement.
Le Gouvernement a pris acte des tensions qui existent actuellement au niveau du paritarisme et a donc proposé de recourir à une fraction de la taxe sur les alcools - à hauteur de 5,6 milliards de francs - qui jusqu'à maintenant alimentait le FSV.
Ce fonds devrait donc fonctionner l'année prochaine avec des dotations à hauteur de 65 milliards de francs.
Madame la ministre, incontestablement, la création de ce fonds, qui articule étroitement lutte contre le chômage et financement de la protection sociale, est une démarche audacieuse, innovante et efficace que les socialistes soutiendront. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. L'alcool au secours du travail. Pour être innovant, on peut dire que c'est innovant ! M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les interventions sur un article ne doivent pas dépasser cinq minutes.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je m'interroge, madame le ministre, sur cette procédure de débudgétisation. Car ce que nous mettons en cause, ce n'est pas l'allégement des charges sociales sur les bas salaires, c'est la « machinerie administrative » - j'essaie de trouver un nouveau mot - qui le finance.
Est-ce que cette procédure de débudgétisation est utile ? Est-elle sincère ? Est-elle constitutionnelle ?
Première question : est-elle utile ?
Je pense qu'elle l'a été, qu'elle pouvait l'être lorsque vous envisagiez le financement des 35 heures par la participation de l'UNEDIC et la participation des organismes sociaux, car il fallait bien, à ce moment-là, un fonds destiné à « ramasser », si vous me permettez cette expression, lesdites participations.
Mais que reste-t-il maintenant, suite à la suppression de ces participations ? Il ne reste que les financements d'Etat. Ce fonds est alimenté par cinq impôts d'Etat pour 60 milliards de francs et par une subvention d'équilibre à guichet ouvert de l'Etat, qu'il faudra ajuster en loi de finances rectificative à la fin de l'année, puisqu'il est précisé à l'article 2 que les recettes doivent équilibrer les dépenses. Aussi cette procédure a-t-elle, me semble-t-il, perdu toute son utilité : nous sommes confrontés à un simple démembrement du budget de l'Etat !
Deuxième question : cette procédure de financement est-elle sincère ?
Même si le rapport économique et financier de la loi de finances parle, en l'espèce, d'une clarification des comptes, il ne s'agit - et c'est bien pourquoi Bercy a accepté la formule - que d'une entreprise de camouflage de l'augmentation globale des impôts pour cette année et les années à venir.
Pour cette année, madame le ministre, ce sont bien 12,5 milliards de francs d'impôts supplémentaires qui échappent en effet à la loi de finances. J'espère ne pas me tromper : la TGAP pour 1,2 milliard de francs, les 4,3 milliards de francs de taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés et les 7 milliards de francs pris sur les heures supplémentaires.
Dans huit jours, il sera facile d'annoncer brillamment ici que les impôts n'augmentent en 2000 que de 0,9 % dans le budget de l'Etat... en oubliant que des augmentations d'impôts d'un montant à peu près égal auront été mises au vote huit jours auparavant.
Dans quelques années, ce sera combien ? Personne ne le sait exactement. On parle de 40 milliards de francs.
Troisième question, sur laquelle je veux insister : cette réforme est-elle constitutionnelle ?
Madame le ministre, vous avez à plusieurs reprises évoqué l'exemple du FSV. Sur le plan de la constitutionnalité, c'est un excellent exemple car, justement, on a une décision du Conseil constitutionnel concernant le FSV.
Le 29 décembre 1994, le Conseil constitutionnel, dans une décision de principe concernant le FSV, rende d'ailleurs à la demande de nos collègues du groupe socialiste, a considéré que les dépenses de l'Etat qui présentaient un caractère permanent et étaient de nature législative ne pouvaient être débudgétisées - il s'agissait dans l'espèce de retraites de fonctionnaires - au regard des règles fondamentales de l'unité et de l'universalité budgétaires.
Or quelles sont les dépenses de ce fonds ?
Ce sont des dépenses d'interventions publiques du titre IV qui y figurent au titre de la ristourne dégressive. Elles y sont inscrites, d'ailleurs, en vertu d'un article du code de la sécurité sociale qui, me semble-t-il, n'a pas été abrogé - l'article L. 131-7 - qui dispose que ce type de dépenses doit figurer dans le budget de l'Etat. Comme cela a été dit excellement par M. le rapporteur, ces dépenses correspondent à des allègements de charges sur les bas salaires de divers types pris dans le cadre d'une politique de l'emploi.
On prétend qu'il s'agit d'un changement d'assiette des cotisations patronales. Je veux bien. Mais si vraiment la nouvelle assiette repose sur un mélange de tabac, de pollution, d'heures suppélementaires...
M. Dominique Braye. d'alcool !
M. Yves Fréville. ... d'alcool et de bénéfices de grandes sociétés. Je ne vois pas très bien à quelle rationalité économique cela peut obéir. Si vous nous aviez présenté un véritable changement d'assiette, nous aurions pu en discuter, mais nous refusons ce pot-pourri, ce pêle-mêle.
Les allégements de charges en cause doivent continuer à figurer dans le budget de l'Etat, comme d'ailleurs continuent à y figurer, très curieusement, ceux qui concernent la loi Robien.
Je pourrais tenir des propos similaires sur les recettes. Je donnerai un seul exemple.
En dernière minute, les droits sur les alcools ont été transférés du FSV vers ce nouveau fonds. Mais, mes chers collègues, c'est une loi de finances qui les avaient affectés au FSV, et vous savez très bien que, en vertu de la règle du parallélisme des formes et des dispositions de l'article 18 de l'ordonnance portant loi organique sur les lois de finances, ce n'est qu'une loi de finances qui pourra réaffecter, le cas échéant, ces droits de consommation sur les alcools à un nouveau fonds.
Madame le ministre, les droits du Parlement en matière de contrôle de la dépense publique et d'utilisation des impôts sont ici manifestement bafoués. Par un véritable cavalier fiscal, vous dénaturez le sens des lois de financement de la sécurité sociale. Je le regrette très vivement, et c'est pour cette raison que mon groupe votera la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention sera centrée sur la TGAP.
Lorsque, voilà un an, de brillants esprits, tous pétris de dogmes environnementaux, ont décliné, par des démonstrations théoriques, les principes de la fiscalité écologique, c'était pour marquer notre entrée dans une ère nouvelle de la lutte contre la pollution et pour la sauvegarde de la nature.
La fameuse TGAP allait constituer le pilier de cette politique radicalement différente et nouvelle dans son essence. Jusqu'à présent, le produit des nombreuses taxes créées dans le dessein de limiter les activités ayant une incidence négative sur l'environnement était affecté à la lutte contre les sources de pollution, à la surveillance de l'état de l'environnement ou encore à la réparation des dégâts écologiques.
Les taux de cette fiscalité étaient fonction de deux paramètres : d'une part, la nécessité de dégager les ressources indispensables pour agir efficacement dans le domaine de la surveillance, de la réduction des émissions polluantes et des mesures compensatoires ; d'autre part, la volonté d'obtenir des niveaux de taxation significatifs pour encourager les pollueurs à engager des politiques plus compatibles avec les exigences environnementales.
La TGAP, telle que ses théoriciens l'ont présentée, repose sur le principe de base que ses taux sont totalement indépendants des besoins de financement.
Par ailleurs, le principe qui était constant, à savoir l'affectation à l'environnement de cette fiscalité dite écologique, est quant à lui abandonné.
Nous avons été nombreux, dès le début, à émettre des doutes sur la sincérité de ces propos et à nous opposer à ces réformes tant nous étions sceptiques quant à leur opportunité et leur efficacité. Nous ne savions pas alors que les faits allaient nous donner raison si rapidement et de façon si éclatante.
En effet, ce que tend à proposer le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans ses modalités - l'affectation de la fiscalité écologique au financement des 35 heures - constitue l'abandon du principe fondateur de la TGAP, voulu par ses initiateurs, c'est-à-dire la prétendue déconnexion entre les taxes et les politiques auxquelles celles-ci sont affectées.
De fait, avant même de connaître dans le détail les modalités de calcul de la TGAP - taux et assiettes - pour les années à venir, on annonce le produit attendu. Cet aveu démontre que tout le dispositif est, en fait, organisé en fonction des besoins de financement.
Le mécanisme intellectuel élaboré et qui devait constituer la révolution de la politique environnementale de cette fin de siècle est enterré sans autre forme de procès. La duperie n'aura pas duré un an !
Par ailleurs, alors que tout converge pour placer les questions environnementales au coeur de l'action publique, avec des moyens suffisants et pérennes, et que nos concitoyens expriment en la matière des attentes parfois angoissées tant pour la santé que pour la prévention des risques, comme nous l'avons encore constaté ces derniers jours, ou la qualité de vie, on décide de priver ce secteur du produit de la fiscalité dite « écologiques » ! C'est du détournement ou de la captation de fonds écologiques, doublés d'une erreur pédagogique évidente.
Finalement, la seule question qui semble intéresser le Gouvernement est de trouver des produits à taxer et de garnir les caisses avec, en corollaire, l'aggravation des prélèvements obligatoires dans notre pays.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que, dans ces conditions, je ne puisse apporter mon soutien au projet de loi tel qu'il nous a été présenté. Je voterai donc les amendements tendant à la suppression des articles 2 et 4 proposés par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 2 constitue l'un des articles clés du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Il correspond à un débat déjà ancien, qui porte sur le financement pérenne de la sécurité sociale et, singulièrement, sur ce que l'on appelle, un peu abusivement à notre avis, les « charges sociales ».
En effet, ce que l'on appelle ainsi n'est, en fait et malgré certaines apparences - je pense aux cotisations assises sur les salaires -, qu'un prélèvement sur la valeur ajoutée créée par le travail permettant de transférer à la société la satisfaction de certains besoins essentiels : être soigné en cas de maladie, secouru en cas d'inactivité forcée par le fait du chômage ou de l'incapacité à travailler, assuré, une fois la vie professionnelle accomplie, d'un revenu de remplacement, en l'occurrence par le versement d'une pension ou d'une retraite.
On ne peut et on ne doit jamais oublier que tels sont les principes essentiels qui ont guidé les promoteurs de notre système de protection sociale. Toute démarche qui tend à réduire les ressources mêmes de la protection sociale pèse, à terme, sur la qualité de la réponse apportée par l'ensemble du système aux besoins que je viens de rappeler.
Depuis plus de vingt ans, nous avons connu tout un ensemble de politiques d'allégement de cotisations sociales. Ce mouvement va continuer d'ailleurs avec les exonérations jusqu'à 1,8 SMIC, avec le projet de loi sur la réduction du temps de travail.
Le coût de tous ces allégements se fait sentir sur les finances publiques et sur la politique sociale.
A ceux qui s'offusquent des dispositions du présent texte, je rappellerai qu'au courant de l'été 1995 ils avaient cru devoir majorer le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée pour financer de nouvelles exonérations de cotisations sociales !
Au demeurant, nous sommes quelque peu dubitatifs sur la manière dont le fonds de financement va être financé, alors que, dans le projet de loi, il doit l'être essentiellement par une partie du produit du droit de consommation sur les tabacs ou sur des produits alcoolisés et accessoirement par la taxation des entreprises et celle des activités polluantes.
Un examen attentif des comptes de la nation prouve en effet que le mouvement de création d'emplois que nous avons constaté ces dernières années et qui s'est amplifié, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, ne peut faire oublier que la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a pas connu l'évolution attendue.
Dans les faits, il semble même que le mouvement de baisse relative que nous avons connu depuis plusieurs années ne soit pas véritablement inversé et que le niveau des salaires dans la valeur ajoutée reste proche de celui que l'on observait il y quelques années.
Nous nous interrogeons donc sur la pertinence du choix opéré, notamment à propos de la réforme des cotisations sociales des entreprises, appuyée sur les travaux de certains économistes ou sur la réflexion des experts de l'OCDE ou du FMI, et qui ne correspond, en fait, qu'à une partie de l'analyse que l'on peut faire aujourd'hui sur le sujet.
On ne peut notamment oublier que la politique d'allégements des cotisations, au-delà de son coût pour les finances publiques ou pour la protection sociale, a constitué effectivement une trappe à bas salaires et qu'elle pose encore et toujours des questions quant à la reconnaissance des qualifications des salariés, de leur expérience ou de leur formation initiale.
C'est là le reproche essentiel que l'on puisse lui faire aujourd'hui et il garde toute son actualité au moment où le champ d'application de cette politique se trouve élargi.
Ces éléments, que nous portons au débat, seront évidemment développés de nouveau lors de la discussion de l'article.
Nous tenions à les mentionner dès maintenant pour indiquer que le débat était loin d'être clos.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aux réflexions tout à fait pertinentes formulées par le rapporteur, M. Charles Descours, et par nos collègues Yves Fréville et Philippe Richert, je souhaite ajouter quelques remarques supplémentaires sur l'absence de pertinence du dispositif tel qu'il nous est présenté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale à travers la création du fonds de financement.
Première remarque : dans sa réponse, à la fin de la discussion générale, Mme le ministre a relevé certains propos tenus par différents orateurs, et notamment le fait que M. Fourcade avait parlé d'une « raffinerie » à propos du dispositif qui a été mis en place à la fois pour le financement des 35 heures et pour le financement du fonds de réserve. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ensemble du dispositif qui a été prévu pour financer le fonds de réserve et les 35 heures manque de lisibilité.
J'aimerais bien, madame la ministre, que vous m'expliquiez comment les Français vont comprendre le mécanisme financier que vous avez imaginé avec vos collaborateurs pour assurer le financement des 35 heures.
Deuxième remarque : madame la ministre, dans vos interventions, vous avez donné le sentiment que la majorité sénatoriale ainsi que les gouvernements de droite n'avaient jamais pris d'initiative en matière d'allégement des charges sociales, que cela ne faisait pas partie de leur philosophie, de leur volonté,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai dit le contraire !
M. Alain Vasselle. ... et que c'était grâce à l'arrivée de ce gouvernement qu'enfin une politique d'allégement des charges sociales était conduite et, à travers elle, une politique pour l'emploi.
Notre collègue Charles Descours a rappelé à juste raison que ce n'était pas exact. En effet, l'allégement des charges sociales a toujours fait partie du discours tenu par l'ensemble des membres de la majorité sénatoriale.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ça, c'est vrai ! Dans les discours, oui !
M. Alain Vasselle. Nous avons d'ailleurs traduit dans les faits, au moyen de divers textes de loi, un début d'allégement, même si nous n'avons pas pu aller aussi loin que nous le souhaitions. Vous n'avez fait que prendre le relais en ajoutant des mesures allant dans le même sens. Donc, ne faites pas de mauvais procès aux membres de la majorité sénatoriale.
Ma troisième remarque concerne le fonds de solidarité vieillesse.
Je tiens à rappeler, à la suite de notre collègue Yves Fréville, que le fonds de solidarité vieillesse a été exclusivement créé - j'ai été le rapporteur du texte l'instituant, alors que M. Balladur était Premier ministre et que Mme Veil exerçait les fonctions qui sont les vôtres aujourd'hui, madame - pour assurer le financement de dépenses de solidarité et de dépenses non contributives. Ce fonds n'avait pas d'autre objet.
Or, vous êtes en train de vous en servir à d'autres fins que celles auxquelles a pensé initialement le législateur. Il fallait que ce soit dit à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Quatrième remarque : je considère que le dispositif qui tend à lier la réduction du temps de travail et l'allégement des charges est mauvais, car celle-là annule les effets de celui-ci, notamment pour les petites entreprises. Ces dernières vont en effet être confrontées à des difficultés majeures dès que la mise en place des 35 heures sera obligatoire. Leur faire croire qu'elles vont tirer un avantage de la réduction du temps de travail à 35 heures par l'allégement des charges qu'elles supportent aujourd'hui, c'est vraiment les tromper. La vérité, c'est qu'on va les plonger dans une situation dont certaines d'entre elles auront beaucoup de mal à se remettre.
Avant de conclure, je voudrais revenir sur le point qui a été, à juste titre, développé par notre collègue Philippe Richert. Il s'agit du lien que vous créez entre la taxation des activités polluantes et le financement des 35 heures. J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui le justifie car, je ne vous le cache pas, il me paraît totalement incohérent. Du reste, il y a là une absolue contradiction avec certains propos tenus par d'autres membres du Gouvernement, notamment par Mme Voynet.
J'avais cru comprendre, lorsque la TGAP, la taxe général, sur les activités polluantes, a été créée, qu'il s'agissait notamment de financer des actions tendant à atténuer le caractère polluant d'opérations conduites par certaines entreprises. Or ce ne sera plus le cas. Mme Dieulangard fait valoir qu'il existe une cohérence dans la mesure où le produit de la TGAP permettra de financer des dépenses de santé, mais je pense que les Français seraient plus rassurés si ce produit était effectivement utilisé à garantir la sécurité alimentaire ou à réduire les pollutions. Ils préféreraient que cet argent soit affecté à l'amélioration de l'environnement, ce qui correspond à des dépenses préventives, plutôt qu'au financement de dépenses curatives.
Les Français doivent le savoir, à partir du moment où vous affectez le produit de la TGAP au financement des 35 heures, ce produit ne profitera plus à l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, et cela ne manquera pas d'avoir pour eux de douloureuses conséquences. Il faudra trouver d'autres ressources pour cet organisme, peut-être des concours budgétaires inscrits dans la loi de finances, mais dont nous ne connaissons pas le niveau. Cela risque aussi de se traduire par une diminution des concours financiers de l'ADEME aux dépenses des collectivités locales au titre du traitement des déchets et de la pollution de l'eau.
Il en résultera inévitablement une augmentation du coût du service que les Français auront à supporter. Ainsi, en fait d'allègement des charges des entreprises, on va faire subir aux Français le poids d'un impôt qui viendra s'ajouter à tous ceux qui existent déjà, contribuant par là même à l'augmentation des prélèvements obligatoires.
A cet égard, un article paru récemment dans un mensuel rappelle que la France vient de battre son record en matière de prélèvements obligatoires puisque ceux-ci représentent maintenant 45,3 % du PIB. Ainsi la France est vraiment le champion des prélèvements obligatoires, et l'actuel gouvernement continue d'apporter sa pierre à ce triste édifice, comme l'a fait justement remarquer M. Fréville, à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
C'est pourquoi nous soutiendrons la proposition de suppression de l'article 2. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 4 est déposé par M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 75 est présenté par M. Jean-Louis Lorrain et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 90 est déposé par M. Louis Boyer et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer l'article 2.
Par amendement n° 113, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de remplacer le 5° du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 131-8-2 du code de la sécurité sociale par trois alinéas ainsi rédigés :
« 5° Une contribution assise sur leur montant net versée par les sociétés, les entreprises et autres personnes morales, assujetties en France à la déclaration de l'impôt sur les sociétés, au titre de l'article 206 du code général des impôts. Des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les opérations menées sur titres, les opérations menées sur les marchés réglementés et sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables.
« Pour les sociétés placées sous le régime de l'article 223 A du code général des impôts, la contribution est due par la société mère.
« Le taux de cette contribution sociale sur les revenus financiers des entreprises est fixé à 10 %. La contribution sociale est contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles que les cotisations sociales. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai déjà expliqué, monsieur le président, pourquoi je propose à la Haute Assemblée de supprimer l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Richert, pour présenter l'amendement n° 75.
M. Philippe Richert. Il a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Louis Boyer. Le mode de fonctionnement du fonds instauré par l'article 2 présente plusieurs défauts rédhibitoires.
Le dispositif d'accompagnement des 35 heures est compensé non pas par l'Etat mais par de nouveaux prélèvements, contrairement au dispositif mis en place par le gouvernement de M. Juppé.
Il accroît les taxes des entreprises, à travers la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, pour un montant de 4,3 milliards de francs, et l'extension de la TGAP.
Il procède à un prélèvement indirect sur la sécurité sociale. Si la ponction des organismes de sécurité sociale est abandonnée, y est substituée une fraction des droits sur les alcools prélevée sur le fonds de solidarité vieillesse. Mais la sécurité sociale ne récupère pas les sommes qui devaient lui être retirées puisqu'elles iront abonder le fonds de réserve pour les retraites.
Les taxes sont détournées de leur objet. L'écotaxe, à travers la TGAP, est consacrée non à l'amélioration de la qualité de l'air, de l'eau et de l'environnement en général, mais au soutien de l'emploi. La taxe de 39,5 milliards sur les tabacs devrait être affectée aux soins des fumeurs et, surtout, à la prévention, qui est aujourd'hui en partie délaissée. On peut en dire autant des droits sur les alcools.
Enfin, le financement des 35 heures n'est pas bouclé puisqu'il manquera une quinzaine de milliards de francs d'ici à quatre ans.
Par ailleurs, en intégrant ce fonds à la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement suscite des confusions qui risquent de compromettre cet exercice nouveau que constitue l'examen d'une loi sur le budget de la sécurité sociale. Le financement de la politique de l'emploi devrait figurer dans le budget de l'Etat.
C'est pour toutes ces raisons que nous préconisons, comme la commission, la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 113.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à substituer à la contribution de 10 % due au titre de la taxation des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures par les entreprises non passées aux 35 heures une contribution sociale assise sur les revenus financiers des entreprises.
Force est de rappeler que le recours aux heures supplémentaires demeure relativement élevé, notamment dans certains secteurs d'activité directement concernés par des activités saisonnières. Et cela concerne souvent les entreprises où les niveaux moyens de rémunération sont les plus faibles.
Nous sommes donc confrontés à une situation pour le moins contradictoire : d'un côté l'un des éléments de la politique de l'emploi - sans que nous disposions d'ailleurs de critères d'évaluation de l'efficacité réelle de la mesure - consiste à alléger le « coût du travail » non qualifié ; d'un autre côté, le recours aux heures supplémentaires, lesquelles permettent parfois aux salariés concernés de majorer un revenu pour le moins faible, sera pénalisé, ce qui revient à dire que, à coût équivalent pour l'employeur, c'est le salarié qui fera les frais de l'opération.
Que les choses soient claires : nous ne sommes pas des partisans forcenés de l'allongement de la durée du travail et le récent débat sur l'incitation à la réduction du temps de travail l'a assez largement montré.
Vous n'aviez pas cru, madame le ministre, devoir retenir notre proposition de réduction du volant d'heures supplémentaires autorisé. Ce contingent n'a toujours pas été réduit.
Une double démarche devrait à notre sens être menée : d'une part, une démarche visant à revaloriser sensiblement les salaires les plus faibles, ce qui impose notamment, indépendamment du relèvement du salaire minimum, qu'une attention toute particulière soit portée sur la fixation des minima conventionnels déterminés par la négociation collective dans les branches ; d'autre part, une démarche visant à donner des moyens nouveaux aux salariés, à travers leurs représentants, notamment pour transformer des heures supplémentaires en emplois pérennes.
Cela étant, on demeure, en matière de cotisations sociales perçues au sein de l'entreprise, placé dans le cadre de l'assiette actuelle, fondée sur les niveaux de rémunération. Or chacun sait que les entreprises ont, ces dernières années, très sensiblement accru leurs placements financiers et que le faible niveau de l'investissement productif des entreprises tient aussi à une croissance continue de la part de la valeur ajoutée mobilisée par des placements de trésorerie.
Nous proposons donc, par une sorte de symétrie avec ce qui a été mis en place pour les revenus de capitaux mobiliers perçus par les ménages, d'instaurer une contribution sur les revenus financiers des entreprises et de substituer cette contribution à celle qui est assise sur le recours aux heures supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 113 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je constate qu'il y a des nuances entre les conceptions des différentes composantes de la majorité plurielle puisque le texte du Gouvernement serait sensiblement modifié par l'amendement présenté par le groupe communiste.
Cela étant, comme je propose de supprimer l'article, je pense que cet amendement tombera. Si tel n'était pas le cas, j'émettrais un avis défavorable... pour venir au secours du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements présentés à l'article 2 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à tous ces amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 4, 75 et 90.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté : les députés communistes ont voté contre cet article du projet de loi, mais il va de soi que notre groupe votera contre les amendements de suppression. (Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il est clair que notre position est en effet complètement différente de celle de la commission : quand nous proposons, nous, d'asseoir une contribution sur les revenus financiers, le rapporteur rejette évidemment cette solution. Il est donc normal que, même si nous n'approuvons pas cet article 2 en l'état, nous n'en votions pas la suppression.
M. Alain Vasselle. Ça, c'est logique !
Mme Nicole Borvo. Voter ces amendements relèverait de tactiques politiciennes que nous ne pratiquons pas !
M. Alain Vasselle. Vous vous opposez à la fois à la majorité sénatoriale et au Gouvernement ! Il faut avoir le courage de le dire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 4, 75 et 90, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé et l'amendement n° 113 n'a plus d'objet.

Article 3

M. le président. « Art. 3. _ Le code général des impôts est ainsi modifié :