Séance du 17 novembre 1999
« Chapitre Ier quater
« Fonds de financement de la réforme
des cotisations patronales de sécurité sociale
«
Art. L. 131-8
. - Il est créé un fonds dont la mission est de
compenser le coût, pour la sécurité sociale, des exonérations de cotisations
patronales aux régimes de base de sécurité sociale mentionnées à l'article L.
131-8-1 et d'améliorer le financement de la sécurité sociale par la réforme des
cotisations patronales.
« Ce fonds, dénommé "Fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales de sécurité sociale", est un établissement public national à
caractère administratif. Un décret en Conseil d'Etat fixe la composition du
conseil d'administration, constitué de représentants de l'Etat, ainsi que la
composition du conseil de surveillance, comprenant notamment des membres du
Parlement et des représentants des organisations syndicales de salariés et des
organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national. Ce décret
en Conseil d'Etat fixe également les conditions de fonctionnement et de gestion
du fonds.
«
Art. L. 131-8-1
. - Les dépenses du fonds sont constituées :
« 1° Par le versement, aux régimes de sécurité sociale concernés, des montants
correspondant :
«
a)
A la prise en charge de l'allégement visé aux articles L. 241-13-1
et L. 711-13-1 du présent code et aux articles 1031, 1062-1 et 1157-1 du code
rural au titre des dispositions correspondantes ;
«
b)
A la prise en charge de l'aide visée à l'article 3 de la loi n°
98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du
temps de travail ;
«
c)
A la prise en charge de la réduction visée aux articles L. 241-13
et L. 711-13 du présent code et aux articles 1031, 1062-1 et 1157-1 du code
rural au titre des dispositions correspondantes ainsi qu'au IV de l'article 1er
de la loi n° 95-882 du 4 août 1995 relative à des mesures d'urgence pour
l'emploi et la sécurité sociale.
« 2° Par les frais de gestion administrative du fonds.
« Les versements mentionnés aux
a, b
et
c
du 1° ci-dessus se
substituent à la compensation par le budget de l'Etat prévue à l'article L.
131-7 sous réserve que cette compensation soit intégrale. Dans le cas
contraire, les dispositions prévues à l'article L. 131-7 s'appliquent.
«
Art. L. 131-8-2
. - Les recettes du fonds sont constituées par :
« 1° Une fraction du produit du droit de consommation prévu à l'article 575 du
code général des impôts, dans les conditions fixées par la loi de finances pour
2000 ;
« 2° La contribution sociale sur les bénéfices des sociétés visée aux articles
235
ter
ZC et 1668 D du code général des impôts ;
« 3° La taxe générale sur les activités polluantes prévue à l'article 266
sexies
du code des douanes ;
« 4° Une fraction fixée à 47 % du produit du droit de consommation prévu à
l'article 403 du code général des impôts, à l'exception du produit de ce droit
de consommation perçu dans les départements de la Corse et du prélèvement
effectué au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles selon
les dispositions de l'article 1615
bis
du même code ;
« 5° La contribution visée aux articles L. 212-5 du code du travail et 992-2
du code rural ;
« 6° Les produits non consommés de l'exercice précédent ;
« 7° Une contribution de l'Etat, dans les conditions fixées par la loi de
finances.
« Les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées, dans des
conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. Le solde
annuel des dépenses et des recettes du fonds doit être nul.
«
Art. L. 131-8-3 et L. 131-8-4
. -
Supprimés
.
«
Art. L. 131-8-5
. - Les frais d'assiette et de recouvrement des
impôts, droits, taxes et contributions mentionnés à l'article L. 131-8-2 sont à
la charge du fonds, en proportion du produit qui lui est affecté ; leur montant
est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la sécurité
sociale.
«
Art. L. 131-8-6
. - Les relations financières entre le fonds et les
organismes de protection sociale, d'une part, le fonds et l'Etat, d'autre part,
font l'objet de conventions destinées notamment à garantir la neutralité en
trésorerie des flux financiers pour les organismes de sécurité sociale. »
« I
bis.
- Dans le 2° de l'article L. 135-3 du code de la sécurité
sociale, le taux : "55 %" est remplacé par le taux : "8 %".
« II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier
2000. Les dispositions du 4° de l'article L. 131-8-2 du code de la sécurité
sociale et du I
bis
du présent article sont applicables aux versements
effectués au profit respectivement du fonds institué à l'article L. 131-8 du
code de la sécurité sociale et du fonds mentionné à l'article L. 135-1 du même
code à compter du 1er janvier 2000.
« A titre transitoire et jusqu'à la date de création du fonds institué à
l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, les produits mentionnés à
l'article L. 131-8-2, à l'exception de ceux mentionnés au 5°, sont versés à
l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, et les produits
mentionnés au 5° de l'article L. 131-8-2 sont centralisés par l'Agence centrale
des organismes de sécurité sociale. L'agence centrale suit lesdits produits
dans des comptes spécifiques ouverts à cet effet. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, ce que je vais dire maintenant vaudra pour les articles 2, 3 et
4.
L'amendement de suppression que nous proposons à l'article 2 est cohérent avec
la position que vient d'adopter le Sénat sur le projet de loi dit de réduction
négociée du temps de travail, que nous appelons projet de loi sur les 35
heures. Je rappelle que nous avons dit oui à la réduction négociée, non à la
réduction imposée.
Nous pourrions rappeler de manière ironique, si nous étions méchants, les
déboires rencontrés par le Gouvernement pour financer ce fonds, la théorie
contestable du « recyclage », l'effrayante « logique » des « retours pour les
finances publiques ». Je pourrais ajouter que le financement de ce fonds n'est
pas bouclé, qu'il est porteur de dérapages futurs pour nos finances publiques,
qu'il met en cause, de manière préoccupante, l'équilibre futur du fonds de
solidarité vieillesse - Alain Vasselle l'a bien montré dans son intervention à
la tribune hier soir.
Je vais m'attacher à expliquer que la philosophie de ce fonds est
dangereuse.
Contrairement au Gouvernement, nous ne sommes pas contraints de compenser la
perte de compétitivité des entreprises par des allégements supplémentaires de
charges sociales, et c'est là ma réponse aux propos que vous avez tenus voilà
quelques minutes, madame la ministre.
Contrairement au Gouvernement, nous estimons que la marge de manoeuvre des
finances publiques ne doit pas être monopolisée par le financement des 35
heures. Il est vrai que ce n'est pas nous qui avions fait cette promesse
électorale...
Contrairement au Gouvernement, nous ne sommes pas obligés de trouver n'importe
quelle recette, en créant trois prélèvements supplémentaires - je ne sais pas
s'il y en a douze, mais sur les trois prélèvements supplémentaires, j'espère
que vous serez d'accord, tout de même - affectés à la sécurité sociale : la
TGAP, la CSB et la taxe sur les heures supplémentaires. Leur coût serait de 15
milliards de francs en 2000 et de plus de 30 milliards de francs « à terme ».
Ces prélèvements supplémentaires sur les entreprises, parfois sur les petites
entreprises, quand il s'agit de la TGAP - voire sur les salariés - sont
inacceptables.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Vous passez sous silence les allégements de charges !
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission estime que le Gouvernement commet une grave
erreur - je l'ai dit dans mon intervention initiale - en opérant une confusion
entre politique de l'emploi et financement de la sécurité sociale. Les crédits
pour la politique de l'emploi doivent être inscrits en loi de finances : nous
ne pouvons pas approuver cette débudgétisation.
Je sais que le fonds de solidarité vieillesse, qui a été créé en 1993, était
une première débudgétisation - je vous donne quelques arguments au cas où vous
les auriez oubliés ! Mais je vous fais confiance à cet égard.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je les ai moi-même rappelés
tout à l'heure !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais l'objet même du FSV, à savoir prendre en charge le
financement des avantages vieillesse à caractère non contributif, était bien un
objet de protection sociale. Aujourd'hui, le fonds de financement de la réforme
des cotisations patronales, lui, tend à diminuer le coût du travail en France :
son objet est celui d'une politique d'emploi.
Par ailleurs, si l'affectation des droits sur les tabacs à l'assurance maladie
peut se justifier aisément - vous l'avez d'ailleurs rappelé à la tribune -
cette affectation à un fonds d'allégement de charges ne correspond à aucune
logique.
Tout à l'heure, vous avez essayé de nous expliquer le contraire. Je suis
d'accord quand cela va à l'assurance maladie, mais je ne suis pas du tout
d'accord quand cela va à un fonds d'allègement des charges des entreprises ou
des employeurs.
Je tiens à signaler, mes chers collègues, qu'il n'existe pas de «
sous-affectation », dans ce fonds, d'une recette à une dépense. On ne peut pas
dire, par exemple, que la TGAP et la CSB « financent l'extension de la
ristourne Juppé ». Tout au plus peut-on constater, par exemple, que les
recettes de la TGAP et de la CSG que le Gouvernement attend pour 2000
correspondent au coût de l'extension de la ristourne Juppé tel qu'il
l'évalue.
Je tiens à rappeler qu'il n'y a pas de « réforme des cotisations patronales ».
Changer l'assiette des cotisations patronales, c'était introduire un autre mode
de calcul et vous y aviez pensé vous-même, en septembre 1998. Vous nous l'aviez
d'ailleurs dit à cette époque. Là, vous créez des prélèvements supplémentaires
affectés à la sécurité sociale ; ce n'est pas du tout pareil. Certes, on
imagine qu'il y aura des transferts entre entreprises « capitalistiques » et
entreprises « de main-d'oeuvre ». J'estime que nous ne disposons d'aucune
évaluation sur les conséquences du « basculement » que vous nous proposez.
Comme toute recette est affectée à une dépense dans ce fonds, votre réforme
des cotisations patronales s'appuie avant tout sur les tabacs - 40 milliards de
francs - et sur les alcools - 5,6 milliards de francs aujourd'hui et 11
milliards ou 12 milliards de francs demain.
Au-delà des choix politiques qui nous séparent légitimement, je crois que
l'article 2 est dangereux pour la sécurité sociale. Le concept « étendu » et «
vague » qu'en a le Gouvernement ne doit pas être accepté.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales
propose la suppression de l'article 2.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Les discussions que nous avons chaque année dans le cadre de ce projet de loi
de financement de la sécurité sociale sont, pour nous, l'occasion d'élaborer
des nouvelles stratégies afin d'assurer la pérennité et l'évolution de notre
système de protection sociale.
M. Dominique Braye.
Vive les 35 heures !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Faire face à ces défis requiert des élus que nous sommes de répondre à la
question capitale des ressources que notre collectivité est en mesure de
mobiliser afin d'assurer le système de protection sociale.
Progressivement, nous avons été amenés à constater l'inadéquation de
l'assiette traditionnelle des prélèvements sociaux que sont les salaires.
A l'analyse de la montée du chômage, il est apparu que le poids des
cotisations pouvait être un frein à l'embauche, singulièrement pour les bas et
moyens salaires.
En 1991, c'est le gouvernement de Michel Rocard qui lançait les bases d'une
réforme du financement de la protection sociale, en intervenant sur les
contributions des salariés à travers la CSG.
Ce basculement progressif et massif des cotisations maladies vers la CSG s'est
traduit par un gain du pouvoir d'achat des salariés de 1 %, et les recettes
pour la sécurité sociale ont été renforcées.
Aujourd'hui, c'est le gouvernement auquel vous appartenez et que nous
soutenons, madame la ministre, qui poursuit cette entreprise en direction des
cotisations patronales. L'article 2 crée à cet effet le nouveau fonds qui
permettra de financer les dispositifs d'allégements en organisant la
diversification des ressources permettant de soutenir cette politique.
Les parlementaires de l'opposition font feu de tout bois pour critiquer son
positionnement ainsi que ses différentes sources d'alimentation. On vient
d'entendre les propos de M. Descours. Certains, comme M. d'Aubert, prétendent
qu'il fallait avant tout commencer par diminuer les dépenses d'intervention en
matière de politique de l'emploi, en se gardant bien d'indiquer les actions qui
feraient les frais de ses coupes claires.
M. le rapporteur évoque, quant à lui, dans son rapport « une synthèse
monstrueuse de deux promesses électorales », la réforme des cotisations et la
réduction du temps de travail.
De toute évidence, les parlementaires de l'opposition se lancent dans un jeu
de surenchère verbale. Et je déplore la connotation péjorative qu'ils
attribuent au respect d'engagements pris devant les Français.
Nous nous sommes en effet engagés devant eux à réformer le système des
cotisations sociales et à promouvoir la réduction du temps de travail pour
favoriser la création d'emplois et améliorer les conditions de vie de nos
concitoyens.
Et nous revendiquons pleinement la corrélation entre l'un et l'autre. En
effet, l'extension importante de l'actuelle formule de la ristourne dégressive
va concerner près de 70 % des salariés et va permettre la prise en charge de
près de 86 % des cotisations pour un salaire égal au SMIC. Nous avons donc
souhaité lier son application à la mise en oeuvre de la réduction du temps de
travail afin d'en optimiser son impact sur la création d'emplois, qui demeure
la priorité du Gouvernement.
Le projet de loi procède donc à un allégement des prélèvements effectués sur
le facteur « travail ». C'est la ligne directrice des réformes lancées par la
gauche, que ce soit en matière de CSG ou de taxe professionnelle.
Il organise en conséquence une diversification des ressources qui viennent
abonder le fonds et qui doivent permettre de financer les allégements de
cotisations assises sur les salaires.
Il s'agit notamment de la contribution sociale sur les bénéfices, qui
concernera les entreprises enregistrant des bénéfices supérieurs à 50 millions
de francs. Compte tenu de l'abattement de 5 millions, on estime à 4 000 le
nombre des sociétés concernées l'année prochaine et le rendement est évalué à
4,3 milliards. La CSB participe donc au rééquilibrage entre entreprises de
main-d'oeuvre et entreprises capitalistiques dans le financement de la
protection sociale. Monsieur le rapporteur, vous estimez que cette mesure est «
révolutionnaire ». Mais ne croyez-vous pas que, face à des enjeux aussi
essentiels que la protection sociale et l'emploi, nous nous devons de proposer
des solutions novatrices et efficaces, même si elles doivent être
révolutionnaires ?
Le fonds sera également alimenté par la TGAP, dont le champ d'application est
élargi notamment aux lessives, à certains produits phytosanitaires utilisés
dans l'agriculture, dont on connaît l'impact préoccupant sur la pollution des
eaux et les effets induits en termes de coût pour leur traitement.
Certains contestent l'affectation de cette taxe ; c'est ignorer le rapport
direct entre ces pollutions et la santé de la population. Son rendement est
estimé à 3,2 milliards de francs.
Ces deux nouvelles ressources vont financer l'extension de la ristourne
dégressive jusqu'à 1,8 du SMIC dans le cadre du passage négocié aux trente-cinq
heures. Cet élargissement permet de combattre l'effet « trappe à bas salaires »
souligné par M. Malinvaud dans le précédent dispositif.
La fraction des droits sur le tabac continuera de financer la ristourne Juppé,
à hauteur de 39,5 milliards de francs, ce qui représente plus de la moitié des
dépenses du fonds pour 2000.
Enfin, l'aide structurelle de 4 000 francs sera assurée grâce à une
contribution de l'Etat de 4,3 milliards de francs, ainsi que par la taxation de
10 % des heures supplémentaires dans les entreprises dont les négociations sur
la réduction du temps de travail n'auront pas encore abouti.
Par ailleurs, le Gouvernement, fort du succès de l'expérience d'activation des
dépenses de l'UNEDIC, dans le cadre notamment de l'ARPE, avait sollicité les
organismes sociaux afin qu'ils participent au financement de cette aide. Cette
implication était parfaitement concevable dans la mesure où la réduction du
temps de travail crée des emplois et contribue donc à augmenter les recettes et
à diminuer les dépenses de ces organismes.
Certains syndicats s'étaient d'ailleurs exprimés voici quelques mois en faveur
d'une participation de l'UNEDIC à ce mouvement.
Le Gouvernement a pris acte des tensions qui existent actuellement au niveau
du paritarisme et a donc proposé de recourir à une fraction de la taxe sur les
alcools - à hauteur de 5,6 milliards de francs - qui jusqu'à maintenant
alimentait le FSV.
Ce fonds devrait donc fonctionner l'année prochaine avec des dotations à
hauteur de 65 milliards de francs.
Madame la ministre, incontestablement, la création de ce fonds, qui articule
étroitement lutte contre le chômage et financement de la protection sociale,
est une démarche audacieuse, innovante et efficace que les socialistes
soutiendront.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
L'alcool au secours du travail. Pour être innovant, on peut dire que c'est
innovant !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les interventions sur un article ne
doivent pas dépasser cinq minutes.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je m'interroge, madame le ministre, sur cette procédure de débudgétisation.
Car ce que nous mettons en cause, ce n'est pas l'allégement des charges
sociales sur les bas salaires, c'est la « machinerie administrative » -
j'essaie de trouver un nouveau mot - qui le finance.
Est-ce que cette procédure de débudgétisation est utile ? Est-elle sincère ?
Est-elle constitutionnelle ?
Première question : est-elle utile ?
Je pense qu'elle l'a été, qu'elle pouvait l'être lorsque vous envisagiez le
financement des 35 heures par la participation de l'UNEDIC et la participation
des organismes sociaux, car il fallait bien, à ce moment-là, un fonds destiné à
« ramasser », si vous me permettez cette expression, lesdites
participations.
Mais que reste-t-il maintenant, suite à la suppression de ces participations ?
Il ne reste que les financements d'Etat. Ce fonds est alimenté par cinq impôts
d'Etat pour 60 milliards de francs et par une subvention d'équilibre à guichet
ouvert de l'Etat, qu'il faudra ajuster en loi de finances rectificative à la
fin de l'année, puisqu'il est précisé à l'article 2 que les recettes doivent
équilibrer les dépenses. Aussi cette procédure a-t-elle, me semble-t-il, perdu
toute son utilité : nous sommes confrontés à un simple démembrement du budget
de l'Etat !
Deuxième question : cette procédure de financement est-elle sincère ?
Même si le rapport économique et financier de la loi de finances parle, en
l'espèce, d'une clarification des comptes, il ne s'agit - et c'est bien
pourquoi Bercy a accepté la formule - que d'une entreprise de camouflage de
l'augmentation globale des impôts pour cette année et les années à venir.
Pour cette année, madame le ministre, ce sont bien 12,5 milliards de francs
d'impôts supplémentaires qui échappent en effet à la loi de finances. J'espère
ne pas me tromper : la TGAP pour 1,2 milliard de francs, les 4,3 milliards de
francs de taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés et les 7 milliards de
francs pris sur les heures supplémentaires.
Dans huit jours, il sera facile d'annoncer brillamment ici que les impôts
n'augmentent en 2000 que de 0,9 % dans le budget de l'Etat... en oubliant que
des augmentations d'impôts d'un montant à peu près égal auront été mises au
vote huit jours auparavant.
Dans quelques années, ce sera combien ? Personne ne le sait exactement. On
parle de 40 milliards de francs.
Troisième question, sur laquelle je veux insister : cette réforme est-elle
constitutionnelle ?
Madame le ministre, vous avez à plusieurs reprises évoqué l'exemple du FSV.
Sur le plan de la constitutionnalité, c'est un excellent exemple car,
justement, on a une décision du Conseil constitutionnel concernant le FSV.
Le 29 décembre 1994, le Conseil constitutionnel, dans une décision de principe
concernant le FSV, rende d'ailleurs à la demande de nos collègues du groupe
socialiste, a considéré que les dépenses de l'Etat qui présentaient un
caractère permanent et étaient de nature législative ne pouvaient être
débudgétisées - il s'agissait dans l'espèce de retraites de fonctionnaires - au
regard des règles fondamentales de l'unité et de l'universalité budgétaires.
Or quelles sont les dépenses de ce fonds ?
Ce sont des dépenses d'interventions publiques du titre IV qui y figurent au
titre de la ristourne dégressive. Elles y sont inscrites, d'ailleurs, en vertu
d'un article du code de la sécurité sociale qui, me semble-t-il, n'a pas été
abrogé - l'article L. 131-7 - qui dispose que ce type de dépenses doit figurer
dans le budget de l'Etat. Comme cela a été dit excellement par M. le
rapporteur, ces dépenses correspondent à des allègements de charges sur les bas
salaires de divers types pris dans le cadre d'une politique de l'emploi.
On prétend qu'il s'agit d'un changement d'assiette des cotisations patronales.
Je veux bien. Mais si vraiment la nouvelle assiette repose sur un mélange de
tabac, de pollution, d'heures suppélementaires...
M. Dominique Braye.
d'alcool !
M. Yves Fréville.
... d'alcool et de bénéfices de grandes sociétés. Je ne vois pas très bien à
quelle rationalité économique cela peut obéir. Si vous nous aviez présenté un
véritable changement d'assiette, nous aurions pu en discuter, mais nous
refusons ce pot-pourri, ce pêle-mêle.
Les allégements de charges en cause doivent continuer à figurer dans le budget
de l'Etat, comme d'ailleurs continuent à y figurer, très curieusement, ceux qui
concernent la loi Robien.
Je pourrais tenir des propos similaires sur les recettes. Je donnerai un seul
exemple.
En dernière minute, les droits sur les alcools ont été transférés du FSV vers
ce nouveau fonds. Mais, mes chers collègues, c'est une loi de finances qui les
avaient affectés au FSV, et vous savez très bien que, en vertu de la règle du
parallélisme des formes et des dispositions de l'article 18 de l'ordonnance
portant loi organique sur les lois de finances, ce n'est qu'une loi de finances
qui pourra réaffecter, le cas échéant, ces droits de consommation sur les
alcools à un nouveau fonds.
Madame le ministre, les droits du Parlement en matière de contrôle de la
dépense publique et d'utilisation des impôts sont ici manifestement bafoués.
Par un véritable cavalier fiscal, vous dénaturez le sens des lois de
financement de la sécurité sociale. Je le regrette très vivement, et c'est pour
cette raison que mon groupe votera la suppression de cet article.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, mon intervention sera centrée sur la TGAP.
Lorsque, voilà un an, de brillants esprits, tous pétris de dogmes
environnementaux, ont décliné, par des démonstrations théoriques, les principes
de la fiscalité écologique, c'était pour marquer notre entrée dans une ère
nouvelle de la lutte contre la pollution et pour la sauvegarde de la nature.
La fameuse TGAP allait constituer le pilier de cette politique radicalement
différente et nouvelle dans son essence. Jusqu'à présent, le produit des
nombreuses taxes créées dans le dessein de limiter les activités ayant une
incidence négative sur l'environnement était affecté à la lutte contre les
sources de pollution, à la surveillance de l'état de l'environnement ou encore
à la réparation des dégâts écologiques.
Les taux de cette fiscalité étaient fonction de deux paramètres : d'une part,
la nécessité de dégager les ressources indispensables pour agir efficacement
dans le domaine de la surveillance, de la réduction des émissions polluantes et
des mesures compensatoires ; d'autre part, la volonté d'obtenir des niveaux de
taxation significatifs pour encourager les pollueurs à engager des politiques
plus compatibles avec les exigences environnementales.
La TGAP, telle que ses théoriciens l'ont présentée, repose sur le principe de
base que ses taux sont totalement indépendants des besoins de financement.
Par ailleurs, le principe qui était constant, à savoir l'affectation à
l'environnement de cette fiscalité dite écologique, est quant à lui
abandonné.
Nous avons été nombreux, dès le début, à émettre des doutes sur la sincérité
de ces propos et à nous opposer à ces réformes tant nous étions sceptiques
quant à leur opportunité et leur efficacité. Nous ne savions pas alors que les
faits allaient nous donner raison si rapidement et de façon si éclatante.
En effet, ce que tend à proposer le projet de loi de financement de la
sécurité sociale dans ses modalités - l'affectation de la fiscalité écologique
au financement des 35 heures - constitue l'abandon du principe fondateur de la
TGAP, voulu par ses initiateurs, c'est-à-dire la prétendue déconnexion entre
les taxes et les politiques auxquelles celles-ci sont affectées.
De fait, avant même de connaître dans le détail les modalités de calcul de la
TGAP - taux et assiettes - pour les années à venir, on annonce le produit
attendu. Cet aveu démontre que tout le dispositif est, en fait, organisé en
fonction des besoins de financement.
Le mécanisme intellectuel élaboré et qui devait constituer la révolution de la
politique environnementale de cette fin de siècle est enterré sans autre forme
de procès. La duperie n'aura pas duré un an !
Par ailleurs, alors que tout converge pour placer les questions
environnementales au coeur de l'action publique, avec des moyens suffisants et
pérennes, et que nos concitoyens expriment en la matière des attentes parfois
angoissées tant pour la santé que pour la prévention des risques, comme nous
l'avons encore constaté ces derniers jours, ou la qualité de vie, on décide de
priver ce secteur du produit de la fiscalité dite « écologiques » ! C'est du
détournement ou de la captation de fonds écologiques, doublés d'une erreur
pédagogique évidente.
Finalement, la seule question qui semble intéresser le Gouvernement est de
trouver des produits à taxer et de garnir les caisses avec, en corollaire,
l'aggravation des prélèvements obligatoires dans notre pays.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que, dans ces conditions, je ne puisse
apporter mon soutien au projet de loi tel qu'il nous a été présenté. Je voterai
donc les amendements tendant à la suppression des articles 2 et 4 proposés par
la commission des affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
L'article 2 constitue l'un des articles clés du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2000.
Il correspond à un débat déjà ancien, qui porte sur le financement pérenne de
la sécurité sociale et, singulièrement, sur ce que l'on appelle, un peu
abusivement à notre avis, les « charges sociales ».
En effet, ce que l'on appelle ainsi n'est, en fait et malgré certaines
apparences - je pense aux cotisations assises sur les salaires -, qu'un
prélèvement sur la valeur ajoutée créée par le travail permettant de transférer
à la société la satisfaction de certains besoins essentiels : être soigné en
cas de maladie, secouru en cas d'inactivité forcée par le fait du chômage ou de
l'incapacité à travailler, assuré, une fois la vie professionnelle accomplie,
d'un revenu de remplacement, en l'occurrence par le versement d'une pension ou
d'une retraite.
On ne peut et on ne doit jamais oublier que tels sont les principes essentiels
qui ont guidé les promoteurs de notre système de protection sociale. Toute
démarche qui tend à réduire les ressources mêmes de la protection sociale pèse,
à terme, sur la qualité de la réponse apportée par l'ensemble du système aux
besoins que je viens de rappeler.
Depuis plus de vingt ans, nous avons connu tout un ensemble de politiques
d'allégement de cotisations sociales. Ce mouvement va continuer d'ailleurs avec
les exonérations jusqu'à 1,8 SMIC, avec le projet de loi sur la réduction du
temps de travail.
Le coût de tous ces allégements se fait sentir sur les finances publiques et
sur la politique sociale.
A ceux qui s'offusquent des dispositions du présent texte, je rappellerai
qu'au courant de l'été 1995 ils avaient cru devoir majorer le taux normal de la
taxe sur la valeur ajoutée pour financer de nouvelles exonérations de
cotisations sociales !
Au demeurant, nous sommes quelque peu dubitatifs sur la manière dont le fonds
de financement va être financé, alors que, dans le projet de loi, il doit
l'être essentiellement par une partie du produit du droit de consommation sur
les tabacs ou sur des produits alcoolisés et accessoirement par la taxation des
entreprises et celle des activités polluantes.
Un examen attentif des comptes de la nation prouve en effet que le mouvement
de création d'emplois que nous avons constaté ces dernières années et qui s'est
amplifié, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, ne peut faire oublier que
la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a pas connu l'évolution
attendue.
Dans les faits, il semble même que le mouvement de baisse relative que nous
avons connu depuis plusieurs années ne soit pas véritablement inversé et que le
niveau des salaires dans la valeur ajoutée reste proche de celui que l'on
observait il y quelques années.
Nous nous interrogeons donc sur la pertinence du choix opéré, notamment à
propos de la réforme des cotisations sociales des entreprises, appuyée sur les
travaux de certains économistes ou sur la réflexion des experts de l'OCDE ou du
FMI, et qui ne correspond, en fait, qu'à une partie de l'analyse que l'on peut
faire aujourd'hui sur le sujet.
On ne peut notamment oublier que la politique d'allégements des cotisations,
au-delà de son coût pour les finances publiques ou pour la protection sociale,
a constitué effectivement une trappe à bas salaires et qu'elle pose encore et
toujours des questions quant à la reconnaissance des qualifications des
salariés, de leur expérience ou de leur formation initiale.
C'est là le reproche essentiel que l'on puisse lui faire aujourd'hui et il
garde toute son actualité au moment où le champ d'application de cette
politique se trouve élargi.
Ces éléments, que nous portons au débat, seront évidemment développés de
nouveau lors de la discussion de l'article.
Nous tenions à les mentionner dès maintenant pour indiquer que le débat était
loin d'être clos.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aux réflexions
tout à fait pertinentes formulées par le rapporteur, M. Charles Descours, et
par nos collègues Yves Fréville et Philippe Richert, je souhaite ajouter
quelques remarques supplémentaires sur l'absence de pertinence du dispositif
tel qu'il nous est présenté dans le projet de loi de financement de la sécurité
sociale à travers la création du fonds de financement.
Première remarque : dans sa réponse, à la fin de la discussion générale, Mme
le ministre a relevé certains propos tenus par différents orateurs, et
notamment le fait que M. Fourcade avait parlé d'une « raffinerie » à propos du
dispositif qui a été mis en place à la fois pour le financement des 35 heures
et pour le financement du fonds de réserve. Le moins que l'on puisse dire,
c'est que l'ensemble du dispositif qui a été prévu pour financer le fonds de
réserve et les 35 heures manque de lisibilité.
J'aimerais bien, madame la ministre, que vous m'expliquiez comment les
Français vont comprendre le mécanisme financier que vous avez imaginé avec vos
collaborateurs pour assurer le financement des 35 heures.
Deuxième remarque : madame la ministre, dans vos interventions, vous avez
donné le sentiment que la majorité sénatoriale ainsi que les gouvernements de
droite n'avaient jamais pris d'initiative en matière d'allégement des charges
sociales, que cela ne faisait pas partie de leur philosophie, de leur
volonté,...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai dit le contraire !
M. Alain Vasselle.
... et que c'était grâce à l'arrivée de ce gouvernement qu'enfin une
politique d'allégement des charges sociales était conduite et, à travers elle,
une politique pour l'emploi.
Notre collègue Charles Descours a rappelé à juste raison que ce n'était pas
exact. En effet, l'allégement des charges sociales a toujours fait partie du
discours tenu par l'ensemble des membres de la majorité sénatoriale.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ça, c'est vrai ! Dans les
discours, oui !
M. Alain Vasselle.
Nous avons d'ailleurs traduit dans les faits, au moyen de divers textes de
loi, un début d'allégement, même si nous n'avons pas pu aller aussi loin que
nous le souhaitions. Vous n'avez fait que prendre le relais en ajoutant des
mesures allant dans le même sens. Donc, ne faites pas de mauvais procès aux
membres de la majorité sénatoriale.
Ma troisième remarque concerne le fonds de solidarité vieillesse.
Je tiens à rappeler, à la suite de notre collègue Yves Fréville, que le fonds
de solidarité vieillesse a été exclusivement créé - j'ai été le rapporteur du
texte l'instituant, alors que M. Balladur était Premier ministre et que Mme
Veil exerçait les fonctions qui sont les vôtres aujourd'hui, madame - pour
assurer le financement de dépenses de solidarité et de dépenses non
contributives. Ce fonds n'avait pas d'autre objet.
Or, vous êtes en train de vous en servir à d'autres fins que celles auxquelles
a pensé initialement le législateur. Il fallait que ce soit dit à l'occasion de
l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Quatrième remarque : je considère que le dispositif qui tend à lier la
réduction du temps de travail et l'allégement des charges est mauvais, car
celle-là annule les effets de celui-ci, notamment pour les petites entreprises.
Ces dernières vont en effet être confrontées à des difficultés majeures dès que
la mise en place des 35 heures sera obligatoire. Leur faire croire qu'elles
vont tirer un avantage de la réduction du temps de travail à 35 heures par
l'allégement des charges qu'elles supportent aujourd'hui, c'est vraiment les
tromper. La vérité, c'est qu'on va les plonger dans une situation dont
certaines d'entre elles auront beaucoup de mal à se remettre.
Avant de conclure, je voudrais revenir sur le point qui a été, à juste titre,
développé par notre collègue Philippe Richert. Il s'agit du lien que vous créez
entre la taxation des activités polluantes et le financement des 35 heures.
J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui le justifie car, je ne vous le cache
pas, il me paraît totalement incohérent. Du reste, il y a là une absolue
contradiction avec certains propos tenus par d'autres membres du Gouvernement,
notamment par Mme Voynet.
J'avais cru comprendre, lorsque la TGAP, la taxe général, sur les activités
polluantes, a été créée, qu'il s'agissait notamment de financer des actions
tendant à atténuer le caractère polluant d'opérations conduites par certaines
entreprises. Or ce ne sera plus le cas. Mme Dieulangard fait valoir qu'il
existe une cohérence dans la mesure où le produit de la TGAP permettra de
financer des dépenses de santé, mais je pense que les Français seraient plus
rassurés si ce produit était effectivement utilisé à garantir la sécurité
alimentaire ou à réduire les pollutions. Ils préféreraient que cet argent soit
affecté à l'amélioration de l'environnement, ce qui correspond à des dépenses
préventives, plutôt qu'au financement de dépenses curatives.
Les Français doivent le savoir, à partir du moment où vous affectez le produit
de la TGAP au financement des 35 heures, ce produit ne profitera plus à
l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, et cela ne
manquera pas d'avoir pour eux de douloureuses conséquences. Il faudra trouver
d'autres ressources pour cet organisme, peut-être des concours budgétaires
inscrits dans la loi de finances, mais dont nous ne connaissons pas le niveau.
Cela risque aussi de se traduire par une diminution des concours financiers de
l'ADEME aux dépenses des collectivités locales au titre du traitement des
déchets et de la pollution de l'eau.
Il en résultera inévitablement une augmentation du coût du service que les
Français auront à supporter. Ainsi, en fait d'allègement des charges des
entreprises, on va faire subir aux Français le poids d'un impôt qui viendra
s'ajouter à tous ceux qui existent déjà, contribuant par là même à
l'augmentation des prélèvements obligatoires.
A cet égard, un article paru récemment dans un mensuel rappelle que la France
vient de battre son record en matière de prélèvements obligatoires puisque
ceux-ci représentent maintenant 45,3 % du PIB. Ainsi la France est vraiment le
champion des prélèvements obligatoires, et l'actuel gouvernement continue
d'apporter sa pierre à ce triste édifice, comme l'a fait justement remarquer M.
Fréville, à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
C'est pourquoi nous soutiendrons la proposition de suppression de l'article 2.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 4 est déposé par M. Descours, au nom de la commission des
affaires sociales.
L'amendement n° 75 est présenté par M. Jean-Louis Lorrain et les membres du
groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 90 est déposé par M. Louis Boyer et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer l'article 2.
Par amendement n° 113, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de remplacer le 5° du texte
présenté par l'article 2 pour l'article L. 131-8-2 du code de la sécurité
sociale par trois alinéas ainsi rédigés :
« 5° Une contribution assise sur leur montant net versée par les sociétés, les
entreprises et autres personnes morales, assujetties en France à la déclaration
de l'impôt sur les sociétés, au titre de l'article 206 du code général des
impôts. Des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et
profits réalisés sur les opérations menées sur titres, les opérations menées
sur les marchés réglementés et sur les marchés à terme d'instruments financiers
et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables.
« Pour les sociétés placées sous le régime de l'article 223 A du code général
des impôts, la contribution est due par la société mère.
« Le taux de cette contribution sociale sur les revenus financiers des
entreprises est fixé à 10 %. La contribution sociale est contrôlée et recouvrée
selon les mêmes règles que les cotisations sociales. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'ai déjà expliqué, monsieur le président, pourquoi je
propose à la Haute Assemblée de supprimer l'article 2.
M. le président.
La parole est à M. Richert, pour présenter l'amendement n° 75.
M. Philippe Richert.
Il a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Louis Boyer.
Le mode de fonctionnement du fonds instauré par l'article 2 présente plusieurs
défauts rédhibitoires.
Le dispositif d'accompagnement des 35 heures est compensé non pas par l'Etat
mais par de nouveaux prélèvements, contrairement au dispositif mis en place par
le gouvernement de M. Juppé.
Il accroît les taxes des entreprises, à travers la contribution sociale sur
les bénéfices des sociétés, pour un montant de 4,3 milliards de francs, et
l'extension de la TGAP.
Il procède à un prélèvement indirect sur la sécurité sociale. Si la ponction
des organismes de sécurité sociale est abandonnée, y est substituée une
fraction des droits sur les alcools prélevée sur le fonds de solidarité
vieillesse. Mais la sécurité sociale ne récupère pas les sommes qui devaient
lui être retirées puisqu'elles iront abonder le fonds de réserve pour les
retraites.
Les taxes sont détournées de leur objet. L'écotaxe, à travers la TGAP, est
consacrée non à l'amélioration de la qualité de l'air, de l'eau et de
l'environnement en général, mais au soutien de l'emploi. La taxe de 39,5
milliards sur les tabacs devrait être affectée aux soins des fumeurs et,
surtout, à la prévention, qui est aujourd'hui en partie délaissée. On peut en
dire autant des droits sur les alcools.
Enfin, le financement des 35 heures n'est pas bouclé puisqu'il manquera une
quinzaine de milliards de francs d'ici à quatre ans.
Par ailleurs, en intégrant ce fonds à la loi de financement de la sécurité
sociale, le Gouvernement suscite des confusions qui risquent de compromettre
cet exercice nouveau que constitue l'examen d'une loi sur le budget de la
sécurité sociale. Le financement de la politique de l'emploi devrait figurer
dans le budget de l'Etat.
C'est pour toutes ces raisons que nous préconisons, comme la commission, la
suppression de cet article.
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 113.
M. Guy Fischer.
Cet amendement vise à substituer à la contribution de 10 % due au titre de la
taxation des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures par les entreprises
non passées aux 35 heures une contribution sociale assise sur les revenus
financiers des entreprises.
Force est de rappeler que le recours aux heures supplémentaires demeure
relativement élevé, notamment dans certains secteurs d'activité directement
concernés par des activités saisonnières. Et cela concerne souvent les
entreprises où les niveaux moyens de rémunération sont les plus faibles.
Nous sommes donc confrontés à une situation pour le moins contradictoire :
d'un côté l'un des éléments de la politique de l'emploi - sans que nous
disposions d'ailleurs de critères d'évaluation de l'efficacité réelle de la
mesure - consiste à alléger le « coût du travail » non qualifié ; d'un autre
côté, le recours aux heures supplémentaires, lesquelles permettent parfois aux
salariés concernés de majorer un revenu pour le moins faible, sera pénalisé, ce
qui revient à dire que, à coût équivalent pour l'employeur, c'est le salarié
qui fera les frais de l'opération.
Que les choses soient claires : nous ne sommes pas des partisans forcenés de
l'allongement de la durée du travail et le récent débat sur l'incitation à la
réduction du temps de travail l'a assez largement montré.
Vous n'aviez pas cru, madame le ministre, devoir retenir notre proposition de
réduction du volant d'heures supplémentaires autorisé. Ce contingent n'a
toujours pas été réduit.
Une double démarche devrait à notre sens être menée : d'une part, une démarche
visant à revaloriser sensiblement les salaires les plus faibles, ce qui impose
notamment, indépendamment du relèvement du salaire minimum, qu'une attention
toute particulière soit portée sur la fixation des minima conventionnels
déterminés par la négociation collective dans les branches ; d'autre part, une
démarche visant à donner des moyens nouveaux aux salariés, à travers leurs
représentants, notamment pour transformer des heures supplémentaires en emplois
pérennes.
Cela étant, on demeure, en matière de cotisations sociales perçues au sein de
l'entreprise, placé dans le cadre de l'assiette actuelle, fondée sur les
niveaux de rémunération. Or chacun sait que les entreprises ont, ces dernières
années, très sensiblement accru leurs placements financiers et que le faible
niveau de l'investissement productif des entreprises tient aussi à une
croissance continue de la part de la valeur ajoutée mobilisée par des
placements de trésorerie.
Nous proposons donc, par une sorte de symétrie avec ce qui a été mis en place
pour les revenus de capitaux mobiliers perçus par les ménages, d'instaurer une
contribution sur les revenus financiers des entreprises et de substituer cette
contribution à celle qui est assise sur le recours aux heures
supplémentaires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 113 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je constate qu'il y a des nuances entre les conceptions des
différentes composantes de la majorité plurielle puisque le texte du
Gouvernement serait sensiblement modifié par l'amendement présenté par le
groupe communiste.
Cela étant, comme je propose de supprimer l'article, je pense que cet
amendement tombera. Si tel n'était pas le cas, j'émettrais un avis
défavorable... pour venir au secours du Gouvernement.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements présentés à
l'article 2 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à tous ces amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 4, 75 et 90.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté : les députés communistes ont voté
contre cet article du projet de loi, mais il va de soi que notre groupe votera
contre les amendements de suppression.
(Rires et exclamations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il est clair que notre position est en effet complètement différente de celle
de la commission : quand nous proposons, nous, d'asseoir une contribution sur
les revenus financiers, le rapporteur rejette évidemment cette solution. Il est
donc normal que, même si nous n'approuvons pas cet article 2 en l'état, nous
n'en votions pas la suppression.
M. Alain Vasselle.
Ça, c'est logique !
Mme Nicole Borvo.
Voter ces amendements relèverait de tactiques politiciennes que nous ne
pratiquons pas !
M. Alain Vasselle.
Vous vous opposez à la fois à la majorité sénatoriale et au Gouvernement ! Il
faut avoir le courage de le dire !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 4, 75 et 90, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est supprimé et l'amendement n° 113 n'a plus
d'objet.
Article 3
M. le président. « Art. 3. _ Le code général des impôts est ainsi modifié :