Séance du 17 novembre 1999
« I. - L'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice du précédent alinéa, les cotisations mentionnées au premier alinéa dues au titre de la première année civile d'activité sont calculées à titre provisionnel sur une base forfaitaire qui ne peut excéder 18 fois la valeur de la base mensuelle de calcul des prestations familiales en vigueur au 1er octobre de l'année précédente ; celles dues au titre de la deuxième année civile d'activité sont calculées à titre provisionnel sur une base forfaitaire qui ne peut excéder 27 fois cette valeur.
« II. - L'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le montant de la cotisation annuelle assise sur le revenu forfaitaire visé à l'article L. 131-6 ne peut excéder, au titre de la première année civile d'activité, celui qui serait dû sur 18 fois la valeur de la base mensuelle de calcul des prestations familiales en vigueur au 1er octobre de l'année précédente et, au titre de la deuxième année civile d'activité, celui qui serait dû sur 27 fois cette valeur.
« III. - Les dispositions du I et du II sont applicables aux cotisations dues par les travailleurs non salariés des professions non agricoles débutant leur activité à compter du 1er juillet 2000. »
La parole est à Mme le minsitre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de développer la création d'entreprises, donc la création d'emplois.
Notre pays, nous le savons, grâce à son potentiel de croissance et à sa main-d'oeuvre qualifiée, a de bonnes perspectives dans ce domaine.
Les petites entreprises, qui sont d'ailleurs souvent le fruit de projets personnels, constituent un atout pour l'emploi ; ce sont elles qui, aujourd'hui, « portent » le développement de nouveaux services dont la société a besoin, le développement de nouvelles technologies et assurent une croissance riche en emplois.
Depuis deux ans, le Gouvernement s'efforce de favoriser la création d'entreprises.
Sur le plan financier, dès l'élaboration de la loi sur les emplois-jeunes et de la loi sur la lutte contre les exclusions, nous avons décidé de créer un système d'avances remboursables.
Dans la loi de finances et la loi sur l'innovation, nous avons décidé de favoriser l'émergence des projets les plus risqués.
Nous avons également fait des progrès en matière de simplification administrative, même s'il en reste encore à faire, en instituant un régime fiscal pour les micro-entreprises pouvant être adapté aux créateurs, ou encore en quérant une simplification des formalités, permettant la création d'entreprises en vingt-quatre heures.
La mission menée par Eric Besson au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale a ouvert des pistes importantes en matière de financement et d'accompagnement des créateurs, de simplification des dispositifs.
Les assises régionales de la création d'entreprises qui ont été tenues par Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, organisées dans trois régions, ont aussi montré des voies à suivre.
De tous ces travaux, il ressort notamment qu'il nous faut encore simplifier et alléger les cotisations sociales des créateurs et diminuer les risques qu'ils encourent.
La création d'une entreprise est en effet un processus exigeant, qui suppose à la fois de l'imagination, de la volonté, du professionnalisme. Il implique que le créateur affronte une diversité de sujets. Le rôle des pouvoirs publics, de l'ensemble des institutions qui travaillent en amont au moment de la création, de la banque aux réseaux consulaires, doit être de faciliter et d'accompagner ce processus.
Mme Marylise Lebranchu coordonne actuellement la préparation des assises nationales de la création d'entreprises, à l'occasion desquelles d'autres aspects ne manqueront pas d'être évoqués.
Dans l'immédiat, cet amendement apporte une pierre supplémentaire à l'édifice concernant la très grande majorité des créateurs d'entreprise, puisqu'il modifie les cotisations sociales du créateur, qu'il soit artisan ou commerçant, qu'il démarre sous statut indépendant, en tant que gérant majoritaire d'une SARL ou en tant qu'associé unique.
Actuellement, les revenus du début de l'activité n'étant pas encore connus, les cotisations des travailleurs indépendants sont acquittées dès le premier mois - c'est d'ailleurs un problème - sur une base forfaitaire qui varie selon les catégories de cotisations. Lorsque le revenu est connu - en général deux ans après - les cotisations sont régularisées. En attendant, la charge de trésorerie est souvent lourde pour le créateur, surtout si le revenu tiré de l'activité est faible dans un premier temps.
Pour les cotisations d'assurance maladie, le revenu forfaitaire retenu pour les deux premières années est égal à 69 456 francs.
Pour les cotisations d'assurance vieillesse, le revenu forfaitaire retenu est égal à 57 880 francs la première année et à 86 820 francs la seconde année.
Pour les cotisations d'allocations familiales, la CSG et la CRDS, le revenu forfaitaire est égal à 38 370 francs pour les deux premières années.
On voit bien la complexité du problème.
Nous proposons une harmonisation à la baisse des assiettes forfaitaires du début d'activité et un allégement des cotisations sociales dues au titre des deux premiers exercices.
Le texte pose donc le principe d'un revenu forfaitaire maximum de 38 370 francs, soit dix-huit fois la base mensuelle des allocations familiales pour la première année civile d'activité, et de 57 550 francs pour la deuxième année, pour toutes les cotisations et contributions.
Par ailleurs, le Gouvernement modifiera les dispositions réglementaires relatives au recouvrement de ces diverses cotisations afin que le créateur d'entreprise n'ait aucune cotisation à payer avant le quatrième mois d'activité.
Notre souci est que l'entrepreneur puisse enregistrer ses premières entrées de trésorerie avant les appels de cotisations.
La baisse de cotisations sera ainsi de 30 % pendant la première année. Cette baisse se prolongera la seconde année. Elle sera d'au moins 15 % pour un artisan percevant le revenu moyen. La mesure sera applicable aux créateurs dont l'activité démarrera après le 30 juin 2000. Les dispositions d'application pour chacune de ces cotisations seront prises par décret.
Finalement, l'amendement n° 84 favorise la création d'entreprises, améliore la trésorerie de l'entrepreneur et facilite la lisibilité des cotisations sociales pour les créateurs. Il est tout particulièrement fait pour que les projets les plus modestes puissent émerger. Il vise donc à établir une égalité des chances dans la création d'entreprises, qui n'est pas toujours assurée aujourd'hui dans notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, je pense que les collaborateurs de Mme le ministre ont eu le temps de préparer la réponse à la question posée par notre collègue Claude Huriet sur le rapport relatif à l'application de la loi Evin. S'il en est ainsi, je souhaiterais que Mme la ministre nous fasse part de cette réponse dès maintenant. Dans le cas contraire, je souhaiterais qu'on nous la communique demain matin.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'évaluation de la loi Evin a donné lieu à un rapport qui a été rendu public aujourd'hui même.
M. Charles Descours, rapporteur. On a une de ces chances ces jours-ci !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, voilà trois ans que nous l'attendions : il vaut mieux qu'il sorte aujourd'hui que jamais. (M. Charles Descours, rapporteur, proteste.)
Vous n'êtes jamais content ! Vous me posez une question, je m'apprête à vous répondre positivement et vous n'êtes pas content. Je ne sais plus que faire pour vous satisfaire ! (Sourires.)
Dominique Gillot et moi nous faisons tout pour vous être agréables, mais, décidément, nous n'y arrivons pas !
Le commissariat général du plan a enfin rendu son évaluation, évaluation qui est positive, sur le tabac, qu'il s'agisse de l'interdiction de la publicité, de la protection des non-fumeurs ou de la politique des prix, même si des efforts doivent encore être faits en milieu scolaire et chez les jeunes.
Le Gouvernement a multiplié par cinq le budget consacré à la prévention du tabagisme depuis deux ans. Vous savez que le rapport que nous a remis M. Recours contient des propositions pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes. Nous y travaillons actuellement avec Mme Gillot.
En ce qui concerne l'alcool, le bilan est plus contrasté, en particulier sur l'interdiction de la publicité. Mais on sait qu'en matière de lutte contre l'alcoolisme la démarche doit être plus globale. Aujourd'hui la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie s'apprête à travailler sur la prévention des dépendances.
Telle est la première réponse que nous pouvons vous apporter, dans la mesure où nous n'avons pas encore eu le temps de nous pencher de manière très approfondie sur les conclusions de ce rapport, qui vient de nous être remis.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charles Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, je me réjouis que nous puissions disposer de ce rapport dans les prochains jours.
S'agissant de l'amendement n° 84, puisque nous en sommes à échanger des amabilités - ne suffit-il pas que l'on demande un rapport pour apprendre qu'il vient de sortir ? -, nous y sommes favorables.
Nous y sommes favorables non seulement pour faire plaisir au Gouvernement, mais aussi parce qu'il vise à harmoniser et à alléger les bases de calcul des cotisations et des contributions sociales des jeunes entrepreneurs.
Il est vrai que, actuellement, des bases forfaitaires différentes selon les risques sont utilisées. Pour les non-salariés, la cotisation est calculée en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année. Or, pour les jeunes créateurs d'entreprise, par définition, ce revenu n'existe pas.
Le système tend à prendre comme référence la base mensuelle des allocations familiales et à calculer les cotisations sociales à partir de cette base. L'allégement est notable : 30 % la première année, 15 % la seconde année. Nous souhaitons simplement que le décret d'application soit publié rapidement. Vous avez affirmé, madame la ministre, que le dispositif serait applicable le 1er juillet 2000 ; nous en prenons acte.
En 2000, le coût sera de 300 millions de francs, ce qui revient une fois de plus à diminuer les excédents de la C3S. Là encore, c'est malheureusement de la tuyauterie ! Quand on diminue les excédents de la C3S, on diminue le FSV. Et c'est effectivement la C3S qui sera mise à contribution pour combler le besoin de financement de la CANAM, de l'ORGANIC et de la CANCAVA.
Bien entendu, il y a là un geste d'allégement que nous apprécions, mais, en l'occurrence, rien ne sort de la poche de l'Etat. Ce sont les caisses qui sont mises à contribution. En tout cas, il est heureux qu'un geste soit fait en faveur des non-salariés, qui sont généralement quelque peu oubliés dans les lois de financement de la sécurité sociale.
J'en profite pour vous demander, madame le ministre, tout en sachant que cette question relève plutôt d'un de vos collègues, si vous ne pourriez pas faire étudier la faculté, pour les travailleurs non-salariés, de bénéficier, comme en matière d'impôt sur le revenu, de reports d'un exercice déficitaire à un autre.
La rédaction actuelle de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale interdit les reports déficitaires qui permettent de lisser les pertes d'un exercice déficitaire sur trois ou cinq ans. Quels que soient les problèmes que cela pose, il me semble qu'il serait préférable d'harmoniser, sur ce point, les règles fiscales et sociales.
De plus, il existe toujours des cotisations minimales perçues par les régimes des non-salariés non agricoles. La prise en compte des reports déficitaires ne conduirait pas à supprimer toutes les cotisations sociales.
Les jeunes entrepreneurs, qui seront certainement heureux de cet amendement, apprécieraient beaucoup que ma suggestion puisse être mise en oeuvre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, s'agissant de la proposition que vous venez de formuler, il est difficile d'imputer, en matière de prélèvements sociaux, les déficits enregistrés une année sur une autre année. Nous ne sommes pas dans le cadre de la fiscalité. La fiscalité est progressive, contrairement aux cotisations sociales, qui sont proportionnelles au revenu.
Dès lors que le prélèvement a un caractère progressif, ce qui est le cas en matière d'impôt sur le revenu, la prise en compte du déficit d'une année dans l'imposition d'une autre année se justifie. Dès lors qu'il est proportionnel, au contraire, il n'existe pas de raison majeure de procéder à tel report.
Un travailleur indépendant est redevable de cotisations sociales qui sont strictement fonction du revenu propre à chaque année. Il n'y a pas lieu de minorer la capacité contributive que le travailleur indépendant a dégagée au cours d'une année donnée du montant du déficit qu'il a pu enregistrer lors de l'année précédente.
Ceci n'est évidemment qu'une première réponse, à chaud, mais je suis prête à examiner ce problème de plus près.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 84.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je voudrais simplement relever la nature du financement de cette disposition tout à fait intéressante en faveur des artisans et des commerçants, c'est-à-dire le prélèvement sur une partie de l'excédent de la C3S.
Si ce financement de 300 millions de francs ne faisait qu'amputer l'excédent global de la C3S, qui vient alimenter le fonds de solidarité vieillesse, il n'y aurait pas lieu d'en être préoccupé. En effet, aujourd'hui, cet excédent global atteint 8,3 milliards de francs. Mais il va aussi subir les effets du dispositif imaginé pour le financement des 35 heures et pour celui du fonds de réserve.
Or nous savons que le fonds de solidarité vieillesse est soumis à l'effet de ciseaux : lorsque la conjoncture est porteuse, ce fonds se porte bien et ne suscite aucune inquiétude particulière, comme nous le constatons depuis trois ou quatre ans ; en revanche, aussitôt que la conjoncture s'inverse, l'effet contraire se produit puisque le fonds de solidarité a pour objet de financer des dépenses non contributives de solidarité, mais aussi de prendre en charge des périodes de chômage. Il est bien évident, que si le chômage venait à redémarrer, le fonds de solidarité vieillesse risquerait de se trouver à nouveau en difficulté.
Dès lors, il est fort dangereux d'affecter une partie des ressources du fonds de solidarité vieillesse à des dépenses pérennes. Bien entendu, lorsqu'on se trouve dans une situation plutôt bonne, la tentation est forte de prélever sur des recettes destinées à alimenter un fonds qui paraît chaque année en excédent. Malheureusement, un retournement de situation peut avoir des effets désastreux, et il est nécessaire qu'un fonds comme celui-ci conserve une marge de manoeuvre suffisante.
Je crains que les différentes mesures qui sont prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne fragilisent à terme le fonds de solidarité vieillesse. C'est la raison pour laquelle je me permets de formuler ces quelques observations, tout en saluant cet amendement qui va permettre d'alléger, pendant deux ou trois ans, les charges des artisans et des commerçants. C'est une excellente initiative. Nous avons d'ailleurs toujours dit qu'il fallait tendre vers l'allégement des charges des entreprises.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je ne suis pas hostile à ce qu'on favorise les petites entreprises nouvelles créatrices d'emplois, mais je pense qu'il serait préférable d'alléger les charges financières plutôt que d'alléger toujours les charges sociales.
C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 84, accepté par la commission.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 bis.
Article additionnel avant l'article 6
M. le président. Par amendement n° 8, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, avant l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :