Séance du 17 novembre 1999
« Après l'article L. 225-6, il est inséré, dans le titre II du livre II du code de la sécurité sociale, un chapitre 5 bis ainsi rédigé :
« Chapitre 5
bis
«
Affectation des résultats comptables
des branches du régime général
«
Art. L. 225-7. -
Chaque branche du régime général dispose
d'une section comptable distincte de celle de ses opérations courantes.
« Après la clôture de l'exercice, le résultat comptable de la branche est
imputé sur cette section comptable.
« Le placement des sommes inscrites à cette section comptable est effectué par
l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale dans le respect de la
séparation des branches.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
La loi du 25 juillet 1994 a réaffirmé le principe de gestion
commune de trésorerie par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale,
l'ACOSS, mais a également prévu une individualisation de la trésorerie des
branches, qui disposent ainsi d'intérêts créditeurs et débiteurs résultant de
la gestion de trésorerie. La commission des affaires sociales est très
attachée, je le rappelle, à cette individualisation de la trésorerie des
branches.
Lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999,
l'Assemblée nationale, suivant au pied de la lettre une recommandation de la
Cour des comptes, a supprimé une disposition de l'article 2 de la loi du 25
juillet 1994 qui prévoyait la possibilité pour les conseils d'administration
des caisses nationales de placer des « éventuels excédents durables de
trésorerie ». Cette disposition n'était pas, il faut le reconnaître, d'une
clarté absolue. Mais votre commission s'était opposée à cette suppression,
qu'elle avait jugée pour le moins « prématurée ».
Aucune disposition du code de la sécurité sociale n'est prévue actuellement
pour l'affectation des excédents comptables.
La commission des affaires sociales constate que le Gouvernement met en place,
dans la confusion, des mécanismes de transferts qui se font au détriment de la
sécurité sociale dans son ensemble mais qui visent notamment la branche
famille. Aussi souhaite-t-elle, dans le respect de l'autonomie des branches de
la sécurité sociale, que celles-ci bénéficient des excédents qu'elles créent,
comme c'est le cas pour la CNAF ou la CNAV, ou assument
a contrario
des
dettes qu'elles génèrent, comme c'est le cas pour la CNAM.
Il y va de la clarté dans laquelle doit se poursuivre le redressement des
comptes sociaux et de la responsabilisation de chacun.
Dans le rapport annexé à la loi de financement pour 1998, le Gouvernement
affirmait sa « volonté de restructurer l'équilibre financier, gravement
compromis aujourd'hui, de la branche famille » et décidait la mise sous
conditions de ressources des allocations familiales.
Le fait que la branche famille enregistre aujourd'hui des excédents n'a rien
de surprenant : le contraire serait même étonnant dans un contexte de
croissance.
Les réserves qu'elle peut accumuler aujourd'hui lui permettront demain
d'éviter une nouvelle remise en cause des fondements de notre politique
familiale.
De même, la branche vieillesse est dans l'oeil du cyclone à la veille du choc
démographique de 2005. Dans cette attente, il est sain qu'elle puisse
constituer des réserves productives d'intérêts et il est prudent que ces
réserves restent en son sein plutôt que de migrer vers un fonds de réserve dont
les missions sont aussi incertaines ; mais j'ai cru comprendre qu'elles se
précisaient au fur et à mesure de la sortie des décrets.
A terme, si la sécurité sociale présente des excédents durables, au-delà des
cycles conjoncturels, il importera d'ouvrir, dans la transparence et le respect
des partenaires sociaux, un débat sur l'affectation de ces réserves :
amélioration des prestations, diminution des prélèvements actuels ou encore
remboursement anticipé de la dette sociale, c'est-à-dire diminution des
prélèvements qui pèsent sur les générations à venir jusqu'en 2014, et je crois
qu'à cet égard M. Adnot attend toujours la réponse à la question qu'il a posée
hier.
Aussi la commission propose-t-elle que chaque branche dispose d'une section
comptable distincte de celle de ses opérations courantes, sur laquelle serait
affecté le résultat comptable de l'exercice clos précédent. Un déficit d'une
année pourrait être ainsi « financé » par un excédent d'une année suivante,
selon un système de « stabilisateurs automatiques ».
En 1998, seule la branche accidents du travail a été excédentaire de 1,6
millard de francs. Les déficits des branches vieillesse - 0,2 milliard de
francs - famille, - 1,9 milliard de francs - et maladie - 15,9 milliards de
francs - doivent être financés : cela représente un total de 18 milliards de
francs. La CADES n'ayant repris « que » 12 milliards de francs par
anticipation, il reste ainsi 6 milliards de francs de déficit supplémentaires à
répartir entre les trois branches.
En 1999, la branche maladie serait déficitaire de 12,1 milliards de francs.
Les trois autres branches seraient à l'équilibre.
C'est pour éviter des passages de branche à branche, pour défendre l'autonomie
financière des branches et pour accroître la clarté du financement de la
sécurité sociale que la commission vous propose d'adopter l'amendement n° 8.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je peux tout d'abord redire, en
réponse à M. Adnot, que la CADES dégagera bien des excédents suffisants pour
rembourser la dette : il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir de ce côté.
En ce qui concerne l'amendement n° 8, qui vise à introduire pour chaque
branche du régime général une section comptable distincte de celle des
opérations courantes, je dois dire que je comprends mal le but que vous
cherchez à atteindre, monsieur le rapporteur.
En effet, le plan comptable ne prévoit pas de section comptable qui pourrait
recevoir en affectation le résultat d'un exercice, mais il prévoit que ce
résultat doit être soit viré au report à nouveau de l'organisme, soit affecté à
un compte de réserve figurant au bilan de l'organisme. Il y a donc bien, dans
le droit commun actuel, un traitement comptable des résultats qui me paraît de
nature à satisfaire votre demande, en tout cas telle que vous l'avez
présentée.
Par ailleurs, si votre souci est l'individualisation des branches, je vous
rappelle que chaque branche a ses propres comptes. Seule la trésorerie fait
l'objet d'une gestion commune par l'ACOSS. Il est vrai que les reports à
nouveau des différentes branches ont été remis à zéro en 1994, mais c'est une
décision qu'a prise le gouvernement de M. Balladur. Depuis, les résultats sont
bien enregistrés au bilan de chaque branche.
J'ajoute que le Premier ministre s'est engagé, et cela figure dans le projet
de loi de financement de la sécurité sociale, à garantir les ressources de la
branche famille, justement pour éviter des opérations du type de celle qui ont
eu lieu en 1994.
Enfin, nous avons décidé - et je crois que nous allons dans le sens de ce que
vous recherchez - d'affecter les excédents de la branche vieillesse au fonds de
réserve des retraites pour éviter que cet argent puisse être utilisé
autrement.
Par conséquent, je ne vois pas l'intérêt de cet amendement et je n'y suis pas
favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Par cet amendement, la commission pose une vraie question : comment isoler les
problèmes de trésorerie de chaque branche ?
J'ai sous les yeux le rapport du ministre de l'emploi et de la solidarité sur
les avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale en 1999.
S'agissant précisément de la branche famille, dont parlait Mme la ministre il y
a quelques minutes - elle prenait l'exemple de 1994 ; moi, je reste en 1999 -
je lis ceci : « Les caisses d'allocations familiales ont versé au mois d'août
la majoration de l'allocation de rentrée scolaire décidée par le Gouvernement
en juillet lors de la conférence de la famille. Cette dépense pèse dans un
premier temps sur la trésorerie de l'ACOSS, puisqu'elle ne pourra être
remboursée par l'Etat qu'en toute fin d'année ou au début de l'année 2000,
après le vote de la loi de finances rectificative. »
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela n'a rien à voir !
M. Yves Fréville.
En d'autres termes, c'est l'ACOSS qui doit supporter les conséquences
financières du retard mis par l'Etat à lui payer l'allocation de rentrée
scolaire.
Par conséquent, sans entrer dans les détails techniques, je pense que
l'amendement déposé par M. Descours montre bien qu'un véritable problème se
pose pour isoler la trésorerie des différentes branches.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je ne suis pas sûr que l'amendement que j'ai présenté soit
techniquement impeccable.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En tout cas, il ne résout pas
le problème posé !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais vous avez très bien compris mon objectif, madame le
ministre. Il s'agit de faire en sorte une branche dégage que, quand un excédent
de trésorerie, celui-ci reste dans cette branche, afin d'éviter les montages
que nous avons dénoncés en début de séance, notamment le « siphonnage » des
résultats, tel que le Gouvernement l'avait prévu initialement.
Donc, pour éviter ce « siphonnage », et la tentation est toujours grande, nous
devons inscrire dans la loi que chaque branche conservera ses excédents de
trésorerie.
Je maintiens donc l'amendement n° 8 ; il est possible qu'il faille le modifier
sur le plan technique, mais le principe d'autonomie des branches et du maintien
des excédents éventuels dans les branches doit être vraiment intangible.
Nous nous étions beaucoup battus, en 1994, pour que la loi à laquelle j'ai
fait référence soit adoptée. Elle l'a été. Mais il faut de temps en temps faire
des piqûres de rappel, car tous les gouvernements ont des tentations,
tentations que l'on peut d'ailleurs comprendre.
(Sourires.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si je puis me permettre,
certains gouvernements ont plus la tentation que d'autres...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Attendez...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En 1994, le gouvernement
Balladur a utilisé 60 milliards de francs d'excédents cumulés de la branche
famille pour financer la branche maladie, qui connaissait certaines
difficultés.
La question que pose M. Fréville n'a véritablement rien à voir avec
l'amendement déposé par M. le rapporteur, de sorte que, si cet amendement était
adopté, il ne la réglerait en rien.
En effet, ce que demande M. le rapporteur - j'ai maintenant mieux compris -
c'est qu'il soit affiché de manière claire dans la loi que les excédents de
chaque branche restent « à perpétuité », si je puis dire, dans la même branche.
En revanche, monsieur Fréville, vous posez un problème de trésorerie : vous
estimez que la sécurité sociale n'a pas à consentir d'avances pour des dépenses
par ailleurs prévues.
Mais je vous rassure : étant donné que l'allocation de rentrée scolaire, dont
M. le Premier ministre a annoncé la pérennisation, sera bientôt une allocation
pérenne de la branche famille, laquelle, en fonction de ses capacités, la
prendra en compte, elle sera donc inscrite de manière permanente dans les
comptes de la sécurité sociale.
C'est une autre façon de régler le problème que vous avez soulevé, auquel
l'amendement de M. le rapporteur ne répond, lui, absolument pas.
M. Yves Fréville.
La question demeure posée !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, je sais que vous avez de la mémoire. Je
souhaite qu'elle ne soit pas sélective ! Je rappelle que, si les partenaires
sociaux se sont mobilisés lorsque vous avez présenté ce projet de loi en
conseil des ministres, c'était au motif d'une ponction sur les excédents des
caisses de sécurité sociale de 5,5 milliards de francs.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais non !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Comment « non » ?
M. Alain Vasselle.
Mais si !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Enfin ! madame le ministre, il y avait bien une ponction de
5,5 milliards de francs sur les excédents des caisses de sécurité sociale ?
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce que je veux éviter, c'est le renouvellement de tels
événements. Et, tant que le sort des excédents n'est pas réglé par la loi, tous
les gouvernements peuvent céder à la tentation de s'en emparer.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'aime que les choses soient
claires et précises : lorsque nous souhaitions prendre des recettes à venir,
nous ne faisions pas de prélèvements sur les excédents du passé. Votre
amendement, s'il était voté, n'empêcherait pas ce que vous voulez éviter. Je me
permets de vous le dire, monsieur Descours, pour que vous puissiez
éventuellement compléter votre texte. Ce serait dommage de ne pas atteindre les
objectifs que vous vous fixez.
(Sourires.)
D'ailleurs, je ne suis pas la seule à ne pas avoir bien compris
l'objectif de votre amendement : M. Fréville ne l'a pas plus compris non
plus.
Donc, non seulement cet amendement ne répond pas au problème posé, mais encore
je ne souhaite pas moi-même répondre de manière positive.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je persiste et je signe !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous ne vous rendez pas
service. Moi, j'essaie de vous aider !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 6.
Article 6
M. le président. « Art. 6. - Pour 2000, les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement sont fixées aux montants suivants :