Séance du 18 novembre 1999
M. le président. Par amendement n° 122, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 17, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les élections à la sécurité sociale sont rétablies.
« II. - En conséquence, les dispositions contraires des articles L. 211-2, L. 212-2, L. 213-2, L. 215-2 et L. 215-3 du code de la sécurité sociale sont abrogées.
« III. - Le taux de la contribution prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Avant que nous abordions l'examen de l'article 17, qui constitue un point majeur de ce projet de loi, puisqu'il confie à la CNAMTS, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la responsabilité de la gestion de l'enveloppe d'honoraires de la médecine de ville, nous souhaitons attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessaire démocratisation de la gestion de la sécurité sociale.
Le patronat, depuis la réforme de 1996, dispose d'autant de sièges que l'ensemble des syndicats au sein du conseil d'administration de la CNAM, la Caisse nationale de l'assurance maladie, et les assureurs, largement majoritaires, entendent jouer un rôle déterminant pour réformer notre système de soins, remettant en cause le monopole de la sécurité sociale. Il nous paraît dangereux de faire l'économie d'une telle réflexion.
Vous appelez tous de vos voeux, une clarification du partage des rôles entre l'Etat et l'assurance maladie. Nous avons vu, notamment lors du débat sur la CMU, la couverture médicale universelle, quelles étaient vos intentions : laisser aux gestionnaires, qui sont aussi des partenaires de l'assurance maladie, le soin de définir le panier de biens et de services remboursables, associant ainsi les assurances privées à l'ensemble du système de soins.
Les projets de filières et de réseaux de soins participent de la même volonté.
Vous comprendrez que nous soyons plus que réticents à l'idée d'étendre les prérogatives de la CNAM, si la légitimité des partenaires sociaux, la représentativité des assurés sociaux et l'indépendance du conseil d'administration ne sont pas garanties, sauf, bien sûr, à renforcer l'optique de maîtrise comptable des dépenses de santé.
Nous souhaitons que l'assurance maladie soit gérée sur la base des intérêts des assurés sociaux, c'est-à-dire majoritairement par leurs représentants. C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons le rétablissement des élections à la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Les dernières élections dans les organismes de sécurité sociale ont eu lieu en 1983.
M. Guy Fischer. C'est un fait !
M. François Autain. Eh oui !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Depuis cette date, le mandat des administrateurs a été prorogé à plusieurs reprises. Finalement, le principe des élections a été supprimé par l'ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale. Les organisations syndicales doivent dès lors leurs sièges au seul fait d'être considérées comme organisations représentatives à l'échelon national.
Nous disposons par ailleurs, via les résultats des élections aux conseils de prud'hommes, d'un moyen d'apprécier la représentativité des organisations.
Nous sommes là au coeur d'un débat qui devient difficile, compte tenu des différentes prises de position, et les élections aux conseils de prud'hommes montrent la difficulté qu'il y a à mobiliser des électeurs. Cela nous incite à ne pas multiplier les scrutins.
En outre, les représentants des employeurs et des travailleurs indépendants ont toujours été désignés, eux, par leurs organisations professionnelles.
Organiser une élection pour une partie simplement et maintenir un système de désignation pour l'autre, qui serait ainsi assurée de sa pérennité, reviendrait à faire cohabiter dans un même organisme deux légitimités différentes. Une partie serait assurée de la pérennité de ses sièges, alors que l'autre devrait remettre en question périodiquement son nombre de mandats.
De fait, la partie patronale serait, plus encore qu'aujourd'hui, l'arbitre des majorités de gestion.
Par ailleurs, les cinq organisations syndicales interprofessionnelles représentatives sur le plan national des salariés, qui désignent leurs représentants au conseil d'administration des caisses du régime général, défendent actuellement au mieux les intérêts des salariés et des assurés.
Le débat que permettraient ces élections serait, bien évidemment, fructueux. Cependant, aux termes de la Constitution, ce sont les parlementaires qui fixent les grands principes de la politique en matière de sécurité sociale. Le débat a donc lieu lors des élections politiques, et c'est au Parlement qu'il appartient chaque année - nous sommes précisément dans cet exercice - de déterminer cette politique lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les partenaires sociaux, quant à eux, assurent le rôle majeur dans la gestion des caisses de la sécurité sociale et font valoir leur avis sur le projet de loi et sur les décrets relatifs à la sécurité sociale. Pour autant, c'est le Parlement et le Gouvernement qui déterminent les orientations de la politique en matière de sécurité sociale.
Aussi toute élection à la sécurité sociale repose-t-elle sur un malentendu. Les thèmes qui vont être développés sont ceux des orientations fondamentales de sécurité sociale, qui ne sont pas de la compétence des conseils. Les électeurs risqueraient fort de ne pas s'y retrouver.
De plus, n'élisant qu'un peu moins de la moitié des membres des conseils, ils n'auraient même pas de prise directe sur l'orientation des majorités de gestion.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à cet amendement. Cela étant, nous devons rester vigilants, car il s'agit ici rien moins que de démocratie sociale. Finalement, nous devons renforcer cette dernière par d'autres moyens. C'est un débat tout à fait d'actualité, compte tenu de la remise en cause assez régulière du paritarisme.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est très ennuyée. (Sourires.) Voilà qu'une partie de la majorité plurielle propose d'instituer des élections. Mme le ministre elle-même s'est longuement étendue hier sur le sujet de la démocratie sanitaire. Et pourtant, le Gouvernement se prononce contre l'amendement n° 122 défendu par le groupe communiste républicain et citoyen.
Nous n'allons pas être plus royalistes que le roi ! La commission va donc se prononcer contre l'amendement, comme le Gouvernement ! (Nouveaux sourires.)
M. François Autain. Ah !
M. Guy Fischer. Le contraire m'eût étonné !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 122.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je vais venir au secours de M. Descours, que je vois très embarrassé. (Rires.)
Bien entendu, je souscris totalement aux propos qui viennent d'être tenus par Mme le secrétaire d'Etat. Cela étant, je m'interroge sur la légitimité d'un conseil d'administration de la CNAM qui ne serait élu que par 10 % des électeurs. Je ne sais s'il serait beaucoup plus légitime que le conseil d'administration actuel.
J'ajoute que notre collègue M. Domeizel qui, en tant que président de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, sait de quoi il parle, avait fait valoir en commission que l'organisation de tels scrutins coûtait fort cher à la collectivité.
Quand on met en regard les résutats obtenus, je pense que ce sont deux arguments supplémentaires qui viennent conforter ceux qui sont opposés à l'amendement présenté par M. Guy Fischer et le groupe communiste républicain et citoyen.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. J'irai dans le même sens que notre collègue M. François Autain. Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, mais je reconnais qu'il a parlé d'or en la circonstance.
L'élection, c'est, la plupart du temps, la démocratie, mais pas toujours ; certaines élections sont mêmes les piliers de régimes contraires à la démocratie. Je ne peux que m'associer aux propos de notre collègue, d'autant que j'avais moi-même soulevé le problème en commission.
Au demeurant, l'embarras de M. le rapporteur auquel se référait notre collègue M. François Autain ne semble pas très profond. (Sourires.) J'y vois plutôt une marque de courtoisie vis-à-vis de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen.
Au surplus, dans ce domaine, nous n'avons pas de leçons à recevoir.
Mme Nicole Borvo. Ces dernières paroles étaient superflues !
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, je voudrais venir au secours de notre collègue M. François Autain.
M. le président. Chacun vient au secours de l'autre, si j'ai bien compris ! (Rires.)
M. Jean Chérioux. C'est une chaîne de solidarité !
M. le président. Ce n'est plus le Sénat, c'est le SAMU, monsieur Huriet ! (Nouveaux rires.)
M. Claude Huriet. Si donc je me réfère à l'évolution de la participation aux élections à la mutualité sociale agricole, je constate que le taux de participation est globalement d'environ 15 % !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 17