Séance du 7 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'économie, les finances et l'industrie : III. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, disposant d'un temps de parole réduit, je ne vous soumettrai qu'un « linéaire » des sujets que la commission des affaires économiques tient à voir abordés. Nous faisons d'ailleurs nôtre le rapport écrit de notre excellent collègue M. René Ballayer, que je remercie, et cela me dispensera d'évoquer les aspects strictement budgétaires.
Voici donc les points sur lesquels je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat.
S'agissant de la création d'entreprises, les nouveaux patrons de la génération 1998 ont créé plus de 200 000 emplois salariés. Hélas ! le nombre d'apprentis diminue toujours. Cela me fait également penser à la réduction des contrats en alternance, en dépit des financements somptuaires existants.
Le chiffre d'affaires du commerce est en progression de 3,8 %, et ce secteur a créé 53 000 emplois. Malheureusement, il s'agit pour un un tiers d'emplois à temps partiel. Ceux-ci sont-ils justifiés par la croissance de l'activité ou procèdent-ils d'un esprit de rentabilité poussé ? Je souhaiterais évidemment que la première hypothèse soit la bonne.
La concentration dans la grande distribution peut favoriser la tentation d'une position dominante à l'égard des producteurs et des fournisseurs. Les difficultés rencontrées ne seront jamais réglées par la loi ou par de nouvelles réglementations. Seuls des accords contractuels équilibrés, librement discutés, peuvent assurer la pérennité du réel dynamisme commercial actuel. Je crois savoir, du reste, que vous examinez la possibilité de mettre en application, comme nous le suggérons, des formules efficaces.
S'agissant des PME, la baisse de la TVA sur les travaux et la suppression de l'imposition forfaitaire sur les sociétés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 francs sont des mesures raisonnables. Je les apprécie.
Les initiatives de la Banque de développement des PME sont à poursuivre. Je note tout de même la présence de 24 milliards de francs d'avances sur les marchés publics pour 6 750 entreprises. C'est bien ! Mais cela ne prouverait-il pas que les délais de règlement de l'Etat et des collectivités publiques se distinguent toujours par cette lenteur exagérée qui leur est coutumière ?
L'EPARECA, l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, au sein duquel j'ai l'honneur de représenter le Sénat, est aujourd'hui opérationnel. Il se montre très rapidement efficace. Les décisions qui viennent d'être prises le prouvent, et l'équipe qui a été constituée - la chose n'était pas facile compte tenu de la mission de cet établissement - me paraît de grande qualité.
L'accès des PME aux marchés publics reste trop difficile. Vous voyez ce que je veux dire ! (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Oh oui !
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur pour avis. L'augmentation très importante du nombre de dossiers examinés par les commissions départementales d'équipement commercial provoque un retard inadmissible dans la création d'entreprises et, par conséquent, d'emplois.
Je pense que vous n'avez pas du tout envie de laisser perdurer cette situation d'engorgement.
Quand se décidera-t-on, pour réussir la simplification administrative - éternelle incantation ! - à instituer un seul support pour un seul destinataire, avec un seul chèque représentant l'ensemble des cotisations sociales et fiscales ? Cela paraît si facile en le disant !
L'évolution des bonifications d'intérêts favorise l'accès au crédit bancaire pour les entreprises : je vous mets cependant à nouveau en garde contre l'« allergie viscérale » des banques à l'égard des petites entreprises. Elle pourrait provoquer un échec partiel de votre projet, qui est pourtant porteur.
Le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, fonctionne bien. Mais notre commission s'étonne de voir que les zones rurales, qui représentent plus de la moitié des dossiers soumis au FISAC, ne reçoivent qu'un tiers des subventions. Cette insuffisance souligne la faible prise en compte des objectifs d'aménagement du territoire dans la politique du Gouvernement. Cela s'est déjà clairement manifesté, me semble-t-il, à travers le refus du Gouvernement de prendre en considération les propositions de la commission spéciale du Sénat lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
J'en arrive, déjà, à ma conclusion.
Bien que votre projet de budget soit satisfaisant techniquement, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable quant à son adoption, marquant ainsi la grande urgence qu'il y a, selon elle, pour le Gouvernement, à favoriser enfin le développement économique et la création d'emplois en zone rurale. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Ballayer, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, autant l'activité économique des PME commerciales, artisanales et de service est importante et leur situation complexe, mouvante et variée, autant le montant de ce budget est modeste et sa structure simple. Cette modestie n'est pas représentative, comme j'ai coutume de le répéter chaque année, de l'importance du rôle des entreprises concernées. Celles-ci occupent, en effet, plus de la moitié de la population active.
Or le montant global de vos crédits budgétaires pour 2000, madame la secrétaire d'Etat, n'est que de 386,9 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, et de 28,5 millions de francs en autorisations de programme.
La structure de votre budget a été très simplifiée, pour ne pas dire trop simplifiée.
Il n'y avait plus que trois chapitres en 1999, consacrés respectivement aux interventions, aux bonifications d'intérêt et aux subventions d'investissement de vos services.
Cette année est créée une quatrième ligne budgétaire, destinée au financement de garanties d'emprunt accordées aux petites et moyennes entreprises.
Vos crédits vous permettent, madame la secrétaire d'Etat, de mener trois principaux types d'actions : des actions de formation, pour un montant qui dépasse légèrement 100 millions de francs ; des actions économiques, qui mobilisent environ 140 millions de francs, dont 42 millions de francs dans le cadre des contrats de plan Etat-région ; enfin, des actions tendant à favoriser l'accès au crédit des PME, auxquelles sont consacrés 145 millions de francs, dont 22 millions de francs au titre des garanties d'emprunt que j'évoquais à l'instant.
Il ne faut cependant pas se fier au montant modeste de ces crédits et à la simplicité de leur présentation.
En effet, si ce budget est limité, il ne représente tout d'abord qu'un instrument parmi tant d'autres du financement de l'aide aux PME. Les concours budgétaires de l'ensemble des ministères à ces entreprises dépassent 40 milliards de francs, et les dépenses fiscales en leur faveur sont de plusieurs milliards de francs.
Votre secrétariat d'Etat, en particulier, madame, dispose d'un instrument extrabudgétaire important : le FISAC, doté pour 2000 de 410 millions de francs, c'est-à-dire plus que vos crédits budgétaires.
L'effet de levier des crédits de bonification d'intérêt est par ailleurs très appréciable : pour une dépense de l'Etat de 150 millions de francs en 1999, un milliard de francs a été prêté aux PME par les banques.
Ce budget est un important instrument d'incitation et d'accompagnement, au-delà de l'intervention stricto sensu du secrétariat d'Etat. Il contribue ainsi à mobiliser des financements non négligeables au profit d'actions menées conjointement avec des partenaires comme les collectivités territoriales ou les organismes consulaires, qui engagent leurs propres ressources.
Il ne faut pas non plus se fier à la présentation, simplifiée à l'extrême, de ce budget. Les actions en cause sont en réalité, à l'image même des PME, très variées, morcelées et ponctuelles, donc complexes.
La notion d'« animation économique », par exemple, n'est pas facile à cerner, et il est malaisé d'avoir une vue d'ensemble des actions menées pour la revitalisation des zones rurales et de les comparer à celles qui sont poursuivies, en milieu urbain, en faveur des quartiers sensibles.
Il y a, dans l'évolution des crédits prévue pour 2000, des éléments de stabilité et des facteurs de changement, des éléments positifs et d'autres négatifs.
Ce qui ne change guère, tout d'abord, c'est le montant modeste de ce budget, qui reste, depuis plusieurs exercices, à son niveau d'étiage, au-dessous de 400 millions de francs. On note même, pour 2000, un léger effritement puisque les crédits diminuent de 1,7 million de francs, soit une baisse de 0,4 %.
Il est vrai que le FISAC augmente par ailleurs, passant de 400 millions de francs à 410 millions de francs, et cela mérite d'être souligné.
La lisibilité des actions budgétaires demeure faible et la situation ne fait, à cet égard, qu'empirer avec la disparition de la section du « bleu » de l'économie, des finances et de l'industrie qui vous était consacrée. Les crédits de votre secrétariat d'Etat sont regroupés dans un simple agrégat qui ne permet pas de suivre l'évolution de ses moyens de fonctionnement.
Il y a cependant, cette année, dans votre projet de budget, une innovation majeure et positive qui consiste dans la création d'une dotation pour faciliter l'accès au crédit des très petites entreprises grâce à des garanties d'emprunt. L'an 2000 verra aussi l'ouverture d'une nouvelle tranche de contrats de plan Etat-région, bénéficiant d'une enveloppe de 351 millions de francs, majorée de 30 % par rapport au plan précédent, avec une diminution, en son sein, de la part des opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, ce dont je ne sais s'il faut se réjouir.
Enfin, les crédits du fonds d'aménagement des structures artisanales, le FASA, augmentent substantiellement en 2000.
Voilà pour le changement.
L'évolution de votre budget et de votre politique fait apparaître des priorités que j'approuve particulièrement.
Tout d'abord, vous accordez autant d'importance à la transmission et à la reprise qu'à la création d'entreprise, ce qui me paraît capital pour éviter la nécrose du tissu de nos PME.
Je souhaiterais, dans cet esprit, que l'agrément fiscal des plate-formes d'initiative locale et la déductibilité fiscale des dons qui leur sont consentis concernent les reprises aussi bien que les créations d'entreprise.
Vous vous battez, d'autre part, à juste titre, pour la simplification des formalités administratives imposées aux PME, et qui les accaparent de façon excessive. C'est effectivement une tâche tout à fait essentielle. Mais je crains, de ce point de vue, que le passage aux 35 heures, en 2002, des entreprises de moins de vingt salariés n'aille pas dans le sens que vous souhaitez !
Quels sont, maintenant, les éléments moins positifs de ce budget ?
Tout d'abord, le fonds social européen ne participe plus au financement des actions d'animation économique depuis 1999, seules dix-sept chambres de métiers ayant pu produire les justificatifs demandés par la Commission européenne.
La responsabilité de cette situation est imputable non seulement à la négligence des chambres, mais aussi, peut-être, à celle de leur tutelle...
Par ailleurs, la gestion du FISAC apparaît par trop centralisée et la lenteur de ses procédures est souvent critiquée. Il est vrai que le renouvellement, cette année, de la commission nationale, dont l'avis est sollicité sur chaque dossier, n'a probablement pas facilité les choses.
Sans doute aussi les effectifs de vos délégations régionales au commerce et à l'artisanat sont-ils insuffisants, de même, d'ailleurs, que ceux de votre administration centrale, quelle qu'en soit la qualité.
Mais, pour vous aider à demander des renforts, il faudrait que nous puissions identifier les dépenses correspondantes, ce qui, je l'ai déjà dit, n'est pas le cas.
Enfin, madame la secrétaire d'Etat, j'aimerais vous interroger sur le sort qui sera réservé à l'apprentissage artisanal, auquel je suis très attaché, dans la réforme annoncée de la formation professionnelle.
Sera-t-il porté remède aux « dysfonctionnements » - je cite les termes employés par vos services en réponse à mon questionnaire budgétaire de l'an dernier - et aux « difficultés de financement » des centres de formation d'apprentis ?
La commission des finances a décidé de rejeter globalement le budget de l'économie, des finances et de l'industrie qui comprend, malheureusement, les crédits des PME, du commerce et de l'artisanat. Si votre secrétariat d'Etat disposait d'une dotation autonome, il en aurait été autrement ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Mme le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 33 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis un peu plus de deux ans, nous avons retrouvé le chemin de la croissance. La France est considérée aujourd'hui comme l'une des économies les plus dynamiques. Ainsi que l'a souligné le Premier ministre le 23 novembre dernier au colloque de La Tribune « Objectif France 2001 », « l'OCDE nous crédite, avec le FMI, de la plus forte croissance des grands pays industrialisés pour les deux années à venir ».
Le chômage baisse régulièrement en France depuis vingt-huit mois. S'il demeure beaucoup trop élevé encore, il n'en reste pas moins que, pour la première fois depuis longtemps, on assiste à un manque de salariés dans certains secteurs, notamment dans des secteurs d'activité constitués de petites entreprises, à savoir dans les métiers de bouche et du bâtiment.
Nous nous trouvons donc dans une conjoncture globalement favorable au commerce, à l'artisanat et à la création d'entreprise. On le dit depuis quelques années, mais voilà aujourd'hui confirmé le potentiel économique des petites et moyennes entreprises. Leur statut dans le paysage économique s'en trouve conforté.
Le 23 octobre 1998, vous aviez présenté, madame le secrétaire d'Etat, avec M. le Premier ministre, un certain nombre de mesures concrètes en faveur des entreprises artisanales devant les aider à devenir modernes et compétitives.
Les orientations du projet de loi de finances pour 2000 marquent la volonté du Gouvernement de poursuivre cette politique d'accompagnement pour la modernisation et le développement de ces entreprises.
J'en viens aux crédits propres au ministère.
Le volume des crédits prévus pour 1999 est reconduit pour l'année 2000, et ce après quatre années consécutives de baisse, entre 1993 et 1997. Toutefois, force est de constater que, avec près de 387 millions de francs, très précisément 386,9 millions de francs, c'est un budget qui demeure l'un des plus petits soumis au Parlement.
M. Bernard Dussaut. Je ne reviendrai pas sur le détail chiffré des crédits propres au ministère, car ceux-ci ont été exposés par MM. les rapporteurs. Je formulerai toutefois deux remarques.
La première concerne l'accès des chefs d'entreprise au financement, avec tout d'abord l'enveloppe destinée aux bonifications d'intérêt. Elle est en baisse pour l'année 2000, car les crédits sont redéployés vers le nouveau fonds de garantie d'emprunts accordés aux petites et moyennes entreprises, qui se trouve doté de 22 millions de francs.
Il est vrai qu'étant donné le taux très bas de l'emprunt la bonification d'intérêt a moins de raisons d'être. Cette enveloppe bénéficiera donc aux chefs d'entreprise pour leurs investissements dits « de contrainte », par exemple en cas de mise en conformité de l'entreprise aux normes de qualité.
Ce type d'investissement est indispensable à un moment où plusieurs crises se sont succédé. Mais il est sans retour réel sur le plan du bénéfice, car les produits ou prestations ne seront pas facturés plus chers, d'où le bien-fondé de cette aide.
Un autre point important dans l'accès au financement a trait aux relations avec le milieu bancaire. Il ne s'agit pas de mesures budgétaires à proprement parler, mais cela demeure un point essentiel.
Les conventions signées devraient améliorer le comportement des banques à l'égard des petites entreprises, notamment en matière de caution solidaire. En effet, cette pratique très regrettable met en péril non seulement les biens propres de l'entrepreneur, mais également ceux de son conjoint, voire ceux de ses enfants ou de ses parents. C'est très préoccupant et il devient urgent d'obliger les banques à limiter la garantie au patrimoine professionnel affecté pour préserver le patrimoine domestique personnel.
Ma seconde remarque concerne l'animation économique et plus particulièrement le fonctionnement du FISAC, dont la dotation est portée à 410 millions de francs.
La communauté de communes du Haut-Entre-Deux-Mers, que je préside, a déposé une demande de participation du FISAC au titre d'une opération coeur de pays dont l'instruction est en cours dans votre ministère. Je ne m'attarde pas sur ce dossier particulier. Néamnoins, j'observe que plusieurs parlementaires ont déjà évoqué la lourdeur et la lenteur d'instruction des dossiers.
Vous avez vous-même évoqué à l'Assemblée nationale, madame la secrétaire d'Etat, l'éventualité d'une réforme du FISAC allant dans le sens d'une déconcentration régionale de l'instruction des petits dossiers, tout en gardant au ministère la gestion de l'attribution des enveloppes, afin, avez-vous dit, de « gagner du temps sans figer les situations ». Cela me semble une avancée, mais encore faudrait-il permettre aux délégations régionales au commerce et à l'artisanat de bénéficier d'effectifs supplémentaires.
J'en viens aux mesures fiscales pour 2000.
Des mesures fiscales importantes permettront de poursuivre l'action très positive des pouvoirs publics en faveur des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. En effet, les dispositions prises en 1999 se trouvent renforcées et élargies dans le projet de loi de finances pour 2000.
Tout d'abord, le taux de TVA sur les travaux dans les logements a baissé : le taux réduit à 5,5 % s'applique non seulement aux prestations de main-d'oeuvre, mais aussi aux fournitures et aux matières premières nécessaires à la réalisation des travaux et qui sont fournies et facturées par l'entreprise prestataire.
La baisse du taux de la TVA sur les services d'aide à la personne aura également des incidences bénéfiques. Les services fournis par les entreprises agréées seront désormais également taxés à 5,5 %, ce qui devrait favoriser la création de nombreuses petites entreprises issues, notamment, des associations.
En ce qui concerne les charges de l'entreprise, le Gouvernement poursuit la suppression de la taxe professionnelle sur les salaires. Vous l'avez rappelé, « globalement, les entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires paient 40 % de taxe professionnelle en moins, et ce sont les PME qui ont le plus profité de cette mesure ».
Enfin, les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 500 000 francs et qui ne font pas de bénéfice seront concernées par l'exonération sur l'imposition forfaitaire annuelle.
Je m'attarderai maintenant sur les conditions de création et de développement des PME, du commerce et de l'artisanat. En effet, pour que puisse se développer un tissu solide d'entreprises dans notre pays, il faut d'abord que l'existence même de ces entreprises soit facilitée.
En ce qui concerne la question de la création et de la transmission des entreprises, nous nous trouvons dans le cadre d'une problématique un peu acrobatique. Certes, il faut favoriser la création d'entreprises, et le Gouvernement y est attentif puisque, désormais, lors des constitutions de société, les entreprises seront exonérées du droit fixe, qui s'élève à 1 500 francs.
Cela dit, l'assemblée permanente des chambres de métiers, l'APCM, nous donne les chiffres suivants : en 1998, on a compté 59 000 créations, contre seulement 16 000 reprises. Mais on sait que 48 % des entreprises créées disparaissent dans les cinq premières années.
Parallèlement - et j'en terminerai là avec les chiffres, mais ils sont parfois très révélateur -, en 1998 toujours, 40 000 entreprises artisanales ont cessé leur activité faute de repreneurs, ce qui n'a rien à voir avec un problème de rentabilité. L'incitation à la transmission doit donc être accentuée.
On peut espérer que des mesures comme la baisse du taux d'imposition sur les cessions de fonds de commerce à 4,8 % et l'existence de dispositifs comme les contrats d'installation et de formation, les CIFA, permettront d'apporter une amélioration dans ce domaine.
Toutefois, il faut sans doute revoir le fonctionnement des aides à la cessation d'activité, qui se traduisent trop souvent par la disparition de commerces ou d'ateliers d'artisans, alors que, quelques années plus tard, les collectivités locales et l'Etat, avec le concours du FISAC, sont amenés à financer la création d'un magasin ou d'un atelier.
Les conditions de développement des entreprises dépendent également fortement de leur accès au marché.
Les relations des petites et moyennes entreprises, de nos artisans et de nos commerçants avec la grande distribution demeurent très conflictuelles. Nous espérons tous que les assises de la distribution et du commerce, annoncées pour le début de l'année 2000, permettront de mettre à plat un certain nombre de problèmes.
Par ailleurs, il est regrettable que nos petites et moyennes entreprises ne soient surtout présentes que sur le seul marché intérieur. Actuellement, seulement 2 % des entreprises artisanales exportent. Il nous faut les aider à s'ouvrir au commerce extérieur.
Nous sommes riches d'une réelle tradition et d'un réel savoir-faire, et les métiers d'art, notamment, doivent être mieux valorisés et conseillés pour se tourner vers l'exportation.
Il est un autre écueil sur lequel butent nos PME : les retards de paiement. Le Conseil des ministres de l'industrie de l'Union européenne a adopté, en avril 1999, une directive qui fixe, en l'absence de dispositions contractuelles entre les parties, des intérêts de retard à un taux significatif. Cette directive devrait être votée très prochainement par le Parlement européen. Pouvons-nous espérer, madame la secrétaire d'Etat, qu'elle soit rapidement inscrite en droit interne français ? Il y a en effet urgence : nos petites et moyennes entreprises sont les principales victimes des délais de paiement excessifs.
Le développement de nos PME passe également par le développement d'un environnement social favorable. Comme je l'ai indiqué dans mon introduction, le chômage baisse régulièrement depuis dix-huit mois. Cela étant dit, nous sommes loin du plein emploi et nous devons trouver d'autres voies dans l'organisation du travail.
C'est dans cet esprit que les projets de loi relatifs à la réduction du temps de travail ont été soumis au Parlement. Comme tout le monde l'a souligné, la mise en place des 35 heures est difficile sur le plan de l'organisation, mais les PME seront aidées : les petites entreprises qui souhaitent anticiper le passage aux 35 heures avant l'échéance du 1er janvier 2002 pourront bénéficier de l'aide incitative et de l'abattement des charges sociales. Elles pourront également « aller aux 35 heures par étape », en percevant, dès la première étape, la moitié de l'aide incitative et la totalité des abattements de charges sociales. Ce dispositif est ouvert jusqu'au 1er janvier 2003.
Comme Mme Aubry et vous-même, madame la secrétaire d'Etat, l'avez rappelé à plusieurs reprises, il faut que la réduction du temps de travail soit l'occasion d'une nouvelle chance pour les petites entreprises avec une modernisation et une réorganisation de ce secteur. Le développement de groupements d'employeurs avec un salarié à plein temps pour plusieurs petites entreprises est une piste très intéressante.
Cette réorganisation doit se faire aussi en direction des jeunes. Elle doit être l'occasion d'une réhabilitation de l'apprentissage et de la formation professionnelle, et d'une amélioration des conditions de travail. Ainsi que je l'ai rappelé précédemment, certains secteurs manquent de main-d'oeuvre. Nous sortirons de cette situation, pour le moins absurde, en prenant véritablement en compte ces nouvelles donnes.
J'évoquerai enfin les indemnités journalières, car l'attractivité pour les métiers de l'artisanat passe aussi par là. La loi de juillet 1995 a permis le versement d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident. Aujourd'hui, il est possible d'envisager une amélioration des prestations en abaissant le délai de carence, fixé à quinze jours, à trois jours en cas d'hospitalisation et à sept jours en cas de maladie ou d'accident ne donnant pas lieu à hospitalisation.
Il est à noter que la Caisse nationale d'assurance maladie, la CANAM, a émis un avis favorable et que le ministère de l'emploi et de la solidarité a été saisi afin qu'un texte réglementaire mette en place, pour le 1er janvier 2000, l'amélioration de cette prestation.
En conclusion, une politique n'est rien sans les moyens financiers, mais, surtout, sans projet global de société.
On l'a vu, madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement se donne les moyens de ses ambitions avec la mise en place de dispositions réclamées depuis longtemps.
Il ne s'agit là, en aucun cas, d'un saupoudrage supplémentaire. Nous l'avons entendu et répété lors de la discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire : les mentalités doivent changer, et elles changent ; il nous faut définitivement abandonner une logique de guichet pour aller vers une logique de projets ancrés sur des territoires.
Je sais que ces idées vous sont chères, madame la secrétaire d'Etat : il importe de « construire une nouvelle croissance solidaire à partir des territoires, de donner aux PME la première place dans le développement durable des territoires ».
Vous le rappelez souvent, l'artisanat et la petite entreprise jouent un rôle déterminant dans l'économie locale. Vous estimez, et nous avec vous, que les petites et moyennes entreprises ont toute leur place dans le développement durable des territoires. Il semblerait que le travail de réhabilitation que vous avez engagé porte ses fruits, accompagné, sans doute, par une prise de conscience de nos compatriotes des plaisirs de la proximité, du dialogue et du service personnalisé, tout cela parce qu'ils commencent aussi à avoir davantage de temps libre.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen).
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget du commerce et de l'artisanat dont nous sommes saisis est dans la continuité des précédents : on note une stabilisation des crédits sur un total qui reste évidemment limité.
Mon propos portera, en fait, sur la situation générale du secteur des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, qui m'inspire quelques craintes, en particulier concernant le non-respect des règles de la concurrence par la grande distribution et l'accès aux marchés publics.
Sur le premier point, si les règles relatives à l'interdiction des prix abusivement bas et la revente à perte sont, dans l'ensemble, plutôt respectées, il n'en est pas de même, malheureusement, pour celles qui concernent les rapports entre fournisseurs et revendeurs. Vous le reconnaissiez ici vous-même, madame la secrétaire d'Etat, à l'occasion d'une récente séance de questions d'actualité au Gouvernement : « En France, nous avons beaucoup de textes, mais nous avons aussi le record absolu des mètres carrés de grande distribution. »
Dans un contexte de restriction réglementaire à l'ouverture de grandes surfaces, on a assisté, ces dernières années, à de nombreux groupements. Ainsi, en août dernier, s'est constitué en France un groupe qui représente désormais près de 30 % du marché de la distribution et se trouve en deuxième position mondiale, derrière le géant américain Wal-Mart.
En ce qui concerne les produits alimentaires, cinq centrales d'achat contrôlent actuellement plus de 80 % des approvisionnements de la grande distribution.
Une telle situation n'est pas sans poser de graves problèmes aux agriculteurs, comme nous l'avons constaté avec la crise récente du secteur des fruits et légumes. De façon plus générale, tous produits confondus, le rapport de force entre fournisseurs et distributeurs devient malheureusement de plus en plus déséquilibré, quels que soient nos efforts.
En l'occurrence, c'est la coopération commerciale régie par l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui est en cause aujourd'hui. Par coopération commerciale, j'entends l'ensemble des services spécifiques qui sont rendus par le distributeur au fournisseur et qui font l'objet d'une rémunération particulière, qu'il s'agisse de la publicité sur le lieu de vente, de l'utilisation de catalogues ou du service après vente. Dans sa rédaction actuelle, le texte de l'ordonnance de 1986 peut être, à cet égard, source d'ambiguïtés ou de discriminations.
La loi Galland a tenté de clarifier les relations en modifiant une partie de l'ordonnance. Ses objectifs étaient avant tout de faire cesser la revente à perte, de simplifier les règles, notamment au titre de la facturation, et de prohiber les prix abusivement bas. Consacrant d'importantes évolutions, cette loi a été favorablement accueillie et rapidement adoptée par les opérateurs.
Cependant, d'autres pratiques, qui relèvent de l'abus de position dominante, se sont multipliées au détriment des fournisseurs. Je pense, par exemple, aux ristournes exceptionnelles, qui n'apparaissent pas sur les factures.
Ainsi la concurrence entre distributeurs s'est-elle déportée vers l'amont, où chacun tente de conclure les contrats les plus rémunérateurs avec les fournisseurs.
Le monde agricole est évidemment au premier rang des victimes de cette nouvelle situation, de même que les milieux industriels et le petit commerce.
Nous prenons acte des diverses réformes annoncées par le Gouvernement, qui devraient être examinées avant l'été 2000.
Vous voulez, madame la secrétaire d'Etat, situer votre action dans le cadre d'une démarche contractuelle, ce qui est, de notre point de vue, de bonne politique. Dans le cadre d'une économie ouverte, rien ne pourra se faire efficacement si c'est contre les professionnels.
J'aborderai également une autre forme de distorsion de concurrence, qui concerne un secteur particulièrement exposé, celui de la restauration traditionnelle, soumise au taux normal de TVA de 20,6 %.
En comparaison, l'application du taux réduit de TVA aux produits à emporter est tout à fait inacceptable. Dans le cadre de débats budgétaires précédents, avec plusieurs de mes collègues du groupe de l'Union centriste, je suis intervenu à différentes reprises pour proposer, par voie d'amendements, l'application du taux minoré ou, à défaut, d'un taux unique de 14 % à l'ensemble du secteur de la restauration.
Le rapport Lorenzi, faisant suite au rapport Salustro, met en évidence une distorsion à l'égard des autres grands pays touristiques en Europe. Ainsi, la TVA sur la restauration traditionnelle atteint 10 % environ en Espagne, en Grèce, en Italie et au Portugal, contre donc 20,6 % en France. Je ne suis certes pas le premier à le dénoncer à cette tribune depuis plusieurs années, et le problème reste entier.
Par ailleurs, le même rapport estime que le coût pour l'Etat de l'instauration d'un taux intermédiaire de 14 % - moins de 3 milliards de francs de recettes fiscales perdues - serait largement compensé par l'accroissement du chiffre d'affaires et par la création d'environ 18 000 emplois directs et indirects.
A cet égard, pourquoi persiste-t-on à nous opposer une directive européenne, quand le Gouvernement, s'il en avait réellemment la détermination et la volonté, pourrait fort bien la faire modifier ?
Enfin, je conclurai sur un autre sujet qui préoccupe également les PME : l'accès aux marchés publics.
Nous connaissons tous des PME qui, face à la lourdeur des procédures, renoncent à soumissionner. A ce propos, une réforme du code des marchés publics avec une attention particulière portée aux petites et moyennes entreprises est plus que jamais nécessaire. Si, en effet, nous voulons renforcer la compétitivité de nos entreprises artisanales et de nos petites et moyennes entreprises, sans doute faudra-t-il, comme dans d'autres pays, leur réserver, à terme, une part significative des marchés publics.
C'est l'un des points qui seront discutés dans le cadre de l'examen de la proposition de loi sénatoriale « Entreprises et territoires », dans les semaines qui viennent. Cette proposition de loi est l'une des réponses aux revendications constantes de nos petites et moyennes entreprises en faveur d'un cadre juridique et fiscal plus favorable, sans parler de la poursuite de l'allégement des formalités administratives.
A règles spécifiques, interlocuteur particulier : c'est l'idée qui inspire le projet d'une administration déconcentrée, une sorte de small business administration à la française qui serait l'interface privilégiée entre les PME et l'administration. Notre collègue de l'Union centriste Francis Grignon a fait un excellent rapport sur cette question. Il en sera également question lors de l'examen de notre proposition de loi.
Les dirigeants des petites et moyennes entreprises françaises attendent de l'Etat qu'il joue à bon escient son rôle d'arbitre, tandis que leur secteur traverse une période de mutations à la fois profondes et rapides. Autant que des facilités de crédits ou des baisses de charges, ils attendent de leur gouvernement des règles du jeu plus claires et plus équitables et souhaitent que l'on cesse, dans notre pays, d'assimiler le cordonnier à la multinationale ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Madame le secrétaire d'Etat, le budget des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat est stabilisé pour l'an 2000, après trois années de baisse. Ce n'est qu'un moindre mal ! Mais il ne représente que 0,02 % du budget de l'Etat, ce qui est bien faible pour une action d'envergure.
Il ne faut pas, en effet, oublier combien nos artisans et nos entrepreneurs paient cher votre politique macroéconomique, que ce soit l'impact des 35 heures, la hausse des cotisations sociales ou l'absence de simplification administrative.
En outre, en dehors de l'aspect proprement budgétaire de son action que nous discutons aujourd'hui, votre gouvernement annonce de nombreux textes, toujours repoussés, jamais soumis à la représentation nationale et qui, pourtant, intéressent au premier chef les entreprises, le commerce et l'artisanat.
A quand, par exemple, la réforme des marchés publics ? A quand le bilan des relations en matière de distribution ? A quand la mobilisation de l'épargne de proximité ? A quand la réforme des interventions économiques des collectivités territoriales ?
En fait, nous constatons un manque total d'ambition de la part du Gouvernement, qui devrait au contraire encourager les petites entreprises et l'artisanat à se développer, à conquérir de nouveaux marchés, à résister à la concurrence, à s'ouvrir à l'international.
Pourtant, nous savons tous que ce sont elles qui créent le plus d'emplois et qui sont les garantes de la diffusion du tissu économique sur l'ensemble de notre territoire.
Plus particulièrement, ce projet de budget ne contient aucune mesure significative en faveur des activités économiques en milieu rural.
Pis encore, il ne répond pas aux interrogations que se posent nos artisans, commerçants et entrepreneurs.
Je me permettrai, donc, ici, madame le secrétaire d'Etat, de m'en faire l'écho et vous poserai plusieurs questions.
Que comptez-vous faire face à l'attitude de certaines banques qui n'hésitent pas à recourir systématiquement à la caution solidaire, en reportant tous les risques sur l'entrepreneur ?
Comment et quand comptez-vous mettre en place, à l'échelle nationale, le système de bourse de transmission actuellement expérimenté à Limoges ? Vous devez le savoir, la solution au problème de la transmission de l'entreprise est capitale si l'on veut maintenir la vie économique dans nos villes et dans nos campagnes. Est-ce que le Parlement sera prochainement saisi de ce dossier ?
Les crédits consacrés à l'animation locale sont en baisse. Pourquoi ? Ces financements sont particulièrement utiles en milieu rural.
Comment entendez-vous remédier au déséquilibre du FISAC ? En effet, on constate que, si les zones rurales représentent la moitié des dossiers soumis au FISAC, elles ne reçoivent qu'un tiers des subventions. Est-ce là une politique de rééquilibrage du territoire ?
Parallèlement, votre collègue ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement annonce une réforme des zones de revitalisation rurale. Pouvez-vous nous tenir informés de sa teneur, notamment de son volet fiscal, qui affectera nécessairement nos petites entreprises ?
Par ailleurs, combien de crédits entendez-vous affecter à l'opération « 1 000 villages de France » qui, mise en place en 1993, rencontre un franc succès ?
Enfin, comment comptez-vous inciter les commissions du commerce rural à se constituer afin de permettre l'usage des fonds locaux d'adaptation du commerce rural ?
En attendant vos réponses, madame le secrétaire d'Etat, je ne peux que vous faire part de mon très grand scepticisme à propos du budget des PME, du commerce et de l'artisanat pour 2000, qui n'est à la hauteur ni des attentes de nos concitoyens ni d'une politique territorialement équitable. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec 389 millions de francs, le projet de budget des petites et moyennes industries, du commerce et de l'artisanat est très modeste au regard de l'importance de ce secteur.
Il ne représente, en effet - cela vient d'être rappelé - que 0,02 % du budget de l'Etat et il est, en outre, cette année, noyé dans le tentaculaire budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Or, comme le rappelle notre collègue M. René Ballayer dans son excellent rapport, les PME occupent une place privilégiée dans notre économie. Elles représentent, en effet, selon la définition européenne, c'est-à-dire quand elles ont moins de 250 salariés, plus de 99,8 % des entreprises et 67 % de la population active. Parmi elles, on compte 823 000 artisans occupant 10 % de la population active.
Ainsi, comme le rappelait le Président de la République à l'occasion de l'inauguration des nouveaux locaux de la chambre de métiers du Bas-Rhin, en janvier dernier : « Dans l'économie de demain, les PME, les entreprises familiales joueront un rôle décisif. Les petits entrepreneurs ne constituent pas une survivance du passé. Ils sont la préfiguration d'une activité économique à taille humaine telle qu'elle va désormais à l'évidence se développer. »
Outre ce poids économique important, les PME jouent également un rôle fondamental pour l'équilibre de notre territoire, notamment en milieu rural.
Au regard de ce double rôle, il convient, par conséquent, de valoriser et de soutenir ce secteur par trois types de mesures : en matière de formation professionnelle, en matière de simplifications administratives et fiscales et, enfin, en matière d'animation économique du territoire.
En ce qui concerne, tout d'abord, la formation professionnelle en général et l'apprentissage en particulier, madame la secrétaire d'Etat, force est de constater que votre politique se cantonne trop souvent a des effets d'annonce non suivis d'actions. En attendant, les dispositions que vous prenez dans ce domaine sont loin d'être satisfaisantes.
Les crédits de formation inscrits à votre budget sont stables. Soit ! Mais les crédits correspondants inscrits au budget du ministère de l'emploi accusent des baisses inquiétantes : 3,2 % pour la formation en alternance et 4,5 % pour les contrats d'apprentissage. C'est infiniment regrettable.
Par ailleurs, il convient de dénoncer les effets désastreux produits par la mesure de recentrage des primes d'apprentissage sur les jeunes les plus en difficulté, qui exclut ainsi de fait près d'un quart des apprentis, soit 50 000 jeunes.
Ces restrictions budgétaires sont d'autant plus malheureuses que l'apprentissage a largement prouvé son efficacité. Le taux moyen d'insertion dans le secteur artisanal des jeunes apprentis formés est d'environ 80 %, quel que soit le métier. Ce dispositif, dont le succès repose sur les liens étroits entre système de formation et monde de l'entreprise, mériterait d'être non pas cantonné aux qualifications les plus faibles mais étendu à l'ensemble du système éducatif, sur le modèle allemand.
Ce manque de considération pour l'apprentissage va, par ailleurs, rendre encore plus difficile l'application des 35 heures dans les petites entreprises, qui éprouvent déjà des difficultés pour recruter des jeunes formés à leurs métiers.
Le second type de mesures qu'attendent nos petites entreprises a trait aux simplifications administratives et à l'allégement de la fiscalité.
Sur ce point, il convient de souligner que le projet de loi de finances pour 2000 présente certaines avancées. On peut, par exemple, citer la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements ou encore la réduction des droits de mutation sur les fonds de commerce et les cessions de clientèle.
Toutefois, ces efforts d'allégement et de simplification sont réduits à néant par les mesures de complexification qui les accompagnent.
Je prendrai pour exemple la réduction de la TVA sur les travaux dans le logement. Si elle répond incontestablement aux attentes des professionnels du bâtiment, elle est tout de même d'une complexité et d'une opacité exceptionnelles. Ainsi, certains cas ne sont nullement prévus, tels les locaux mixtes. Ce manque de clarté risque de se retourner contre un secteur que cette mesure est censée favoriser, faute d'avoir été préparée en concertation avec les acteurs de terrain. Les entreprises concernées risquent, en effet, de voir leur comptabilité alourdie et d'être soumises à des contrôles fiscaux supplémentaires.
Enfin, certaines mesures sont toujours en attente. Je pense à l'extension du principe du chèque-service aux entreprises de moins de dix salariés. Je pense aussi à la baisse de la TVA dans la restauration, le Sénat ayant adopté, voilà quelques jours, un amendement visant à ramener à 5,5 % le taux applicable à ce secteur.
Pour terminer, je souhaite évoquer l'animation économique du territoire.
Le commerce et l'artisanat, en milieu rural notamment, constituent un facteur essentiel de dynamisme et d'animation de nos territoires.
Sur ce point, il convient de saluer l'augmentation des crédits du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, qui passent de 400 millions à 410 millions de francs. Il est toutefois nécessaire d'améliorer l'efficacité de celui-ci.
Selon moi, le regroupement des différentes catégories d'opérations éligibles n'était pas vraiment utile. La multiplicité des procédures assurait, en effet, une meilleure adaptation du fonds à la diversité des situations et des besoins locaux.
En revanche, une déconcentration de la procédure d'examen des dossiers s'impose. Celle-ci est, en effet, bien trop lourde et lente.
Permettez-moi, enfin, de regretter qu'une partie des crédits du FISAC soit consacrée, en 1999, à la compensation du gel du versement des fonds du FSE, le fonds social européen. Ce gel a entraîné une réduction des crédits affectés à l'animation économique de 16,7 % du fait de la non-présentation des justificatifs des dépenses engagées.
Les responsabilités sont certes partagées entre les chambre de métiers et vos services, madame la secrétaire d'Etat, mais je vous invite néanmoins à vous montrer plus vigilante à l'avenir.
Votre département ministériel, déjà beaucoup trop faiblement doté, ne peut se payer le luxe de se passer des fonds européens.
Faute de temps, je n'évoque pas la nécessaire réforme des procédures d'accès aux marchés publics, dont la complexité constitue pour l'artisan et la PME un véritable handicap.
Pour conclure, madame la secrétaire d'Etat, votre politique n'étant pas à la hauteur des besoins de nos petites entreprises, artisanales et commerciales, mes collègues du RPR et moi-même suivrons, lors du vote des crédits de votre département ministériel, l'avis exprimé par notre collègue M. Ballayer, rapporteur spécial de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, plusieurs orateurs ont souligné le rôle particulièrement important du secteur des PME-PMI, du commerce et de l'artisanat dans notre économie. Compte tenu du temps de parole réservé à mon groupe, je n'y reviendrai pas.
Je note toutefois, comme plusieurs études le démontrent, que la situation des PME est loin d'être homogène. De grandes différences existent, notamment entre les PME indépendantes et celles qui sont liées à un grand groupe.
L'idée communément acquise et selon laquelle ces secteurs auraient, globalement, une politique de l'emploi dynamique doit être maniée avec précaution. En effet, une étude de la division des synthèses des statistiques d'entreprises de l'INSEE révélait, l'année dernière, que l'augmentation des effectifs des PME de 20 à 500 salariés dans la dernière décennie relevait pour beaucoup de l'effet d'optique. Ainsi, de 1984 à 1992, l'accroissement des effectifs des PME, de l'ordre de 250 000, est, pour une grande part, lié au glissement des grandes entreprises dans la catégorie des PME, à la suite de baisses d'effectifs. Ce processus a « gonflé » de plus de 100 000 les emplois des PME, mais ces entreprises ont, en fait, perdu 238 000 emplois.
Si l'on observe le nombre d'emplois dans les PME qui ont été au moins un an dans cette catégorie, l'augmentation, entre 1984 et 1992, n'est plus que de 26 000 salariés. De plus, sur cette même période, si 1,4 million d'emplois a été créé dans les PME par la création d'entreprises, 1,4 million d'emplois a également été perdu par la disparition de PME.
Vous l'aurez compris, mon objectif, en citant ces chiffres, n'est pas de verser dans le pessimisme, encore moins de culpabiliser les entrepreneurs de PME-PMI, du commerce ou de l'artisanat. Mon souci est que nous appréhendions la situation de ces secteurs le plus justement possible, afin d'adapter au mieux l'effort de l'Etat, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif.
Bien entendu, l'effort financier des pouvoirs publics en faveur des PME n'est pas limité à votre seul secrétariat d'Etat. Je souhaite néanmoins, madame la secrétaire d'Etat, saluer votre action et votre dynamisme en leur faveur, comme en faveur de la consommation, dont nous avons examiné les crédits ce matin.
En ce qui concerne votre secrétariat d'Etat, les crédits restent stables. Ils s'élèvent à 386,9 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Les autorisations de programme progressent, elles, de 10,4 %, passant de 25,9 millions à 28,5 millions de francs.
Par ailleurs, plusieurs mesures qui figurent dans le budget général profiteront particulièrement aux PME. Je pense, bien entendu, essentiellement à la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements. Cette mesure est d'autant mieux accueillie que M. Sautter vient d'annoncer que le crédit d'impôt accordé aux entreprises faisant des acquisitions au taux de 20,6 % et effectuant des travaux sur lesquels leurs clients paieront une TVA de 5,5 % leur sera imputé par anticipation afin d'éviter toute avance de trésorerie.
Cette baisse de la TVA me paraît particulièrement intéressante à plusieurs égards.
Avant tout, elle soutient le secteur du bâtiment, créateur d'emplois, et peut, dans le même temps, constituer un moyen de lutte contre le travail « au noir », très présent dans cette activité ; mais elle est également un facteur, essentiel à mes yeux, pour nourrir la croissance. Je ne saurais trop insister sur le lien direct qui existe entre, d'une part, le développement de l'activité des PME-PMI, du commerce ou de l'artisanat et, d'autre part, la consommation des ménages. Voilà pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen est favorable à tous les dispositifs qui favorisent de façon significative la consommation et le pouvoir d'achat.
Je souhaite m'arrêter quelques instants sur la légitime exigence de simplification administrative en faveur des PME. Dans le rapport de mon excellent collège M. Jean-Jacques Robert, il est fait mention, dès l'introduction, des contraintes administratives et des charges financières qui pèsent sur l'activité des entreprises de ce secteur. M. le rapporteur pour avis ne sera pas surpris de me voir mettre un bémol à cette analyse.
Une meilleure coordination des différentes administrations au service des PME-PMI me paraît nécessaire, notamment avec l'instauration d'un guichet unique, mais également grâce au développement d'un accès unique à Internet pour effectuer les déclarations sociales.
Toutefois, cet effort de simplification, impulsé par Mme Lebranchu et qu'il convient sans doute d'améliorer, ne doit pas conduire à la suppression des contributions sociales de ces entreprises. Il en va de la responsabilité et du devoir de solidarité de chacun des partenaires économiques, employeurs comme salariés.
Pour mes collègues de la majorité sénatoriale, la simplification se résume à la réduction des charges des entreprises. Cette solution a longtemps prévalu. Or, force est de constater qu'elle n'a pas prouvé son efficacité en termes de créations d'emploi.
Pourquoi, dès lors, ne pas privilégier d'autres mesures, notamment en matière de crédit accordé aux PME ? Celles-ci sont placées dans des conditions de crédit bien moins avantageuses que celles que connaissent les grandes entreprises. Elles se heurtent à l'hostilité des banques qui leur demandent toujours plus de garanties. Je salue, à cet égard, la création, dans le projet de budget pour 2000, d'un fonds de garantie pour les petites entreprises, même s'il reste modeste.
Il est urgent d'abaisser le taux des crédits destinés aux PME et d'allonger les durées de remboursement. Une réflexion doit également être menée afin de mettre en place des bonifications de crédit en fonction de la création d'emplois. Des actions visant à densifier l'épargne de proximité, véritable terreau pour les petites entreprises, doivent également être envisagées.
Je conclus en indiquant que le groupe communiste républicain et citoyen votera votre projet de budget, madame la secrétaire d'Etat, tout en appelant de ses voeux la recherche d'autres solutions, notamment en matière de fiscalité des PME, permettant non seulement leur développement mais également la création d'emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'une des forces économiques de la France est son réseau de PME artisanales.
Le paradoxe veut que, bien qu'elles soient de très petite taille, ces entreprises artisanales fassent vivre près de 2 300 000 personnes.
C'est aussi sans compter avec le rôle majeur qu'elles jouent dans la vitalité du monde rural où, bien souvent, leur présence ne constitue, malheureusement, que la seule activité économique des communes.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, je suis satisfait du budget de votre département ministériel, car il reflète bien la conscience et la reconnaissance du Gouvernement vis-à-vis de ce secteur d'activité.
Je n'entrerai pas dans le détail des diverses mesures fiscales et juridiques que vous avez prises pour accroître encore les potentialités de développement des PME. Ces mesures sont largement justifiées et porteuses d'avenir, notamment dans notre lutte incessante contre le chômage. Nous en avons la preuve chaque jour, avec le nombre d'embauches dans le bâtiment et la production.
Aussi, je pense que cet élan nouveau ne devrait pas être freiné dans les années à venir par le manque de personnel.
Comme d'autres collègues de notre assemblée, j'ai volontairement choisi d'aller visiter la chambre de métiers d'Indre-et-Loire, à Tours, pour me rendre compte de l'excellent travail que ces chambres fournissent, notamment par le biais des CFA, les centres de formation d'apprentis.
Le rôle des chambres de métiers me semble essentiel et capital pour accompagner nos entreprises, tant dans leur gestion quotidienne que dans la formation des futurs ouvriers, salariés et cadres.
J'ai constaté avec plaisir que vous aviez actualisé la taxe pour frais des chambres de métiers.
M. le député Chonat vous a d'ailleurs transmis un document sur les ressources des chambres de métiers, dont il nous faudra largement discuter.
La redéfinition des missions des chambres de métiers ainsi que les moyens financiers qui leur sont dévolus doivent répondre à leur implication et à leur participation aux efforts de croissance.
Je sais, madame la secrétaire d'Etat, que vos collègues du Gouvernement et vous-même, vous vous intéressez tout particulièrement au développement des métiers dits manuels, ou, tout simplement, professionnels. Tant mieux !
Trop longtemps dénigrés, trop longtemps marginalisés, ces métiers ouvrent aux jeunes des perspectives en matière de carrière et de rémunération particulièrement attractives et motivantes.
La formation dispensée par les CFA est essentielle et le rôle de ces centres est capital. Je crois que, parfois, on ferait mieux d'accroître notre soutien financier à ces structures qui dispensent des enseignements et des pratiques de qualité recherchés par nombre d'artisans.
D'ailleurs, il est d'ores et déjà nécessaire d'accroître ces types de formation car, compte tenu de la reprise économique, notamment dans le bâtiment, grâce à vos bonnes mesures, certains corps de métiers manquent déjà de jeunes bien formés.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, je ne peux que vous encourager à continuer votre mission et, surtout, à tout mettre en oeuvre pour faire de l'artisanat un pôle de référence en termes d'emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite formuler quelques propositions sur la création d'entreprises. Aujourd'hui, une ère nouvelle s'annonce et notre économie est en train de changer. C'est une chance formidable qu'il faut mettre à profit pour rechercher, en France, une nouvelle fertilité.
Plus de 1 200 000 Français auraient aujourd'hui un projet d'entreprise. Même si ce chiffre n'est pas tout à fait exact, il y a là un potentiel énergétique exceptionnel pour notre pays. Cherchons à le libérer le mieux possible.
Il est vrai que, avec ce siècle qui s'achève, c'est une certaine conception de la création d'entreprise qui est en train de disparaître. Le xxe siècle a fait de celle-ci un parcours du combattant. La création d'entreprise a été présentée comme une activité d'exception, particulièrement difficile, comme un parcours hérissé d'obstacles infranchissables, exigeant de celui qui voulait s'y lancer des mérites extraordinaires. Pour atteindre au statut de créateur, il fallait passer par toutes les affres de la complexité. Ainsi, petit à petit, on a installé dans la tête des jeunes l'idée que la création d'entreprise était quelque chose de surhumain.
A cela s'ajoutaient toutes les attitudes négatives habituelles à l'égard des petites structures du territoire provincial. Créer une entreprise nouvelle, petite et située en province, ce n'était pas très valorisant !
Ce siècle a donc préféré les grandes structures, le gigantisme, la concentration. Il a préféré les grandes métropoles, et les cadres employés par les grandes sociétés ont pris le pas sur les petits entrepreneurs. Au fond, il ne faut pas s'étonner si, aujourd'hui, dans notre pays, on attend d'avoir quarante ans pour créer son entreprise. Cette étape correspond en fait à une certaine maturité professionnelle.
Mais un nouveau siècle approche. Les choses changent avec les nouvelles technologies, le local peut rejoindre le mondial, et il n'est pas nécessaire qu'une entreprise soit très grande pour être internationale. La démarche entrepreneuriale traditionnelle, structurée et hiérarchique, qui voulait que l'on commence par s'installer en Poitou, avant, si tout allait bien, de s'installer en Bretagne, puis en Allemagne, et de conquérir progressivement des marchés de plus en plus difficiles, est devenue caduque.
Désormais, un client ou un fournisseur vous introduit dans son réseau, et vous fait bénéficier de ses contacts sur toute la surface du globe. Cela permet aux petites entreprises d'être beaucoup plus internationales qu'elles ne l'étaient auparavant, et les petites structures sont bien adaptées aux changements rapides de l'économie moderne.
Par ailleurs, les dispositifs destinés à faciliter la création d'entreprise, qui étaient souvent trop complexes à mettre en oeuvre, ont évolué. Pendant longtemps, les financements ont été beaucoup trop difficiles à trouver, mais quelques progrès ont été enregistrés à cet égard. Les créateurs d'entreprise peuvent ainsi recourir aux services de la Banque de développement des PME, à des avances remboursables et à un certain nombre d'autres dispositifs financiers. La « boîte à outils » se diversifie, et nous comblons notre retard, y compris en ce qui concerne le capital-risque.
Dans le même ordre d'idées, j'ai entendu de nombreux collègues parler de la simplification administrative. Mais la vraie simplification viendra par l'électronique, par les nouvelles technologies de communication, qui amèneront la disparition spontanée de nombreux formulaires et documents de toute nature.
Ainsi, la création d'entreprise deviendra beaucoup plus accessible pour les jeunes, et il n'est sans doute plus temps de présenter ce défi comme impossible à relever ni de faire de chaque entrepreneur un héros.
Au fond, le salariat est-il l'unique voie professionnelle envisageable ? A l'époque où je suis sorti de l'école de commerce, il fallait entrer chez Procter & Gamble si l'on voulait faire du marketing, chez Arthur Andersen si l'on voulait faire de l'audit... Plus c'était grand, plus c'était sûr ! Aujourd'hui, on entre chez Paribas, et l'on se retrouve à la BNP, dans le meilleur des cas (Sourires) ; on entre chez Elf, et l'on se retrouve chez Total, quand tout va bien. (Nouveaux sourires.) Les grandes structures d'aujourd'hui, avec leurs capitaux flottants, sont-elles si sûres que cela ? Pour un jeune qui se forme actuellement à l'université, la création de sa propre activité n'est-elle pas le moyen de maîtriser son propre avenir, largement aussi facilement que par le biais d'un travail salarié soumis à un capital fluctuant, qui n'a pas toujours conscience des territoires et des nationalités ? La création d'entreprise n'est-elle pas une perspective économique très attirante pour les jeunes qui exerceront leur activité professionnelle au cours de ce nouveau siècle ? Je crois que si, et qu'il vaut la peine de mobiliser les énergies de notre pays pour les aider à réaliser leurs projets.
Pour atteindre cet objectif, nous devons à mon sens faire porter notre action à la fois sur l'amont et sur l'aval.
En effet, pendant très longtemps, en France, on a considéré que la création de l'entreprise n'était qu'une phase très brève de la vie de celle-ci. Or, il faut d'abord élaborer un projet - c'est l'étape en amont - puis, une fois que les statuts ont été déposés, bénéficier d'un accompagnement - c'est l'étape en aval - car l'on sait que, trois à cinq ans après leur création, les jeunes entreprises restent très fragiles.
En amont, il faut donc instituer une sorte de droit à la création d'entreprise pour tous les jeunes, notamment ceux qui sortent de nos établissements de formation avec une qualification. Nous devons leur donner leur chance de construire eux-mêmes leur propre parcours.
Mais le droit à la création suppose d'abord que l'on sensibilise les jeunes au monde de l'entreprise.
Quand j'ai eu vingt ans, comme un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, il m'a été donné de rencontrer la République pendant trois jours. On m'a alors présenté le service militaire et les grandes institutions de notre pays. Aujourd'hui, offrons la possibilité à nos jeunes, trois jours durant, de rencontrer des chefs d'entreprise - quelle que soit la taille de celle-ci - et des créateurs, ceux qui ont réussi comme ceux qui ont connu des difficultés. Faisons en sorte qu'ils dialoguent avec des banquiers, des syndicalistes, qu'ils acquièrent leurs premières notions de la vie en entreprise. La sensibilisation, c'est cela.
Ensuite, il faudra accompagner les jeunes qui décident de réaliser un projet.
A ce propos, ce qui me frappe dans la région que j'ai l'honneur d'administrer, c'est la formidable disponibilité des aînés, notamment des cadres et des jeunes retraités. Ils sont prêts à donner de leur temps et de leur énergie pour aider leurs cadets. Des tuteurs, il s'en trouvera autant que de besoin pour accompagner les jeunes et leur prêter la main afin qu'ils puissent créer leurs propres entreprises. Une considérable énergie bénévole est disponible !
Il faut aussi aider au « prédémarrage » de l'entreprise, selon une formule qui nous vient du Québec. En effet, les Québécois ont été les premiers à développer une telle politique d'aide non pas à la création d'entreprise, mais à l'élaboration d'un projet. Une somme représentant l'équivalent de 5 000 à 50 000 francs français est attribuée au futur entrepreneur pour faire un voyage d'étude, évaluer les perspectives de réussite ou les débouchés dans tel ou tel secteur.
En résumé, s'agissant de l'amont, il nous faut développer la culture du projet dans les lycées et dans l'enseignement supérieur, et instaurer un véritable droit à la création. Il est très insuffisant que seulement 3 % des anciens élèves des écoles de commerce de notre pays fondent une entreprise. Travaillons en amont avec la fraction la plus jeune de la population !
En ce qui concerne l'aval, c'est de toute une « boîte à outils » dont doivent disposer les créateurs à partir du moment où les statuts ont été déposés. Je serai bref sur ce sujet : madame le secrétaire d'Etat, une proposition de loi élaborée dans cette assemblée vous attend ; tout est prêt, le travail est mâché ; vous n'avez plus qu'à signer, et une grande et belle loi « Lebranchu » verra le jour, permettant que la création d'entreprise soit reconnue dans ce pays ! (Sourires.)
Un certain nombre de mesures peuvent être mises en place, touchant tout d'abord au financement. Des avancées peuvent être obtenues dans ce domaine, grâce notamment à l'épargne de proximité. Pour que ceux qui disposent d'un peu d'argent dans nos villes et nos provinces, certains médecins, avocats ou commerçants - du moins ceux qui ont résisté ! - puissent participer au développement de l'économie locale, favorisons l'émergence de fonds communs de placement de proximité. Que l'épargne régionale soit investie dans les projets régionaux ! Il existe déjà, à cet égard, un dispositif précurseur, les FCPI, les fonds communs de placement dans l'innovation. Accordons une petite incitation fiscale pour que, sur un territoire donné, qu'il s'agisse d'une ville, d'un département ou d'une région, les entreprises puissent faire appel avec succès à l'épargne de proximité ! Si ma mémoire est bonne, environ 160 000 entreprises sont nées en 1998, dont 130 000 avec un capital initial de moins de 35 000 francs.
L'argent existe dans nos villes et nos régions, encore faut-il l'orienter vers le financement des jeunes entreprises plutôt que vers d'autres formes de placement.
A cette fin, il serait bon, je le répète, de prévoir un avantage fiscal comparable à celui qui est lié aux FCPI. D'autres suggestions de ce type figurent dans notre proposition de loi.
En outre, nous devons aussi penser à tout ce qui concerne les aspects juridiques et sociaux de la création d'entreprise.
Ainsi, il faudrait mettre au point un statut particulier pour les salariés qui quittent leur emploi afin de fonder une entreprise. En effet, ils ne bénéficient pas, en l'état actuel des choses, d'indemnités de chômage, et ils se lancent dans l'aventure entrepreneuriale sans disposer d'aucune protection sociale en cas de difficultés.
Par ailleurs, nous devons élargir les possibilités, pour les créateurs d'entreprise, d'occuper un emploi salarié à temps partiel, en instituant là encore un statut spécial en leur faveur. Une telle politique pourrait notamment être mise en oeuvre au sein des « incubateurs d'entreprises ».
Enfin, il est nécessaire de bâtir des réseaux d'accompagnement locaux de la création d'entreprise. Le réseau « Entreprendre en France », notamment, a montré la voie à suivre. Tout doit être mis en oeuvre pour combattre ce qui est le plus choquant aujourd'hui dans notre société de la communication, à savoir la solitude de l'entrepreneur.
Madame le secrétaire d'Etat, la création d'entreprise mérite que vous fassiez d'elle votre priorité, car elle a trop souvent été négligée dans ce pays. Nous ne devons pas compter, pour développer nos territoires, sur l'implantation d'usines Toyota ou Daewoo, qui disparaissent quelquefois trop rapidement et fragilisent les économies locales. La véritable énergie de ce pays, c'est sa jeunesse : faisons en sorte que les jeunes Français, en devenant des acteurs, participent au bonheur de la France ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel. Remarquable !
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de budget des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat est un moment privilégié, car il permet de saluer, en cet hémicycle, tout le dynamisme, toute la volonté dont font preuve les commerçants, les artisans et les gérants des petites et moyennes entreprises. Ces derniers, pour beaucoup, ont résisté avec vaillance à la crise ; ils jouent un rôle dans la création d'emplois, ils représentent la vie de nos villes et l'espoir de nos villages.
Je vois dans votre projet de budget, madame la secrétaire d'Etat, quelques points positifs, dont les mesures prises pour soutenir la transmission ou la création de nouvelles entreprises. Cela constitue, bien évidemment, une avancée ; mais s'agissant, je le répète, d'un secteur dynamique, qui a un fort potentiel de création d'emplois, je dois cependant aussi souligner quelques motifs d'inquiétude.
La première source d'inquiétude provient du fait que votre projet de budget n'augmente pas par rapport à l'an dernier, ce qui, compte tenu d'une inflation faible mais réelle, constituera une diminution.
Ensuite, il convient de relever que nous étudions là l'un des plus petits budgets de l'Etat, ce qui est une seconde source d'inquiétude, surtout si l'on relève que le nombre des créations d'entreprises a baissé en 1998 par rapport à 1997, et que, en dix ans, on a constaté pratiquement une diminution de 20 % du nombre de créations annuelles d'entreprises, qui est passé de 204 000 à 167 000 environ, soit près de 40 000 créations de moins. Sur dix ans, cela fait beaucoup. Il est donc nécessaire de très vite corriger le tir et de mener une politique ambitieuse pour aider ce secteur clé de notre économie.
De plus, le fait que les crédits de fonctionnement de votre secrétariat d'Etat soient transférés au budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ne peut que laisser augurer de nouvelles difficultés, compte tenu de la rigidité habituelle de ce ministère face aux initiatives de simplification.
Mais, au-delà des chiffres, je souhaite aborder quelques points rappelant la vie de nos entreprises et leurs difficultés.
Tout d'abord, s'il est vrai que quelques mesures ont permis une certaine simplification, notamment pour les artisans et les commerçants, il subsiste dans les esprits, mais aussi dans les faits, une tracasserie administrative quotidienne insupportable pour tous les entrepreneurs.
Nos entreprises souffrent de l'excès de réglementation qui caractérise notre pays.
J'ai discuté récemment avec la conjointe collaboratrice d'un artisan - je reviendrai d'ailleurs, plus tard, sur ce statut particulier. Elle m'a expliqué que, constatant une erreur dans le calcul de sa taxe professionnelle, elle avait dû, pour justifier de cette erreur, se déplacer auprès de l'agent du Trésor public, qui avait voulu lui prouver point par point qu'elle avait tort, avant de s'apercevoir que, finalement, c'étaient les services fiscaux eux-mêmes qui étaient dans l'erreur.
Son calvaire ne s'est pas arrêté là. Elle a dû s'expliquer par plusieurs lettres recommandées avec accusé de réception et entreprendre de multiples autres démarches, pour finalement obtenir au bout de trois ans le remboursement de cette taxe injustement perçue par l'Etat. Heureusement encore qu'elle travaillait avec son mari, sans quoi celui-ci aurait perdu des heures précieuses dans ces démarches stériles, au détriment du temps passé au service du développement de son entreprise !
Et ce n'est là qu'un exemple parmi bien d'autres !
Je souhaite exprimer un autre motif d'inquiétude, relatif à l'accès des petites structures aux marchés publics.
Nombre de petits entrepreneurs ne soumissionnent pas - ils sont plus de 40 % dans ce cas - en raison de la trop grande complexité qu'il y a à répondre à l'offre. Il est vrai que réunir toutes les pièces réclamées pour ces dossiers relève de la gageure pour les entreprises. Et que faire, là encore, face à cela, lorsque l'on est simple artisan ?
Le gouvernement précédent avait dans ses dossiers une réforme des marchés publics qui semblait recueillir des échos favorables sur toutes les travées de notre assemblée. Pourquoi ne pas remettre à l'ordre du jour ce projet plein de bon sens ?
Je viens de vous citer un exemple dans lequel le rôle du conjoint collaborateur s'impose manifestement. Je sais, madame la secrétaire d'Etat, que vous avez annoncé un projet visant à l'amélioration de la situation des conjoints collaborateurs. A l'heure où la parité est sur toutes les lèvres et dans toutes les discussions, telle soeur Anne, les femmes d'artisans ne voient toujours rien venir ! Dans quel délai pensez-vous faire des propositions dans ce sens afin de les rassurer ?
Je veux maintenant aborder la situation des commerces, et plus particulièrement des centres-villes.
Nous sommes là face à un grand problème économique mais aussi culturel, car les commerces sont l'animation de nos villes et ils ont souvent un rôle vital dans la pérennisation de nos villages.
La situation est inquiétante. Si, en Grande-Bretagne, deux tiers des actes de commerce sont réalisés dans les centres-villes, on tombe à moins d'un tiers en France.
Je ne vous ferai pas l'affront, madame la secrétaire d'Etat, d'affirmer que vous êtes responsable de ce fait, bien évidemment. Je ne veux pas non plus jeter l'opprobre sur tel ou tel partenaire - ce n'est pas le propos.
En fait, il conviendrait que chacun des interlocuteurs se pose les vraies questions et décide de discuter avec ses voisins ; j'entends par là les pouvoirs publics, les chambres consulaires, les représentants d'unions de commerçants.
Pour ce qui est du problème des grandes surfaces, plutôt que de se lancer dans un combat stérile, je souhaiterais que l'on s'attache à organiser des opérations positives et que tous les partenaires - grandes surfaces, bien sûr, pouvoirs publics, commerces, élus - se réunissent afin de réfléchir ensemble.
Ainsi, lorsqu'une grande surface doit s'installer en périphérie d'une ville, pourquoi ne pas négocier avec elle la possibilité de créer, dans le centre de la commune, une enseigne qui servirait à drainer la clientèle, de sorte que tous les commerces environnants en bénéficient ? Ce serait une bonne manière, premièrement, de réconcilier tout le monde et, deuxièmement, de redynamiser nos centres-villes.
En tout cas, il est primordial que les chambres consulaires se saisissent de ces problèmes et mènent enfin des actions concrètes dans ce domaine, qui est le fondement de leur existence. J'aurai d'ailleurs l'occasion de vous poser prochainement une question sur les chambres de métiers et sur leur mode d'élection, qui est plus que complexe.
Je veux, enfin, aborder le grand sujet d'inquiétude qu'est pour les artisans, les commerçants et les très petites entreprises l'application de la loi sur les 35 heures. Je sais que je touche là à un sujet sensible, mais il est indispensable d'insister sur le fait que cette loi va mettre en péril plus d'emplois dans ce secteur de l'économie qu'elle n'en créera.
Madame la secrétaire d'Etat, en préparant mon intervention, je lisais les interventions de nos collègues députés.
J'ai notamment trouvé intéressante l'intervention de notre collègue député Nicolas Forissier, qui, pour résumer, expliquait, exemple à l'appui, qu'une entreprise de dix-huit personnes devrait dépenser, pour l'application des 35 heures, les deux tiers de son bénéfice net après impôt.
Il est donc évident que cette mesure va, comme le disait notre collègue, amputer l'autofinancement des entreprises et les mettre en péril pour agir face à la concurrence.
Le Gouvernement s'en est lui-même rendu compte, puisqu'il a dû multiplier les dispositifs parallèles pour permettre à certaines PME de mettre en place les 35 heures.
Il n'en reste pas moins qu'elles sont nombreuses à attendre 2002 pour le faire, et que, pour les artisans, malgré certains accords passés avec des grands syndicats - sans, d'ailleurs, en référer à la base - cette obligation représente encore plus de difficultés.
Telles étaient les quelques remarques que je souhaitais vous présenter, madame la secrétaire d'Etat. Malgré toute votre détermination et votre engagement personnel connu en faveur des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, je doute, hélas ! que votre budget - comme, d'ailleurs, l'ensemble du budget pour 2000 présenté par le Gouvernement - permette de répondre aux besoins des entreprises, et donc de notre économie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des PME, du commerce et de l'artisanat qu'il nous est proposé d'examiner aujourd'hui s'élève, comme l'an dernier, à 387 millions de francs. Ce budget est modeste au regard du nombre d'entreprises françaises, mais l'Etat, dans le domaine économique, doit garder un rôle d'initiateur et non d'opérateur, de manière à ne pas brider l'initiative individuelle.
Je formulerai une remarque avant d'analyser certaines orientations de ce budget. Dès le 15 septembre, le Gouvernement annonçait une mesure fiscale importante : la baisse de la TVA de 20,6 % à 5,5 % sur les travaux dans les logements. Avec les Français, et comme les parlementaires qui souhaitent de longue date promouvoir la baisse des charges et des impôts pour favoriser l'emploi et dissuader le travail illégal, je me réjouis de cette décision.
Votre prédécesseur, M. Jean-Pierre Raffarin, s'était engagé à le faire lorsqu'ils était ministre, mais le contexte de rééquilibrage budgétaire indispensable ne le lui avait pas permis, madame la secrétaire d'Etat. Je suis heureux de cette baisse de TVA.
J'apporterai toutefois deux bémols.
Le premier porte sur la méthode. Techniquement, cette baisse est incluse dans le projet de loi de finances pour l'an 2000, mais elle a été anticipée au 15 septembre 1999. Elle s'applique même aux acomptes versés avant cette date, quelle que soit la date d'achèvement des travaux. Vous avez préféré l'effet d'annonce, que vous pouvez, certes, justifier par la finalité, au respect de la représentation nationale dans son ensemble.
Deuxième bémol : on peut regretter la complexité de la mise en oeuvre de cette décision, si simple en apparence. Ces distinctions, notamment entre les matériaux achetés par les artisans et ceux qui le sont par les particuliers, peuvent conduire à la désillusion. L'application du taux de TVA réduit est également à comparer systématiquement aux travaux qui étaient auparavant déductibles de l'impôt sur le revenu.
Dans votre budget, je me réjouis particulièrement de la place accordée à la formation professionnelle, à hauteur de 101 millions de francs, sans toutefois préjuger de la bonne utilisation de ces fonds. C'est un choix pour l'avenir, et c'est sans doute le meilleur que vous ayez fait dans ce budget, sous réserve, je le répète, que ces sommes soient bien utilisées.
Je suis moins enthousiaste sur la diminution drastique des prêts bonifiés et l'utilisation des moyens du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC.
J'attache un intérêt tout particulier au dispositif des prêts bonifiés. En 1996, votre prédécesseur avait demandé au député que j'étais d'évaluer l'efficacité de ces prêts bonifiés à l'artisanat. L'écart des taux entre les taux bonifiés et les taux réels n'était pas si important. Pourtant, l'effet incitatif et déclenchant de ce dispositif avait été clairement démontré et un doublement de l'enveloppe avait été obtenu dans un contexte de rigueur budgétaire.
Je regrette que, dans ce budget, vous diminuiez cette enveloppe de moitié. Je sais bien que votre décision est motivée par la baisse des taux d'intérêt ; en tout cas, je le suppose. Il eût cependant été intéressant de poursuivre un dispositif qui demeure efficace et qui est recherché par les artisans, à en croire les taux de consommation de crédit.
J'attire votre attention sur la justification de la bonification d'intérêt dans une période de faible inflation, et donc de taux réels non négligeables, ainsi que sur l'incertitude quant à l'évolution des taux dans les années à venir.
La répartition des recettes du FISAC, d'un montant de 410 millions de francs, c'est-à-dire supérieur à votre budget, est préoccupante. Le nouveau dispositif recherche un équilibre entre les opérations de modernisation et de rénovation du commerce en zone urbaine, coûteuses et souvent pluriannuelles, et les opérations individuelles de maintien des commerces de proximité en zone rurale, plus nombreuses mais d'un coût plus faible. Les aides apportées dans les zones rurales sont donc encore insuffisantes, et vous savez pourtant l'importance du maintien du dernier commerce pour la vitalité des petites communes.
Cela s'inscrit, hélas ! dans la politique d'aménagement du territoire du Gouvernement, qui privilégie les villes et oublie trop souvent les campagnes. Pourtant, 70 % des Français souhaiteraient vivre, dans les dix ans à venir, dans une petite commune rurale ou dans une ville moyenne de province.
Concernant le FISAC, je m'étonne également que les fonds non consommés à la fin de l'année soient réintégrés dans le budget de l'Etat. Prélevés sur les entreprises, ces fonds devraient uniquement servir à développer des actions favorisant le commerce et l'artisanat. Madame la secrétaire d'Etat, envisagez-vous de reporter désormais les crédits non consommés du FISAC sur l'année suivante ?
Votre budget aurait pu contenir de nouvelles mesures, comme l'obligation d'un minimum de formation pour les nouveaux commerçants ou - c'est encore plus important - une réforme du statut du conjoint de l'artisan et du commerçant, réforme que l'on attend toujours, comme s'en sont inquiété nombre d'orateurs avant moi.
Il devient, par exemple, urgent d'agir pour inciter les banques à ne plus lier la délivrance d'un prêt au principe de la caution solidaire du conjoint.
Comptez-vous présenter prochainement un projet de loi complet sur le statut du conjoint, qui viendrait utilement compléter la loi du 10 juillet 1982 ?
Madame la secrétaire d'Etat, je ne saurais être trop critique sur ce budget. Toutefois, je suivrai les conclusions de la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bécot.
M. Michel Bécot. Madame le secrétaire d'Etat, avant d'aborder des sujets qui intéressent plus spécifiquement les PME, je dirai un mot de l'évolution générale de votre budget, ainsi que des ressources extra-budgétaires provenant du FISAC.
Avec près de 400 millions de francs prévus en 2000, les crédits du secrétariat d'Etat restent stables, ce dont il faut se féliciter. On peut néanmoins regretter, notamment, la diminution de la part relative au soutien du financement des PME.
Mais l'aspect le plus visible et original de l'action gouvernementale, ce sont les interventions du FISAC. Le fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce revêt effectivement un caractère stratégique face aux évolutions récentes que connaît le secteur du commerce et de l'artisanat. La concurrence grandissante de la grande distribution sur le plan européen rend indispensable le renforcement des interventions de ce fonds.
Dans mon département, les Deux-Sèvres, une opération a été engagée dans ce cadre à partir de 1993, l'opération « 1 000 Villages de France ». Il s'agit, bien sûr, de favoriser l'installation de commerces dans les communes rurales.
C'est un succès incontestable. On peut toutefois regretter les délais toujours longs des versements. Je rejoins donc là l'une des demandes des rapporteurs du Sénat concernant le FISAC, à savoir une accélération et une meilleure transparence des procédures.
J'en viens aux problèmes que connaissent les PME en France.
Tous les responsables politiques reconnaissent aujourd'hui l'importance de la contribution des PME à la croissance économique et à l'emploi. Elles assurent 48 % des exportations et représentent une large majorité de la population active de notre pays. Vitales pour la création de travail et de richesses, en particulier dans les départements ruraux, les PME-PMI doivent obtenir de l'Etat un cadre mieux adapté à leur développement.
Partant de ce principe, nous divergeons sans doute un peu avec le Gouvernement sur les priorités et les modalités.
Gisements potentiels d'emplois, les PME françaises en ont créé trois fois moins qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas entre 1988 et 1997. Pourquoi ce décalage ? Les causes sont nombreuses et complexes. Nos rapporteurs en ont déjà stigmatisé quelques-unes : l'insuffisance du financement, le niveau trop élevé des charges, la complexité de la réglementation.
Parmi les problèmes évoqués par les différents rapports parlementaires figure en première place l'insuffisance des créations d'entreprises elles-mêmes. Ainsi, en 1998, nous aurons créé 40 000 entreprises de moins qu'en 1989.
Une revue du secrétariat d'Etat n'évoquait-elle pas en juin dernier le « hiatus qui s'installe : malgré la reprise de la production industrielle, le nombre de créations d'entreprises stagne ou même décroît » ?
Comme le constate, en effet, le récent rapport Besson à l'Assemblée nationale, il y a en France une vraie inégalité d'accès à la création d'entreprise. A ce sujet, je remercie notre collègue Jean-Pierre Raffarin, qui a parlé avec brio, tout à l'heure, du droit à la création d'entreprise.
Cette inégalité concerne la formation et l'information souvent déficientes des éventuels créateurs, mais elle est surtout d'ordre financier : nous vivons dans un pays où la prise de risque n'est pas suffisamment mutualisée.
La responsabilité en revient sans doute, au moins en partie, à l'Etat. Comme le notait le Conseil national du crédit dans un rapport publié en avril dernier, les mesures prises au niveau financier en faveur de la création d'entreprises ont été surtout consacrées aux PME innovantes, qui ne représentent pourtant que 1 % des créations constatées.
N'oublions pas non plus la responsabilité des établissements financiers, dont le réseau local est trop souvent insuffisant et l'attitude quelque peu frileuse à l'égard de l'initiative privée.
S'agissant de la fiscalité, en particulier de la TVA, un progrès incontestable a été réalisé avec la décision d'appliquer le taux réduit aux travaux d'entretien des locaux d'habitation. Mais il faut se montrer un peu plus ambitieux encore : la liste des secteurs à haute intensité de main-d'oeuvre, telle qu'elle ressort de la dernière directive, est encore trop limitative. Ainsi se trouve exclu, pour le moment, un secteur comme la restauration traditionnelle et l'hôtellerie, dont la marge de progression en termes d'emplois et de chiffre d'affaires est encore très importante dans un pays comme le nôtre, premier pays touristique au monde !
Un autre domaine intéressant les PME nécessiterait un effort tout particulier, à savoir le commerce extérieur. Ce dernier, même s'il est excédentaire de 100 milliards de francs environ cette année, reste encore fragile, car ses résultats reposent encore sur 5 % des entreprises françaises seulement.
Mais le préalable reste encore et toujours la simplification des procédures et l'unification des structures d'aide aux PME. Les entreprises exportatrices françaises sont en relation avec un trop grand nombre d'administrations : CFCE, CFME, ACTIM, postes d'expansion économique, etc. Trop souvent, elles ont réellement du mal à trouver les bonnes filières et les bons interlocuteurs.
Evoluons donc vers un guichet unique, en matière tant de commerce extérieur que de création d'entreprise. Continuons à simplifier les formalités et les déclarations fiscales ou sociales.
Madame la secrétaire d'Etat, vos efforts en ce domaine sont louables, et nous nous y associons, dans la continuité de l'action de notre collègue Jean-Pierre Raffarin. Cependant, il est dommage, reconnaissez-le, que les mesures positives prises à votre niveau soient trop souvent contrebalancées par de nouvelles contraintes imposées sur l'initiative de certains de vos collègues du Gouvernement. Je pense, bien sûr, à la réduction de la durée du travail à 35 heures, mesure unilatérale imposée aux PME en 2002 contre la volonté de la majorité d'entre elles. (Mme le secrétaire d'Etat sourit.)
Il s'agit d'une mesure absurde, antiéconomique, alors que la loi Robien offrait déjà un socle solide pour les entreprises qui souhaitaient s'engager dans la voie du partage du temps de travail, dans la souplesse et la concertation.
En conclusion, avant d'aborder le xxie siècle, il faut des réformes allant dans le sens de la simplification et de l'allégement fiscal. Le renforcement de notre réseau de PME, en France et sur les marchés extérieurs, est à ce prix. Or force est de constater, malheureusement, que la politique gouvernementale dans son ensemble ne tient pas compte suffisamment de cet impératif.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe de l'Union centriste suivra l'avis des commissions des finances et des affaires économiques et ne votera donc pas le projet de budget des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat pour 2000. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Excellente intervention !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente.)