Séance du 13 décembre 1999
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les budgets de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.
Je suis heureux, au nom du Sénat, de saluer la présence, aux côtés de Mme le ministre, du général Douin, grand chancelier de l'ordre national de la Légion d'honneur, et du général Simon, chancelier de l'ordre de la Libération.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, mes chers collègues, en 2000, le montant des recettes et des dépenses du budget annexe de la Légion d'honneur s'élèvera à 123,914 millions de francs, en augmentation de 9,42 % après une hausse de 2,82 % en 1999.
Les recettes de l'ordre de la Légion d'honneur proviennent, pour l'essentiel, de la subvention de l'Etat, versée par le budget de la justice, qui n'augmente que de 0,26 % pour s'établir à 105,75 millions de francs. En 1999, la progression était de 2,86 %.
Les ressources propres progressent, en 2000, de 5,16 %, pour atteindre 8,163 millions de francs. Elles comprennent trois éléments : les droits de chancellerie, qui restent stables, les pensions et trousseaux des élèves des maisons d'éducation, relevés par arrêté de 3,43 % pour atteindre 5,86 millions de francs, et les produits accessoires, qui sont en augmentation de 32,77 %, du fait de l'intégration des recettes du musée de la Légion d'honneur.
Je voudrais maintenant vous présenter les dépenses du budget annexe de l'ordre de la Légion d'honneur.
Les dépenses de fonctionnement concernent pour 92 % le fonctionnement de l'administration centrale de la grande chancellerie de la Légion d'honneur et des maisons d'éducation, qui reçoivent les filles ou les petites-filles des légionnaires de l'Ordre, ainsi que les filles des membres de l'ordre national du Mérite. Elles s'élèvent à 98,976 millions de francs, leur augmentation de 1,17 % étant liée à l'application de l'accord salarial conclu dans la fonction publique et à la création nette de trois emplois.
En effet, l'intégration du musée dans le budget annexe de la Légion d'honneur pour 2000 aura pour conséquence la création de huit emplois en contrepartie de cinq suppressions, ce qui portera l'effectif de 413 à 416 emplois, dont 101 à la grande chancellerie et 315 dans les maisons d'éducation.
Les opérations en capital, avec 16,43 millions de francs, connaissent une importante augmentation, même si 10,15 millions de francs concernent des programmes déjà engagés. Sur les 6,28 millions de francs de mesures nouvelles, 4,4 millions de francs sont destinés à l'entretien des bâtiments.
Le budget annexe de la Légion d'honneur a bénéficié, au titre de la loi de finances rectificative pour 1998, d'ouvertures nettes de 15 millions de francs destinés au financement partiel de la restauration du cloître de la maison d'éducation de Saint-Denis. Cette année, c'est en loi de finances initiale qu'il est attribué 10 millions de francs pour la réalisation pluriannuelle de ces travaux dont le coût total est estimé à 37 millions de francs.
En outre, une dotation de 1,6 million de francs pour les travaux à la grande chancellerie permettra la poursuite de la réfection des toitures et des menuiseries extérieures du palais de Salm.
Pour conclure l'examen du budget annexe de la Légion d'honneur, je souhaite vous faire part de quelques observations.
Je me félicite de la reprise, dans les recettes, pour un montant de 10 millions de francs, d'une « provision pour risques et charges financières », afin de tenir compte des observations de la Cour des comptes. Je constate toutefois que l'augmentation des dotations en capital résulte surtout de cet ajustement de trésorerie.
Je relève avec satisfaction la persistance de l'effort en matière de travaux. En effet, après la restauration des maisons d'éducation, il est indispensable de préserver les collections du musée de la Légion d'honneur comme l'ensemble architectural constitué par le palais de Salm et ses annexes.
J'approuve la dissolution prochaine de l'établissement public administratif gérant le musée national de la Légion d'honneur, pour l'intégrer au budget annexe, ce qui permettra l'utilisation de sa trésorerie pour réaliser les travaux nécessités par l'état de vétusté du musée.
A cet égard, j'espère que l'ensemble des travaux prévus pourra être terminé avant 2002, année du bicentenaire de l'Ordre.
J'apprécie la qualité de l'enseignement dispensé dans les maisons d'éducation, attesté par l'excellence des résultats obtenus, notamment un troisième prix et une mention régionale aux concours généraux.
Enfin, je m'inquiète de la question, soulevée par la Cour des comptes, concernant la qualité d'ordonnateur principal dont ne disposerait pas le grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur pour son budget. Cette interrogation a déjà été formulée par le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, lors de l'examen de ces crédits, et je souhaite savoir, madame la garde des sceaux, si la situation a été clarifiée depuis.
J'en viens à présent à l'examen des crédits relatifs au budget annexe de l'ordre de la Libération.
La subvention du budget général, seule ressource du budget annexe, s'établit, en 2000, à 4,96 millions de francs, soit une diminution de 1,1 %. Cette réduction n'est qu'apparente, puisqu'elle résulte d'une mesure d'ajustement. Cette subvention avait progressé de 21,9 % en 1999, pour permettre la reprise des investissements pour des gros travaux devenus indispensables.
Les dépenses de fonctionnement diminuent de 1,32 %, pour s'établir à 4,11 millions de francs. Quant aux dépenses en capital, elles concerneront, pour un montant de 850 000 francs, une deuxième tranche de crédits de paiement destinés à la réfection de l'installation électrique de la chancellerie et du musée de l'ordre de la Libération.
Comme en 1999, outre le chancelier, douze personnes seront employées par la chancellerie.
Je conclurai en vous faisant part de deux observations.
Si le coût prévisionnel des travaux de la chancellerie s'élève à 2,63 millions de francs en autorisations de programme, les crédits de paiement s'échelonnent sur trois exercices. Leur réalisation, qui ne prendra que quelques mois, ne pourra débuter avant la fin de l'an 2000 pour permettre leur règlement début 2001, lorsque la totalité des crédits aura été attribuée. Je regrette cette conséquence, mais je me satisfais toutefois du maintien de l'effort dans le projet de budget pour 2000.
Je me félicite surtout de l'adoption de la loi créant le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération », qui permettra de pérenniser la mémoire et les traditions de l'ordre de la Libération, par l'institution d'un établissement public à caractère administratif, lorsqu'il ne comptera plus le nombre de compagnons nécessaire à son fonctionnement. En effet, au 4 août 1999, si l'Ordre comptait 6 300 médaillés de la Résistance, seulement 161 compagnons de la Libération étaient encore en vie. Depuis la semaine dernière, ils ne sont, hélas ! plus que 157.
Cette organisation a été retenue pour préserver à l'Ordre personnalité morale et autonomie financière. En l'état actuel de la réflexion, les crédits seraient toujours rattachés au ministère de la justice, mais la question du maintien d'un budget annexe reste en suspens. Quant au choix des communes, il repose sur le souci de fonder l'avenir de l'Ordre sur les seuls cinq compagnons permanents : Grenoble, Nantes, Paris, l'île de Sein et Vassieux-en-Vercors. En effet, sur les dix-huit unités combattantes compagnons, certaines sont dissoutes et la pérennité des autres n'est pas assurée.
J'apprécie le large consensus observé dans les deux chambres à l'occasion de ce débat. Ainsi nous acquitterons-nous de notre devoir de mémoire à l'égard de ceux qui, par leur volonté de résistance et leur courage, ont contribué à sauver notre pays de l'obscurantisme et de la barbarie. A l'aube du troisième millénaire, le message universel délivré par leur sacrifice continuera à être transmis aux jeunes générations.
Ces observations étant faites, je vous propose, mes chers collègues, de suivre votre commission des finances en adoptant à l'unanimité les budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 2 novembre 1999, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discusion.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des crédits de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération, je souhaiterais obtenir quelques précisions du Gouvernement sur une anomalie juridique concernant l'ordonnateur du budget de la Légion d'honneur.
Je rappelle que l'ordonnance du 10 août 1945 précise que « l'ordre sera doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Son budget, dont le chancelier est institué l'ordonnateur principal, sera un budget annexe à celui du ministère de la justice ».
Est-il exact, madame la ministre, que des dispositions seraient prises faisant du ministre de la justice l'ordonnateur principal et le grand chancelier l'ordonnateur secondaire ?
Nous en sommes étonnés, car il s'agit d'une loi qui, à notre connaissance, n'a pas été modifiée. Des textes nouveaux ont-ils été décidés, ne pouvant alors prendre forme que d'une ordonnance ?
Nous n'avons pas connaissance de modifications intervenues pour la Légion d'honneur et nous considérons toujours le chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur comme ordonnateur principal d'un budget annexe.
Confirmez-vous cette réalité, car ce que j'ai pu lire des débats à l'Assemblée nationale n'est pas clair à ce sujet ?
L'institution n'est pas dépassée, puisqu'elle s'occupe des enfants de la France s'étant illustrés à son service dans les domaines les plus divers, qu'ils soient civils ou militaires. Il en est ainsi des actes de la République qui, au fil du temps, s'ennoblissent ; son budget est à l'image de l'institution, sans bouleversement majeur.
Deux modifications cependant sont à noter.
La première concerne le musée national de la Légion d'honneur. Sa gestion en sera confiée au budget de la Légion d'honneur, et non à un établissement public de gestion qui disparaît. Cette mesure assure une appartenance du musée à l'Institution, mesure pérenne, justifiée mais entraînant cependant une dépense de 205 730 francs.
La seconde mesure porte sur un ajustement de la trésorerie du budget annexe aux besoins réels de l'ordre. Les ressources du budget annexe augmenteront de 9,42 %. Une analyse attentive démontre que le ministère de la justice n'augmentera la subvention que de 0,26 %, alors que les ressources propres croîtront de 134 %. Le fonds de roulement a d'ailleurs été réduit comme le souhaitait la Cour des comptes dans ses observations du début de l'année.
Nous voudrions noter un aspect trompeur concernant la création de postes.
Huit postes sont créés, mais du fait de l'intégration du musée national de la Légion d'honneur au budget annexe. Il ne faut pas oublier que cinq postes seront supprimés, un à la grande chancellerie et quatre dans les maisons d'éducation.
Parmi les grosses dépenses, 10 millions de francs supplémentaires seront investis pour le cloître de la Maison de Saint-Denis. La fin de la restauration du cloître était attendue. Elle est justifiée. Rappelons que l'ensemble de cette dépense s'élève à 37 millions de francs et a été échelonnée sur plusieurs années.
Je voudrais faire trois remarques complémentaires après avoir précisé que nous voterons les crédits de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.
Le Sénat se doit de féliciter les 897 élèves pour leurs brillants résultats aux examens. Le taux de réussite atteint 97 % pour le brevet des collèges et 88 % pour le BTS.
Tous les élèves de khâgne et d'hypokhâgne ont au moins obtenu l'équivalence correspondant à leur niveau universitaire, DEUG première ou seconde année.
Ma deuxième remarque porte sur une augmentation de tous les effectifs et promotions des deux ordres nationaux de la Légion d'honneur et des médaillés militaires avec une progression de 3,7 %. En 1999, les effectifs de la Légion d'honneur se montaient à 114 042.
Ne faudrait-il pas se montrer un peu plus généreux pour la recherche des mérites ? Ne faudrait-il pas également féminiser les promotions ?
La dignité de grand-croix de la Légion d'honneur n'a été attribuée qu'à deux femmes, Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillon. En 1999, 20 % de femmes ont été promues dans les promotions civiles.
Enfin - et il s'agira plutôt d'une proposition - ne conviendrait-il pas d'attribuer la Légion d'honneur à tout titulaire du titre de combattant volontaire de la Résistance ? Les plus jeunes ont aujourd'hui soixante-quinze ans. Pour les anciens combattants de 1914-1918, la décision a été prise un peu tard pour nombre d'entre eux qui ont attendu en vain cette distinction. N'attendons pas pour prendre une décision de reconnaissance des combattants volontaires de la résistance qu'ils ne soient plus que quelques survivants. Le devoir de mémoire, c'est aussi le devoir de reconnaissance. (M. Jean-Pierre Bel applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le grand chancellier de l'ordre national de la Légion d'honneur, monsieur le chancellier de l'ordre de la libération, le budget annexe de la Légion d'honneur atteindra, en 2000, 123,9 millions de francs, soit une augmentation des crédits de 9,4 % par rapport à la dotation de l'exercice précédent.
La subvention budgétaire s'élèvera à 105 millions de francs en 2000 comme en 1999. Les recettes propres, d'un montant de 8,16 millions de francs sont en augmentation de 5,16 %.
Les crédits de fonctionnement, qui s'élèvent à 107,5 millions de francs, soit une augmentation de 1 % par rapport à 1999, assurent le paiement des traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le fonctionnement des services ainsi que l'action sociale menés par la grande chancellerie. Dans ce total, les traitements des membres du premier ordre national et des médaillés militaires s'élèvent à 8,16 millions de francs.
Les nominations et promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite, qui constituent la raison d'être de la grande chancellerie, ont concerné, en 1998, 10 600 citoyens français, hommes et femmes, civils et militaires ; 3 600 médailles militaires ont été concédées pendant la même période.
Les effectifs globaux des décorés vivants sont connus avec précision : c'est ainsi qu'au 30 septembre dernier la Légion d'honneur comptait 115 765 membres dans ses rangs.
Le premier ordre national s'est ouvert davantage, en cette période de paix que connaît la France, aux civils de toutes catégories et aussi aux femmes qui représentent désormais plus de 20 % des promotions de l'ensemble des ministères.
Il faut également signaler que le musée national de la Légion d'honneur, établissement public à caractère administratif, est supprimé à compter du 1er janvier 2000 et intégré dans le budget annexe de la Légion d'honneur ; cette opération, réalisée à coût nul, nécessite la transformation de quatre emplois à la grande chancellerie et aux maisons d'éducation.
Les dépenses en capital prévues en 2000 représentent 16,44 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.
Le financement partiel des travaux de restauration du cloître de l'abbaye de Saint-Denis, dont le coût est estimé à 37 millions de francs, sera assuré en loi de finances initiale pour 2000 par une dotation budgétaire de 10 millions de francs.
Dans ses deux maisons d'éducation, la grande chancellerie de la Légion d'honneur a pour mission d'assurer l'éducation de près de 1 000 élèves, filles et petites-filles des membres français de l'ordre.
Comme les années précédentes, les résultats obtenus aux examens à la fin de l'année scolaire 1998-1999 par les élèves de maisons d'éducation ont été excellents : 98 % d'entre elles ont obtenu le brevet des collèges, alors que le taux de réussite national est de 76,20 % ; 91 % ont réussi aux épreuves du baccalauréat, taux, là encore, plus élevé que le taux de réussite national qui est de 78,4 % ; 88 % ont obtenu le BTS, taux beaucoup plus élevé que le taux de réussite national qui est de 58,5 %.
Ces résultats, fondés non pas sur la sélection des meilleurs mais sur la qualité de l'éducation et de l'enseignement dispensés, sont le meilleur gage de la pérennité de ces institutions.
S'agissant de la possibilité de conférer la qualité d'ordonnateur principal au grand chancelier, point évoqué par M. le rapporteur spécial et par Mme Beaudeau, je peux vous indiquer que mon collègue du budget et moi-même examinerons cette proposition pour savoir quelle suite lui donner dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2001. Pour ma part, je n'y vois aucun inconvénient. Ce serait le même statut que celui qui a été donné au Conseil d'Etat et qui me paraît présenter toute garantie.
Je vous demande donc de bien vouloir voter ce projet de budget annexe de la Légion d'honneur qui permettra à l'ordre d'assumer ses missions et de s'adapter à l'évolution de notre société à l'approche du bicentenaire de la Légion d'honneur que nous célébrerons en 2002.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, avant le début de la discussion sur le budget de la justice, vous prier de bien vouloir m'excuser car je devrai quitter la séance vers dix heures pour accueillir le Président de la République à la Sorbonne à l'occasion des manifestations du bicentenaire du Conseil d'Etat. J'espère être de retour parmi vous assez vite, en tout cas pour participer à la fin du débat. Mon collègue François Huwart, que je remercie de sa disponibilité, assurera la présence du Gouvernement jusqu'à mon retour. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération et figurant aux articles 42 et 43.
LÉGION D'HONNEUR