Séance du 18 janvier 2000
M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 659, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, conformément aux dispositions de la loi d'orientation en faveur des handicapés du 30 juin 1975 et du décret d'application du 25 janvier 1978, l'objectif principal des structures spécialisées que sont les EPSR - équipes de préparation et de suite du reclassement - est bien de favoriser l'accès à l'emploi des personnes handicapées.
De ce fait, les EPSR, se situent au coeur du dispositif d'insertion des travailleurs handicapés, plaçant la personne au centre de leur action en s'appuyant sur un réseau de partenaires dans le cadre d'un véritable maillage territorial.
Les modalités de financement sont régies par une convention avec l'Etat, qui à ce jour finance les dépenses de fonctionnement à concurrence de 75 % au plus. Il revenait à l'organisme gestionnaire des EPSR de prendre en charge les 25 % restants. Il pouvait faire appel à des aides financières locales émanant très souvent des collectivités territoriales. Telle était la situation.
Or la convention pluriannuelle d'objectifs 1999-2003 passée entre l'Etat et l'association générale du fonds d'insertion pour les personnes handicapées, l'AGEFIPH, ouvre la possibilité d'une prise en charge intégrale de 75 % des dépenses de fonctionnement par cette même association, ce transfert se fondant sur la vocation de cette dernière, qu'il n'est pas ici question de remettre en cause, qui est bien de favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Cette convention suscite une double crainte parmi les professionnels. Ils redoutent, d'une part, de voir basculer l'action des EPSR vers un objectif de simple placement, une logique de travail que l'on peut comprendre, mais qui n'intégrerait pas l'action en faveur de l'accompagnement et du suivi, laquelle constitue la véritable « valeur ajoutée » d'une intégration professionnelle de qualité, et, d'autre part, que soient détournés - parce qu'il pourrait être supposé que l'Etat se désengage ; j'emploie tout de même le conditionnel - les partenaires financiers traditionnels des EPSR.
Tout en apportant leur soutien à la personne handicapée au long du processus de reclassement professionnel, les EPSR facilitent en effet l'action des institutions existantes par des interventions complémentaires, que ce soit au moment de la mise ou de la remise au travail ou dans les mois suivants, prenant en compte tous les facteurs qui peuvent influer sur la vie professionnelle, y compris les facteurs sociaux.
Or, déjà en 1995, une circulaire avait recentré l'action des EPSR avec réalisation de contrats d'objectifs. L'objectif essentiel était bien le placement en milieu ordinaire, mais je pense que les reclassements en établissements de travail protégé et en centre de formation, ou les stages en entreprise pourraient être pris en compte dans le processus de reclassement.
Même si le contexte économique n'est pas toujours favorable, même si les situations particulières sont, certes, de plus en plus diverses et complexes, les EPSR se placent au plus près de la personne handicapée et inscrivent leur action dans la durée. Fil conducteur de l'insertion, l'EPSR ne peut oeuvrer que dans un contexte partenarial. Ainsi, dans mon département, cofinancé par le conseil général, l'EPSR est un partenaire essentiel du plan départemental d'insertion des travailleurs handicapés.
Alors que le projet de réforme de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales avance le principe - admis par tous - de la nécessité de recentrer l'action autour de la personne, ne serait-il pas opportun de donner un nouvel élan à la politique de l'insertion professionnelle des personnes handicapées en rappelant l'esprit de la loi de 1975, qui a inscrit leur insertion parmi les priorités de l'action des pouvoirs publics ? Je pose cette question car l'on pourrait craindre - j'emploie encore le conditionnel - que le transfert du financement vers l'AGEFIPH ne contredise cette affirmation.
Je conclus en vous demandant, madame le secrétaire d'Etat, alors qu'il y a délégation du financement des EPSR à l'AGEFIPH, comment l'Etat envisage de jouer pleinement son rôle d'impulsion et de régulation pour développer la politique d'emploi des personnes handicapées et comment il voit très précisément l'avenir des EPSR ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, vous avez fait part de votre inquiétude quant au devenir des EPSR.
Ainsi que l'a rappelé Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité devant le Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés, le 26 novembre 1998, l'Etat entend assumer pleinement son rôle d'impulsion et de régulation de l'action en faveur des personnes handicapées dans le cadre d'un partenariat qui mobilise le plus efficacement possible les moyens du service public et ceux de l'AGEFIPH.
Vous le savez, les moyens de l'AGEFIPH proviennent du produit de la taxe que les entreprises doivent acquitter pour s'exonérer de leur obligation d'employer des personnes handicapées. Nous avons considéré qu'il était sans doute possible de mobiliser davantage ces fonds dont dispose l'AGEFIPH, et cela en plein accord avec son conseil d'administration et ses animateurs.
C'est dans cet esprit qu'a été signée entre l'Etat et l'AGEFIPH, le 9 décembre 1998, une convention arrêtant un programme d'impulsion et d'accélération de la mobilisation de ces moyens financiers en vue de parvenir à une meilleure insertion professionnelle des travailleurs handicapés.
Dans cette convention, il a bien été rappelé que la détermination des financements accordés aux EPSR privées et aux organismes d'insertion et de placement restait de la compétence du comité de pilotage national et des comités de pilotage régionaux présidés par les directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. L'Etat demeure donc totalement impliqué dans le dispositif par la signature de cette convention.
Comme Mme la ministre l'a bien précisé au président de l'AGEFIPH au moment de la signature de cette convention, ce transfert de compétence ne conduit nullement l'Etat à se désengager de ses responsabilités en matière de politique de l'emploi des personnes handicapées mais, il tend, bien au contraire, à élargir le partenariat par le biais de ce programme spécifique de mobilisation des crédits.
Dans sa décision d'approbation du budget de l'AGEFIPH pour 1999, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé le transfert à cette association du financement des EPSR privées à partir du 1er juillet 1999, prévu par la délibération de son conseil d'administration en date du 19 février 1999. L'AGEFIPH a donc accepté le transfert de cette responsabilité en parfaite harmonie avec la volonté politique affichée.
Il convient de noter que, pour 1999, le total des financements autres que ceux de l'Etat et de l'AGEFIPH, qu'ils émanent des conseils généraux ou des communes, s'est élevé à 22 millions de francs, soit 8 % du total des crédits mobilisés à cet effet.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, des précisions que vous m'avez apportées.
Je me suis fait, en la circonstance, l'écho d'inquiétudes qui se sont fait jour. Vous m'affirmez qu'elles ne sont pas fondées, et je m'en réjouis. J'ai bien noté que l'Etat tenait toujours à jouer son rôle d'impulsion, et je me félicite de la volonté dont vous avez fait état quant à une plus grande mobilisation des fonds disponibles. J'espère simplement que les collectivités locales ne seront pas tentées se reposant sur cette volonté de l'Etat, de se désengager elles-mêmes.
MOYENS DE LUTTE CONTRE LA DOULEUR