Séance du 27 janvier 2000
M. le président. Par amendement n° 8 rectifié bis , M. Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 1er du code des marchés publics, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... Les dispositions du présent code ne sont pas applicables, en ce qui concerne les règles et les seuils de mise en concurrence, aux marchés conclus en urgence en vue de faire cesser un péril imminent ou de mettre un terme à une situation de danger mettant en cause la sécurité des biens et des personnes.
« Les marchés de toute nature conclus en urgence à l'occasion des catastrophes naturelles survenues au dernier trimestre de l'année 1999 et répondant aux conditions prévues à l'alinéa précédent sont réputés valables légalement au regard des dispositions du présent code. Il en est de même en ce qui concerne les marchés conclus postérieurement aux catastrophes susvisées et visant à rétablir le fonctionnement normal des services publics, notamment en ce qui concerne la reconstruction ou les travaux de sécurité en matière d'équipements publics, spécialement ceux qui, comme les établissements scolaires et sportifs, reçoivent du public. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte de la commission des lois aurait pu, et aurait même dû, normalement, donner lieu à un grand nombre d'amendements si nous avions voulu couvrir tous les aspects du problème qui est posé, celui de la mise en cause de la responsabilité des élus et des non-élus, les citoyens. Mais il se trouve que, en parallèle, d'autres textes sont en discussion, en particulier le projet de loi visant à renforcer la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste - vous l'avez sans doute remarqué - n'a pas souhaité présenter d'amendements visant à introduire des articles additionnels dans ce texte, renvoyant ses propositions à la deuxième lecture du projet de loi sur la présomption d'innocence... à l'exception toutefois de cet amendement n° 8 rectifié bis , qui vise à répondre en urgence - c'est le cas de le dire - à une question urgente qui préoccupe particulièrement les responsables publics des collectivités locales.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le code des marchés publics comporte des dispositions qui prévoient, dans un certain nombre de cas, la possibilité de procéder en urgence. Mais cette possibilité ne dispense pas de la mise en concurrence, sauf lorsque vous procédez à la réquisition...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Et les marchés négociés ?
M. Michel Charasse. ... marchés négociés ? Sous réserve que la somme soit inférieure à un certain seuil.
M. Jean-Pierre Schosteck. Effectivement !
M. Michel Charasse. C'est tout le problème !
Nous avons connu, dans le courant du dernier trimestre, un certain nombre d'événements climatiques graves, qui on frappé d'abord le Sud-Ouest de la France, par les inondations ; ensuite, soixante-neuf départements, soit les deux tiers, ont été déclarés sinistrés à l'occasion des deux tempêtes de la fin du mois de décembre dernier.
Les élus locaux responsables, et peut-être même les représentants de l'Etat, ont alors procédé comme ils pouvaient, c'est-à-dire en faisant appel à des entreprises sans prendre la peine de les réquisitionner en bonne et due forme, car ils ne disposaient pas, sur la digue qui allait craquer... au milieu des arbres qui tombaient... du papier à en-tête, des tampons de la mairie, du garde champêtre pour notifier la réquisition, de la photocopieuse nécessaire pour notifier simultanément au préfet, etc. Ils ont appelé des entreprises, en leur disant qu'il fallait faire tels travaux... faire dégager d'urgence la route... faire ceci... cela...
Aujourd'hui - et M. Courrière, s'il n'avait eu un avion à prendre, vous l'aurez dit aussi - tous ces marchés, qui ont été passés verbalement, en pleine nuit, en urgence, se trouvent bloqués en paiement chez les comptables publics pour non-respect de la procédure.
Vous me rétorquerez que l'élu local a la possibilité de réquisitionner le comptable. S'il procède ainsi, la responsabilité financière du comptable est alors transférée à l'élu, qui se retrouvera automatiquement devant la chambre régionale des comptes et peut-être devant la cour de discipline budgétaire - en tout cas devant la chambre régionale des comptes, car la cour de discipline budgétaire ne peut peut-être pas encore intervenir à l'encontre des élus locaux - laquelle chambre régionale des comptes va relever un manquement au code des marchés et, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, va saisir le procureur. Et l'on se retrouve dans le délit de favoritisme !
Le même problème se pose, mes chers collègues, en ce qui concerne les réparations urgentes sur un certain nombre de bâtiments publics, notamment les écoles et les collèges. Si vous respectez les procédures de marché, les réparations urgentes exigées en particulier par la sécurité seront faites pour le 14 juillet, c'est-à-dire pour les grandes vacances ! En attendant, vous prenez le risque de laisser les enfants continuer à fréquenter l'établissement. Mais alors, on est dans l'article 121-3 à l'envers... Ou bien vous fermez purement et simplement l'établissement, et on piétine allègrement le principe constitutionnel de continuité du service public !
L'amendement qui est présenté par mon groupe vise simplement à compléter le code des marchés publics en précisant que, lorsque l'on est dans une situation d'urgence, où il s'agit de faire cesser un péril imminent ou de mettre un terme à une situation de danger mettant en cause la sécurité des biens et des personnes, dans ce cas-là, on peut ne pas respecter les règles de seuil et d'appel à la concurrence prévues par le code des marchés publics, toutes les autres dispositions continuant naturellement à s'appliquer, en particulier la règle du service fait, qui n'est pas la moindre des règles en matière de comptabilité publique.
Par ailleurs, notre amendement vise à valider les actes qui ont été conclus pendant ces événements climatiques par nos collègues élus, en particulier ceux qui, aujourd'hui, sont bloqués chez les comptables publics, qui, parce qu'ils n'ont pas de marché en bonne et due forme passé dans les conditions du code des marchés, s'opposent, comme ils en ont le devoir, parce qu'ils sont responsables de leur caisse, au paiement des sommes en cause. Notre amendement vise également à permettre l'application de la procédure d'urgence lorsqu'il faut assurer la continuité du service public et réparer d'urgence des bâtiments publics, des routes, postérieurement à un événement climatique de l'ampleur de ceux que nous avons connus.
Tels sont la philosophie et l'objet de l'amendement n° 8 rectifié bis.
M. le président. Quel l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit ici, tout le monde l'aura bien sûr compris, de ce que l'on appelle communément un « cavalier » législatif. Mais si un cavalier se justifie, c'est bien celui-là, puisqu'il est lié à des circonstances que personne ne pouvait prévoir, des circonstances de force majeure.
A première vue, la commission des lois pense que, en effet, il y a là un vrai problème auquel il faut apporter une solution, peut-être du type de celle à laquelle pense M. Charasse. Mais elle souhaiterait, avant de se prononcer définitivement, entendre l'avis du Gouvernement sur cette affaire qui, effectivement, pose beaucoup de problèmes. M. Larché a dû nous quitter, mais il citait, pour son propre cas, des travaux qui nécessitent un permis de construire. Il faut donc entrer dans la procédure du permis de construire. Mais combien de temps va-t-elle prendre ?
En outre, il est probable que l'on n'a pas encore fait l'inventaire de tous les problèmes qui se posent, et il s'en pose déjà pourtant des quantités ! Il faut que nous trouvions l'occasion d'y remédier. Comme l'occasion se présente, la commission pense qu'en effet il est bon de la saisir, sous réserve de ce que nous dira Mme le garde des sceaux.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le but poursuivi par M. Charasse ne peut effectivement que faire l'unanimité. Les catastrophes récentes subies par notre pays ont montré que, dans ces situations d'urgence, les décideurs publics en général mais surtout les élus - et les maires étaient en première ligne - devaient être en mesure de conclure des marchés rapidement, sans être retardés par une procédure longue et complexe, pour parer aux dangers imminents et rétablir au plus vite le fonctionnement normal des services publics.
Chacun, et le Gouvernement en premier lieu, partage cette volonté de donner aux décideurs publics les moyens de répondre le plus efficacement possible à l'attente de nos concitoyens, qui ont été très durement touchés.
Cependant, il me semble que l'état actuel du droit prend déjà en compte ces situations particulières qui demandent un assouplissement des règles des marchés publics.
Ainsi, le code des marchés publics permet à la personne responsable du marché de procéder, dans « les cas d'urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles », à un marché négocié, et ce quel que soit son montant.
Je rappelle également que la passation de marchés de travaux, de fournitures et de services dont le montant est inférieur à 300 000 francs est dispensée de mise en concurrence. Des marchés peu importants, destinés seulement à répondre aux premières nécessités en situation d'urgence, peuvent donc être concernés.
De son côté, le code pénal, avec la notion d'état de nécessité, exonère de responsabilité pénale celui qui agit pour sauvegarder une personne ou un bien menacé par un danger imminent. Le décideur public qui n'a pas respecté les dispositions du code des marchés publics pour ce motif échappe donc aux risques d'une condamnation pénale.
En outre, une ordonnance de 1959 précise que les mesures immédiates qu'il convient de prendre à la suite d'une catastrophe ou de tout événement mettant gravement en cause la sécurité permettent à l'autorité publique de réquisitionner les entreprises à même d'entreprendre les travaux nécessaires. La mise en jeu de cette ordonnance, qui donne leur fondement aux réquisitions, a pour effet d'écarter l'application du code des marchés publics.
Par ailleurs, je m'interroge sur la constitutionnalité des mesures proposées dans la mesure où elles contiennent, dans le deuxième alinéa, une disposition de régularisation générale et non limitée dans le temps.
Ces observations, qui, encore une fois, ne sont nullement destinées à remettre en cause la légitimité de l'objectif de cet amendement, qui suscite, j'en suis sûre, l'assentiment général, me conduisent à demander à M. Charasse de le retirer, non parce qu'il serait inopportun ou mal fondé, mais parce qu'il existe déjà des dispositions - je viens de les énumérer - qui permettent d'aboutir au même résultat sans risquer de contrarier la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
J'ajoute, pour convaincre M. Charasse de retirer son amendement, que je verrai avec les autres ministres concernés s'il ne serait pas possible d'adresser aux parquets une circulaire appelant leur attention sur les dispositions du code des marchés publics et du code pénal auxquelles je viens de faire allusion, pour éviter que des poursuites injustifiées ne soient engagées sur le fondement du délit de favoritisme à la suite de marchés conclus pour réparer les dégâts causés par les tempêtes de décembre dernier.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission n'a pas entendu l'avis du Gouvernement !
Je m'exprimerai un peu à titre personnel, mais je pense que M. Larché, en raison des propos qu'il a tenus tout à l'heure, partage ce sentiment.
Nous nous sommes engagés dans une démarche qui comporte plusieurs étapes. Nous n'en sommes qu'à la première, et ce texte pourra certainement être amélioré au cours de la navette : le Gouvernement peut encore prendre des initiatives, envoyer des circulaires, etc.
Le Gouvernement a fait appel au bon coeur de M. Charasse, et l'on ne fait jamais appel au bon coeur de M. Charasse en vain. (Sourires.) Je souhaiterais donc savoir si M. Charasse accepte de retirer son amendement.
M. Michel Charasse. En tout cas, pas avant de m'être expliqué !
M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La sagesse voudrait que M. Charasse retire son amendement. A défaut, je ne demanderai pas au Sénat de le repousser, pour montrer que nous souscrivons à cette solution.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8 rectifié bis .
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'ai bien entendu les propos qu'ont tenus Mme le ministre, ainsi que M. le rapporteur.
J'ai pris bonne note des éléments, que je connaisais déjà d'ailleurs, qu'a apportés Mme le ministre, notamment lorsqu'elle nous dit qu'elle est prête à adresser une circulaire aux procureurs pour leur dire de ne pas engager de poursuites... C'est là un point important sauf qu'en matière de marchés les poursuites peuvent être engagées par n'importe quelle entreprise évincée et, dans ce cas, le procureur n'a pas la possibilité de s'opposer aux poursuites.
Croyez-moi, il n'y a nulle querelle entre le groupe socialiste et le Gouvernement sur ce point. Nous sommes en présence de problèmes concrets qui se posent aujourd'hui dans un certain nombre de collectvités et nous essayons ensemble de trouver la meilleure solution, sans chercher querelle aux uns ou aux autres.
Donc, il n'existe pas de garanties quant aux poursuites de particuliers.
Quand Mme le ministre nous dit qu'il ne peut pas y avoir de condamnation pénale à l'encontre d'une personne ayant agi sous l'empire de la nécessité, cela n'empêche pas qu'il peut y avoir des poursuites. Le problème reste toujours le même : on poursuit, on met en examen - c'est-à-dire en accusation - et ensuite, devant le tribunal, tout se règle. En attendant, on a subi les titres des journaux : on a passé trois nuits de suite sans dormir, avec les pompiers, sur une digue, les pieds dans la boue, on s'est enquiquiné au possible, et on fait les frais d'articles de journaux à foison. Et tout se terminerait par un petit « flop » devant le tribunal...
Quant à l'ordonnance de 1959, chère amie, madame le garde des sceaux... C'est vrai que la réquisition est possible. Mais il faut être en état de la faire. Il faut un document écrit. Or, il est trois heures du matin, vous êtes dehors, sur la route ; vous tronçonnez les arbres pour dégager la route... et l'on vous enjoint de réquisitionner. Mais il faut un papier à en-tête de la mairie, le cachet de la mairie, il faut faire des photocopies, il faut mander le garde-champêtre, il faut faire porter le double au sous-préfet ou au préfet... tout cela en pleine nuit et alors même que des personnes sont menacées... Il faut agir en urgence !
Alors, vous me direz que l'on peut toujours régulariser a posteriori . Mais cela s'appelle un faux et, moi, je ne recommanderai à personne de faire un faux pour régulariser a posteriori !
Dernier point, madame le ministre : étant entendu que je ne considère pas que votre réponse soit négative, que puis-je répondre - et je regrette encore une fois que mon collègue M. Courrière soit parti - aux maires de l'Aude dont, actuellement, les factures sont bloquées par les comptables au motif que, dans la nuit, ils n'ont pas respecté les procédures des marchés publics ?
Il y a une solution, madame le ministre, qui est très simple : c'est que le ministre du budget donne l'ordre aux comptables de payer et lève leur responsabilité pécuniaire. Lui seul peut le faire. Mais nous, nous ne réglons pas le problème de fond.
L'autre problème posé à travers mon amendement - dont je veux bien reconnaître, l'ayant rédigé assez rapidement à la demande de mon groupe, qu'il pourrait sans doute être revu dans son dispositif - concerne les réparations postérieures à la tempête. Si nous sommes obligés de respecter partout, notamment en ce qui concerne les bâtiments scolaires, pour la mise en sécurité consécutive aux réparations rendues nécessaires par la tempête, les délais prescrits par le code des marchés et les procédures, les bâtiments seront en sécurité en juillet... s'il fait beau... si, comme le dit l'histoire corse, il n'y a pas de vent... (Sourires.)
Il n'est pas possible d'attendre si longtemps, et l'autre partie de mon amendement visait cet aspect des choses.
Monsieur le président, je ne retirerai pas mon amendement car je souhaite, tout en faisant preuve de l'humilité nécessaire en ce qui concerne les imperfections qui en marquent sans doute la rédaction, que le Sénat l'adopte. Comme il va y avoir une navette, que le Gouvernement prenne le temps de la réflexion car, de même que nous, au groupe socialiste, nous avons agi dans l'urgence, le Gouvernement n'a pas eu beaucoup de temps, lui non plus, pour réfléchir. De surcroît, c'est un sujet qui concerne non seulement la Chancellerie, mais également la commission centrale des marchés, le ministère de l'économie, la direction de la comptabilité publique en ce qui concerne les paiements... bref, toute une série de services qui ne sont pas tous sous l'autorité du garde des sceaux. Certes, le Gouvernement est unique et la solidarité gouvernementale joue, mais ce sont des questions techniques assez compliquées.
En fin de compte, je souhaite que l'amendement que nous présentons - il n'est pas parfait, mais il a le mérite de poser les vrais problèmes - soit adopté aujourd'hui à titre provisoire par le Sénat. Il pourra ainsi être amélioré lors de la navette, tant par le Gouvernement que par l'Assemblée nationale en première lecture.
Monsieur le président, je maintiens cet amendement pour des motifs que je tiens à répéter.
D'abord, il pose le principe d'une dérogation générale en cas d'urgence, quand il faut faire cesser un péril ou prévenir un danger, ce qui est la moindre des choses.
Ensuite, il rend valides les marchés conclus verbalement en pleine nuit, dans des conditions abracadabrantes, lors de catastrophes naturelles comme celles que nous venons de vivre.
Enfin, il autorise à déroger au code des marchés publics pour la remise en route des équipements publics, notamment les établissements scolaires et sportifs qui nécessitent des réparations urgentes pour des raisons de sécurité.
Je souhaite que la navette améliore notre texte. Je ne suis pas fermé à une discussion avec l'Assemblée nationale. Et si je maitiens l'amendement, c'est non pour embêter le Gouvernement ni pour faire preuve d'obstination, mais parce qu'il y a un vrai problème.
J'ajoute que si Mme le ministre nous confirme qu'elle va prendre contact avec le ministère de l'économie et des finances - si ce n'est pas déjà fait - pour que, au moins, les paiements bloqués par l'administration soient débloqués, parce qu'il ne faut pas, en plus, mettre en difficulté les entreprises qui ont fait ces travaux, nous n'aurions pas complètement perdu notre temps.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Mes chers collègues, il faut approuver cet amendement. Ce n'est certainement ni la première fois ni la dernière fois que nous sommes d'accord, monsieur Charasse. De la même façon que j'approuve cet amendement, vous avez déjà approuvé des initiatives que j'avais pu prendre, vous avez notamment accepté de cosigner avec moi un amendement.
C'est sans aucune hésitation que j'aurais accepté de cosigner l'amendement que vous venez de défendre devant la Haute Assemblée. Cet amendement aurait d'ailleurs pu être présenté par le Sénat tout entier, cosigné par l'ensemble des membres de notre assemblée. Un consensus général va certainement se dégager lors de son vote.
Comme M. Charasse l'a dit très justement et comme l'ont rappelé le rapporteur, M. Pierre Fauchon, et le président de la commission, M. Jacques Larché, il y aura la navette.
Cet amendement devrait permettre d'éviter les travers qui ont été dénoncés par notre collègue M. Charasse, en incitant le Gouvernement à rechercher pourquoi les dispositions législatives existantes ne sont pas appliquées.
Je souhaite plus particulièrement appeler votre attention sur deux points particuliers, madame le garde des sceaux.
Après le passage de la tempête, un certain nombre de nos collègues doivent intervenir d'urgence sur des monuments historiques. Il leur a pourtant été répondu qu'ils ne pouvaient pas le faire tant que le conservateur n'avait pas donné son avis. Cela peut prendre plusieurs mois ! Or il y a un risque.
Il serait donc très utile, comme l'a suggéré M. Charasse, que Mme le garde des sceaux puisse intervenir non seulement auprès de M. le ministre de l'économie et des finances ou de Mme la secrétaire d'Etat au budget, mais aussi auprès de la sous-direction des monuments historiques.
Il serait également indispensable d'intervenir auprès du ministre de l'intérieur afin de dégager des moyens suffisants pour permettre aux petites collectivités locales qui ont subi des dommages considérables de réaliser des travaux urgents qui dépassent très largement leur capacité financière.
Pour toutes ces raisons, je voterai sans aucune difficulté, comme nombre de mes collègues, cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont présentés par M. Vasselle.
L'amendement n° 9 tend à insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les trois derniers alinéas de l'article 665 du code de procédure pénale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le renvoi est également ordonné, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, par la chambre criminelle, soit sur requête du procureur général près la Cour de cassation, soit sur requête du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a son siège, agissant d'initiative ou sur demande de l'une des parties. »
L'amendement n° 10 vise à insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 665 du code de procédure pénale, après les mots : "sur demande" sont insérés les mots : "de l'une au moins". »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. L'amendement n° 9 a pour objet de modifier le code de procédure pénale afin de permettre la délocalisation de certaines affaires de droit, pour la bonne administration de la justice. En effet, actuellement, conformément au deuxième alinéa de l'article 665 du code de procédure pénale, cette délocalisation n'est qu'une possibilité et elle ne peut se faire qu'à la demande de l'ensemble des parties.
Dans le système que je propose à travers le présent amendement, cette délocalisation reste très encadrée puisque le renvoi n'est ordonné par la chambre criminelle, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, que sur requête du procureur général près la Cour de cassation ou sur requête du procureur général près la cour d'appel où la juridiction saisie a son siège, ce dernier s'autosaisissant ou étant saisi par l'une des parties. L'apport de cet amendement est, en effet, que l'une des parties concernées, en particulier un élu ou un fonctionnaire, puisse obtenir la délocalisation de l'affaire qui le concerne.
L'amendement n° 10, qui modifie le deuxième alinéa de l'article 665 du code de procédure pénale, a également pour objet de faciliter la délocalisation du jugement de certaines affaires. Ainsi le renvoi d'un tribunal à un autre pourra-t-il être ordonné sur la requête du procureur général près la cour d'appel, celui-ci pouvant s'autosaisir, comme c'est déjà le cas, mais aussi sur demande de l'une seulement des parties, alors que, dans le texte actuel, la demande doit émaner de l'ensemble des parties.
Cela devrait faciliter l'exercice d'une justice plus sereine, en particulier à l'égard des élus locaux. Cela ne ferait que conforter le souci d'indépendance dans le jugement que manifestent les juges en évitant que des pressions puissent être exercées sur le plan local.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 9 et 10 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne voit pas bien l'efficacité pratique de ce dispositif !
Si j'ai bien compris, M. Vasselle est inquiet parce qu'il pense qu'il faut que les deux parties demandent la délocalisation. En réalité, il n'en est rien ! Une circulaire interprétative prévoit en effet formellement que l'expression « sur la demande des parties » signifie : si l'une des deux parties le demande.
Par ailleurs, le Sénat a adopté, lors de la discussion du texte sur la protection de la présomption d'innocence, un amendement qui portait sur le même sujet, et ce texte est en cours de navette.
Dans ces conditions, monsieur Vasselle, peut-être pourriez-vous retirer ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Vasselle, les amendements n°s 9 et 10 sont-ils maintenus ?
M. Alain Vasselle. Si Mme le garde des sceaux confirme l'interprétation de M. le rapporteur, c'est bien volontiers que je retirerai ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 9 et 10 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement n'est pas favorable à ces deux amendements.
Monsieur Vasselle, l'amendement n° 9 pose un problème de procédure pénale dont la discussion doit être abordée lors de l'examen non de la présente proposition de loi mais lors du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence.
De plus, l'amendement n° 10 dénote une interprétation incomplète de l'article 665 du code de procédure pénale concernant le renvoi d'une juridiction à une autre, car il n'est pas obligatoire que toutes les parties le demandent.
Monsieur Vasselle, je me rallie donc à la demande de M. Fauchon, qui vous suggère de retirer ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Vasselle, acceptez-vous d'accéder à la demande de M. le rapporteur... et de Mme le garde des sceaux ?
M. Alain Vasselle. Si une des dispositions existe déjà, et si l'autre, comme vient de le déclarer Mme le garde des sceaux, doit être adoptée incessamment, c'est sans difficulté aucune que j'accepte de retirer ces deux amendements.
M. le président. Les amendements n°s 9 et 10 sont retirés.
Par amendement n° 11, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La commune a l'obligation d'assurer la protection du maire ou d'un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable.
« A cette fin, elle contracte une assurance. Le fait de contrevenir à cette obligation est puni d'une amende de 100 à 50 000 francs ».
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement, n° 20, présenté par MM. Schosteck et Delevoye, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour compléter l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, à remplacer les mots : « protection » par le mot : « défense ».
La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet d'obliger la commune à contracter une assurance afin de protéger le maire, un élu municipal suppléant ou ayant reçu une délégation ou l'un de ces élus ayant cessé ces fonctions, lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits qui n'ont pas un caractère de faute détachable.
Le fait de contrevenir à cette obligation serait puni d'une amende de 100 à 50 000 francs.
Des dispositions du même ordre existent déjà en faveur d'autres décideurs publics : les fonctionnaires. Il s'agit donc simplement de les appliquer d'abord aux maires, puis au sein du conseil général et du conseil régional.
La loi « Le Pors » du 13 juillet 1983, grâce aux modifications apportées par la loi du 16 décembre 1996, accorde désormais une protection aux fonctionnaires, à l'agent public non titulaire, à l'ancien fonctionnaire, lorsque ceux-ci font l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de fautes personnelles. Etendre cette législation répond aux propositions du rapport Massot.
M. le président. La parole est à M. Schosteck, pour défendre le sous-amendement n° 20.
M. Jean-Pierre Schosteck. Il nous a semblé que le terme de « protection » était ambigu à maints égards et que celui de « défense » serait plus approprié. La même observation vaut pour les deux amendements suivants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 11 et sur le sous-amendement n° 20 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission pense que cet amendement est justifié dans son principe. Il présente cependant quelques problèmes d'ordre rédactionnel.
D'abord, il est certainement préférable d'inscrire « défense » plutôt que « protection », comme le prévoit le sous-amendement.
Ensuite, alors qu'on s'efforce de dépénaliser la vie publique, nous ne pouvons pas souscrire au dernier membre de phrase : « Le fait de contrevenir à cette obligation est puni d'une amende de 100 à 50 000 francs. » Puis-je considérer que vous y renoncez, monsieur Vasselle ? (M. Vasselle fait un signe d'acquiescement.)
Sur le reste du dispositif, la commission est plutôt favorable, bien qu'il soulève certains problèmes rédactionnels au cours de la navette.
C'est ainsi qu'il est difficile de dire que le département ou la commune a l'obligation d'assurer la défense du président du conseil général ou du maire « lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable ».
Je vous invite à la prudence. En effet, quand vous assurez la protection, vous ne savez pas encore si les fautes auront un caractère détachable, il faut souvent attendre la fin de l'instruction pour pouvoir se prononcer sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je comprends bien l'objectif de ces amendements, auxquels le Gouvernement ne peut pourtant pas être favorable.
Certes, il n'y a, en effet, pas de raison que les élus publics ne bénéficient pas de la même protection que les agents publics de l'Etat. Or j'observe que la rédaction du premier alinéa de l'amendement n'est pas similaire à celle de l'article 11 de la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui mentionne la faute personnelle et non la faute détachable.
J'observe surtout que cet amendement crée une dépense obligatoire. Par conséquent, je souhaite que M. Vasselle veuille bien le retirer ; sinon, je serais obligée d'invoquer l'article 40.
M. le président. Monsieur Vasselle, accédez-vous à la demande du Gouvernement ?
M. Alain Vasselle. La principale objection formulée par Mme le garde des sceaux repose sur le caractère obligatoire de l'assurance. Il suffit donc, si M. le rapporteur en est d'accord, de remplacer cette obligation par une simple faculté.
Par ailleurs, il convient effectivement de substituer le mot « défense » au mot « protection ». J'avais repris ce dernier terme uniquement parce qu'il est utilisé dans la loi du 13 juillet 1983 pour les fonctionnaires.
Je pense, comme l'a souligné M. le rapporteur, la navette permettra d'aboutir à une rédaction satisfaisante à la fois pour le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement.
J'espère que cette suggestion pourra recueillir l'assentiment de la commission du Gouvernement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Vasselle, et tendant à insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commune a la faculté d'assurer la défense du maire ou d'un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 11 rectifié ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission, dont j'ai déjà indiqué l'état d'esprit, aurait été favorable à cette rédaction, qui sauverait le texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Dès lors que l'on supprime le dernier alinéa de cet amendement et qu'il ne s'agit plus que d'une simple faculté, bien entendu je n'invoque pas l'article 40. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Compte tenu de la rectification, le sous-amendement n° 20 n'a plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. On avance un peu avec la rectification proposée par M. Vasselle, laquelle, je pense, s'appliquera aussi aux amendements n°s 12 et 13, la situation étant la même pour le département et la région. Il n'empêche que l'on aboutit à une situation très compliquée quant à la couverture, si je puis dire, de la responsabilité des élus locaux.
En effet, en ce qui concerne la responsabilité civile, les élus locaux sont obligés de s'assurer personnellement et la collectivité locale ne peut jamais leur payer l'assurance.
En ce qui concerne la responsabilité pénale, jusqu'à présent aucune mesure n'était prévue. Mais nous avons adopté, à l'occasion du texte sur la présomption d'innocence, avec l'accord du Gouvernement, une disposition dont vous vous souvenez sûrement et qui aligne la situation du maire et de ses adjoints agissant comme agents de l'Etat sur la situation des fonctionnaires de l'Etat. Tant et si bien que, lorsque le texte sur la présomption d'innocence sera définitivement adopté, si l'Assemblée nationale se rallie à notre position, les maires, adjoints et conseillers municipaux agissant en qualité d'agents de l'Etat seront couverts par l'Etat comme les fonctionnaires de l'Etat, par référence à la disposition citée voilà un instant..., je ne sais plus si c'est par Mme le garde des sceaux ou par M. Vasselle.
Il restera donc la situation de l'élu municipal agissant comme agent de la commune et celle de l'élu départemental ou régional agissant comme agents du département ou de la région. Les amendements de M. Vasselle donnent aux collectivités la faculté de couvrir cette responsabilité.
Mes chers collègues, la question de fond est beaucoup plus simple que cela : décidons-nous d'aligner ou non la situation des agents élus des collectivités locales sur celle des agents non élus de ces mêmes collectivités ? Dans ce cas, il est une règle commune aux fonctionnaires, qu'ils soient de l'Etat ou des collectivités locales : ils sont protégés par leur administration, quelle qu'elle soit.
On se trouve maintenant avec une distinction entre les agents élus, puisque le maire en tant qu'agent de l'Etat sera protégé, mais, en tant qu'agent de la collectivité ou président de région, il ne le sera pas.
Je vais me ralier par consensus à l'amendement n° 11 rectifié de M. Vasselle, car, si j'ai bien compris votre position, madame la ministre, l'article 40 n'a plus lieu d'être invoqué.
M. Philippe Marini. Parce que c'est une faculté !
M. le président. Mme la ministre n'invoque plus l'article 40 sur l'amendement n° 11 rectifié puisqu'il s'agit d'une faculté et non plus d'une obligation.
M. Michel Charasse. Heureusement, parce que je considère que l'article 40 s'applique - c'est moi qui représente la commission des finances aujourd'hui - une simple faculté étant elle aussi génératrice de charges ! Mais passons ...
Ce que je souhaite surtout, c'est que le vote du Sénat soit compris comme une démarche positive allant dans le bon sens et que Mme la ministre s'engage à l'Assemblée nationale, à la faveur de la navette, à normaliser tout cela (Mme le ministre fait un signe d'assentiment), afin que tout le monde soit soumis au même régime, à l'exclusion de la responsabilité civile, ...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Michel Charasse. ... qui, elle, doit rester une adhésion personnelle à la charge de l'élu local.
Par conséquent, c'est par esprit de consensus, mais aussi parce que l'on monte une marche supplémentaire de l'escalier qui conduit à l'alignement absolu de la situation de tous les agents des collectivités locales, qu'ils soient élus ou non élus, que je voterai l'amendement n° 11 rectifié et les amendements n°s 12 et 13 s'ils sont rectifiés dans le même sens.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Par amendement n° 12 rectifié, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 3123-28 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le département a la faculté d'assurer la défense du président du conseil général ou d'un vice-président ayant reçu une délégation ou l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable. »
M. Vasselle s'est exprimé et la commission et le Gouvernement ont donné leur avis sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Par amendement n° 13 rectifié, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La région a la faculté d'assurer la défense du président du conseil régional ou d'un vice-président ayant reçu une délégation ou l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable. »
M. Vasselle s'est exprimé et la commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Par amendement n° 14, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 4 du code de procédure pénale, est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... . Lorsque le procureur de la République est saisi d'une plainte avec constitution de partie civile à raison des actes d'un élu ou d'un agent public et que l'instruction est confiée à un juge d'instruction, le préfet peut élever le conflit à tout moment afin que soit déterminé s'il y a eu faute de service ou faute personnelle. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Comme je l'avais indiqué dans mon intervention liminaire, cet amendement a pour objet de revenir par voie législative sur un arrêt du tribunal des conflits en date du 6 octobre 1989 « Préfet de la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône contre madame Laplace ». Cet arrêt était revenu sur une jurisprudence très ancienne qui permettait au préfet, ce qui est souhaitable, d'élever le conflit sur l'action civile à tout moment, y compris devant le juge d'instruction.
Ainsi, depuis dix ans, depuis le revirement de jurisprudence - sur un cas - lorsque le parquet est saisi d'une plainte avec constitution de partie civile à raison d'un acte d'un agent public et que l'instruction est confiée à un juge d'instruction, il faut attendre que la juridiction pénale ait statué sur la responsabilité pénale pour se pencher sur la compétence juridictionnelle afin de statuer sur la demande de dommages et intérêts.
Ce n'est qu'à ce moment-là que la juridiction pénale qualifiera la faute de faute de service et renverra alors au juge administratif la fixation de la réparation ou de faute personnelle afin de statuer elle-même. Le processus est donc à la fois long pour le justiciable et peu compréhensible. Et ce n'est qu'une fois arrivé à ce moment qu'actuellement le préfet peut élever le conflit, s'il estime que le comportement reproché à l'agent révèle une faute de service.
Le présent amendement prévoit donc de revenir sur la jurisprudence de 1989, comme le propose d'ailleurs la commission Massot - je n'invente rien, mais je suis conforté par la position qu'elle a adoptée - qui a rendu ses propositions au garde des sceaux le 16 décembre dernier, en permettant l'élévation du conflit dès la phase d'instruction pénale. Cela permettrait au justiciable une orientation plus rapide vers la juridiction compétente et, dans le droit-fil des propositions que j'ai déjà faites par ailleurs, d'améliorer l'efficacité du partage entre ce qui relève de la faute personnelle et détachable et ce qui relève de la faute non détachable ou de service.
Je tiens à vous dire, mes chers collègues, que c'est la préoccupation sur laquelle s'arc-boute la majorité, pour ne pas dire la totalité des élus locaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne peut absolument pas être favorable à cet amendement. En effet, c'est avec sagesse que le tribunal des conflits à considéré, voilà dix ans, que l'on ne peut élever le conflit pour déterminer qui est compétent en matière d'indemnisation au stade de l'instruction - car nous sommes au stade de l'instruction. Or l'amendement tend à revenir sur cette jurisprudence.
De plus, on peut se demander si cet amendement ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence. Comme on est en cours d'instruction, on ne sait pas encore s'il y aura ou non condamnation. Sinon, en élevant le conflit, on permettrait au tribunal des conflits de préjuger en quelque sorte la décision de la juridiction pénale et de déclarer qu'il y a ou non faute détachable et donc, en pratique, d'empiéter sur la compétence de la juridiction pénale, ce qu'il ne peut pas faire.
Naturellement, monsieur Vasselle, le tribunal des conflits décidera inévitablement de surseoir à statuer, et il attendra que la juridiction pénale se soit prononcée ; c'est pour cela qu'il a pris, voilà dix ans, la décision que j'évoquais.
Nous nous sommes heurtés tout à l'heure à une difficulté semblable à propos de l'assurance. Vous ne pouvez pas savoir par avance si une faute est lourde et si cette faute est détachable ou non. En effet, déclarer qu'il y a une faute détachable revient à condamner par avance la personne et donc à mettre à bas toute la présomption d'innocence, ce qui n'est véritablement pas possible !
La commission souhaite par conséquent que M. Vasselle retire son amendement, qui ne peut pas être opérationnel et qui n'améliore pas vraiment la situation. Même si le tribunal des conflits est saisi formellement, il surseoira à statuer jusqu'à la décision de la juridiction pénale, et cela peut prendre un certain temps compte tenu des voies de recours.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement, bien qu'il reprenne une disposition du rapport Massot. Je ne crois pas opportun de contredire dans la loi la jurisprudence du tribunal des conflits qui interdit l'élévation du conflit au stade de l'instruction préparatoire.
En effet, d'un point de vue juridique, une telle disposition n'est pas véritablement justifiée. Les juridictions répressives ne sont pas compétentes pour statuer sur les demandes de réparations pécuniaires concernant une faute d'imprudence commise par un agent public lorsqu'il ne s'agit pas d'une faute détachable. Mais le juge d'instruction n'est pas habilité à statuer sur de telles demandes. Pourquoi, en conséquence, élever le conflit à cette phase de la procédure ?
J'ajoute qu'une telle disposition apparaîtrait, aux yeux de l'opinion publique, comme une volonté de limiter les droits des victimes, ce qui ne me semble évidemment pas opportun.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de rejeter cet amendement.
M. le président. Monsieur Vasselle, maintenez-vous votre amendement ?
M. Alain Vasselle. Oui monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Alors que nous nous efforçons de renforcer la présomption d'innocence, vouloir, dans le cours d'une instruction, aller jusqu'au tribunal des conflits pour déterminer la nature éventuelle de la responsabilité, donc de la faute, c'est déjà, d'une certaine manière, préjuger de la réalité de ladite faute !
Restons-en à la jurisprudence actuelle et pensons au renforcement de la présomption d'innocence à laquelle nous travaillons. Je ne crois pas que, à ce stade, cet amendement puisse être voté, quelle que soit la qualité de son inspiration.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8