Séance du 3 février 2000
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'environnement. Il s'agit non pas de traiter du problème des perceptions mais plutôt, madame la ministre, de connaître votre perception sur les conséquences du naufrage de l' Erika qui a gravement sinistré le littoral atlantique.
Madame le ministre, devrai-je vous convaincre qu'il s'agit bien d'une véritable catastrophe écologique d'une ampleur exceptionnelle ?
M. Henri de Raincourt. Elle n'en sait rien !
M. Philippe Darniche. Les rivages défigurés, les oiseaux morts, les coquillages souillés et aujourd'hui interdits à la vente en sont autant de preuves. Des centaines de « rafiots », selon votre propre terme, véritables poubelles flottantes, continuent pourtant à transporter des substances dangereuses pour l'homme et pour notre environnement.
Ils circulent impunément en mer en longeant nos côtes françaises, dont simplement - excusez du peu ! - 50 000 sur le seul rail d'Ouessant. De quels moyens légaux nationaux, européens ou internationaux disposons-nous réellement pour les obliger à quitter nos eaux territoriales et prévenir ainsi toute nouvelle catastrophe ? Hélas ! Aucun, car nous ne sommes plus maîtres sur nos eaux territoriales.
Si, sur le terrain, le plan de lutte contre les pollutions marines, le plan POLMAR, a bien joué son rôle, si, grâce à une mobilisation des départements et des communes, des centaines de bénévoles sont venus prêter main forte à la sauvegarde du littoral, force est de constater que trop de zones d'ombre, trop de points restent encore obscurs ou étrangement en suspens. C'est la raison pour laquelle j'appelle de mes voeux, monsieur le président, la constitution d'une commission d'enquête sénatoriale visant à faire connaître toute la vérité sur cette affaire. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Voilà une vraie proposition !
M. Philippe Darniche. Madame le ministre, dans la formidable partie de ping-pong à laquelle se livrent les différents experts et analystes, nous ne savons toujours pas ce qui s'est véritablement passé et dans quelles conditions a eu lieu ce naufrage ; nous ne connaissons toujours pas la légitimité réelle du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation, le CEDRE ; nous ne connaissons toujours pas le véritable propriétaire de l' Erika ; nous ne connaissons toujours pas l'efficacité réelle du colmatage ; enfin, nous ne savons toujours pas dans quelles conditions le repompage va se dérouler.
Pour couronner le tout, alors que nous avons la sensation que ce sujet ne figure déjà plus parmi les préoccupations du Gouvernement, une expertise menée sur un échantillon de rejets pétroliers a montré qu'il s'agissait probablement de déchets industriels spéciaux de très haute toxicité.
Ma question est la suivante : pouvez-vous nous dire, madame le ministre, ce que contiennent véritablement les soutes de l' Erika et quelles mesures vous comptez prendre pour qu'une telle catastrophe ne se renouvelle pas ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous n'avez pas évoqué de façon explicite un aspect de la question qui me paraît essentiel : s'agit-il d'une catastrophe ?
Oui, monsieur le sénateur, mais encore faut-il préciser qu'il ne s'agit pas seulement d'une catastrophe écologique mais aussi d'une catastrophe patrimoniale, économique, sociale et humaine qui mobilise des milliers de personnes sur l'ensemble des départements concernés.
De quels moyens disposons-nous ? Nous ne sommes pas dépourvus de moyens. C'est ainsi que, tour à tour, le Premier ministre et le ministre de l'équipement, des transports et du logement ont affirmé avoir pris la décision de faire de l'amélioration de la sécurité dans le domaine du transport maritime l'une des priorités essentielles de la présidence française de l'Union européenne.
Il s'agit d'améliorer le dispositif à la fois dans le cadre de l'OMI, l'Organisation maritime internationale, dans le cadre des engagements pris par l'Union européenne et dans le cadre du mémorandum de Paris.
De premières décisions tendant au renforcement des contrôles ont déjà été prises. Elles rompent heureusement avec une tradition qui se traduisait régulièrement ces dernières années par des suppressions de postes, qui, vous le savez, monsieur le sénateur, sans qu'il soit nécessaire d'y insister, sont antérieures à 1997. (Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini. Dites tout de suite que c'est la faute de Juppé !
M. Henri de Raincourt. Voilà un argument de choc !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je voudrais revenir plus concrètement sur deux thèmes.
Le premier concerne la nature du produit qui s'est répandu. Les analyses réalisées par le CEDRE, par l'Institut français du pétrole, par le Muséum national d'histoire naturelle, par le Laboratoire de la marine nationale, par l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, font toutes apparaître qu'il s'agit bien de fioul lourd, numéro 2 classique...
M. Alain Gournac. C'est bien le problème !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... qui est utilisé dans les centrales thermiques et transporté en Italie, non pas parce que nous ne pouvons pas l'employer ici mais parce que peu nombreuses sont en France les centrales thermiques en production.
M. Jean Chérioux. Grâce au nucléaire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il subsiste de nombreuses zones d'ombre sur les conditions de prélèvement et d'analyse du laboratoire privé toulonnais qui affirme qu'il s'agit de déchets toxiques. Bien entendu, la toxicité de ce fioul existe. Tous les produits pétroliers comportent des composés aromatiques polycycliques susceptibles d'être cancérigènes.
C'est pourquoi nous avons diffusé très rapidement des mesures de précaution à l'attention des bénévoles pour les inciter à la prudence dans la manipulation de ces produits. C'est aussi pourquoi l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, recommande d'interdire la consommation de produits marins susceptibles d'être contaminés.
Deux minutes trente, la règle est imparable ! Je dois m'interrompre mais, monsieur le sénateur, je suis tout à fait disposée à vous rencontrer à l'issue de cette séance pour vous expliquer où en sont les opérations de préparation du pompage des soutes de l' Erika . (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
POLITIQUE HOSPITALIÈRE DU GOUVERNEMENT