Séance du 23 février 2000
VENTES VOLONTAIRES DE MEUBLES
PAR NATURE AUX ENCHÈRES PUBLIQUES
Adoption d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
156, 1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des
ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques. [Rapport n°
211 (1999-2000) et avis n° 227 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes de nouveau saisis du projet de loi
portant réforme des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques,
projet que j'avais eu l'honneur de vous présenter et qui a été défendu par Mme
Catherine Trautmann, ma collègue en charge de la culture et de la
communication.
Je me réjouis d'être aujourd'hui au banc des ministres pour la poursuite des
débats, que je souhaite fructueux et constructifs, comme cela a été le cas lors
des précédentes lectures.
Nous savons tous que la réforme du statut des commissaires-priseurs et la
suppression de leur monopole sur le marché des ventes volontaires constituent
des évolutions légitimement attendues.
En effet, il est indispensable de moderniser la profession, pour lui permettre
de faire face aux nouvelles contraintes économiques et culturelles d'un marché
désormais international.
Vous savez que l'ambition du Gouvernement est de restituer aux opérateurs
français la place qui leur revient.
Je relève avec satisfaction que, pour atteindre cet objectif, la volonté
commune n'est pas la libéralisation totale de ce secteur d'activité.
La recherche d'une compétitivité accrue des professionnels français doit
s'accompagner d'exigences déontologiques et de garanties au bénéfice des
consommateurs.
Le dispositif technique retenu dans le projet de loi est largement approuvé et
les divergences qui avaient pu apparaître en première lecture se sont
atténuées, même si, nous le savons, quelques questions restent encore en
suspens.
Je constate ainsi que la commission des lois du Sénat vous propose aujourd'hui
d'adopter en termes identiques de nombreuses dispositions votées par l'Assemblé
nationale, souvent avec le soutien du Gouvernement, et je m'en félicite.
Parmi ces dispositions qui font aujourd'hui l'objet d'un consensus, je pense
notamment à l'article 1er, qui définit le périmètre de la réglementation des
ventes aux enchères quant aux biens. La commission en accepte la qualification
de meubles par nature, à condition que le terme, dans un souci de concision, ne
soit pas repris dans les intitulés de la loi et de son chapitre Ier.
Je voudrais aussi évoquer les dispositions de l'article 2 reconnaissant aux
notaires et aux huissiers de justice la faculté d'organiser et de réaliser des
ventes aux enchères, mais à titre accessoire seulement.
Sur le fond, je crois en effet que la précision n'est pas inutile, car la
vocation première des notaires et des huissiers de justice n'est pas
d'intervenir sur le marché des ventes volontaires aux enchères.
La commission des lois vous propose par ailleurs d'adopter les dispositions de
l'article 3 du projet de loi, qui interdit en principe à la société de vente,
ainsi qu'à ses dirigeants, associés et salariés, de recourir aux enchères pour
vendre leurs propres biens, tout en maintenant la dérogation exceptionnelle que
la Haute Assemblée avait souhaité supprimer en première lecture.
Je suis convaincue que ce choix, qui offre une certaine souplesse, est le
bon.
La commission des lois n'a pas souhaité, en outre, amender, en matière de
prescription décennale, le texte du Gouvernement tel qu'il a été voté par
l'Assemblée nationale.
Je me félicite là aussi de cet accord, qui constitue une avancée très
importante.
De son côté, le Gouvernement entend prendre toute sa part dans la recherche de
solutions consensuelles pour faire progresser le débat.
C'est pourquoi il réservera un accueil favorable à plusieurs amendements de la
commission des lois du Sénat. Il en va tout d'abord ainsi de l'amendement par
lequel celle-ci vous propose d'adopter un article additionnel après l'article
16 prévoyant que le conseil des ventes et la chambre nationale des
commissaires-priseurs assurent conjointement la formation des professionnels
chargés de diriger les ventes.
Il vous est par ailleurs proposé d'amender l'article 8 du projet de loi, qui
autorise la remise en vente de gré à gré des biens après retrait des
enchères.
Sur ce point, le seul souci du Gouvernement était de faire obstacle aux
risques de fraudes, et cet objectif me semble atteint eu égard aux termes de
l'amendement adopté par la commission des lois.
Enfin, la commission des lois du Sénat estime inutile de préciser, à l'article
33, que la procédure de retrait d'agrément diligentée à l'encontre d'un expert
par le conseil des ventes doit être respectueuse du principe du
contradictoire.
Cette exigence est en effet inscrite à l'article 19 du projet de loi,
disposition de portée générale qui traite de la matière disciplinaire dans son
ensemble.
Je souhaite saluer, à la suite de toutes ces remarques, l'esprit de synthèse
de la commission des lois.
Ces évolutions positives ne peuvent cependant masquer les difficultés et les
divergences de vues qui demeurent.
La première de ces difficultés, de taille, il est vrai, porte sur la
réglementation qu'il convient d'appliquer aux ventes aux enchères sur
Internet.
Vous avez souhaité, dès la première lecture, adopter une disposition qui
faisait entrer les ventes aux enchères en ligne dans le champ d'application du
texte de la loi. L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition.
Aujourd'hui, la commission des lois souhaite rétablir un article 2
bis
afin de prévoir explicitement l'application des dispositions du projet de
loi aux ventes aux enchères réalisées à distance, par voie électronique.
Nul ne doit voir, dans le silence du projet de loi initial, l'intention du
Gouvernement d'éluder cette question délicate. Mais il était important, à nos
yeux, de ne pas figer le débat dès la première lecture.
Le Gouvernement, sensible aux préoccupations du Sénat, a confié une mission
d'expertise à un inspecteur général des affaires culturelles et à un avocat
général à la Cour de cassation.
Leur rapport a été remis, il y a quelques jours, à Mme Trautmann ainsi qu'à
moi-même, et leurs conclusions me paraissent de nature à éclairer le débat.
J'en retiendrai deux principales.
Tout d'abord, il apparaît que la plupart des sites de ventes aux enchères
opérant aujourd'hui sur le réseau ne pratiquent pas, en réalité, de véritables
ventes aux enchères. En effet, les opérateurs se contentent en fait de mettre
en relation un vendeur et un acheteur sélectionné après une mise en
concurrence. Ils opèrent donc comme des prestataires de service ou des
intermédiaires qui mettent en relation des parties demeurant libres de conclure
ou non. Or, tel n'est pas le cas, nous le savons, dans une véritable vente aux
enchères puisque les sociétés de vente agissent non comme des intermédaires,
mais comme les mandataires du vendeur.
Ce projet de loi n'a pas vocation
a priori
à s'appliquer à ce type de
transactions, qui ne sont pas de véritables ventes aux enchères.
Tel est le sens de l'amendement visant à créer un article 1er
bis,
que
je soutiendrai au nom du Gouvernement.
Ce rapport révèle aussi que les ventes aux enchères d'objets d'art doivent
s'inscrire dans une sorte d'espace particulièrement sécurisé, dans le souci de
préserver notre patrimoine national et de protéger l'acquéreur, que ce type de
ventes place dans une situation de plus grande vulnérabilité.
C'est pourquoi les garanties prévues par le présent projet de loi devraient, à
mon sens, s'étendre, s'agissant des ventes de biens culturels sur Internet, non
seulement aux enchères
stricto sensu
mais aussi à toutes les formes de
ventes s'y apparentant. Dès lors qu'il s'agit d'oeuvres d'art, elles doivent,
en effet, bénéficier de garanties renforcées.
Ainsi devrions-nous parvenir, je crois, à un dispositif équilibré.
Reste la question de l'indemnisation des commissaires-priseurs et celle des
conséquences économiques liées aux transformations juridiques imposées par la
réforme.
Sur le premier point, comme je l'ai déjà défendu devant la Haute Assemblée, le
Gouvernement estime que le fondement juridique de l'indemnisation se trouve
dans l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques qui découle
de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme.
Je partage l'analyse du doyen Vedel qui considère que le droit de présentation
n'est pas un droit de propriété. En effet, l'agrément du garde des sceaux peut
faire obstacle à l'une des caractéristiques essentielles de ce droit de
propriété.
Sur cette base, le Gouvernement a pris résolument le parti d'indemniser le
préjudice que les commissaires-priseurs subiront du seul fait de la suppression
du monopole pour les ventes volontaires. Le monopole sur l'activité de vente
judiciaire leur est conservé et la continuation de l'activité dans le cadre des
sociétés de ventes volontaires leur est assurée.
J'ajoute que le mécanisme retenu procède également de la volonté du
Gouvernement de ne pas encourir le risque d'une censure de la Cour de justice
des Communautés européennes au titre des aides d'Etat.
Sur le second point, le Gouvernement a soutenu, d'abord au Sénat, puis à
l'Assemblée nationale, que ni les professionnels ni le marché de l'art ne
devaient supporter le coût des transformations juridiques imposées par la
réforme.
En faisant intégralement supporter le financement de l'indemnisation par le
budget de l'Etat, le Gouvernement a exprimé sa volonté de ne pas alourdir les
charges qui pèsent actuellement sur le marché de l'art.
Avec le même objectif d'alléger le coût économique de cette réforme, je me
réjouis que la loi de finances rectificative pour 1999 ait répondu aux
amendements de nature fiscale qui visaient à assurer la neutralité de la
transformation des offices en sociétés à forme commerciale.
Ces mesures, qui n'étaient prévues qu'en faveur des sociétés soumises à
l'impôt sur les sociétés et des entrepreneurs individuels, sont désormais
applicables aux sociétés civiles professionnelles dont les titulaires n'ont pas
opté pour l'impôt sur les sociétés. Elles permettront l'application de
mécanismes de report d'imposition des plus-values dégagées lors des
restructurations des études de commissaires-priseurs.
Les avancées réalisées et celles qui le seront encore doivent beaucoup au
sérieux du travail de la commission des lois et de la commission des
finances.
Je tiens, en conclusion, à rendre un hommage particulier au rapporteur de la
commission des lois, M. Dejoie. Son expérience de parlementaire, ses qualités
de juriste et son dynamisme ont largement contribué à la qualité des débats sur
un sujet aux enjeux considérables. J'espère que cette nouvelle lecture va nous
permettre de progresser dans la voie d'un accord.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'aministration générale.
Je tiens
tout d'abord à vous remercier, madame la garde des sceaux, des propos très
sympathiques que vous avez prononcés à l'égard du rapporteur. Je ne sais si, en
fin de séance, vous tiendrez les mêmes ! Mais nous verrons bien !
(Sourires.)
Nous sommes réunis dans cette enceinte pour examiner en deuxième lecture le
projet de loi relatif à la réforme de la profession des commissaires-priseurs
pour, dit-on, mettre cette dernière en harmonie avec la réglementation
européenne. « Dit-on » , viens-je de dire. En effet, nous aurions pu tout aussi
bien, sans nous soustraire à la réglementation européenne, nous référer à
l'article 55 du traité de Rome, s'agissant de l'autorité de l'Etat dont une
parcelle appartenait aux commissaires-priseurs dans le cadre des actes
authentiques qu'ils sont amenés à rédiger.
Mais le problème n'est plus là, puisque nous avons accepté la présente
approche. Il s'ensuit la suppression du monopole des commissaires-priseurs,
uniquement pour les ventes volontaires, naturellement. Dorénavant, ce seront
des sociétés de forme commerciale dénommées « sociétés de ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques », qui procéderont à ces ventes.
Le Sénat, en première lecture, avait souhaité faciliter l'accomplissement de
la mission de ces professionnels, en simplifiant et en libéralisant
l'organisation des ventes. J'ai le regret de constater que le texte qui nous
revient de l'Assemblée nationale maintient une réglementation à mes yeux trop
stricte. Cette dernière est peut-être inspirée du souci d'assurer la protection
du consommateur. Mais on aurait pu très bien, tout en assurant cette
protection, ne pas aller si loin. Si l'on peut, par exemple, approuver tout à
fait le maintien des garanties traditionnellement offertes au consommateur
français, notamment par la qualification professionnelle des personnes chargées
de réaliser ces opérations - maintien de leur examen et de leur diplôme - il
faut cependant, à mon avis, admettre une plus grande libéralisation de manière
que les sociétés de ventes ne se trouvent point enfermées et contraintes dans
une réglementation trop rigide.
Bien sûr, compte tenu de la suppression du droit de présentation, il y a lieu
d'assurer une juste indemnisation du préjudice ainsi subi par les
commissaires-priseurs.
En première lecture, le Sénat a apporté un certain nombre de modifications à
ce projet de loi, suivant en cela des propositions très généralement conjointes
de la commission des lois, de la commission des affaires culturelles et de la
commission des finances. Ces deux dernières commissions étaient toutes deux
saisies pour avis, et je tiens à remercier encore une fois leurs rapporteurs,
MM. Gouteyron et Gaillard, qui m'ont considérablement aidé, par leur avis, dans
la rédaction de mon propre rapport.
L'Assemblée nationale a adopté conformes plus de la moitié des articles. On
peut donc considérer qu'elle a retenu un certain nombre d'améliorations
techniques proposées par le Sénat.
Néanmoins, s'agissant des points les plus importants signalés tout à l'heure
par Mme la garde des sceaux, elle en est revenue au texte initial du projet de
loi. Très logiquement, la commission des lois proposera donc au Sénat de
rétablir, pour l'essentiel, les dispositions qu'il avait adoptées en première
lecture.
S'agissant tout d'abord de l'organisation des ventes aux enchères sur
Internet, Mme la garde des sceaux vient de nous dire qu'il ne s'agissait
souvent pas de véritables ventes aux enchères publiques. Parfait ! Elles ne
seront donc pas soumises à la loi. Mais il est important d'indiquer que les
ventes aux enchères publiques réalisées par voie électronique - les véritables,
s'entend - doivent être soumises à la loi. En effet, ne rien prévoir aboutit
tout simplement à laisser n'importe qui faire n'importe quoi dans ce
domaine.
Certes, il m'a été dit que le Gouvernement préparait un texte de beaucoup plus
grande ampleur sur ces problèmes d'Internet, et cela ne peut que me satisfaire.
Mais il sera extrêmement simple de modifier la disposition que nous proposons
le jour où des précisions pourront être apportées sur la formulation. Je
proposerai donc que nous revenions au texte adopté par le Sénat en première
lecture.
De même, s'agissant des diverses modalités de ventes - les ventes de gré à
gré, les prix garantis, les avances, etc. - l'Assemblée nationale est revenue à
des contraintes trop importantes. Cela me paraît d'autant plus regrettable que,
adoptées en l'état, ces dispositions poseraient des difficultés d'application
pratiques sans aucun doute très importantes, même si on ne peut les mesurer
exactement.
J'en viens au conseil des ventes. Alors que l'on souhaite libéraliser la
profession, le conseil des ventes apparaît comme un carcan administratif
composé majoritairement, sinon de fonctionnaires, du moins de personnes nommées
par le Gouvernement. Ce n'est plus de la libéralisation !
La commission des lois propose donc d'en revenir à sa proposition formulée en
première lecture : elle souhaite, sans écarter les personnes nommées par le
Gouvernement - je rappelle d'ailleurs que, dans un souci d'efficacité et de
simplification, nous avions voulu les faire nommer uniquement par le garde des
sceaux - que les professionnels soient majoritaires au sein du conseil des
ventes. Selon la proposition de la commission des lois, ce conseil serait
composé, à une personne près, du même nombre de professionnels et de personnes
nommées par le Gouvernement, avec, en plus, un commissaire du Gouvernement.
Voilà qui assure un contrôle très large des sociétés de ventes aux enchères
!
La commission des lois propose que la formation professionnelle puisse être
assurée conjointement par le conseil des ventes et par la Chambre nationale des
commissaires-priseurs, laquelle demeure en matière judiciaire et est donc
particulièrement fondée à s'occuper de cette question. Ce ne peut être qu'une
simplification.
L'Assemblée nationale a écarté une disposition particulière concernant les
ressortissants étrangers qui viennent occasionnellement exercer leur profession
en France. Nous avions prévu que ces personnes, lorsqu'elles commettent des
infractions, subissent les mêmes sanctions que les nationaux. On nous a répondu
que ce n'était pas possible, compte tenu des réglementations européennes, et
que la sanction devait être proportionnée à l'importance de l'infraction. Soit
! Il appartiendra à l'évidence au juge, lorsque l'affaire lui sera soumise, de
proportionner la sanction de telle manière que nous n'encourions pas les
foudres de quelque instance européenne que ce soit. C'est pourquoi il me semble
plus logique que les étrangers ou les nationaux, lorsqu'ils commettent la même
infraction, subissent la même sanction.
L'indemnisation constitue également un point « dur » de notre discussion.
Je ne peux pas laisser dire que nous ne sommes pas en présence d'un droit de
propriété ! J'ai relu au
Journal officiel
l'argumentation de Mme la
garde des sceaux, selon laquelle il ne peut s'agir d'un droit de propriété dans
la mesure où il faut un agrément. Je n'aurai pas l'outrecuidance de rappeler à
la Chancellerie qu'il est mille et un domaines dans lesquels une vente, qu'elle
soit mobilière ou immobilière, nécessite un agrément - parfois ministériel -
sans pour autant que le droit de propriété soit remis en cause ! On a pu
prétendre que l'indemnisation devait être fondée sur le principe de l'égalité
devant les charges publiques, et non sur l'expropriation. Non ! Il s'agit ici
d'un véritable droit de propriété, qui a été constamment reconnu, tant par la
doctrine que par la jurisprudence.
On m'oppose le court rapport du doyen Vedel, qui affirme - sans aucune
argumentation - que tel n'est pas le cas. Je maintiens, moi que c'est un droit
de propriété et que, si l'Etat y porte atteinte - ce qui est son droit - il
faut une juste sinon préalable indemnité, conformément à l'article XVII de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
L'Assemblée nationale, suivant en cela le Gouvernement, a rétabli une
indemnité forfaitaire de 50 % de la valeur de l'office, calculée suivant de
nouvelles dispositions, avec une modulation de plus ou moins 15 %.
Cette indemnisation ne répond pas à l'exigence constitutionnelle que j'ai
rappelée et cette disposition, que l'Assemblée nationale aura vraisemblablement
la latitude de maintenir en dernière analyse, risque sans doute d'encourir
quelque censure une fois que la loi sera adoptée.
Au demeurant, madame la garde des sceaux, permettez-moi une remarque :
aujourd'hui, pour les commissaires-priseurs, c'est 50 % de la valeur de
l'office ; hier, pour les courtiers maritimes qui abandonnaient leur droit de
présentation et leur monopole, c'était 65 %. Je ne voudrais pas parler
d'incohérence gouvernementale, mais j'aimerais bien connaître la justification
de ces deux pourcentages différents pour une même indemnisation, un même droit
de présentation, un même monopole, même s'il s'agit de deux professions
différentes.
Les modalités qui avaient été mises en place par le Sénat pour évaluer
raisonnablement et réellement la valeur du droit de présentation me
paraissaient plus conformes avec la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 ! C'est d'ailleurs pourquoi, tenant compte du principe de
l'expropriation, nous souhaitons rétablir notre texte et prévoir la compétence
non du Conseil d'Etat mais du juge civil : nous avions ainsi prévu que la cour
d'appel de Paris pourrait être saisie des éventuels litiges, car le juge
judiciaire est toujours compétent en matière d'expropriation. Pourquoi faire
une exception ?
J'ajoute que, pour le calcul de l'indemnisation, on nous propose de retenir
les huit années précédant la promulgation de la loi. Or ce délai n'existe pas
dans la pratique ! C'est pourquoi nous vous proposerons de faire référence aux
cinq dernières années, délai qui nous paraît tout à fait raisonnable : pourquoi
ne pas prévoir, pendant que l'on y est, les quinze ou les vingt années
antérieures ?
Enfin, sur les dispositions fiscales, la commission des lois s'en est remise à
la commission des finances et elle soutiendra les amendements que cette
dernière a déposés.
Voilà, monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues,
les observations qu'il m'était possible de formuler dans le cadre de cette
discussion générale. Sous réserve des amendements qu'elle vous présentera tout
à l'heure, la commission des lois vous propose, mes chers collègues,
d'approuver le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants).
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
garde des sceaux, mes chers collègues, si la commission des finances a souhaité
être à nouveau saisie pour avis de ce projet de loi, c'est pour deux raisons :
d'abord, il nous faut faire le point des avancées réelles qui sont intervenues
sur les aspects fiscaux et techniques du texte ; ensuite, avec la commission
des lois, nous vous proposerons à nouveau le système d'indemnisation que nous
avions préconisé en première lecture. Je n'insisterai pas beaucoup sur ce
dernier point, qui a été développé excellemment par le rapporteur de la
commission des lois, notre collègue Luc Dejoie.
Cette nouvelle saisine permet, en outre, d'insister plus généralement sur la
nécessité d'englober la réforme soumise au Parlement dans le cadre d'une
politique d'ensemble du marché de l'art, qu'on ne saurait réduire aux seules
ventes aux enchères même si celles-ci semblent désormais constituer le coeur
même du marché.
Le marché de l'art, c'est d'abord important pour l'économie française tout
entière, et pas seulement pour une poignée de privilégiés : d'abord, parce
qu'il fait vivre un certain nombre de professions connexes - assureurs,
artisans et ouvriers d'art transporteurs - qui représentent environ 40 000
emplois, ensuite et surtout parce qu'il est devenu, comme le montre l'actualité
récente, un secteur stratégique.
Il occupe une position clé par son caractère très médiatique dans un domaine -
les industries du luxe - qui est un des points forts de notre pays dans la
spécialisation internationale.
Faut-il rappeler des événements aussi fondamentaux que la prise de contrôle de
fait de Christie's par M. François Pinault ou l'acquisition par M. Bernard
Arnault, en novembre 1999, de la firme anglaise Phillips, troisième maison de
vente du monde par le chiffre d'affaires - 190,56 millions d'euros - puis, à la
mi-février, de l'étude Tajan, le plus important commissaire-priseur français
avec 71,19 millions d'euros de ventes en 1999 ?
M. René-Georges Laurin.
Ce n'est pas un exemple à suivre !
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
C'est un exemple pour ce qui est de l'importance
des mouvements de capitaux ! Je ne me prononce pas sur les pratiques de telle
ou telle maison, et j'aurai d'ailleurs quelques mots à dire sur Sotheby's et
Christie's dans un instant...
Si les liens entre les industries du luxe et le marché de l'art ne cessent de
se renforcer, on assiste également à des synergies de l'art avec la nouvelle
économie du Net et, sur ce point, je pense que notre éminent collègue M.
Laurin, qui connaît mieux cette affaire que tout le monde, ne pourra que
m'approuver.
Tandis que Sotheby's s'est associée avec Amazon.com, dont la capitalisation
oscille entre 25 milliards et 30 milliards de dollars, et que eBay, valorisée à
17 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires semestriel de près de 100
millions de dollars, a acquis en avril 1999 la troisième société de ventes aux
enchères aux Etats-Unis, Butterfield & Butterfield, pour 260 millions de
dollars, les entreprises françaises ne sont pas restées inertes : la holding
personnelle de M. Bernard Arnault, Europaweb, un fonds d'investissement sur
Internet de 500 millions d'euros, a en effet acquis la société française
Aucland, spécialisée dans les ventes sur Internet, et pris notamment des
intérêts dans QXL.com PLC, une autre entreprise d'enchères
on line.
Le succès de l'introduction en bourse de Artprice.com, une société dont le
métier de base est la fourniture de données sur le marché de l'art, est, dans
un contexte marqué par l'envol des valeurs de l'Internet, une autre
illustration du rapprochement entre les marchés du luxe et de l'art, dans la
mesure où M. Bernard Arnault est, depuis octobre 1999, actionnaire à 20 % de
cette entreprise.
De son côté, eBazar, le leader français de la vente aux enchères sur Internet,
possède un potentiel de développement qui lui permet d'espérer pouvoir lever
dès son introduction en bourse, prévue pour juin 2000, entre 300 millions et
600 millions de francs de capitaux, soit plus que les crédits réservés pour
l'indemnisation de la perte par les commissaires-priseurs de leur droit de
présentation.
Ces exemples illustrent la justesse du point de vue de notre Haute Assemblée,
qui souhaite ne pas exclure de cette législation les ventes sur Internet.
Tous ces chiffres démontrent que le marché de l'art participe de cette
nouvelle économie qui, par les masses financières qu'elle concerne, témoigne de
l'entrée dans une nouvelle phase de développement de dimension véritablement
planétaire.
Une autre preuve de l'enjeu est l'importance donnée ce matin dans la presse
économique à la démission des dirigeants de Sotheby's, poursuivis pour entente
par les autorités antitrust américaines.
A cet égard, permettez-moi de rappeler, peut-être sans modestie excessive,
que, dans notre rapport sur le marché de l'art, nous avions indiqué dans une
note en bas de page que, « en dépit d'une compétition acharnée, les deux firmes
Sotheby's et Christie's ont su faire, opportunément, des mouvements dans le
même sens, dès lors qu'il s'agissait de rétablir la rentabilité ». Je pense que
M. Laurin ne contestera pas la justesse de cette observation !
M. René-Georges Laurin.
Ce n'est pas une référence non plus !
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Voilà le contexte économique, qui est en évolution
si rapide qu'il est apparu opportun à la commission des finances de rappeler,
même en deuxième lecture, la nécessité pour le législateur de ne pas
méconnaître, au-delà des considérations juridiques, deux impératifs essentiels
: d'une part, la modernisation des ventes aux enchères passe par une
indemnisation juste et par des mesures d'accompagnement fiscales favorables aux
restructurations des professionnels français ; d'autre part, le renforcement de
la compétitivité de l'ensemble du marché passe par la création d'un cadre
fiscal et juridique qui ne handicape pas notre pays, notamment Paris, dans une
confrontation désormais mondiale.
Je ne reviendrai pas sur les progrès faits en matière de restructurations,
sinon pour me féliciter de voir que l'Assemblée nationale - et le Gouvernement,
car cette dernière n'aurait rien fait sans son accord - a confirmé la
suppression, préconisée par votre commission des finances et acceptée par la
Haute Assemblée, de la taxe sur les ventes destinée à financer l'indemnisation
des commissaires-priseurs, ainsi que le rappelait très justement Mme la garde
des sceaux tout à l'heure.
Satisfaisante sur le plan des principes, une telle suppression est apparue de
nature à renforcer l'attrait de la France pour les acheteurs, si la taxe avait
été répercutée, ou la compétitivité des opérateurs et, plus généralement, de
notre pays dans le cas où elle aurait été prise en charge par les maisons de
vente aux enchères.
Ensuite, le cas de l'Hôtel Drouot nous préoccupait beaucoup. Sa disparition
aurait privé Paris d'un atout non négligeable, mais le cas a été largement
réglé par un amendement déposé par le Gouvernement en première lecture au
Sénat.
Cet amendement, voté presque conforme par l'Assemblée nationale, tend à
transformer la compagnie des commissaires-priseurs de Paris en société anonyme
pour éviter que sa dissolution entraîne l'exigibilité des impositions
actuellement différées et, par voie de conséquence, le démantèlement de ses
filiales. Certes, Drouot n'est pas sauvé pour autant, mais au moins aura-t-on
évité qu'il ne disparaisse pour des raisons fiscales, avec toutes les
conséquences négatives sur l'emploi que cela pouvait comporter.
Enfin, la loi de finances rectificative pour 1999 a réformé le régime des
apports de l'article 151
octies
du code général des impôts, réglant du
même coup le problème général du maintien des reports d'imposition pour les
sociétés civiles professionnelles, que nous avions tenté de régler pour les
seuls commissaires-priseurs.
Restent certains points de blocage, qui continuent à nous préoccuper :
d'abord, le fondement et l'ampleur de l'indemnisation, sujet sur lequel je
n'ajouterai rien aux propos de notre collègue Luc Dejoie ; ensuite, le problème
de la fiscalisation de cette indemnisation.
L'Assemblée nationale et le Gouvernement paraissent pouvoir s'accommoder du
régime de droit commun des plus-values professionnelles.
Pour corriger un dispositif qui incite, en fait, les commissaires-priseurs à
se retirer de la profession, tant en qualité de professionnels que d'apporteurs
de capitaux, la commission des finances vous propose de prévoir, à l'instar de
ce qu'elle avait proposé en première lecture, un régime fiscal tenant compte de
l'endettement contracté par les commissaires-priseurs pour l'acquisition de
leur charge et exonérant l'indemnité affectée à l'achat de parts ou d'actions
de sociétés de ventes aux enchères, sur le modèle de ce qui est prévu pour les
plus-values immobilières réalisées à la suite d'une expropriation.
Il convient également de jeter un regard économique sur un projet de loi qui,
s'il révèle encore une sorte de « manie réglementeuse » bien française, pour
reprendre une expression que nous avons déjà employée, est maintenant plus
critiquable dans certaines de ses modalités que dans son architecture générale.
M. le rapporteur en a déjà parlé, et je passe donc sur ce point, qui relève
plus de la compétence de la commission des lois que de celle de la commission
des finances.
Après une analyse qui avait été très pessimiste il y a quelques mois, nous
pouvons, aujourd'hui, avoir quelques lueurs d'espoir.
La France, en dépit de sa faible part dans le total des ventes aux enchères
mondiales - entre 5 % et 6 % des transactions d'un montant supérieur à 15 000
euros - pourrait retrouver une place significative sur le marché de l'art.
Certes, il y a peu de chances qu'elle puisse concurrencer New York ou Londres
pour les prix les plus élevés, c'est-à-dire essentiellement pour la peinture
impressionniste, ces deux places ayant accaparé, en 1999, la totalité des
adjudications d'un montant supérieur à 10 millions d'euros.
En revanche, sur la tranche intermédiaire des oeuvres de qualité mais non
exceptionnelles - de 15 000 à 100 000 euros - la France a obtenu, en 1999, une
part de marché de 11 %, ce qui est loin d'être négligeable. De même, sa
position est relativement plus forte sur certains marchés particuliers,
notamment sur ceux pour lesquels elle constitue un réservoir d'oeuvres
important. Ainsi, en matière de peinture ancienne, la France a représenté, en
1999, 14,4 % du marché de la peinture ancienne d'un prix supérieur à 15 000
euros.
Vous voudrez bien m'excuser, mes chers collègues, de parler de ce qui peut
passer pour de l'« épicerie », mais cela compte aussi !
S'il est donc vain d'espérer que la France retrouve sa suprématie d'antan,
dont votre rapporteur pour avis s'est efforcé de montrer dans son rapport n°
330 qu'elle était toute relative, on peut espérer que, par suite des synergies
que je viens de rappeler à l'instant entre industrie du luxe, marché de l'art
et nouvelle économie du Net, notre pays augmente ses parts de marché, sachant
que les Etats-Unis continueront de dominer le marché du fait de la
concentration dans ce pays des collectionneurs les plus fortunés.
Cette relance du marché de l'art français dans son ensemble, c'est-à-dire des
ventes publiques et du négoce, car l'un et l'autre sont étroitement
interdépendants, suppose toutefois un allégement des charges et une plus grande
sécurité des transactions de nature à inciter les grands collectionneurs et les
professionnels étrangers à acheter et à vendre en France.
Vous trouverez dans le rapport écrit un point précis des dossiers bien connus
des différentes charges pesant sur le marché de l'art. De ce point de vue, il
convient tout de même de noter que quelques progrès ont été enregistrés.
En ce qui concerne la TVA à l'importation, on note avec satisfaction que la
Grande-Bretagne se plie désormais à la règle commune et applique le taux réduit
de TVA. Espérons que l'alliance franco-anglaise, l'« Entente cordiale »
reconstituée sur ce point, puisse inciter le Gouvernement à supprimer cette
imposition qui ne rapporte rien à l'Etat - 40 millions de francs - tout en
dissuadant les collectionneurs de mettre en vente leurs biens en Europe, dans
l'ignorance où ils se trouvent de la situation fiscale du futur acquéreur, non
encore connu, au regard de la TVA.
Pour le droit de suite, alors que la négociation paraissait complètement
bloquée sur le plan européen, il semble, d'après certaines informations
officieuses qui m'ont été communiquées, que la Grande-Bretagne pourrait
accepter de se rallier à la directive en préparation sous réserve d'un
relèvement du seuil d'application et d'un plafonnement des droits perçus. Je ne
connais pas encore exactement les termes du compromis, mais l'affaire se
présente un peu moins mal qu'hier.
Reste le droit de reproduction, pour lequel votre rapporteur pour avis a pris
l'initiative du dépôt d'un amendement tendant à supprimer ce qui constitue un
handicap pour les professionnels français, qu'il s'agisse des futures maisons
de vente aux enchères ou des galeries.
Actuellement, les commissaires-priseurs sont, en application de l'article 17
de la loi du 27 mars 1997, exemptés du droit de reproduction que les auteurs
peuvent leur réclamer dès lors que la production ne peut être considérée comme
la « courte citation » prévue par la loi de 1957. Ce régime de faveur n'était
pas applicable aux galeries.
Bien que la société des auteurs des arts graphiques et plastiques, l'ADAGP,
qui se charge des droits de la plupart des artistes, ait annoncé qu'elle
n'entendait pas réclamer à la fois le droit de suite et le droit de
reproduction, il y a là une question de principe.
Dès lors que le droit de suite est applicable à l'oeuvre mise en vente, la
perception du droit de reproduction irait, selon la commission des finances, à
l'encontre des intérêts de l'artiste lui-même qui tirerait profit de
l'augmentation du prix résultant de la possibilité de reproduire l'oeuvre dans
un catalogue de vente ou de son utilisation pour une affiche.
Telles sont les raisons pour lesquelles votre rapporteur pour avis vous
proposera un amendement tendant au maintien du dispositif de l'article 17 de la
loi du 27 mars 1997 et à son extension à l'ensemble du commerce des oeuvres
d'art, sous réserve que l'exemption ne concerne que l'oeuvre effectivement
proposée à la vente.
Mes chers collègues, jusqu'à présent, on pouvait considérer - c'était
l'expression peut-être un peu rapide que je m'étais permis d'utiliser - que la
loi que nous examinons était une « loi Sotheby's ». Il appartient désormais aux
acteurs du marché de l'art de faire en sorte qu'elle devienne - pourquoi pas ?
- une « loi Drouot ». C'est la grâce que je nous souhaite !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le
projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques nous revient en deuxième lecture peu après son premier
passage à l'Assemblée nationale, ce qui laisse bon espoir de le voir adopté
définitivement très prochainement.
Cinq ans après la première mise en demeure de la Commission européenne,
faisant suite à la plainte déposée par Sotheby's, il est en effet temps de
mettre fin à cette période de latence et d'incertitude, et de permettre aux
commissaires-priseurs de franchir le pas, en passant d'une situation historique
de monopole à une nouvelle ère de libre concurrence. Il s'agit là d'un exercice
certes difficile, mais auquel les commissaires-priseurs ont d'ores et déjà
commencé de se préparer.
Les contraintes communautaires, mais aussi l'orientation mondiale du marché de
l'art, ses nouvelles règles, ses zones d'influence, sa réactivité plus grande,
sa « globalisation » rendaient nécessaire cette réforme. Aussi cette dernière
doit-elle être perçue comme l'un des moyens privilégiés de la modernisation du
marché de l'art français, qui occupe encore aujourd'hui la troisième place
mondiale, mais ne représente que 7 % des parts de marché.
Cette réforme va de pair avec d'autres dispositions, comme celles qui sont
contenues dans la proposition tendant à protéger les trésors nationaux,
débattue aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Toutes deux soulèvent d'ailleurs
les mêmes questions : comment conserver ce qui fait notre spécificité, quelles
règles nationales garder, ou assouplir, dans un contexte mondialisé, sur
quelles garanties bâtir l'avenir ?
Le présent projet de loi comporte à la fois une réforme de la structure de la
profession et un assouplissement important de ses conditions d'exercice.
Il dote les commissaires-priseurs de nouveaux moyens juridiques et économiques
leur permettant de s'adapter au marché. Ce faisant, il maintient de véritables
garanties. Je pense notamment à ce qui fait que la profession de
commissaire-priseur est aujourd'hui mondialement reconnue : l'existence d'une
instance disciplinaire, le sérieux et l'expertise sanctionnés par un
diplôme.
Ces conditions sont maintenues. Je note d'ailleurs que la commission des lois
a prévu une nouvelle disposition concernant la formation ; je la voterai
puisque j'avais déposé un amendement allant dans ce sens lors de la première
lecture.
D'autres garanties, qui viennent encadrer les nouvelles règles commerciales,
font moins l'unanimité de votre côté de l'hémicycle, mes chers collègues de la
majorité sénatoriale. Il s'agit de l'obligation pour une société de vente de
passer un contrat avec un organisme d'assurance, dans le cadre de l'avance
consentie au vendeur et du prix garanti. Je ne peux donc cautionner la solution
préconisée par le Sénat, qui tend à rendre adjudicataire la société de ventes
si le prix garanti n'est pas atteint.
On peut imaginer à quelles opérations financières hasardeuses une telle
exception à l'article 3 du présent projet de loi pourrait donner lieu. Il
s'agit, là encore, de garanties de sérieuses données au vendeur et à
l'acheteur. Elles sont essentielles. Elles donnent l'assurance que le marché de
l'art ne devient pas, avec la disparition, si je puis dire, des
commissaires-priseurs, un marché sauvage, une zone de commerce et d'échanges
ultralibérale sans trop de foi ni surtout de lois.
Toutes ces garanties permettent à la fois d'organiser correctement le
transfert de propriété que constitue une vente aux enchères et de conserver
aussi une certaine dimension symbolique : on n'achète pas une oeuvre d'art
comme on se rend au supermarché ; il existe des lieux, des personnes et des
règles pour cela.
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai regretté que l'article 2
bis,
que nous avions été nombreux à voter en juin, soit supprimé en première
lecture à l'Assemblée nationale.
Je me réjouis aujourd'hui de l'amendement proposé par le Gouvernement, qui
permet d'encadrer les ventes publiques aux enchères en ligne, et qui n'empêche
d'ailleurs pas une réflexion plus générale sur les échanges commerciaux sur le
réseau électronique.
Dans le même souci de maintenir des garanties dans ce nouvel espace de
liberté, je voterai l'amendement de la commission des lois à l'article 14. Je
comprends mal, en effet, qu'un prestataire de services européen puisse échapper
au droit commun. Cette incrimination, à condition, bien entendu, qu'elle
intervienne dans le respect de la proportionnalité et de l'égalité de
traitement, ne me semble pas contraire à nos engagements ou à la jurisprudence
européenne en la matière.
J'ai le sentiment que, devant l'urgence et la nécessité de la réforme, il nous
est possible de trouver un terrain d'entente.
Nombre d'articles ont été adoptés conformes, diverses dispositions du Sénat
ayant été retenues par l'Assemblée nationale, ce dont M. le rapporteur peut se
féliciter.
Lers articles 43
bis
et 43
ter
sont devenus sans objet après
l'intégration des opérations d'apport dans la loi de finances rectificative
pour 1999 et l'assurance donnée, à l'Assemblée nationale, par Mme la ministre
de la culture que l'indemnisation sera taxée comme une plus-value
professionnelle.
Certains compromis seront peut-être plus difficiles à trouver entre nous, sur
la composition du conseil des ventes ou l'agrément des experts, par exemple.
Mais la véritable pierre d'achoppement, c'est, bien sûr, l'indemnisation, sur
le fondement de laquelle nos positions semblent irréconciliables. Nous
estimons, en effet, qu'il ne s'agit pas d'une expropriation résultant de la
suppression d'un monopole. Le droit de présentation - faut-il le rappeler ? -
ne disparaît pas, mais est limité aux ventes judiciaires, qui vont continuer à
représenter une bonne part de l'activité des commissaires-priseurs, notamment
ceux, comme l'ont dit, de « province ».
L'indemnisation est donc, à mon sens, fondée sur le préjudice subi par les
commissaires-priseurs du fait de la perte de cette partie de leur monopole et
de ce droit de présentation et non du fait de la perte d'un droit de
propriété.
L'indemnisation forfaitaire proposée par le projet de loi permet une
répartition plus égalitaire. Nous ne nous accordons pas non plus,
effectivement, sur le mécanisme de l'indemnisation, une indemnisation
forfaitaire de 50 % avec une marge ajustée à 15 % nous semblant tout à fait
raisonnable.
Mes chers collègues, il me semble important d'insister sur l'urgence de la
réforme. Je pense que, tous, nous en sommes convaincus.
Les principaux intéressés, les commissaires-priseurs, que nous avons pu
rencontrer, sont globalement satisfaits de l'équilibre que dessine le texte. Ce
qui leur importe aujourd'hui, c'est qu'on le mette en oeuvre, et ce
rapidement.
Une tâche difficile les attend ; ils auront à lutter contre une autre forme de
monopole, organisé non pas par l'Etat mais par le marché, à savoir le monopole
détenu par les grandes sociétés de vente. Espérons que le maillage serré des
études ne se distendra pas trop et qu'elles continueront à contribuer à
l'aménagement du territoire et à l'animation de la vie culturelle !
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cette
deuxième lecture, nous touchons à une vieille institution qui a été établie le
27 ventôse an IX et modifiée le 28 avril 1816. C'est le résultat de l'évolution
des choses, des professions et du maché français de l'art. Mais il s'agit
aussi, comme l'a très bien souligné M. Yann Gaillard aujourd'hui et dans son
rapport écrit fait au nom de la commission des finances, d'éviter que la France
ne soit condamnée pour infraction à la réglementation communautaire.
Nous sommes toujours tentés de défendre notre pré carré, de lutter pour éviter
les changements. Il nous faudrait pourtant considérer que les
commissaires-priseurs français souhaitent peut-être aussi trouver à l'extérieur
des conditions de concurrence égales.
Le marché de l'art souffre de la réglementation de la profession. Mais le
rapporteur pour avis de la commission des finances a évoqué aussi la TVA, le
droit de suite, le droit de reproduction et il propose des solutions.
Nous légiférons aujourd'hui sur une profession strictement réglementée et donc
encadrée par un dispositif non seulement légal mais aussi disciplinaire fort,
qui présentait toutes garanties pour le client et pour le vendeur. Si nous
libéralisons, il nous appartient de faire en sorte que la nouvelle profession
donne toutes garanties de compétences, d'où la formation, mais aussi des
garanties financières importantes. Et tel est l'objet de la nouvelle
organisation qui a été largement adoptée par l'Assemblée nationale, après le
Sénat.
A l'article 11, toutefois, un problème s'est posé en ce qui concerne la
pratique du « prix garanti ».
Par ailleurs, devait-on avoir recours obligatoirement à un établissement
bancaire ou à un organisme d'assurance qui serait adjudicataire ? Il apparaît
nettement que les professionnels des nouvelles sociétés de vente sont en mesure
d'assumer cette responsabilité. Il n'y a donc pas lieu de compliquer encore le
dispositif.
Certaines sociétés de vente pourraient très bien n'avoir recours ni au crédit
bancaire ni aux assurances, ce qui simplifierait le problème car ni les
assureurs ni les compagnies de crédit ne sont destinés à être propriétaires de
tableaux ou de meubles.
J'ajoute, mais je crois que le Gouvernement partage cette préoccupation avec
la commission des lois du Sénat, que des dispositions doivent être prises en
matière de commerce électronique. Les ventes doivent pouvoir se faire sous
forme électronique en toute sécurité ; c'est l'avenir, et déjà un peu le
présent.
Madame la garde des sceaux, le point essentiel sur lequel divergent le
Gouvernement et le Sénat est celui de l'indemnisation. Prétendre que le droit
de présentation n'est pas un droit de propriété, c'est certainement
intéressant, mais, que je sache, le droit de présentation fait partie du
patrimoine du commissaire-priseur. Si un commissaire-priseur décède, le droit
de présentation sera dans les biens de sa succession, puisqu'il a une valeur
patrimoniale.
A partir du moment où ce fait est clairement établi - le cas s'est déjà posé
pour d'autres professions - il faut appliquer strictement l'article XVII de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il est donc impossible de ne
pas procéder à une indemnisation préalable et juste.
L'indemnisation forfaitaire à 50 % avec une possibilité de marge n'est pas la
bonne solution ; il faut prévoir une indemnisation à la valeur, quitte à ce que
certains, pour ne pas avoir à faire la preuve, acceptent une indemnisation à 50
%.
En cas d'obstination de l'Assemblée nationale et du Gouvernement sur ce point,
il y aurait lieu, pour le principe - parce que c'est un problème grave et
général, qui ne concerne pas seulement les commissaires-priseurs - de faire
vérifier par le Conseil constitutionnel si la position du Sénat est la bonne,
ce dont je suis sûr.
Pour ce qui est du Conseil des ventes, nous souhaitons qu'il soit composé
d'une majorité de professionnels.
Comme je le disais tout à l'heure, il nous faut être vigilants quant à la
disparition du droit de reproduction, car il constitue un handicap par rapport
à d'autres pays.
Pour tous ces motifs, le groupe de l'Union centriste soutient les propositions
de la commission des lois et de la commission des finances. J'espère que le
texte sera voté rapidement, ce qui permettra aux commissaires-priseurs, qui
conservent leurs fonctions judiciaires, et à ces nouvelles sociétés de ventes
de remplir parfaitement leurs missions au service du développement économique
de notre pays.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous
voici réunis, aujourd'hui, pour examiner en deuxième lecture le projet de loi
portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux
enchères publiques.
A l'occasion de la première lecture de ce texte, le 10 juin dernier, Mme
Trautmann avait qualifié mon discours de « pessimiste » et avait tenté d'être
rassurante quant aux effets bénéfiques escomptés de la présente réforme.
J'avoue, madame la garde des sceaux, que la navette parlementaire n'a pas
permis de dissiper toutes mes craintes.
Je pense que mes inquiétudes sont tout aussi sincères et légitimes que sont
louables vos intentions de redonner à la France la place qui était la sienne
voilà une cinquantaine d'années sur le marché de l'art.
Qui pourrait contester un tel objectif ? Personne,
a fortiori
pas les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
Mais il est normal que, à l'occasion de travaux parlementaires préparatoires à
l'élaboration d'une loi, les élus présentent des observations, voire des
critiques et, surtout soient les relais des remarques émanant des
professionnels concernés au premier chef par les réformes en cours.
Si, comme on nous le répète à l'envi, la profession est prête pour cette
réforme et si elle l'attend depuis plusieurs années, cela ne signifie pas pour
autant qu'elle est prête à tout avaliser sans dire son mot.
N'y aurait-il pas, en l'occurrence, plus d'impatience outre-Atlantique que
chez les commissaires-priseurs français ?
Nombre de parlementaires se sont montrés, au cours des débats en première
lecture, tant à l'Assemblée nationale qu'ici même, très optimistes. J'estime,
pour ma part, qu'il convient de relativiser.
Il ne faut pas oublier, en effet, que la présente réforme a été souhaitée non
par les commissaires-priseurs français, mais par les maisons anglo-saxonnes de
ventes aux enchères - par Sotheby's en particulier - qui attendent ce moment
avec impatience, depuis dix ans maintenant. D'ailleurs, ce projet de loi est
communément appelé « loi Sotheby's ».
Anticipant cette réforme inéluctable - la France étant mise en demeure depuis
1995 par Bruxelles d'adapter sa législation aux contraintes communautaires -
Sotheby's a d'ores et déjà effectué la plus belle vente de château du siècle en
juin dernier. Pour ce faire, elle n'a pas hésité à passer une alliance
stratégique avec deux commissaires-priseurs parisiens.
Sotheby's s'est présentée comme simple prestataire de services desdits
commissaires-priseurs et, grâce à cet artifice juridique, elle a pu réaliser la
vente du château de Groussay, dans les Yvelines.
Sotheby's et Christie's n'hésitent pas non plus, dans la perspective de la
nouvelle réglementation française, à investir massivement. Elles en ont
assurément les moyens. D'ores et déjà, Christie's a étoffé ses équipes et
enrichi son activité de nouveaux départements.
Il apparaît donc clairement que, malgré le savoir-faire français et la longue
tradition française en matière d'art, malgré les richesses entreposées dans nos
greniers, nos commissaires-priseurs risquent d'être fort rapidement démunis
face à ces deux géants anglo-saxons, surtout si l'indemnisation ne leur donne
pas les moyens de riposter.
Pour ma part, il m'est difficile de croire en la philantropie de ces maisons
de ventes...
Il ne faut pas oublier non plus que cette réforme va avoir des conséquences
sur le plan social et que des licenciements sont prévus.
Je me félicite toutefois que les députés aient conservé, malgré l'avis
défavorable du Gouvernement, les dispositions relatives à l'indemnisation des
personnels des offices qui seraient licenciés en raison de l'entrée en vigueur
de la présente loi. En première lecture, notre groupe a participé à l'adoption
de ce dispositif, même si j'aurais préféré que le délai requis soit porté de
deux ans à quatre ans.
Mme Feidt, dans son rapport pour l'Assemblée nationale, constate par ailleurs
que si la spécificité de la réglementation française des ventes publiques a
certainement contribué au déclin des commissaire-priseurs, « la réforme, qui se
traduit par la suppression du monopole sur les ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques, va entraîner pour la profession à la fois un préjudice
financier, puisque leur office, désormais limité aux ventes judiciaires, sera
déprécié, et un préjudice lié à la libéralisation du marché des ventes
volontaires ».
Toujours dans ce rapport, on peut lire encore : « Les inquiétudes que suscite
dans l'ensemble de la profession l'ouverture de ce secteur sont d'ailleurs très
vives ; les commissaires-priseurs parisiens - même les plus grands - redoutent
la concurrence des maisons de ventes les plus prestigieuses grâce à leurs
techniques commerciales et à leur surface financière. » Ce n'est pas moi qui le
dis !
Je partage également son analyse quant à la situation des
commissaires-priseurs de province, qui sont tout aussi inquiets : « Certains
d'entre eux craignent de voir les sociétés de ventes les plus importantes
"vider le grenier français". »
Les conséquences de cette réforme pour la province, où les
commissaires-priseurs assurent pourtant le maillage du territoire, vont se
traduire, dans la pratique, par la franchisation et le regroupement des
offices.
J'ajoute qu'on peut craindre une certaine concentration du marché dans les
mains de quelques grandes sociétés qui, doublée d'une faible indemnisation des
professionnels français, risque rapidement de substituer à l'actuel « monopole
de droit » français, « un monopole de fait » au profit cette fois-ci des
sociétés anglo-saxonnes.
Ainsi, comme en témoigne le
Financial Times
du 29 janvier, une enquête
portant sur le milieu de l'art aux Etats-Unis révèle que Christie's aurait
reconnu avoir pratiqué une certaine collusion avec son grand rival Sotheby's,
partageant des commissions en échange de non-concurrence, au mépris des lois
anti-trust américaines.
Qu'il me soit permis, à ce stade des débats parlementaires, d'évoquer les
questions cruciales du projet de loi restant en discussion.
Je commencerai bien évidemment par l'indemnisation des commissaires-priseurs,
qui constitue le coeur même de la réforme. Cette indemnisation doit être
équitable et suffisante.
Les débats au Sénat et à l'Assemblée nationale n'ont, à l'évidence, pas permis
de dégager un accord sur ce point. C'est très regrettable.
S'agissant, en effet, de la pérennité de toute une profession ainsi que de
l'avenir de la place de Paris en tant que lieu d'échanges et de transactions
sur les biens meubles, singulièrement sur les objets d'art, il revient au
législateur de créer les conditions pour que le passage, ainsi imposé, d'un
monopole à une libéralisation totale se réalise le mieux possible.
Nous devons donner aux commissaires-priseurs les moyens de réaliser les
investissements qu'induit cette réforme pour faire face à leurs futurs
concurrents. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale, qui reprend la
rédaction initiale du texte gouvernemental, ne le permettra pas.
Nous pouvons en effet craindre que, à défaut d'une indemnisation convenable,
les offices ne se trouvent rapidement dans des situations difficiles et ne
soient rachetés à vil prix par les Anglo-Saxons, qui pourront désormais «
rafler » le marché français.
Il ne faudrait pas que, demain, l'on vienne de Londres ou de New York, en
toute légalité, piller les réserves françaises d'objets d'art - chacun
reconnaît qu'elles sont les plus importantes au monde - comme sont pillées les
matières premières dans les pays du tiers monde.
S'agissant à présent des ventes en ligne, le débat a été lancé par le Sénat,
avec l'adoption d'un article 2
bis
précisant que « les ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques réalisées à distance par voie
électronique sont soumises aux dispositions de la présente loi ». La question
se pose, dès lors, de savoir s'il suffit de légiférer au niveau national ou
s'il faut envisager une réglementation globale à l'échelle européenne, comme le
préconise le Gouvernement.
Nous savons qu'une directive européenne sur le commerce électronique est en
cours d'élaboration. De plus, un rapport sur ce sujet a été remis au
Gouvernement tout récemment. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce
sujet, madame la ministre ?
Alors que nous légiférons, en ce moment même, des ventes aux enchères ont déjà
lieu sur le net. Pouvons-nous les laisser se dérouler ainsi, dans le flou
juridique et dans la plus totale liberté sans aucune protection ni pour les
acquéreurs, ni pour les vendeurs et sans que l'Etat puisse faire jouer son
droit de préemption ? C'est une question qu'il nous faut trancher
rapidement.
Enfin, j'évoquerai brièvement la profession d'expert, qui n'était pas, jusqu'à
présent, encadrée juridiquement.
Comme je l'ai dit en première lecture, quel est l'intérêt d'élaborer un statut
de l'expert, s'il n'est pas fait obligation aux sociétés de ventes de recourir
à des experts agréés ? Un amendemant en ce sens avait, dans un premier temps,
été adopté par la commission des lois de l'Assemblé nationale. Finalement, il a
été rejeté en séance publique, le Gouvernement s'y déclarant défavorable. Il
apportait pourtant une amélioration. Nous aurons l'occasion d'y revenir au
cours de la discussion des articles.
Sachez, madame la ministre, mes chers collègues, que j'espère vivement me
tromper quant à l'appréciation que je porte sur les conséquences de la
libéralisation du marché de l'art français. Toutefois, personne ne trouverait
son compte si, en définitive, cette réforme restait dans les mémoires sous le
nom de « loi Sotheby's », du nom de la société de ventes qui fut à l'origine de
la fin du monopole des commissaires-priseurs français.
La commission des lois du Sénat ayant rétabli le texte qui avait été adopté en
première lecture et qui allait dans le sens d'une plus grande libéralisation,
comme l'a rappelé M. le rapporteur, alors que le Gouvernement prônait une
réglementation plus stricte des ventes dans le souci d'assurer la protection du
consommateur, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se
voient contraints, en l'état actuel de notre discussion, de s'abstenir sur ce
projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Chapitre Ier