Séance du 23 février 2000
M. le président. L'article 43 quinquies a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 25, M. Gaillard, au nom de la commission des finances, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - Les indemnités versées aux commissaires-priseurs en application des articles 41 et 42 de la présente loi sont soumises à l'impôt au taux prévu au I de l'article 39 quindecies du code général des impôts, sous réserve des dispositions des paragraphes II et III ci-dessous.
« II. - L'impôt n'est dû que pour la part de l'indemnité non affectée au remboursement de la dette contractée pour l'acquisition de l'office.
« III. - En cas d'affectation de la totalité de l'indemnité à la souscription de parts ou d'actions d'une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, l'imposition due en application du I ci-dessus fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession des titres acquis au moyen de l'indemnité.
« IV. - Les pertes de recettes résultant des paragraphes II et III ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis. Il s'agit du régime fiscal de l'indemnité, sur lequel je me suis déjà exprimé lors de mon intervention liminaire.
La commission des finances propose au Sénat de rétablir cet article, supprimé par l'Assemblée nationale, qui a pour objet de permettre un report de l'impôt en cas de souscription de parts ou actions des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères et de tenir compte de l'endettement des commissaires-priseurs contracté pour l'acquisition de leur charge.
Considérant que l'indemnité constitue le prix de cession d'un élément d'actif immobilisé, l'administration fiscale a, dans une réponse écrite au rapporteur pour avis que je suis, indiqué que « l'excédent du montant de l'indemnité sur la part du prix payé par les commissaires-priseurs à leur prédécesseur au titre du droit de présentation relèverait du régime des plus ou moins-values professionnelles. »
Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale précise dans son rapport écrit que l'indemnité ne sera imposable qu'au titre de la plus-value, c'est-à-dire de la différence entre l'indemnité et le prix d'acquisition de l'office.
On aurait aimé disposer de l'instruction en cours de préparation à ce sujet dans la mesure où la mise en application du régime des plus-values professionnelles n'est sans doute pas aussi évidente qu'il y paraît.
Un examen plus approfondi du traitement fiscal des plus-values à long terme dans le cadre des bénéfices commerciaux ou non commerciaux ou dans celui de l'impôt sur les sociétés tend à montrer que l'application d'un taux d'imposition proportionnel de 26 %, apparemment avantageux, ne semble correspondre qu'au régime de droit commun applicable notamment aux cessions de clientèle en cas de cessation d'activité.
En revanche, dès lors que l'on se situe dans la perspective de la poursuite de l'activité, on ne peut que souligner qu'un tel mode d'imposition est moins avantageux que celui du droit commun, s'agissant au surplus d'un revenu assimilable à une indemnité d'expropriation, selon notre interprétation, bien entendu.
Si l'on analyse l'indemnisation prévue par la présente loi comme une indemnité d'expropriation correspondant à la cession forcée d'une partie de son fonds de commerce, le commissaire-priseur qui veut poursuivre son activité de ventes volontaires dans le cadre des nouvelles sociétés de ventes aux enchères ne peut, parce qu'il ne peut poursuivre son activité avec le même statut juridique, bénéficier des avantages de l'étalement comme pourrait le faire une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés.
Considérant qu'il ne s'agit d'un régime professionnel que de façon tout à fait formelle, sachant qu'en application de l'article 42 du projet de loi les indemnités dues aux sociétés civiles professionnelles sont réglées à leurs membres en proportion de leurs droits d'associés, la commission des finances a souhaité que, prenant modèle sur ce qui existe pour les particuliers réalisant une plus-value immobilière à la suite d'une expropriation, on exonère les sommes réinvesties dans des sociétés de ventes volontaires. On peut rappeler que l'article 150 E du code général des impôts prévoit que, dans ce cas, les plus-values immobilières « n'entraînent aucune taxation quand il est procédé au réemploi de l'indemnité par l'achat d'un ou plusieurs biens de même nature dans un délai de six mois du paiement ».
Telle est la raison d'équité mais aussi et surtout d'efficacité économique pour laquelle la commission des finances propose au Sénat de reprendre le dispositif de première lecture créant un régime ad hoc pour permettre aux commissaires-priseurs qui veulent poursuivre leur activité de ventes volontaires et réinvestissent l'intégralité de leur indemnisation dans une nouvelle société de ventes volontaires de bénéficier d'un report de l'impôt dû à ce titre.
De même, il a paru équitable de reprendre le dispositif de première lecture favorisant les commissaires-priseurs encore endettés, qui ne seraient imposés que sur la part de leur indemnisation non affectée au remboursement des dettes contractées pour l'acquisition de leur charge.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
C'est la dernière fois que nous parlons de l'indemnisation dans le cadre de ce débat. Je voudrais revenir sur la disparité entre les sorts des commissaires-priseurs et des courtiers maritimes. Rien n'empêche ces derniers de continuer leur activité dans le cadre de la libre concurrence. Par conséquent, la situation est la même pour les courtiers maritimes et pour les commissaires priseurs. Pourquoi, dans ce cas, prévoir 65 % pour les uns et 50 % pour les autres ? Je n'ai pas eu véritablement la réponse que j'attendais.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, les commissaires-priseurs ont un monopole sur les ventes judiciaires, alors que les courtiers maritimes ne jouissent d'aucun monopole. C'est tout de même une différence de statut importante ! (M. le rapporteur s'exclame.)
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 25.
Tout d'abord, il ne m'apparaît pas utile d'alourdir le projet de loi par l'ajout d'un article sur le régime fiscal de l'indemnisation. L'application du régime des plus-values professionnelles, qui résulte des principes généraux, sera précisée dans le cadre d'une instruction administrative dès la publication de la loi. Le Gouvernement en a pris l'engagement. Vous le savez, et je vous le confirme aujourd'hui. Vous pouvez donc être absolument rassuré sur ce point, monsieur le rapporteur pour avis.
Quant aux deux autres mesures contenues dans votre amendement, j'y suis fermement opposée.
Tout d'abord, la mesure qui consiste à ne pas imposer l'indemnité à concurrence du remboursement des emprunts contractés pour l'acquisition de l'office de commissaire-priseur serait contraire aux principes généraux de l'impôt sur le revenu. En effet, l'affectation d'un revenu imposable au remboursement d'une dette constitue un emploi de ce revenu qui ne peut faire échec au paiement de l'impôt.
Je vous rappelle que l'indemnisation a pour objet de réparer le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation. Dès lors, il ne serait absolument pas justifié de traiter différemment sur le plan fiscal les commissaires-priseurs selon qu'ils ont ou non à rembourser un emprunt lié à l'acquisition du droit de présentation.
L'institution d'un report d'imposition en cas de réinvestissement de l'indemnité dans une société de vente volontaire ne serait pas non plus justifiée dès lors que le versement de l'indemnité s'effectuerait en une seule fois - c'est l'article 41 du projet de loi - et que les commissaires-priseurs disposeraient tout de suite des sommes nécessaires pour payer l'impôt correspondant à la plus-value.
Les sommes disponibles après paiement de l'impôt que les commissaires-priseurs auraient, en tout état de cause, la possibilité de réinvestir dans des sociétés de vente volontaire représenteraient un pourcentage non négligeable du montant de l'indemnité compte tenu du taux d'imposition très modéré - 26 %, prélèvement sociaux inclus - des plus-values à long terme. Il s'agit, là aussi, d'un emploi du revenu qui, comme tel, ne justifie pas l'application d'un régime fiscal particulier.
Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement, car il créerait un précédent qu'il serait difficile de ne pas étendre à d'autres situations où une indemnité imposable est versée.
M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis. Nous sommes là, je l'ai dit, en présence d'un point dur de notre discussion. Je n'ai pas la prétention de convaincre Mme la ministre, pas plus, j'imagine, qu'elle n'a la prétention de me convaincre ; mais, comme c'est elle qui a le pouvoir, elle aura finalement le dernier mot.
Quoi qu'il en soit, je souhaite que ce dispositif puisse servir de précédent, parce que je crois que c'est très important pour la modernisation de notre fiscalité et sa mise à niveau avec celle d'un certain nombre d'autres pays avec lesquels nous sommes en concurrence. C'est non seulement une question de droit fiscal, mais aussi et surtout une question économique.
Madame la ministre, vous nous dites que le commissaire-priseur va percevoir son indemnité, qu'il va devoir payer son impôt et qu'il réemploiera le reste. Moi, je préfère qu'il emploie la totalité pour développer ses affaires.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame la ministre, je voterai, naturellement, l'amendement proposé par la commission des finances, mais je voudrais attirer l'attention de la Haute Assemblée sur la méfiance que manifeste le Gouvernement dès lors qu'il s'agit d'indemniser. Pourquoi ne pas faire confiance à ceux qui sont privés de leur outil de travail, de leurs biens, qui doivent s'adapter, se transformer, se moderniser ? Je n'admets pas ces réserves de plus en plus nombreuses qui apparaissent quand il s'agit d'indemniser. Il faut indemniser, et indemniser justement.
De plus, permettez-moi de reprendre l'argument de M. Dejoie, qui me paraît excellent, au sujet des 50 % et des 65 %. Le monopole qui subsistera, celui des ventes judiciaires, représenterait-il 15 % ou 20 % de l'activité des commissaires-priseurs ? Non ! Les ventes judiciaires représentent beaucoup moins, c'est peanuts pour la plupart des commissaires-priseurs ! Prévoir 50 % contre 65 %, cela ne tient pas la route, et je suis désolé de répéter que, à mon avis, le Gouvernement n'a pas le bon comportement à l'égard des citoyens.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Je ne voterai pas l'amendement de la commission des finances.
Notre collègue M. Gélard vient de nous faire, comme à son habitude, un peu de cinéma. Mais nous le connaissons, et nous savons bien qu'il aime parfois enflammer comme cela nos séances !
On ne peut pas dire que le Gouvernement refuse d'indemniser les commissaires-priseurs ! Que l'on ne soit pas d'accord sur le fait qu'il s'agit d'une expropriation, que l'on ne soit pas d'accord exactement sur le montant de l'indemnisation, je l'admets, mais évitons les excès ! Des indemnités sont tout de même prévues !
Quoi qu'il en soit, pour un principe général tenant à l'emploi des sommes, personnellement, peut-être en tant qu'ancienne inspectrice des impôts, je ne peux voter un tel amendement. Décider que, selon qu'on emploierait une somme à ceci ou à cela, on paierait ou non un impôt ne me semble pas justifié. Qu'ensuite, d'autres aides puissent être accordées pour aider une entreprise à se développer et à investir, c'est une autre question, économique celle-là, mais, sur le plan fiscal, je considère que la commission des finances nous propose une dérogation vraiment grave à un principe établi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 43 quinquies est rétabli dans cette rédaction.
Chapitre VII
Dispositions diverses et transitoires
Article additionnel avant l'article 44