Séance du 4 avril 2000
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 275,
1999-2000) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal
et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici au terme du
processus législatif concernant le projet de loi relatif à la lutte contre la
corruption, en particulier dans le domaine du commerce international.
La commission mixte paritaire est parvenue à élaborer un texte commun aux deux
assemblées.
Les deux assemblées avaient en effet la même volonté de mettre fin à des
comportements qui portent atteinte aux fondements de la démocratie et entravent
gravement le développement économique de nombreux pays.
Toutefois, l'Assemblée nationale et le Sénat avaient quelques divergences
d'appréciation relatives aux moyens de lutter contre la corruption. Ces
divergences ont pu être surmontées.
Le texte dont je vous propose aujourd'hui l'adoption complète notre code pénal
pour y intégrer de nouvelles infractions de corruption d'agents publics
appartenant aux pays de l'Union européenne et de corruption d'agents publics
étrangers.
Il s'agit de prendre en compte plusieurs conventions signées au sein de
l'Union européenne et de l'OCDE. Les nouvelles infractions seront punies de dix
ans d'emprisonnement et de 1 million de francs d'amende, conformément au droit
actuel en matière de corruption d'agents publics nationaux.
Le Sénat aurait souhaité que les peines d'emprisonnement prévues en matière de
corruption d'agents publics étrangers soient plus faibles pour tenir compte du
fait que nos principaux partenaires commerciaux se sont dotés d'une législation
où les peines les plus fortes sont moitié moins lourdes que celles qui sont
prévues par notre code.
Il conviendra, madame la garde des sceaux, de veiller à ce que les autres pays
signataires de la convention de l'OCDE, qui ont été prompts à nous donner des
leçons - vous le savez -, se montrent aussi rigoureux que la France dans
l'application de la convention. En particulier, il nous semble d'ores et déjà
que la transposition de la convention de l'OCDE par les Etats-Unis est
inacceptable en ce qui concerne l'échelle des peines retenue et la procédure
suivie.
Un point essentiel du texte adopté par la commission mixte paritaire est la
centralisation des poursuites à Paris, mesure que le Sénat a souhaitée tout au
long de la procédure parlementaire. Cette centralisation permettra une grande
cohérence de la politique d'action publique dans un domaine extrêmement
sensible. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que ce système soit retenu
dans le présent projet de loi.
Un autre point mérite d'être mentionné. Dans le projet de loi initial, vous
aviez prévu, madame la garde des sceaux, que les nouvelles infractions ne
s'appliqueraient pas aux commissions versées dans le cadre des contrats signés
avant l'entrée en vigueur de la convention de l'OCDE. Il s'agissait au fond
d'inscrire explicitement dans la loi le principe de non-rétroactivité de la loi
pénale plus sévère.
Le Sénat a approuvé cette disposition, mais l'Assemblée nationale l'a écartée.
Elle a en effet estimé qu'il n'était pas possible de condamner la corruption
tout en continuant de tolérer certains versements. Elle a cependant indiqué que
le principe de non-rétroactivité était un principe constitutionnel, qui n'avait
pas à être rappelé dans la loi.
Aussi, en commission mixte paritaire, nous avons finalement estimé qu'il
n'était peut-être pas nécessaire de rappeler ce principe dans la loi. En
revanche, nous avons été unanimes pour dire que le principe de
non-rétroactivité ne souffrait aucune exception. Cela signifie que les
commissions versées dans le cadre de contrats antérieurs à l'entrée en vigueur
de la convention de l'OCDE ne sont pas pénalement punissables.
A cet égard, la centralisation des poursuites à Paris est très heureuse, car
elle évitera que les procureurs n'aient des pratiques divergentes, notamment
sur ce point, d'un parquet à l'autre. En tout état de cause, la volonté du
législateur est absolument claire : la nouvelle loi ne s'applique pas aux
commissions versées dans le cadre de contrats signés antérieurement à l'entrée
en vigueur de la loi.
Tels sont, monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers
collègues, les éléments les plus saillants du texte, adopté par la commission
mixte paritaire, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Le projet de loi modifiant le
code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la
corruption revient devant le Sénat après qu'un accord a été trouvé en
commission mixte paritaire.
Je me réjouis de cet accord et remercie tout particulièrement votre
rapporteur, M. José Balarello, de l'excellente qualité du travail accompli tout
au long de la procédure parlementaire et, en dernier lieu, devant la commission
mixte paritaire.
Je ne peux que me féliciter de la teneur de ce texte, qui permettra à la
France non seulement de respecter les engagements internationaux qu'elle a
souscrits, mais aussi d'être l'un des pays les mieux armés juridiquement pour
lutter contre la corruption internationale.
Une faillite importante est ainsi comblée dans notre droit positif : la
corruption d'un fonctionnaire étranger est désormais punissable.
Les principales dispositions de ce texte traduisent la volonté du Gouvernement
de lutter de façon implacable contre la corruption sous toutes ses formes,
qu'il s'agisse de l'extension de la répression de la corruption aux versements
faits à des fonctionnaires étrangers « à tout moment », du large éventail des
peines prévues tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales
ou de la prohibition de toute déductibilité fiscale des commissions versées
postérieurement à l'entrée en vigueur en France de la convention de l'OCDE.
Je voudrais m'arrêter un court instant sur l'article 3
bis.
La commission mixte paritaire a, en effet, souhaité réserver à la juridiction
parisienne une compétence facultative pour les faits de corruption active
d'agent public étranger dans les transactions commerciales internationales.
Cette centralisation parisienne, dont j'observe qu'elle n'est que facultative,
peut être légitime pour certaines affaires particulièrement complexes de
corruption internationale qui, d'ailleurs, en raison du lieu des sièges
sociaux, dans la plupart des cas, relèvent de fait de cette juridiction.
Cette compétence facultative ne fera pas obstacle à la politique déconcentrée
de modernisation de la justice économique et financière que je conduis au nom
du Gouvernement.
Le texte adopté sera ainsi, tant sur un plan procédural qu'au fond, une pierre
angulaire de la lutte contre la délinquance économique et financière, qui est
et qui demeure une priorité.
L'effort du Gouvernement ne s'arrêtera pas là : ainsi que vous le savez, dans
le cadre du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, des
mesures relatives à l'amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent
seront très prochainement soumises à l'examen du Parlement.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur applaudit
également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ;
d'autre part, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat
statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte. En
l'occurrence, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :