Séance du 25 avril 2000







M. le président. La parole est à M. Legendre, auteur de la question n° 758, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jacques Legendre. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, mais je suis heureux qu'elle puisse être posée en présence d'un membre du Gouvernement originaire du département du Nord, qui est donc particulièrement à même d'en comprendre l'aspect géographique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il existe, dans le département du Nord, une curiosité qui remonte à la Révolution et dont les origines sont peut-être médiévales : les trois communes de Boursies, Doignies et Moeuvres forment une enclave du département du Nord - plus précisément du canton de Marcoing, arrondissement de Cambrai - dont elles sont séparées par la commune de Graincourt-lès-Havrincourt, dans le département du Pas-de-Calais.
Tout cela ne poserait sans doute pas de problème particulier si ces communes, à l'occasion de la récente refonte de la carte des aides de l'objectif 2, ne s'étaient vu traitées différemment de leur canton et de leur arrondissement, qui se trouvent en entier couverts par l'objectif 2.
Les maires et leurs concitoyens se demandent donc s'ils font bien partie de leur département et de leur arrondissement : si leurs voitures sont immatriculées 59, département du Nord, les routes sont entretenues par la direction départementale de l'équipement du Pas-de-Calais, et - c'est plus gênant pour l'identité - leurs codes postaux sont ceux du Pas-de-Calais, ce qui leur rend souvent difficile l'explication de leur situation.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, ces habitants ressentent actuellement une certaine frustration : ils subissent un grave sinistre industriel, que connaît bien Mme Demessine, sinistre qui menace plusieurs centaines d'emplois. Or, si le canton dont ils font partie va bénéficier d'une aide importante, grâce à son classement en objectif 2, eux s'en trouvent écartés. Voilà qui les amène parfois à se demander où ils en sont, de quelle entité ils font partie.
Par conséquent, je demande au Gouvernement quelles mesures il compte prendre pour mettre un terme à cette situation d'exclusion, qui n'a d'explication qu'historique, et pour que ces trois communes de Boursies, Doignies et Moeuvres puissent se sentir à nouveau à part entière des communes du Cambrésis.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, votre question était adressée à M. le ministre de l'intérieur, mais puisqu'elle vise principalement les problèmes de classement des territoires par la Commission européenne ou les récents contrats de plan, Mme Voynet a préparé les éléments de réponse que je vais maintenant vous transmettre.
Votre question concerne trois communes rurales de l'arrondissement de Cambrai et du département du Nord qui, séparées de ceux-ci par seulement quelques centaines de mètres, forment une enclave au sein de l'arrondissement d'Arras et du département du Pas-de-Calais. Le Gouvernement convient avec vous que ce découpage administratif est singulier, mais il se retrouve à la même échelle dans quelques autres départements, tels que ceux des Hautes-Pyrénées, qui possède des enclaves dans les Pyrénées-Atlantiques, et du Vaucluse, qui a une enclave dans la Drôme.
M. Charles Descours. A cause du pape ! (Sourires.)
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Bref, il existe plusieurs autres situations comparables, et il est donc difficile d'envisager des solutions partielles.
Cette réalité témoigne, comme vous l'avez laissé entendre, de particularités anciennes liées aux territoires épiscopaux - il ne s'agit pas tout à fait du pape ! (Sourires) - prises en compte voilà deux siècles lors de la définition des départements et du découpage administratif de la France. Mme Voynet reconnaît tout à fait que cet héritage est bien éloigné de l'actuelle situation humaine, économique et sociale de notre territoire et que ces trois communes, pour en rester au cas particulier que vous évoquiez, monsieur le sénateur, relèvent à la fois, comme les autres communes de ce secteur, de la réalité administrative du Pas-de-Calais et de la dynamique économique propre à cet espace situé aux confins de l'Arrageois et du Cambrésis.
C'est ainsi que, en toute logique, les services publics de proximité desservant ces communes, comme La Poste ou les services techniques extérieurs de l'Etat, relèvent du Pas-de-Calais.
C'est tout aussi logiquement que l'Etat, en application des orientations arrêtées par l'Union européenne et définies par la Commission européenne pour la détermination des zonages des aides à finalité régionale, en particulier en ce qui concerne la prime d'aménagement du territoire, et l'éligibilité aux fonds structurels - l'objectif 2 - a défini des périmètres économiquement, socialement et écologiquement homogènes. Ils ont été arrêtés à la suite d'une large concertation menée par les préfets, à laquelle vous avez dû être associé, monsieur le sénateur, au titre de vos mandats parlementaire, régional et local.
Cette primauté de la cohérence « vécue » conduit donc à un traitement homogène de ces trois communes et de leur environnement socioéconomique. Elles n'ont pas été retenues au titre de l'objectif 2, car la « zone d'emploi » dont elles relèvent ne présente pas, de manière globale, de caractéristiques répondant aux critères de situation moyenne - chômage ou niveau de revenus - ou de difficultés spécifiques liées, par exemple, à l'inscription en zone de revitalisation rurale ou en zone urbaine sensible.
En outre, aucune démarche d'intercommunalité de projet - sous forme de constitution de pays, par exemple, ou d'engagement de gestion et de solidarité, par le biais de la création d'une communauté de communes à taxe professionnelle unique - ne pouvait justifier un « rattachement » fondé sur une volonté locale clairement affichée ou sur une manifestation de solidarité entre collectivités.
En l'état actuel des choses, Mme Voynet a estimé que c'est dans cette dernière voie qu'il convient d'encourager ces communes à s'engager, avec celles du secteur de Marquion, afin que ce territoire puisse se doter d'une démarche collective de développement qui soit cohérente avec les initiatives engagées par l'agglomération de Cambrai. Cela lui permettrait de tirer le meilleur parti de la qualité de sa desserte, des savoir-faire locaux et de son niveau d'équipement.
C'est en effet la particularité et l'intérêt mêmes des pays que de pouvoir transcender des découpages administratifs, notamment départementaux, et de fédérer les énergies à l'échelle de la « réalité de vie » des territoires.
L'expérience acquise par l'ouest du Cambrésis en matière de développement devrait permettre de mener à bien cette démarche, dans l'optique du volet territorial du contrat de plan Etat-région, dès lors que celui-ci aura été approuvé - peut-être après-demain - par le conseil régional du Nord - Pas-de-Calais.
Tels sont les éléments de réponse, monsieur le sénateur, que ma collègue a souhaité que je vous transmette.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vous étonnerai pas si je vous dis que votre réponse, même si elle fait appel à la « réalité vécue », me paraît plus... administrative - soyons gentil ! - que compréhensible par les élus et par la population.
Comme vous l'avez indiqué, les trois communes en question ne sont séparées que de quelques centaines de mètres du reste du canton auquel elles appartiennent, qui sera éligible au titre de l'objectif 2. Comment voulez-vous que la population et les élus comprennent que, à quelques centaines de mètres près, ils ne bénéficieront pas de ce classement, alors même que, dans ce canton, à quelques kilomètres de là, deux cents emplois sont actuellement menacés, ce qui n'a pas été pris en compte ?
Vous avez fait allusion à la consultation des parlementaires. Je peux vous dire à cet égard que les parlementaires concernés - tous les parlementaires, pas seulement votre serviteur - se sont battus pour que leur arrondissement reste entièrement éligible au titre de l'objectif 2. Une assurance nous avait été donnée en ce sens ; or, voilà que nous découvrons au dernier moment que trois communes, parce qu'elles sont séparées de quelques centaines de mètres du reste de l'arrondissement, ne seront pas traitées de la même manière. Cela pose un vrai problème d'identité.
Je souhaiterais, je le répète, que l'on ne renvoie pas simplement à des démarches locales le règlement de ce problème. Ces communes ont déjà entrepris une démarche d'intercommunalité : elles ont formé une communauté de communes rurales dénommée « communauté de l'enclave ». Etait-il nécessaire qu'elles adoptent la taxe professionnelle unique ? Etant donné qu'elles ne perçoivent actuellement presque pas de taxe professionnelle, ce n'est sûrement pas leur problème essentiel.
Quant à dire, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il serait bon que nous constituions un pays, je vous indique que nous avons justement engagé une démarche pour créer un « pays du Cambrésis ». Les trois communes en question seront évidemment sollicitées pour en faire partie, mais la « coupure » géographique sera maintenue.
Nous avons également proposé que les communes du canton de Marquion, dans le Pas-de-Calais, puissent si elles le souhaitent - et seulement dans ce cas - se rattacher à ce pays. En effet, elles font en réalité partie du bassin de vie de l'agglomération de Cambrai.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite donc que le Gouvernement pousse plus avant sa réflexion avec les administrations concernées, s'agissant en particulier des rattachements postaux. Il est en effet aberrant que des communes du département du Nord se voient attribuer un code postal commençant par « 62 » et non pas par « 59 », comme le voudrait la logique. Ce fait est incompréhensible pour les correspondants des habitants de ces communes.
Telles sont les quelques remarques que je voulais faire. Nous avons besoin, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un certain soutien du Gouvernement, du ministère de l'intérieur et des autorités préfectorales pour trouver la meilleure solution, afin que ces trois communes enclavées puissent vivre en osmose avec les autres communes de leur canton et de leur arrondissement, auxquelles les lie une solidarité très ancienne.
M. le président. En guise de transition avec la question suivante, je soulignerai, monsieur le secrétaire d'Etat, que les habitants de la commune de La Grave, située dans les Hautes-Alpes, et donc dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ne captent que les émissions de la station grenobloise de France 3 !

ABSENCE DE PROFESSEURS DANS L'ISÈRE