Séance du 25 avril 2000
M. le président. « Art. 2 bis. - I. - Après le premier alinéa de l'article 8 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chacune des listes comporte 50 % de candidats de chaque sexe. »
« II. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur à compter du renouvellement partiel du Conseil supérieur des Français de l'étranger en 2003. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 4, M. Cabanel, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 17, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Penne et Biarnès, Mmes Derycke, Pourtaud, Yolande Boyer, Printz, Dieulangard, Durrieu et Bergé-Lavigne, MM. Dreyfus-Schmidt, Pastor, Miquel, Domeizel, Lagauche et Picheral, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le second alinéa du I de l'article 2 bis :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Guy Cabanel, rapporteur. L'article 2 vise à instaurer la parité pour l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, lequel élit les douze sénateurs représentant les Français résidant hors de France.
L'Assemblée nationale a introduit, pour les circonscriptions désignant au moins trois délégués, le principe d'une représentation paritaire entre hommes et femmes - c'est-à-dire 50 % de candidats de chaque sexe.
Cette disposition est très fâcheuse d'un double point de vue. D'une part, on ne voit pas très bien comment on exprimera ces 50 % lorsque l'on aura affaire à un chiffre impair. D'autre part, si le Conseil supérieur des Français de l'étranger mérite des adaptations, ces dernières ne doivent pas, je le répète, prendre la forme d'un cavalier dans un texte qui est l'application pure et simple du principe de parité.
Voilà pourquoi, dans ces conditions, et dans le climat actuel, il me paraît inopportun de modifier la composition du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Aussi, je fais appel au bon sens des auteurs de l'amendement n° 17, qui modifie légèrement le texte adopté à l'Assemblée nationale, en leur demandant de retirer leur amendement, de manière qu'une concertation s'établisse entre les élus des Français de l'étranger qui siègent ici au Sénat et les délégués actuels du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Une décision abrupte du Parlement en l'instant ne respecterait pas pleinement, me semble-t-il, la volonté des Français de l'étranger.
M. Charles de Cuttoli. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga, pour défendre l'amendement n° 17.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le rapporteur, je crois avoir gardé tout mon bon sens, et pourtant je défendrai cet amendement. En effet, je ne crois pas, comme la commission des lois et comme les sénateurs des Français de l'étranger membres des partis politiques de droite, que la parité soit inapplicable au Conseil supérieur des Français de l'étranger au prétexte que c'est un conseil consultatif et un collège de grands électeurs.
Si, malheureusement, le CSFE n'est qu'un organe consultatif, c'est tout de même un organe issu pour l'essentiel du suffrage universel. La volonté d'y introduire la parité se justifie par le fait que c'est la seule instance élective constituée par le suffrage universel direct des Français établis hors de France, et ce, pour partie, au scrutin de liste.
J'estime que, à ce titre, le CFCE mérite de bénéficier des mêmes progrès que toutes les assemblées élues en France selon les mêmes modalités. La parité est, à mes yeux, un progrès de la démocratie représentative, et je souhaite donc que les Français de l'étranger en bénéficient.
Quant à l'affaire du collège des grands électeurs, permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, qu'une fois que cette loi sera mise en vigueur sous les collèges deviendront paritaires en quelques années, et le CFCE ne fera pas exception.
Afin de lever une des objections émises par mes collègues de la droite sénatoriale, je propose une rédaction nouvelle de l'amendement que j'avais présenté en première lecture et qui avait été repris par l'Assemblée nationale, en réconciliant la parité avec l'arithmétique. La constitution de listes impaires devient ainsi possible sans aucune difficulté.
Quant à l'absence de concertation qui m'est reprochée par mes collègues de la droite sénatoriale, on me permettra de dire que c'est la réponse de la bergère au berger. Il y aurait eu concertation si, dans des circonstances antérieures et proches, une concertation de grande ampleur menée au CSFE ne s'était pas heurtée à la volonté desdits collègues. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Je veux parler des circonstances dans lesquelles, en 1999, l'intergroupe des sénateurs de droite du CSFE a bloqué la réforme de la carte électorale du CSFE au Sénat. Je rappelle ces faits parce qu'il est trop facile de parler de concertation quand on l'a piétinée tranquillement après avoir passé dix-huit mois à la faire.
Il y avait eu préparation et concertation. Pendant plus d'un an, un travail avait été mené sur la base de l'excellente étude réalisée par M. Jean-Claude Séché, rapporteur de la commission des droits du CSFE. Il y avait eu constitution et moult réunions d'un groupe de travail ad hoc . Il y avait eu plusieurs débats au sein de la commission des droits du CSFE. Il y avait eu un vote unanime de l'assemblée plénière du CSFE, en septembre 1998.
La réforme de la carte électorale était devenue assez dérisoire, après tous les marchandages qui l'avaient dénaturée, mais elle rendait malgré tout un peu de représentativité au CSFE en prenant quelque peu en compte les modifications démographiques et géographiques de l'implantation des Français à l'étranger.
Hélas ! la proposition de loi que j'avais déposée avec mes collègues socialistes pour réaliser la réforme votée, je le rappelle, à l'unanimité du CSFE, - donc par tous les sénateurs représentant les Français de l'étranger, y compris les neuf sénateurs de droite - inscrite à l'ordre du jour du Sénat le 4 juin 1999, n'a pas pu être examinée, car la commission des lois n'a pas nommé de rapporteur, à la demande, semble-t-il, d'un de mes collègues.
Se concerter, au CSFE, c'est donc faire travailler et voter cent cinquante élus, vingt membres désignés et douze sénateurs pour rien, absolument rien, si l'intergroupe des sénateurs de droite, soumis à la férule d'un d'entre eux, en décide ainsi !
Dans de telles conditions, instruits par cette leçon récente, les élus au CSFE du groupe ADFE, que j'ai consultés à l'occasion de la réunion du mois de février dernier sur la parité et sur les moyens de l'introduire dans notre assemblée, ont été d'accord pour mettre à profit la loi que nous discutons aujourd'hui sans perdre de temps dans des concertations factices.
Pour que le CSFE garde, ou même retrouve, il faut le dire, quelque crédibilité, il a grand besoin d'être réformé de fond en comble. Mais commençons donc par prouver le mouvement en marchant : introduisons la parité comme une première modernisation et reprenons la large concertation sur la réforme qui avait commencé, voilà plusieurs années, au sein du conseil. A une condition toutefois, c'est que tous les élus qui y participent et s'accordent sur son résultat ne la sabordent pas ensuite. Sinon, mes chers collègues, il y aura un jour une réforme du CSFE, mais sans concertation.
Vous nous aviez donné l'exemple avec la loi Bariani, en 1988 ; je regretterais que de tels faits se reproduisent.
M. Charles de Cuttoli. Vous oubliez de dire, madame, que le Gouvernement a refusé de prendre toute initiative législative sur cette proposition de loi ! Et nous n'avions aucune confiance dans vos amis de l'Assemblée nationale !
M. le président. Monsieur de Cuttoli, si vous avez quelque chose à dire, demandez-moi la parole !
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 4 et 17.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je m'en tiendrai strictement aux deux amendements, qui concernent la parité au sein du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Le Gouvernement a pris acte de la volonté commune de la majorité et de l'opposition de l'Assemblée nationale de retenir le principe de la parité pour le Conseil supérieur des Français de l'étranger. Toutefois, le travail a été fait en partie oralement et le libellé qui a été retenu fait que la mesure est difficile à appliquer.
Prenant acte de ces faits, le Gouvernement préfère retenir l'amendement n° 17, qui améliore le texte et en permet l'application, plutôt que l'amendement n° 4, qui supprime purement et simplement la disposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 17 ?
M. Guy Cabanel, rapporteur. Madame Cerisier-ben Guiga, j'ai le plus grand respect pour votre amendement et je n'ai mis en cause ni le bon sens ni le bien-fondé de votre démarche. Mais nous sommes en présence d'un texte, voté à l'Assemblée nationale, qui est ridicule, inapplicable ; l'expression « 50 % de candidats de chaque sexe » - Mme le secrétaire d'Etat le reconnaît, je crois - n'aurait jamais dû franchir les limites du propos de couloir, car elle est inapplicable.
Vous avez présenté un texte qui est cohérent et qui reprend d'ailleurs une formule que nous avons souvent employée, à savoir un nombre égal de femmes et d'hommes à l'unité près.
Cependant, sur le fond - j'en appelle à mes collègues - mieux vaut adopter l'amendement que je présente, qui tend à supprimer l'article voté à l'Assemblée nationale, et dont l'adoption, hélas ! rendrait votre amendement de facto sans objet, plutôt que de se lancer dans une discussion ex abrupto de reconstruction du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Les propositions qui avaient été faites n'ont pas eu de suite, et nous n'allons pas nous lancer dans un long débat pour savoir quelles sont les responsabilités à cet égard. Je n'étais pas rapporteur, et je me présente donc ici comme un agneau (Rires) , si je puis dire !
Très franchement, la clarté veut que nous supprimions cette formule litigieuse. Quant à la vôtre, madame, malheureusement, dans la démarche qui est la mienne, elle ne peut pas être retenue, mais je maintiens qu'une concertation doit être établie, et j'adjure mes collègues représentant les Français de l'étranger de participer tous à cette concertation pour trouver les voies d'une nouvelle définition. Et même si l'on aboutit à un constat de désaccord, il sera toujours temps de voir.
Ce qui est dangereux, c'est de polluer l'application du principe de parité, déduit de notre démarche commune à Versailles, voilà bientôt un an, de le remettre en cause, par des ajouts qui apparaîtront comme autant de cavaliers, comme autant de solutions prises un peu rapidement, même si elles paraissent éminemment justifiées.
Je demande donc au Sénat d'adopter l'amendement de suppression de l'article litigieux venant de l'Assemblée nationale et, par là même, - je le regrette, madame Cerisier-ben Guiga - de rendre sans objet l'amendement que vous avez déposé.
M. le président. Méfiez-vous tout de même de la destination finale de l'agneau, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux rires.)
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le rapporteur, vos propos me paraissent pleins de bon sens, surtout quand vous invitez les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger à se concerter, à se réunir et à trouver ensemble une solution qui pourrait les satisfaire tous. Ce faisant, vous rejoignez d'ailleurs M. Védrine, ministre des affaires étrangères, qui a également exprimé à plusieurs reprises ce souhait devant les instances du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Je ne sais pas si notre excellente collègue Mme Cerisier-ben Guiga est à gauche ou à l'extrême gauche. Moi, en tout cas, je suis non pas à droite mais au centre, comme en atteste l'emplacement de mon fauteuil. Elle classe tous les sénateurs des Français de l'étranger qui ne sont pas de son côté à droite - elle n'a pas dit à l'extrême droite, mais c'est presque comme cela que nous l'avons compris. Cela ne nous convient guère, qu'elle me permette de le lui dire.
Mme Cerisier-ben Guiga a parlé d'une prétendue concertation qui aurait eu lieu au Conseil supérieur des Français de l'étranger à la suite des travaux de la commission que conduisait M. Séché. Mais ce qu'elle oublie de dire - il faut décrypter, pour la Haute Assemblée ! - c'est que M. Séché appartient à la même composante qu'elle.
On en a délibéré le jour où nous procédions à l'élection du président du Sénat, si bien qu'aucun des neuf sénateurs de droite, non plus que ceux de gauche, d'ailleurs, n'était présent dans l'enceinte du Conseil supérieur au moment où le texte a été examiné.
A la suite de cela, ce texte a connu quelques avatars. En effet, Mme Cerisier-ben Guiga oublie également de dire que son excellent collègue de groupe, M. Biarnès, a entamé une démarche allant radicalement à l'encontre des réflexions de la commission Séché, en changeant complètement l'attribution des sièges. Ainsi, quelque chose de tout à fait nouveau se faisait jour.
Autrement dit, le plus grand trouble a régné, et le ministre des affaires étrangères, M. Védrine, a été bien inspiré de dire qu'il convenait de laisser passer les élections, qui auront lieu le 18 juin prochain - les listes ont été déposées le 20 avril - et qu'après la concertation reprendrait.
Car cette concertation, madame Cerisier-ben Guiga, je l'ai connue - vous n'étiez pas encore parmi nous - lors de l'examen du texte qui guide actuellement l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger et l'élection du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Ce fut une concertation exemplaire. Tout le monde se réunit autour d'une table et les textes furent adoptés à l'unanimité des deux assemblées, seul le groupe communiste d'abstenant.
Donc la concertation est possible, madame, quand elle est loyale, quand, après des travaux un peu bizarres d'une commission, on ne dépose pas d'autres textes qui sont différents. Jouons cartes sur table, réunissons-nous, discutons calmement, et je suis certain que nous aboutirons, comme ce fut le cas dans le passé, en 1989, à une décision commune !
Monsieur le rapporteur, je voterai la suppression de l'article. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis est supprimé et l'amendement n° 17 n'a plus d'objet.
Article 3