Séance du 10 mai 2000
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 131, M. Jarlier, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le texte présenté par le I de l'article 28 pour l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation :
« Art. L. 271-2. - Lorsqu'une promesse synallagmatique ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation et conclue sans recours à un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, nul ne peut recevoir de l'acquéreur non professionnel, directement ou indirectement, aucun versement à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit avant l'expiration du délai de rétractation défini à l'article L. 271-1. Si les parties conviennent d'un versement à une date postérieure à l'expiration de ce délai et dont elles fixent le montant, la promesse est conclue sous la condition suspensive de la remise desdites sommes à la date convenue.
« Lorsque ladite promesse synallagmatique est conclue par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, tout versement reçu de l'acquéreur est effectué entre les mains d'un professionnel disposant d'une garantie financière affectée au remboursement des fonds déposés. Si l'acquéreur exerce sa faculté de rétractation en application de l'article L. 271-1, le professionnel dépositaire des fonds versés les lui restitue dans un délai de quinze jours à compter du lendemain de la date de cette rétractation.
« Pour toute promesse unilatérale de vente ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation conclue entre un vendeur et un acquéreur non professionnel sans recours à un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, aucun versement, à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit, ne peut être reçu directement ou indirectement du bénéficiaire de la promesse avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant au vendeur l'acceptation de la promesse ou du lendemain de la date d'acceptation de la promesse définie par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes. Tous fonds versés après l'expiration de ce délai sont déposés sur un compte ouvert au nom du bénéficiaire de la promesse dans une banque ou un établissement habilité à cet effet ou chez un notaire. Ils sont indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu'à la conclusion de la vente et sont restitués au bénéficiaire de la promesse dans le délai de quinze jours suivant la date de renonciation au bénéfice de la promesse, à moins que la vente ne soit pas conclue du seul fait de l'acquéreur.
« Lorsque ladite promesse unilatérale est conclue par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, tout versement reçu de l'acquéreur est effectué entre les mains d'un professionnel disposant d'une garantie financière affectée au remboursement des fonds déposés. Les fonds versés sont restitués à son bénéficiaire dans le délai de quinze jours suivant la date de renonciation au bénéfice de la promesse intervenue dans le délai de sept jours défini au troisième alinéa ou dans le délai de quinze jours suivant la date de renonciation au bénéfice de la promesse intervenue ultérieurement, à moins que la vente ne soit pas conclue du seul fait de l'acquéreur.
« Est frappée de nullité toute promesse conclue en méconnaissance de l'interdiction définie aux premier et troisième alinéas. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 718, présenté par MM. Lassourd, André, Bernard, Besse, Braye, Cazalet, Darcos, Demuynck, Descours, Doublet, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, François, Gélard, Gérard, Gerbaud, Giraud, Haenel, Joyandet, Karoutchi, Larcher, Leclerc, Le Grand, Murat, Neuwirth, Ostermann, Peyrat, de Richemont, Schosteck, Souvet, Vasselle et Vial, et tendant à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 131 pour l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un terrain à bâtir sur lequel un acquéreur non professionnel se propose d'édifier ou de faire édifier un immeuble destiné à l'habitation, mentionne, à peine de nullité, les limites juridiques, les dimensions, la superficie ainsi que les servitudes publiques et privées dont le terrain est grevé. Un plan figurant ou relatant les éléments ci-dessus est annexé à l'avant-contrat et au contrat.
« Pour l'application du présent article, la fourniture d'un plan comportant des mentions incomplètes ou inexactes équivaut à l'absence de plan. En matière de superficie, la mention est considérée comme inexacte lorsque la différence entre la superficie mentionnée et la superficie réelle excède un vingtième, sauf si l'avant-contrat ou le contrat stipule une moindre différence.
« L'action en résolution de la vente, fondée sur la nullité prévue à l'article ci-dessus, n'est ouverte qu'à l'acquéreur du terrain. Elle n'est recevable que si le contrat ou l'avant-contrat, selon le cas, contient la déclaration de l'acquéreur qu'il se propose d'édifier ou de faire édifier un immeuble destiné à l'habitation.
« Le bénéficiaire en cas de promesse de vente, le promettant en cas de promesse d'achat ou l'acquéreur peut intenter l'action en nullité au plus tard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente.
« La signature de l'acte authentique qui constate la réalisation de la vente et qui répond aux obligations énoncées ci-dessus entraîne la déchéance du droit à engager ou à poursuivre une action en nullité de la promesse ou du contrat qui l'a précédé, fondée sur l'absence ou l'inexactitude des documents. »
Par amendement n° 658, MM. Lassourd, André, Bernard, Besse, Braye, Cazalet, Chérioux, Darcos, Demuynck, Descours, Doublet, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, François, Gélard, Gérard, Gerbaud, Giraud, Haenel, Joyandet, Karoutchi, Lanier, Larcher, Leclerc, Le Grand, Murat, Neuwirth, Ostermann, Peyrat, de Richemont, Schosteck, Souvet, Vasselle et Vial proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 28 pour l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation :
« Art. L. 271-2. - Avant l'expiration du délai de rétractation, nul ne peut exiger ou recevoir de l'acquéreur, directement ou indirectement, aucun versement ou engagement de versement à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit, sauf si ce versement est effectué entre les mains d'un tiers séquestre, mandaté à cet effet et disposant d'une garantie financière affectée au remboursement des fonds déposés, ou, sauf dispositions législatives expresses contraires prévues notamment pour les contrats ayant pour objet l'acquisition ou la construction d'un immeuble neuf d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation, les contrats préliminaires de vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière.
« En cas d'exercice du droit de rétractation, le tiers séquestre restitue les fonds qu'il détient au déposant.
« Cette restitution intervient dans le délai maximum de quinze jours à compter de la justification par le bénéficiaire du droit de rétractation de ce qu'il a exercé sa faculté dans les formes et délais prévus à l'article précédent.
« Est puni de 200 000 francs d'amende le fait d'exiger ou de recevoir un versement ou un engagement de versement en méconnaissance de l'alinéa ci-dessus. »
Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 527 rectifié tend, dans le premier alinéa du texte proposé par le I de l'article 28 pour l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : « sous quelque forme que ce soit », à insérer les mots : « sauf si ce versement est effectué entre les mains d'un tiers séquestre, mandaté à cet effet et disposant d'une garantie financière affectée au remboursement des fonds déposés, ou ».
L'amendement n° 528 rectifié tend à compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de l'article 28 pour l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation par une seconde phrase ainsi rédigée : « En cas de rétractation, la somme séquestrée devra être reversée dans un délai de sept jours. »
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 131.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Cet amendement vient nuancer l'interdiction d'effectuer tout versement avant l'expiration du délai de rétractation ou de réflexion en aménageant les garanties financières nécessaires.
Le caractère absolu de l'interdiction était cohérent avec le dispositif initial, qui ne visait que les ventes effectuées par un marchand de biens à un particulier. Il ne l'est plus dès lors que toutes les ventes sont concernées, sans distinction selon la qualité des parties.
Cet amendement reprend une idée qui avait été avancée par la commission de la production de l'Assemblée nationale : il s'agit de faire en sorte que puisse être exigé de l'acquéreur un versement attestant le sérieux de son engagement et de rétablir un équilibre entre les garanties accordées à l'acquéreur - versement postérieur à l'expiration du délai de rétractation lorsque l'acte est conclu directement entre le vendeur et l'acquéreur ; versement immédiat, mais entre les mains d'un professionnel garanti financièrement, et obligation de restitution à bref délai en cas de rétractation lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel - et les garanties accordées au vendeur - engagement de l'acquéreur garanti par le versement d'une somme d'argent qui constitue tout simplement la contrepartie de l'immobilisation du bien du vendeur.
M. le président. La parole est à M. Lassourd, pour défendre le sous-amendement n° 718 et l'amendement n° 658.
M. Patrick Lassourd. Le droit de l'urbanisme et le droit de la construction comportent de nombreuses règles qui conditionnent le projet de construction aux limites, à la forme et à la superficie du terrain, ainsi qu'aux servitudes publiques et privées qui le grèvent.
Il importe donc de mettre fin aux imprécisions entretenues sur la constructibilité des terrains à bâtir, alors même que la connaissance précise de la constructibilité constitue une garantie fondamentale qui devrait être apportée par tout vendeur.
La connaissance de ces données serait de nature à sécuriser l'acquéreur et lui permettrait d'engager son projet de construction sans craindre les aléas liés à une définition erronée des surfaces ou des limites.
Avec l'amendement n° 658, il s'agit d'autoriser les versements d'acomptes lorsque les opérations portent sur de l'immobilier ancien.
Dans la mesure où, effectivement, ce versement pour le logement neuf est autorisé, il nous semble tout à fait anormal qu'il ne le soit pas pour des opérations portant sur de l'immobilier ancien.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski, pour présenter les amendements n°s 527 rectifié et 528 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski. L'instauration du délai de rétractation de sept jours dans le marché de l'ancien est une bonne chose. L'assortir d'une impossibilité de dépôt d'argent pendant cette période risque sérieusement de créer un marché de « promesses de ventes ».
Le dépôt d'une contrepartie financière entre les mains d'un séquestre à reverser dans le même délai constitue une mesure raisonnable qui sécurisera les transactions de logements visés.
De plus, il n'est pas légitime, en matière de versement d'acompte, de traiter trop différemment l'ancien du neuf. C'est pourquoi nous avions déposé cet amendement. Je dois reconnaître cependant que l'amendement n° 131 de la commission répond tout à fait à notre préoccupation, raison pour laquelle je retire l'amendement n° 527 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 527 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Quant à l'amendement n° 528 rectifié, il n'est pas tout à fait satisfait par la rédaction de l'amendement n° 131, puisque je proposais un délai de sept jours, alors que la commission propose, elle, un délai de quinze jours. Cependant, et bien que cela ne me convienne pas tout à fait, je me rallie à la proposition de la commission des lois et retire l'amendement n° 528 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 528 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 131 ainsi que sur le sous-amendement n° 718 et sur l'amendement n° 658 ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Sur l'amendement n° 131, la commission émet un avis favorable, dans la mesure où il prévoit tous les cas de figure qui se présentent pour l'achat d'un bien immobilier et précise, en cas de rétractation, les conditions de restitution des fonds versés.
En revanche, la commission est défavorable au sous-amendement n° 718 ainsi qu'à l'amendement n° 658, mais elle aimerait connaître l'avis de la commission des lois.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Le sous-amendement n° 718 est contraire à l'amendement n° 132 de la commission des lois. L'exigence systématique d'un bornage risque de bloquer un grand nombre de transactions du fait du caractère contradictoire de cette procédure. Mais c'est un débat que nous avons déjà eu au sein de cette assemblée, puisque nous avons adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 9 qui prévoyait un autre dispositif.
En outre, ce sous-amendement est sans rapport avec l'objet de l'amendement n° 131 de la commission des lois, qui concerne les modalités de versement.
Nous avons adopté un dispositif qui impose le bornage pour les lotissements, les ZAC et les AFU ainsi qu'un autre qui permet à l'acquéreur de savoir s'il y a eu bornage ou non au moment où il va signer sa promesse de vente.
J'espère que cela donne satisfaction, au moins partiellement, à l'auteur du sous-amendement et je souhaiterais qu'il puisse le retirer.
M. le président. Monsieur Lassourd, le sous-amendement n° 718 est-il maintenu ?
M. Patrick Lassourd. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 718 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. L'amendement n° 658 est satisfait, sur le fond, par l'amendement n° 131 de la commission des lois. Cet amendement répond au même souci, puisqu'il s'agit d'aménager des possibilités de versement lorsque les garanties financières requises en vue de la restitution éventuelle des fonds versés sont réunies.
Cependant, l'amendement de la commission des lois a le mérite d'éviter le renchérissement du coût des transactions en réservant la possibilité de recevoir les fonds aux professionnels intermédiaires dans la transaction et définit plus précisément les modalités de restitution des fonds en cas d'exercice de la faculté de rétractation par l'acquéreur.
Je souhaiterais également que son auteur accepte de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Lassourd, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Patrick Lassourd. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 658 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Je tenais simplement à remercier M. Poniatowski d'avoir retiré les amendements n°s 527 rectifié et 528 rectifié, qui sont partiellement satisfaits.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 131 ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 131, notamment dans la mesure où il prévoit expressément un délai maximum de restitution.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 271-3 DU CODE DE LA CONSTRUCTION
ET DE L'HABITATION