Séance du 10 mai 2000
M. le président. Nous en venons aux paragraphes II et III de l'article 28.
Par amendement n° 134, M. Jarlier, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le texte présenté par le paragraphe III de l'article 28 pour insérer un article 1589-1 dans le code civil :
« Art. 1589-1. - Est frappé de nullité tout engagement unilatéral souscrit en vue de l'acquisition d'un bien ou d'un droit immobilier pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s'engage un versement, quelle qu'en soit la cause et la forme. »
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Cette nouvelle disposition qu'il est proposé d'insérer au titre VI du code civil consacré à la vente tend à mettre fin à certaines pratiques visant à exiger du candidat acquéreur un versement alors qu'il est seul juridiquement engagé.
Cette pratique de la réservation d'un bien est, en effet, totalement contestable. D'un point de vue économique, elle permet d'organiser des enchères sur la vente d'un bien et favorise la spéculation ; d'un point de vue juridique, il n'y a pas lieu d'exiger de celui qui s'engage unilatéralement un quelconque versement puisque, en contrepartie, le bien ne se trouve pas immobilisé, son propriétaire demeurant totalement libre d'en disposer.
Cependant, la rédaction proposée dans le projet de loi et adoptée par l'Assemblée nationale comporte une incohérence : tout engagement unilatéral comporte en effet nécessairement un engagement à acquitter le prix proposé. Le présent amendement soumet donc à votre approbation une nouvelle rédaction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 134, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 631, M. Schosteck propose :
I. - De compléter in fine le III de l'article 28 par deux alinéas rédigés comme suit :
« Art. 1589-2. - Est frappé de nullité la promesse unilatérale de vente ou d'achat, la promesse synallagmatique ou le contrat de vente d'un terrain à bâtir qui ne serait pas assorti de la fourniture, par le vendeur, de tous éléments mettant en mesure l'acheteur de connaître les limites, les dimensions et la surface de ce terrain selon un plan établi par un géomètre expert, ainsi que les caractéristiques géotechniques et d'état de pollution de ce terrain.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les personnes habilitées à mener l'étude géotechnique ainsi que les modalités de celle-ci. »
II. - En conséquence, dans le premier alinéa du même texte, de remplacer les mots : « un article 1589-1 ainsi rédigé : » par les mots : « deux articles 1589-1 et 1589-2 ainsi rédigés : ».
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Le cadre législatif actuel ne prévoit qu'une obligation de garantie en matière de vice caché de la chose vendue et n'organise que les modalités de réparation du préjudice déjà subi, mais ne permet pas de prévenir les sinistres en l'absence d'une information générale sur la qualité du bien vendu.
La transparence contribuerait, enfin, à établir la véritable valeur du terrain à bâtir, dont les principaux éléments constitutifs sont la situation, la surface, le droit à construire, la qualité mécanique du sol et les équipements.
Il est indispensable que cette information soit fournie dès la conclusion de la promesse unilatérale, du compromis ou du contrat.
Le professionnel restera, naturellement, responsable du projet de construction dont il a la charge, la seule obligation pesant sur le vendeur du terrain étant de lui fournir les caractéristiques purement géotechniques indépendantes de l'opération de construction envisagée.
Ce faisant, nous n'introduisons pas d'innovation extraordinaire. Très récemment, nous avons vu se mettre en place l'obligation, par exemple, pour un vendeur de logement de fournir un certificat attestant que le bien n'est pas affecté par les termites, et nous pourrions trouver d'autres exemples.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Je voudrais signaler à notre collègue que cet amendement n° 631 est contraire à l'amendement n° 132 de la commission des lois, que nous avons adopté. Mais je souhaiterais connaître l'avis de la commission des lois.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. En fait, par son amendement n° 134, la commission des lois prend partiellement en compte la préoccupation des auteurs de l'amendement, qui souhaitent que l'acquéreur soit informé sur l'origine des données inscrites dans l'acte relatives aux dimensions et aux délimitations du terrain.
Cependant, la notion de « terrain à bâtir » n'est pas juridiquement définie et l'exigence d'un bornage risque de bloquer un grand nombre de transactions, comme je l'ai dit précédemment. L'exigence supplémentaire d'effectuer une expertise géotechnique du terrain risque, en outre, d'accroître considérablement les coûts des transactions. Ces expertises seront sans doute difficiles à réaliser, particulièrement en secteur diffus.
C'est pourquoi la commission des lois a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 631.
M. Jean-Pierre Schosteck. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. J'ai bien compris et je pressentais en effet la réponse après avoir entendu les arguments sur l'article précédent. Toutefois, je tiens à insister car s'il est bien de ne pas vouloir alourdir les prolégomènes d'une vente, je rappelle qu'il y a tout de même un certain nombre de sinistres extrêmement graves sur la teneur et la solidité des terrains, notamment des carrières. On serait bien avisé, me semble-t-il, d'essayer de se prémunir des accidents à venir.
M. François Gerbaud. Clamart !
M. Jean-Pierre Schosteck. Clamart, par exemple.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement me paraît pertinent compte tenu des évolutions constatées au cours des dernières années.
Depuis peu - c'est sans doute l'une des conséquences des lois de décentralisation qui ont été adoptées en 1982 et, surtout, une des conséquences de la loi sur l'eau votée en 1992 - les collectivités ont la charge d'instruire tous les dossiers d'assainissement. Or pour l'instruction de ces dossiers, il est exigé dorénavant du futur candidat constructeur de fournir des études de sol. Si nous ne travaillons pas suffisamment en amont, les frais liés à la construction varieront en fonction de la nature du sous-sol et de la situation du terrain.
Cette nouvelle donne, qui, je le répète, est une des conséquences de la loi de 1992, mériterait d'être intégrée dans nos futures dispositions législatives, afin de permettre de préserver les droits des acquéreurs et pour que ces derniers ne soient pas trompés sur la qualité de la marchandise. En effet, il est bien évident que la valeur du terrain n'est pas du tout la même selon qu'il faut ou non y réaliser un type d'assainissement lourd et onéreux.
C'est la raison pour laquelle j'adhère au moins pour partie à l'amendement n° 631 qui vient d'être défendu par M. Schosteck. Je ne sais pas comment il faut introduire ce type de dispositions dans le droit, car je comprends les appréhensions de M. le rapporteur quant à la lourdeur des procédures qui pourraient résulter de ce dispositif, et donc à la complexité des transactions.
Cela étant, c'est un fait qui est le résultat d'une disposition législative adoptée en son temps par le Parlement. Il faut aussi en tirer des enseignements et en mesurer les conséquences.
Je ne sais pas si la solution est celle que propose M. Schosteck. Cependant, si celle-ci est adoptée, elle aura au moins le mérite de nous obliger à trouver une solution qui soit adaptée à ce type de problème.
C'est la raison pour laquelle je serai tenté, dans un premier temps, de suivre la proposition de M. Schosteck.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. J'ai bien entendu les arguments de M. Schosteck. Il est vrai que, dans certains cas, le manque de connaissance du sous-sol peut poser un véritable problème. Pour autant, en secteur diffus - et je tiens à attirer l'attention du Sénat sur ce point - la difficulté de mise en oeuvre d'une telle disposition serait de nature à bloquer toute transaction et sans doute à générer des difficultés majeures dans l'activité de la construction.
Je le répète, vous avez partiellement satisfaction avec les dispositions que nous avons proposées tout à l'heure en matière de dimensionnements. Mais, pour l'expertise géotechnique, nous ne pouvons pas nous lancer dans ce dispositif en secteur diffus. On aurait pu l'imaginer - peut-être faudra-t-il l'imaginer un jour - pour les ZAC ou pour les lotissements. Cela n'a pas été fait et, malheureusement, les articles concernés ont déjà été votés.
Cependant, s'agissant du secteur diffus, je demande à notre assemblée d'être extrêmement sage en la matière, afin de faciliter les transactions dans l'avenir.
Plusieurs sénateurs de l'Union centriste. Il a raison !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 631, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 135, M. Jarlier, au nom de la commission des lois, propose de compléter l'article 28 par un paragraphe IV ainsi rédigé :
« IV. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er octobre 2000. »
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Il s'agit de ménager un délai suffisant pour que les vendeurs et les acquéreurs puissent prendre connaissance des nouvelles exigences légales relatives aux délais de rétractation et aux possibilités, désormais restreintes, d'effectuer un versement avant l'expiration de ces délais.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 135, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 28, modifié.
(L'article 28 est adopté.)
Article additionnel après l'article 28
ou après l'article 30
bis