Séance du 10 mai 2000
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 151, M. Jarlier, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 30 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, il est inséré un article 46-1 ainsi rédigé :
« Art. 46-1. - Le diagnostic technique préalable à la mise en copropriété d'un immeuble construit depuis plus de quinze ans prévu à l'article L. 111-6-2 du code de la construction et de l'habitation est porté à la connaissance de tout acquéreur par le notaire lors de la première vente des lots issus de la division et lors de toute nouvelle mutation réalisée dans un délai de trois ans à compter de la date du diagnostic. »
Par amendement n° 659, MM. Lassourd, André, Bernard, Besse, Braye, Cazalet, Chérioux, Darcos, Demuynck, Descours, Doublet, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, François, Gélard, Gérard, Gerbaud, Giraud, Haenel, Joyandet, Karoutchi, Lanier, Larcher, Leclerc, Le Grand, Murat, Neuwirth, Ostermann, Peyrat, de Richemont, Schosteck, Souvet, Vasselle et Vial proposent d'insérer, après l'article 28, un article additionnel rédigé comme suit :
« Les personnes réalisant la mise en copropriété d'immeubles construits depuis plus de quinze ans devront faire procéder à un audit technique du bâtiment et de ses équipements. Cet audit devra être porté à la connaissance de tout acquéreur de lot par le notaire chargé de la vente. »
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 151.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à reprendre une disposition insérée par l'Assemblée nationale à l'article 28 en en précisant les contours. Il inscrit dans la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis l'obligation de porter à la connaissance de l'acquéreur d'un lot le diagnostic technique prévu par le code de la construction et de l'habitation pour la mise en copropriété des immeubles construits depuis plus de quinze ans.
Il prévoit cependant de n'imposer cette mesure d'information que lors de la première vente du lot et lors des ventes de ce même lot susceptibles d'intervenir dans un délai de trois ans. Il s'agit d'éviter que cette obligation ne se perpétue indéfiniment dans le temps, tout en dissuadant certaines personnes peu scrupuleuses de procéder à une première vente à un acquéreur complice qui serait ensuite libéré de toute obligation d'information lors de la revente desdits lots.
M. le président. La parole est à M. Lassourd, pour défendre l'amendement n° 659.
M. Patrick Lassourd. L'amendement n° 659 vise les mêmes objectifs que celui qui a été défendu par M. Jarlier, quoiqu'il y ait quelques petites différences.
Le projet de loi comporte certaines mesures qui concernent les accédants, notamment le délai de rétraction de sept jours et les interdictions de mise en copropriété d'immeubles ayant fait l'objet d'un arrêté de péril, déclarés insalubres. Cependant, la mise en copropriété d'immeubles anciens aboutit souvent à mettre en difficulté les accédants - anciens locataires ou jeunes ménages - lorsque ceux-ci sont soudainement confrontés à de lourds travaux dont ils n'avaient pas été avertis lors de leur acquisition, et alors qu'ils n'ont plus de garantie à offrir à leur banque. Les personnes procédant à la mise en copropriété d'immeubles anciens devraient être tenues de communiquer au notaire chargé de la vente un « audit technique » de l'immeuble et de ses équipements. D'ailleurs, un projet de loi sur l'organisation de la profession de marchand de biens avait prévu une telle obligation.
Cet amendement est quelque peu différent de celui qui est présenté par le rapporteur pour avis M. Jarlier. En effet, il prévoit qu'il sera procédé à un audit technique du bâtiment. Il prévoit également que cet audit devra être porté à la connaissance de tout acquéreur de lot par le notaire chargé de la vente, et non pas uniquement dans les conditions un peu restrictives énoncées dans l'amendement de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 151 et 659 ?
M. Louis Althapé, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 151. En revanche, elle considère, a priori , que l'amendement n° 659 est satisfait par les amendements n°s 139 et 151 présentés par la commission des lois. Elle souhaite cependant entendre l'avis du rapporteur saisi pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. L'amendement n° 659 est pour ainsi dire satisfait, puisque les amendements n°s 139 et 151 de la commission des lois précisent la notion de diagnostic technique à effectuer préalablement à toute mise en copropriété d'un immeuble construit depuis plus de quinze ans et prévoient les modalités d'information de l'acquéreur.
M. le président. Monsieur Lassourd, l'amendement n° 659 est-il maintenu ?
M. Patrick Lassourd. Cet amendement n'est en effet pas totalement satisfait, mais je le retire, pour être agréable à M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 659 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 151 ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 151.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Après le rejet de l'amendement présenté par M. Schosteck, je ne peux résister à la tentation de réagir sur le présent amendement. En effet, il y a une certaine forme d'incohérence dans nos débats et dans nos décisions. En ce qui concerne les terrains, on ne retient pas la nécessité d'un diagnostic géotechnique. En revanche, lorsqu'il s'agit de bâtiments et de mise en copropriété d'un immeuble, on est prêt à accepter des audits ou des diagnostics techniques, qui vont avoir un coût pour le vendeur. Permettez-moi de m'étonner de l'attitude assez variable qui a été adoptée par les membres de la commission suivant la nature du bâtiment, la nature du sol, le type de construction et la situation du terrain.
Lorsque nos concitoyens iront devant le notaire, ce dernier aura peut-être du mal à leur expliquer les raisons pour lesquelles, dans un cas, on exige qu'un minimum d'éléments soient portés à la connaissance de l'acquéreur alors que, dans un autre cas, il est préférable de s'affranchir de ces éléments pour des raisons qui tiennent à la complexité et à la lourdeur des procédures. Les droits de l'acquéreur ne seront pas défendus de la même manière selon qu'il s'agit d'un bâtiment ou d'un terrain. M. Alain Lambert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Je n'ai pas eu la chance de pouvoir suivre tous les débats en raison des travaux de la commission des finances et je vais devoir vous quitter à nouveau dans quelques minutes. Cependant, je voudrais indiquer, à titre d'explication de vote, que j'éprouve un certain effroi. Certes, le souci de la protection du consommateur nous habite tous, mais je crois que M. Vasselle vient à juste titre de nous alerter sur le fait que nous sommes en train d'introduire dans la norme un nombre de précautions supplémentaires qui deviennent insupportables.
Vous savez, mes chers collègues, qu'un acte de transfert d'un bien immobilier comporte déjà, pour une faible partie, du droit, et, pour la plus grande partie des pièces administratives. Si, au terme de l'examen de ce texte, nous donnons encore de l'embonpoint à cette partie administrative, le consommateur sera peut-être protégé, certes, mais je souligne, à la suite de M. Vasselle, que cela se fera au moyen de prestations qui sont toutes rémunérées. Le coût de la protection se retourne donc contre le consommateur lui-même.
Mes chers collègues, si vous êtes habités par l'idée qu'il faut protéger pendant trente ans l'acquéreur immobilier contre tous les risques qu'il peut courir de par son acquisition, sachez qu'il s'agit d'une chimère.
M. Patrick Lassourd. Absolument !
M. Alain Lambert. Il faut en effet impérativement que tous les abus dont a pu être victime l'acquéreur d'un bien immobilier, comme tout acquéreur d'un autre bien, soient sanctionnés par les juridictions, et ce le plus sévèrement possible. Toutefois, je vous mets en garde contre l'illusion qui résulterait de l'accumulation de formalités administratives préalables constituant un invraisemblable parcours du combattant, car le temps qui s'écoule entre la conclusion de l'avant-contrat, dont nous avons longuement parlé tout à l'heure, et celle du contrat définitif est déjà de plus en plus long. Il atteint actuellement au moins deux mois, et le plus souvent trois ; au train où nous allons, il sera bientôt de six mois. Personnellement, je pense qu'il ne faudrait pas aller au-delà de l'amendement de la commission.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Intervenant après M. Lambert, il est difficile de trouver de nouveaux arguments. Je me rallie tout à fait à ce qui vient d'être dit. Je suis un peu effaré de constater que nous alourdissons sans cesse la loi. A force de vouloir protéger, on aboutira à un tel fouillis de textes que le citoyen lambda se demandera s'il doit se lancer dans cette aventure.
Aussi, je voterai contre cet amendement, - et je le regrette pour M. le rapporteur - afin de montrer notre attachement à la simplification plutôt qu'à la complexification.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur. Je tiens simplement à rassurer les orateurs qui viennent de s'exprimer. Le diagnostic technique, même s'il est rendu obligatoire, aura toutefois une portée limitée : il concernera la solidité du clos et du couvert, l'état des conduites et canalisations collectives, ainsi que les équipements communs et de sécurité.
Sans doute des acquéreurs, lors de la réalisation de certaines copropriétés, se sont-ils trouvés confrontés à des difficultés qu'ils n'avaient pu prévoir en raison de l'absence de réalisation d'un diagnostic. En tout cas, ce n'est pas rendre service à quelqu'un que de lui proposer d'acheter un local si, cinq ans après, il faut refaire la charpente, la couverture, ou engager des travaux très importants en termes de sécurité.
C'est donc pour prévenir ce type de difficultés que l'amendement n° 151 a été déposé.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 151, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30 bis .
Article 28 bis