SEANCE DU 5 OCTOBRE 2000


M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 16 rectifié est présenté par MM. Deneux, Nogrix, Grignon et Moinard.
L'amendement n° 22 est déposé par M. Bizet et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 24 est présenté par M. Pastor, Mme Boyer et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous trois tendent à insérer, après l'article 14, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Après l'article L. 640-3 du code rural, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Pour les volailles ne bénéficiant pas d'un signe d'identification au sens de l'article L. 640-2, la référence aux modes d'élevage concernant l'alimentation ne peut être utilisée, dans le respect de la réglementation communautaire en vigueur, que dans des conditions fixées par décret portant notamment sur les modalités de contrôle régulier.
« La référence au mode d'élevage "élevé à l'intérieur, système extensif" et "sortant à l'extérieur", ainsi qu'à l'âge d'abattage, ne peut être utilisée que sur les volailles ayant donné lieu à la délivrance par l'autorité administrative d'un signe d'identification que sont la certification de conformité, le label, l'appellation d'origine contrôlée ou la certification du mode de production biologique.
« Les mentions "fermier-élevé en plein air" ou "fermier-élevé en liberté" ne peuvent être utilisées que sur les volailles bénéficiant d'un label, d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une certification du mode de production biologique.
« Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux productions à petite échelle destinées à la vente directe ou locale visées à l'article 3, paragraphe 5, de la directive 71/118/CEE. »
« II. - Après l'article L. 112-2 du code de la consommation, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Les conditions d'utilisation des mentions relatives au mode d'élevage des volailles sont déterminées par l'article L. ... ( cf. I ci-dessus) du code rural reproduit ci-après :
« Art. L. ... . - Pour les volailles ne bénéficiant pas d'un signe d'identification au sens de l'article L. 640-2, la référence aux modes d'élevage concernant l'alimentation ne peut être utilisée, dans le respect de la réglementation communautaire en vigueur, que dans les conditions fixées par décret portant notamment sur les modalités de contrôle régulier.
« La référence au mode d'élevage "élevé à l'intérieur, système extensif" et "sortant à l'extérieur", ainsi qu'à l'âge d'abattage, ne peut être utilisée que sur les volailles ayant donné lieu à la délivrance par l'autorité administrative d'un signe d'identification que sont la certification de conformité, le label, l'appellation d'origine contrôlée ou la certification du mode de production biologique.
« Les mentions "fermier-élevé en plein air" ou "fermier-élevé en liberté" ne peuvent être utilisées que sur les volailles bénéficiant d'un label, d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une certification du mode de production biologique.
« Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux productions à petite échelle destinées à la vente directe ou locale visées à l'article 3, paragraphe 5, de la directive 71/118/CEE. »
« III. - Dans l'article L. 115-25 du code de la consommation, les mots : "des articles L. 643-2 à L. 643-7 du code rural" sont remplacés par les mots : "du titre IV du livre VI du code rural". »
La parole est à M. Deneux, pour présenter l'amendement n° 16 rectifié.
M. Marcel Deneux. Le règlement (CEE) n° 1906/90 du Conseil établissant les normes de commercialisation pour la viande de volaille prévoit que l'indication du mode d'élevage utilisé est soumis à un contrôle régulier effectué soit par les services de contrôle de l'Etat, soit par des organismes agréés et surpervisés par l'Etat.
Aussi, afin de répondre à une demande légitime des consommateurs, tout producteur pourra faire apparaître les caractéristiques de l'alimentation de ses volailles, sous réserve d'avoir été soumis à ce contrôle et de satisfaire aux conditions requises par la réglementation communautaire susvisée.
Les mentions valorisantes « fermier-élevé en plein air » et « fermier-élevé en liberté », qui caractérisent des produits de qualité supérieure, sont réservées aux produits qui bénéficient d'un label, d'une appellation d'origine contrôlée ou qui sont certifiés selon le mode de production biologique. Toutefois, les petites productions destinées à la vente directe ou locale - visées à l'article 3, paragraphe 5, de la directive 71/118/CEE - bénéficient d'une dérogation à ce principe, qui est prévue par la réglementation communautaire.
Enfin, la modification de l'article L. 115-25 du code de la consommation a pour effet de qualifier les services officiels de contrôle pour la recherche et la constatation des infractions à ces dispositions,
M. le président. La parole est à M. Bizet pour présenter l'amendement n° 22.
M. Jean Bizet. Je souscris à l'argumentaire de M. Deneux.
M. le président. La parole est à M. Pastor pour défendre l'amendement n° 24.
M. Jean-Marc Pastor. Je fais également miennes les explications de M. Deneux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ces amendements, qui répondent à l'inquiétude de nombreux éleveurs.
J'ajoute que ces dispositions trouvent mieux leur place dans ce texte d'adaptation à la réglementation communautaire que dans tel autre texte ultérieur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est tout à fait favorable à ces amendements. Je regrette parfois de ne plus être parlementaire : si je l'étais encore, j'aurais moi-même déposé un tel amendement ! (Très bien ! et sourires sur de nombreusestravées.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les trois amendements identiques n°s 16 rectifié, 22 et 24.
M. Charles Revet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Bien entendu, je voterai ces trois amendements identiques.
Monsieur le ministre, je note que la réglementation, qui se fait de plus en plus pesante, s'oriente vers la suppression des produits dits « fermiers ». Nous sommes ici unanimes à le regretter. D'ailleurs, tous ceux qui aiment les bons produits considèrent que l'attribution du qualificatif « fermier » est une excellente chose.
Les amendements en discussion contiennent effectivement une esquisse de définition de ces produits, et je l'approuve. Cela étant, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous précisiez quand et selon quels critères sera mieux définie la notion de produit fermier.
Il y a quelque temps, dans la perspective de la réalisation d'un projet, j'ai interrogé la direction de la répression des fraudes afin de savoir ce qu'était exactement un produit fermier. Voici ce que mon interlocuteur m'a répondu : « C'est un produit qui sort de la ferme ! » (Sourires.)
Devant ma demande d'explications complémentaires, on m'a seulement indiqué combien il était difficile de définir une telle notion.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'évoquer deux situations qui montrent à quel point il est nécessaire qu'un texte réglementaire intervienne pour que cette notion soit encadrée plus précisément qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Prenons d'abord l'exemple d'un producteur laitier - mais on pourrait évidemment raisonner de la même manière avec d'autres produits - qui possède une exploitation de 400 ou 500 hectares, qui en tire donc un volume assez important, et qui décide de commercialiser lui-même sa production.
Dans un souci de sécurité sanitaire, il installe chez lui un dispositif de pasteurisation ou de stérilisation.
Le produit qu'il vend alors directement est bien, selon le critère retenu par la direction de la répression des fraudes, un produit fermier puisqu'il « sort de la ferme ».
Soit !
Prenons maintenant l'exemple des quatre ou cinq producteurs laitiers exploitant chacun vingt ou trente hectares et qui veulent également commercialiser eux-mêmes leur production. N'ayant pas, chacun, la possibilité de réaliser les investissement nécessaires, ils se regroupent et installent un atelier commun à proximité de leurs exploitations. Ils transforment leur produit suivant la méthode traditionnelle, c'est-à-dire sans additif ni conservateur.
Malheureusement, là, leur produit ne sort pas de la ferme, et ce n'est donc pas un produit fermier !
Pourtant, monsieur le ministre, dans l'esprit du consommateur, un produit fermier est avant tout un produit qui a été transformé suivant les méthodes traditionnelles, même s'il ne sort pas concrètement de la ferme.
Il faut sortir de cette ambiguïté, monsieur le ministre. J'avais un jour, dans cet hémicycle, proposé une définition, à l'occasion de l'examen d'un texte de loi. Il m'a été objecté qu'une telle définition relevait du domaine réglementaire.
Monsieur le ministre, ma question est donc simple : a-t-on préparé un texte réglementaire définissant leproduit fermier et quand sera-t-il publié ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Revet, les exemples que vous avez évoqués - mais il y en a bien d'autres - sont extrêmement pertinents, et ils montrent que la tâche n'est pas si simple.
Il est exact que cette définition relève du domaine réglementaire. Toutefois, la hiérarchie des normes étant ce qu'elle est, il nous fallait cette base législative pour pouvoir publier le décret. Lorsque ces trois amendements auront été adoptés, nous pourrons accélérer notre travail de mise au point du décret. Des fonctionnaires du ministère ont évidemment déjà entamé ce travail. Mais, compte tenu de la diversité des situations en cause et de la délicatesse des problèmes à résoudre - j'ai beaucoup étudié ce sujet -, l'élaboration du décret exige une étroite concertation avec les organisations professionnelles : il ne s'agit pas de mettre le feu à nos campagnes avec une réglementation qui déséquilibrerait un certain nombre de productions !
Pour l'heure, je peux donc vous assurer, monsieur Revet, que nous nous emploierons à publier le décret en question aussi vite que possible, mais nous ne pouvons agir dans la précipitation s'agissant de problèmes extrêmement sensibles. Avec la base législative dont nous allons disposer désormais, nous poursuivrons notre travail dans la concertation et nous ferons en sorte que le décret paraisse dans les meilleurs délais.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les trois amendements identiques n°s 16 rectifié, 22 et 24, acceptés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14.

Articles 15 et 16