SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000


M. le président. « Art. 64. - Il est inséré, après l'article 157-2 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée, un article 157-3 ainsi rédigé :
« Art. 157-3 . - Le rapport rend compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque mandataire social et à chacun des dix salariés les mieux rémunérés.
« Il indique également le montant des rémunérations et des avantages de toute nature que chacun de ces mandataires et de ces salariés a reçu durant l'exercice de la part des sociétés contrôlées au sens de l'article 357-1.
« Ce rapport comprend également la liste de l'ensemble des mandats et fonctions exercés dans toute société par chacun de ces mandataires et de ces salariés durant l'exercice.
« Il rend également compte :
« - du nombre, des dates d'échéance et du prix des options de souscription ou d'achat d'actions qui, durant l'année et à raison des mandats et fonctions exercés dans la société, ont été consenties à chacun de ces mandataires par la société et par celles qui lui sont liées dans les conditions prévues à l'article 208-4 ;
« - du nombre, des dates d'échéance et du prix des options de souscription ou d'achat d'actions qui ont été consenties durant l'année à chacun de ces mandataires, à raison des mandats et fonctions qu'ils y exercent, par les sociétés contrôlées au sens de l'article 357-1 ;
« - du nombre et du prix des actions souscrites ou achetées durant l'exercice par les mandataires sociaux de la société en levant une ou plusieurs des options détenues sur les sociétés visées aux deux alinéas précédents.
« Ce rapport indique également :
« - le nombre, le prix et les dates d'échéance des options de souscription ou d'achat d'actions consenties, durant l'année, par la société et par les sociétés ou groupements qui lui sont liés dans les conditions prévues à l'article 208-4, à chacun des dix salariés de la société non mandataires sociaux dont le nombre d'options ainsi consenties est le plus élevé ;
« - le nombre et le prix des actions qui, durant l'année, ont été souscrites ou achetées, en levant une ou plusieurs options détenues sur les sociétés visées à l'alinéa précédent, par chacun des dix salariés de la société non mandataires sociaux dont le nombre d'actions ainsi achetées ou souscrites est le plus élevé. »
Sur cet article, je suis d'abord saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 302 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 110 est proposé par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 578 est présenté par le Gouvernement.
Tous trois tendent à rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 64 :
« Il est inséré, après l'article L. 225-102 du code de commerce, un article L. 225-102-1 ainsi rédigé : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ces amendements ont déjà été présentés.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 578.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 302, 110 et 578.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 303 rectifié est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 111 rectifié est proposé par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent à remplacer les deuxième à dernier alinéas de l'article 64 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 225-102-1. - Le rapport visé à l'article L. 225-102 rend compte de la rémunération totale versée et des avantages de toute nature attribués à chaque mandataire social ainsi que du montant des rémunérations et des avantages de toute nature reçus des sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16 par chacun d'eux, au cours de l'exercice.
« Ce rapport mentionne également la liste de l'ensemble des mandats et fonctions exercés dans toute société par chacun de ces mandataires au cours de l'exercice. »
Par amendement n° 580, le Gouvernement propose :
I. - 1° Au deuxième alinéa de l'article 64, avant les mots : « Le rapport », d'ajouter la mention : « I ».
2° Au cinquième alinéa de cet article, avant les mots : « Il rend également compte », d'ajouter la mention : « II ».
3° Au neuvième alinéa de cet article, avant les mots : « Ce rapport indique », d'ajouter la mention : « III ».
II. - Aux sixième, septième et huitième alinéas de cet article, de remplacer les tirets respectivement par : « 1°, 2° et 3° ; ».
III. Aux dixième et onzième alinéas de cet article, de remplacer les tirets respectivement par : « 1° et 2° ».
Par amendement n° 402, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat proposent :
I. - A la fin du deuxième alinéa de l'article 64, après les mots : « mandataire social », de supprimer les mots : « et à chacun des dix salariés les mieux rémunérés » ;
II. - Dans les troisième et quatrième alinéas de cet article, de supprimer les mots : « et de ces salariés ».
Par amendement n° 579, le Gouvernement propose aux deuxième, troisième, sixième, septième et dixième alinéas de l'article 64, de remplacer les références : « 157-3, 208-4 et 357-1 » respectivement par les références : « L. 225-102-1, L. 225-180 et L. 233-16 ; ».
Par amendement n° 429, M. Delfau propose, après le quatrième alinéa de l'article 64, d'insérer un nouvel alinéa rédigé comme suit :
« Il rend compte, auprès d'un organisme composé de membres de la Commission des opérations de Bourse, de représentants d'associations d'actionnaires et de membres du Parlement, des conséquences environnementales et sociales des activités de la société en matière d'aménagement du territoire et de création d'emplois. »
Par amendement n° 408 rectifié, M. Angels et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter l'article 64 par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le rapport indique également la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité.
« Un décret en Conseil d'Etat précise la liste des informations requises dans ce cadre.
« Cette information fait l'objet d'un examen par un organisme indépendant.
« Pour les sociétés du premier marché, cette disposition prend effet à compter de la publication du rapport annuel 2001.
« Pour les autres sociétés, cette disposition prend effet à compter de la publication du rapport annuel 2002. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 641 présenté par le Gouvernement et tendant :
I. - Au début du premier alinéa de cet amendement, à ajouter la mention : « I » ;
II. - Dans le deuxième alinéa de cet amendement, à insérer les mots : « dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé » entre les mots : « dont la société » et les mots : « prend en compte » ;
III. - A supprimer le quatrième alinéa de cet amendement ;
IV. - A supprimer les guillemets au début des deux derniers alinéas de cet amendement et à les remplacer respectivement par les mentions : « II » et « III » ;
V. - Dans les deux derniers alinéas de cet amendement, à remplacer les mots : « cette disposition » par les mots : « l'article L. 225-102-1 du code de commerce ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 303 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce sujet délicat est l'un des rares sujets médiatiques de ce projet de loi, c'est-à-dire la transparence des rémunérations et des allocations d'options de souscriptions d'achat d'actions, que nous examinerons un peu plus tard.
Les positions prises par nos commissions sont les suivantes : bien entendu, nous sommes pour les progrès de la transparence - nous ne cessons de le dire et nous y croyons beaucoup - mais nous estimons que le corps social s'adapte progressivement et qu'il n'est pas utile de trop le brusquer, en tout cas de définir dans la loi des contraintes dont les effets pervers seraient multiples.
S'agissant des rémunérations, nous sommes favorables à la publication des rémunérations individuelles des mandataires sociaux. En ce qui concerne les entreprises cotées, cela nous semble aller de soi.
Pour ce qui est des sociétés non cotées, transparence individuelle à l'égard des actionnaires, oui ; à l'égard du public ou de l'extérieur, nous émettons de grandes réserves, car il nous semble que le fait que la rémunération du gérant d'une très petite société soit publiée et connue de tous dans sa rue, dans son quartier, dans sa petite commune, n'est pas nécessairement facile à assumer. Les rémunérations d'un très grand nombre de ces gérants ou de dirigeants de ces petites ou, le cas échéant, très petites entreprises, apparaîtront à l'extérieur soit exagérément faibles, soit exagérément élevées, et tout cela n'est probablement pas vraiment maîtrisable.
Donc, transparence individuelle pour les mandataires sociaux, oui, et vis-à-vis des actionnaires dans toutes les sociétés, oui ; publication de ces informations individuelles pour les sociétés cotées, oui ; individualisation de ces informations à destination des actionnaires pour les sociétés non cotées, oui, mais pas d'obligation de publication à l'égard des tiers pour cette dernière catégorie de sociétés.
Enfin, j'ajoute que la publication individuelle pour les dix salariés les mieux rémunérés nous semble, à ce stade, être du domaine des fausses bonnes idées. En effet, comment peut-on prévoir une disposition aussi générale, sans tenir compte de la nature des sociétés ? S'agit-il de dix salariés sur un effectif de dix ? S'agit-il de dix salariés sur un effectif de cinquante mille ? Dans un groupe de sociétés implantées dans un certain nombre de pays, cette obligation sera-t-elle uniquement à la charge des salariés rémunérés par une société française ? Ne sera-t-elle pas applicable à l'égard d'un salarié, même mieux rémunéré, mais qui le serait par une entité de droit étranger ? Est-il, par ailleurs, vraiment opportun de désigner, en dehors des mandataires sociaux, des salariés particulièrement bien rémunérés pour les placer ainsi sous l'oeil de l'extérieur et - pourquoi pas ? - des cabinets de recrutement essayant de trouver, ici ou là, les meilleurs talents ? Toutes les questions qui sont posées par cette proposition de transparence individuelle des rémunérations de chacun des dix salariés les mieux rémunérés nous conduisent à ne pas adhérer à ce principe, madame le ministre.
L'amendement n° 303 rectifié est le premier d'une série d'amendements dont je viens de dégager l'esprit général.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 111 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Bien entendu, je suis d'accord avec ce que vient de dire M. le rapporteur. J'ajouterai que notre dispositif ne concerne pas les mandataires sociaux puisque, à cet égard, nous souhaitons, comme le Gouvernement l'avait prévu lors du dépôt du projet de loi, la transparence.
Pour les salariés, de plus, la publicité de données à caractère nominatif pourrait vraiment poser problème, notamment en ce qui concerne l'atteinte à la vie privée des personnes concernées. Je ne vois donc pas au nom de quoi on rendrait publiques les rémunérations de salariés, et nous savons bien que cela soulèverait d'autres difficultés. En effet, une société anonyme prospère peut très bien ne comporter que huit ou neuf salariés, et l'on devrait alors publier tous les salaires versés par cette société.
En outre, que représentent dans un très grand groupe industriel, qui peut quelquefois compter 50 000 salariés, les dix salariés les mieux rémunérés ? Cela n'a pas de sens, en fait.
Cette mesure paraît donc vraiment un peu dérisoire eu égard au souci de transparence, laquelle doit bien sûr concerner les mandataires sociaux. Je crois d'ailleurs que, tant dans le rapport Vienot que parmi les organisations patronales, on a exprimé le souhait que la transparence s'applique maintenant à ceux-ci.
M. le président. La parole est à M. Cornu, pour présenter l'amendement n° 402.
M. Gérard Cornu. Certes, nous sommes tout à fait favorables à la transparence ; mais volonté de transparence ne veut pas dire curiosité ou voyeurisme. La publication des rémunérations des dix salariés les mieux payés est vraiment malvenue, et je suis par conséquent tout à fait d'accord avec les explications des rapporteurs de la commission des finances et de la commission des lois.
Les amendements n° 303 rectifié et 111 rectifié me paraissent simples et bien rédigés ; ils me conviennent parfaitement, et je retire donc l'amendement n° 402 à leur profit.
M. le président. L'amendement n° 402 est retiré.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter les amendements n°s 580 et 579.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit d'amendements de codification.
M. le président. L'amendement n° 429 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° 408 rectifié.
M. Marc Massion. Cet amendement tend à compléter l'article 64.
Dans leur rapport annuel, les sociétés cotées fournissent des informations à caractère social ou environnemental. Mais ces informations sont très inégales. Elles font l'objet soit d'un rapport annexe, soit d'une insertion dans le corps du texte du rapport annuel : toutes les entreprises ne traitent pas de la dimension sociale de l'activité de l'entreprise, et elles sont encore moins nombreuses à traiter de la dimension environnementale de cette activité.
Les informations fournies à cette occasion ne sont pas homogènes d'une société à l'autre et ne font l'objet d'aucun examen de la part d'un tiers.
Si l'on souhaite encourager le développement durable en France et si l'on souhaite que les entreprises rendent compte à leurs actionnaires de la manière dont elles traitent des enjeux sociaux et environnementaux attachés à leur activité, il paraît souhaitable de mettre un terme au flou qui entoure la publication de ces données.
Il s'agit donc d'obliger toutes les sociétés cotées à publier chaque année une information sociale et environnementale homogène ayant fait l'objet d'un examen de la part d'un organisme indépendant de la société ou du groupe.
La mise en conformité avec cette exigence doit laisser un délai d'adaptation aux entreprises ; l'échéance du rapport 2001, publié au printemps 2002, est la première échéance envisageable pour les entreprises du premier marché, un délai d'une année supplémentaire pouvant être retenu pour les autres sociétés.
Si le principe d'une telle orientation est retenu par ce projet de loi, il sera renvoyé aux textes réglementaires le soin d'établir précisément la liste des informations requises.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter le sous-amendement n° 641.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Ce sous-amendement vise, d'une part, à restreindre le dispositif aux sociétés cotées et, d'autre part, à ne pas prévoir un examen extérieur qui pourrait être assimilé à une certification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 111 rectifié, 580, 579 et 408 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 641 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 111 rectifié, qui est identique à son amendement n° 303 rectifié.
L'amendement n° 402 de M. Cornu a été retiré, mais il est en tout état de cause largement satisfait par les amendements identiques n°s 303 rectifié et 111 rectifié.
Les amendements n°s 579 et 580 sont des amendements de codification. Ils deviendront néanmoins sans objet si les amendements identiques n°s 303 rectifié et 111 rectifié sont adoptés.
J'en viens à l'amendement n° 408 rectifié et au sous-amendement n° 641. Compte tenu des précisions apportées, je crois pouvoir émettre un avis favorable de la part de la commission des finances. Cette dernière avait été plus que réservée, et même hostile, à plusieurs points de l'amendement n° 408 rectifié, en particulier à l'émergence d'un nouvel organisme indépendant dont elle n'avait pas compris le statut et le rôle. Visiblement, cette interrogation a été partagée par le Gouvernement puisque le sous-amendement n° 641 tend à supprimer l'obligation de faire examiner le rapport en question par ledit organisme indépendant. En outre, le Gouvernement propose de limiter le dispositif en le ciblant sur les seules entreprises dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Par conséquent, compte tenu de tous ces éléments, je peux, à titre personnel, émettre un avis de sagesse tout à fait favorable sur ce dispositif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 303 rectifié, 111 rectifié et 408 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme les deux rapporteurs, le Gouvernement souhaite renforcer la transparence des rémunérations. C'est d'ailleurs pourquoi il a proposé à l'Assemblée nationale, à l'article 64 de ce projet de loi, des dispositions visant à accroître l'information sur les rémunérations des mandataires sociaux.
L'Assemblée nationale a étendu les dispositions proposées par le Gouvernement pour les mandataires sociaux aux dix salariés les mieux rémunérés, ce qui, de l'avis du Gouvernement, ne présente pas une parfaite sécurité juridique.
Les amendements n°s 303 rectifié et 111 rectifié visent à renforcer l'information sur les rémunérations des seuls mandataires sociaux. Ils tendent aussi à clarifier l'articulation entre les articles 64 et 70 bis de la loi. Je ne suis pas hostile à ces précisions et je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
S'agissant de l'amendement n° 408 rectifié, le Gouvernement émet un avis favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 641. Je tiens d'ailleurs, à cet égard, à remercier M. Marini de s'être associé à mes observations.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 303 rectifié et 111 rectifié, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 580 et 579 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 641, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 408 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 64, modifié.

(L'article 64 est adopté.)

Article 64 bis (priorité)