SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000
M. le président.
« Art. 25
bis.
- Après l'article 450-2 du code pénal, il est inséré un
article 450-2-1 ainsi rédigé :
«
Art. 450-2-1
. - Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources
correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec
une ou plusieurs personnes se livrant aux activités visées à l'article 450-1
est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende. »
Par amendement n° 38, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit cet article :
« I. - Après l'article 450-1 du code pénal, il est inséré un article 450-1-1
ainsi rédigé :
«
Art. 450-1-1.
- Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F
d'amende le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son
train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs
personnes ayant commis un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans
d'emprisonnement au sein d'un groupement formé ou d'une entente établie en vue
de la préparation de cette infraction. »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 450-3 du même code, les mots : "de
l'infraction prévue par l'article 450-1" sont remplacés par les mots : "des
infractions prévues par les articles 450-1 et 450-1-1".
« III. - A la fin du premier alinéa de l'article 450-4 du même code, les mots
: "de l'infraction prévue par l'article 450-1" sont remplacés par les mots :
"des infractions prévues par les articles 450-1 et 450-1-1". »
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
L'Assemblée nationale a voulu créer une nouvelle
infraction pour faciliter la lutte contre le blanchiment. Fort bien ! Elle a
donc incriminé le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant
à son train de vie et d'être en relation avec des personnes participant à une
association de malfaiteurs.
Cependant, les éléments matériels de cette infraction nous paraissent trop
ténus pour pouvoir être retenus.
Je rappelle que, pour le trafic de stupéfiants ou le proxénétisme, la
référence au train de vie supérieur aux ressources est déjà utilisé. Toutefois,
dans ces deux cas, il faut que la personne soit en relation avec une personne
commettant une infraction qui a un résultat.
Dans le texte proposé par l'Assemblée nationale, il suffit d'être en relation
avec des personnes qui participent à une association de malfaiteurs. Or il
s'agit d'une « infraction obstacle », qui peut ne pas avoir de résultat.
L'infraction ainsi définie paraît donc trop large.
C'est pourquoi notre amendement tend à incriminer le fait de ne pouvoir
justifier de ressources correspondant à son train de vie et d'être en relation
avec des personnes ayant commis des infractions dans le cadre d'une association
de malfaiteurs. Il faut que l'association de malfaiteurs ait eu un résultat.
Cet amendement procède en outre à des coordinations.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Cet avis est défavorable.
L'amendement n° 38 tend à limiter l'incrimination du délit de « proxénétisme
de l'association de malfaiteurs », introduit par l'Assemblée nationale en
première lecture, aux cas dans lesquels cette association de malfaiteurs a
débouché sur la commission d'un crime ou d'un délit puni de cinq ans
d'emprisonnement.
Les éléments constitutifs du délit d'association de malfaiteurs n'exigent pas
que l'entente établie entre plusieurs personnes dans le dessein de commettre un
crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement de dix ans ait abouti à la
réalisation de ce crime ou de ce délit. Il suffit, en effet, que l'association
ait été concrétisée par un ou plusieurs actes matériels ayant pour but de
préparer l'infraction visée.
Il s'agit d'un délit autonome qui concrétise parfaitement le fonctionnement
des activités criminelles organisées.
En conséquence, la nouvelle infraction de « proxénétisme d'associations de
malfaiteurs » ne doit pas exiger, pour être établie, la réalisation effective
du crime ou du délit que l'association projetait de commettre.
Le mécanisme repose en fait sur une présomption simple de la responsabilité
pénale, qui impose à la personne poursuivie d'établir la preuve positive que
son train de vie est justifié par des ressources licites.
Cette souplesse a été souhaitée afin d'instituer un mécanisme d'allégement de
la charge de la preuve, dans le contexte de la lutte contre la criminalité
organisée, et afin de mieux lutter contre l'économie souterraine, dont
l'appréhension par les services de police judiciaire est, en l'état,
extrêmement délicate.
La répression des participants à une association de malfaiteurs sera ainsi
facilitée.
Il ne s'agit pas, d'ailleurs, d'une innovation juridique, puisque des
dispositifs similaires, qui ont fait la preuve de leur efficacité, existent
déjà dans le code pénal pour sanctionner le fait, pour une personne, de ne
pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, alors qu'elle
est en relations habituelles avec des personnes se livrant à la prostitution ou
à l'usage de stupéfiants, ou avec un mineur se livrant habituellement à des
crimes ou des délits.
Grâce aux précisions que je viens de vous apporter, il me semble que vous
disposez d'une réponse, monsieur le rapporteur pour avis. Je souhaite donc que
vous retiriez votre amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur pour avis, votre amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Précisément, ce que vient de nous indiquer Mme le
secrétaire d'Etat m'inquiète, parce que, en fin de compte, on aboutit à une
présomption de culpabilité. En droit pénal, ce n'est pas acceptable : il y a
tout de même des principes à sauvegarder.
Les libertés publiques sont toujours fragiles et, au nom de la lutte contre la
criminalité - je ne veux pas reparler de la détention provisoire, mais on
pourrait l'évoquer ! -, on finit par aboutir systématiquement à une présomption
de culpabilité : il faut prouver que l'on est innocent.
Non, madame le secrétaire d'Etat, cela va trop loin. Jusqu'à présent, il
fallait que les deux aspects soient bien liés et qu'il y ait réalisation. Au
nom de la défense des libertés publiques, je ne peux pas aller jusque là, quel
que soit le souhait que j'aie, comme vous, de lutter contre le blanchiment. La
justice et la police disposent déjà de moyens importants. Il ne faut pas aller
plus loin, il ne faut pas franchir une certaine ligne au-delà de laquelle on
risquerait de porter fortement atteinte aux libertés. En droit pénal, il ne
peut y avoir de présomption de culpabilité.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 25
bis
est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 25 bis (priorité)