SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 454 rectifié, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Loridant,
Saunier, Autexier, Bécart, Mme Beaudeau, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam,
Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeaud, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban,
Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion,
MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M.
Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu,
MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le
Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral,
Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal,
Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer, après
l'article 25
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 324-2 du code pénal, il est inséré un article 324-2-1
ainsi rédigé :
«
Art. 324-2-1. -
Le manquement manifeste répété et délibéré aux
obligations légales de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment des
produits de trafic de stupéfiants et de l'activité des organisations
criminelles est puni de deux ans d'emprisonnement et de 1 000 000 de francs
d'amende. »
« II. - Aux articles 324-3, 324-7, 324-8 et 324-9 du même code, la référence :
"324-2" est remplacée par la référence : "324-2-1". »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Cet amendement vise à réprimer le défaut de vigilance manifeste.
L'élément intentionnel est nécessaire pour que soit constitué le délit de
branchiment, en vertu de l'article 121-3 du code pénal. Or, la pratique montre
que cet élément intentionnel est souvent difficile à établir, la jurisprudence
exigeant la réunion d'éléments objectifs.
Pour notre part, nous estimons qu'il convient d'être particulièrement sévère
avec les personnes visées par l'article 3 de la loi, qui, sans pouvoir être
considérées comme complices du blanchiment au sens pénal, font preuve de façon
répétée et volontaire de négligence dans l'obligation de vigilance qui leur est
imposée.
Cet amendement s'est heurté à des objections lors du débat à l'Assemblée
nationale. Mme le garde des sceaux nous a dit qu'elle le jugeait peu conforme à
la tradition pénale française, qui prévoit le caractère facultatif de la
dénonciation des délits ; il a également été indiqué qu'il était préférable de
faire jouer les sanctions administratives.
Ces arguments ne nous ont pas convaincus.
D'abord, le faible nombre des sanctions administratives prononcées dans le
cadre intraprofessionnel - on relève trois sanctions à l'actif de la commission
bancaire ! - n'est pas de nature à nous persuader de leur efficacité. On notera
d'ailleurs que certaines professions expressément assujetties à l'obligation de
vigilance ne connaissent pas de contrôle disciplinaire - je pense notamment aux
notaires et aux agents immobiliers. Le fait que le nombre de déclarations ne
soit pas en hausse montre, du reste, à quel point de telles sanctions sont peu
incitatives.
Ensuite, on soulignera que les sanctions pénales existent dans d'autres pays
européens - huit sur quinze. Dans la mesure où nous soumettons l'application de
ces sanctions à trois conditions cumulatives - la répétition, le caractère
manifeste et la volonté de ne pas satisfaire à l'obligation de vigilance -,
l'amendement que nous vous proposons d'adopter n'est pas de nature à susciter
les inquiétudes que nous avons entendues : on est alors dans le cadre d'une
sorte de complicité d'intention frauduleuse.
C'est pourquoi je vous propose de nous suivre, avec les membres du groupe de
travail ATTAC, dans cette volonté de renvoyer les intermédiaires à leurs
responsabilités et d'adopter cette modification.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Sur cet aspect plus juridique qui concerne la création d'une
infraction de défaut manifeste de vigilance sanctionnée pénalement, les propos
que je tiendrai seront placés sous le contrôle de la commission des lois, car
nous sommes là au coeur de son
imperium
naturel.
Si je comprends bien, mes chers collègues, vous souhaitez donc créer une telle
infraction de défaut manifeste de vigilance. Les explications que vous nous
avez données nous permettent de comprendre le raisonnement que vous tenez et le
contexte dans lequel il se situe.
Cependant, aux termes de votre amendement, il serait très difficile de
désigner le responsable d'un tel manquement. Je crains donc que l'infraction
que vous souhaitez créer ne contrevienne au principe, rappelé très clairement
tout à l'heure, selon lequel tout délit doit être intentionnel. Si les
responsabilités sont diluées, notre droit, conformément à ses principes de
base, ne permet pas de sanctionner pénalement.
C'est en vertu de cette analyse que, pour ma part - encore une fois, je
m'exprime sous le contrôle de nos collègues de la commission des lois -,
j'émettrai un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat
Cette question, il est vrai, a déjà été posée à
l'Assemblée nationale, où Mme Elisabeth Guigou a indiqué qu'une telle
incrimination serait inutile et peu conforme à la tradition pénale
française.
Surtout, nous voulons mobiliser tout le monde pour la lutte contre le
blanchiment, et nous adressons cet appel à plusieurs professions. Il existe
déjà des sanctions disciplinaires. Si nous ajoutons une infraction, nous
risquons de démobiliser ceux qui seraient prêts, parce qu'ils sont parfaitement
honnêtes, à nous aider dans cette tâche. En effet, ils risqueraient de se
trouver eux-mêmes en infraction, alors que le but est de punir les coupables,
ce qu'ils ne sont pas.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement, même s'il en
comprend bien l'intention.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 454 rectifié.
M. Robert Bret.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Je retire l'amendement n° 454 rectifié, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 454 rectifié est retiré.
Article 26 (priorité)