SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000


M. le président. « Art. 68 bis. - I. - Les deux premiers alinéas de l'article 38 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée sont ainsi rédigés :
« Les parts sociales doivent être souscrites en totalité par les associés et intégralement libérées lorsqu'elles représentent des apports en nature. Les parts représentant des apports en numéraire doivent être libérées d'au moins un cinquième de leur montant. La libération du surplus intervient en une ou plusieurs fois sur décision du gérant, dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés.
« Le cas échéant, les statuts déterminent les modalités selon lesquelles peuvent être souscrites des parts sociales en industrie. »
« II. - 1. L'article 51 de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, pour les sociétés autres que coopératives, cette somme ne peut être inférieure ni au montant minimal du capital exigé pour la forme de la société par les dispositions législatives régissant celle-ci, ni au dixième du capital social stipulé dans les statuts. »
« 2. Les sociétés régies par les dispositions de la loi du 24 juillet 1867 précitée, immatriculées au registre du commerce et des sociétés à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, ont un délai de cinq ans pour se mettre en conformité avec les dispositions du présent article et notamment pour procéder à la libération de leur capital social. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 618, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le I de cet article :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 223-7 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Le cas échéant, les statuts déterminent les modalités selon lesquelles peuvent être souscrites des parts sociales en industrie. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 117 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 592 est présenté par le Gouvernement.
Tous deux tendent à rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 68 bis :
« I. - Les deux premiers alinéas de l'article L. 223-7 du code de commerce sont ainsi rédigés : ».
Par amendement n° 118, M. Hyest au nom de la commission des lois, propose de remplacer la première phrase du deuxième alinéa de l'article 68 bis par deux phrases ainsi rédigées :
« Les parts sociales doivent être souscrites en totalité par les associés. Elles doivent être intégralement libérées lorsqu'elles représentent des apports en nature. »
Par amendement n° 119, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose de compléter le deuxième alinéa de l'article 68 bis par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le capital social doit être intégralement libéré avant toute souscription de nouvelles parts sociales à libérer en numéraire, à peine de nullité de l'opération. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 618.
M. Philippe Marini, rapporteur. La mesure proposée par l'article 68 bis concerne le niveau de capital requis pour les SARL, si ma mémoire est bonne, et prévoit une libération échelonnée du capital sans pour autant relever le niveau du capital minimum. Cela part manifestement d'excellentes intentions.
Mais nous nous interrogeons, compte tenu de la sous-capitalisation manifeste de nombreuses entreprises, en particulier des plus petites, sur le réalisme d'un dispositif qui peut conduire de nombreux chefs d'entreprise à commencer leur activité sur la base d'aides publiques, avec très peu de trésorerie et sans fonds propres suffisants, ce qui n'est pas le meilleur gage du succès.
Il est en outre manifeste que ces entreprises nouvelles, sous-capitalisées, peuvent être génératrices d'illusions, car il leur faudra recourir au crédit bancaire. La banque - sauf dans certains cas, pour des montants limités - prendra des gages sur le patrimoine personnel ou familial du chef d'entreprise, avec toutes les conséquences, éventuellement graves, voire dramatiques, que l'échec de l'entreprise entraînera pour la vie de toute une famille, lorsque, par exemple, la maison de famille, hypothéquée, aura dû être vendue.
En son temps, et j'en ai le souvenir - par exemple lors de la discussion en 1994 de la loi « Madelin » - le président Etienne Dailly avait mis en garde contre de telles illusions. Il me semble tout à fait logique de le rappeler dans ces murs, car les gouvernements passent, les lois évoluent, mais les problèmes demeurent.
Dans le cas présent, madame le secrétaire d'Etat, la commission des finances tient à mettre en garde contre une disposition sans doute sympathique, sans doute agréable, mais pour l'essentiel très nominale, car elle donne des assurances sur le succès de projets d'entreprise qui ne seront pas nécessairement suivis d'effets.
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis, pour défendre les amendements n°s 117, 118 et 119.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Je partage le souci de M. le rapporteur en ce qui concerne les fonds propres des entreprises. Il y a effectivement beaucoup d'illusion, et je l'ai dit lors de la discussion générale. Je pense qu'il faudrait trouver autre chose. On arrive quelquefois à une mortalité forte des jeunes entreprises, mais on refuse de regarder la réalité en face, cela est d'ailleurs propre à notre pays.
Néanmoins, étant dans le système tel qu'il est, nous essayons de clarifier un certain nombre de points. Ainsi, nous prévoyons qu'il ne doit pas y avoir d'augmentation de capital s'il n'y a pas libération totale du capital. Autrement, on risque d'aboutir à un effet boule de neige, et donc de précipiter la chute.
En ce qui concerne l'amendement n° 118, si, avec le dispositif proposé, les parts sociales représentant des apports en numéraire peuvent être libérées d'au moins un cinquième de leur montant et, pour le surplus, dans un délai maximal de cinq ans, le capital social doit néanmoins être souscrit en totalité. Il est préférable de le préciser. Or la première phrase du premier alinéa de l'article L. 223-7 du code de commerce, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, prête à confusion. Il s'agit donc d'une clarification.
J'en viens à l'amendement n° 119. Comme cela est prévu pour les sociétés anonymes par l'article L. 225-131 du code de commerce, cet amendement prévoit qu'une augmentation du capital en numéraire dans une SARL ne soit possible que lorsque son capital initial a été totalement libéré. C'est ce que je disais tout à l'heure.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 592 et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 618, 117, 118, et 119.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 592 est un amendement de codification.
En ce qui concerne l'amendement n° 618, il est vrai que les états généraux de la création d'entreprise, à la suite de multiples réunions qui se sont tenues à la fois dans les régions et à Paris pour les préparer, ont conduit à proposer cet échelonnement par tranches du capital. Je ne peux donc pas m'opposer ici à une mesure que l'ensemble des partenaires avaient préparée et présentée au Premier ministre, lequel l'a acceptée en avril 2000. Je ne peux pas être en contradiction avec cette position, d'autant que, parallèlement, nous avons même autorisé les apports en industrie pour la formation du capital social - tout le monde en était d'accord - et puis, voilà quarante-huit heures, afin d'accompagner les créations d'entreprise, que nous espérons nombreuses, nous avons pu mettre sur pied un PCE, un prêt à la création d'entreprise - il s'agit de quasi-fonds propres - qui permet de répondre au souci que vous avez exprimé s'agissant des difficultés éventuelles engendrées par cette disposition.
Je trouve que vous ne faites pas assez confiance aux jeunes créateurs d'entreprise et aux réseaux d'accompagnement. Pour leur faire totalement confiance, nous avons même introduit, avec le prêt à la création d'entreprise, une obligation d'adhérer à l'un des réseaux d'accompagnement afin d'éviter que, faute d'avoir libéré le capital, on puisse se trouver en difficulté et l'utiliser comme si c'était une simple trésorerie. Effectivement, de nombreux créateurs, par ailleurs très forts en technologie, font parfois quelques erreurs de gestion. C'est pourquoi nous avons voulu cet encadrement, qui évite précisément les risques que vous redoutez.
Aussi, je serai défavorable à l'amendement n° 618. J'aurais même souhaité qu'il soit retiré, compte tenu de la clarté des débats lors des états généraux et du fait que nous avons pris en compte tous les dangers liés à cette libération échelonnée, y compris d'ailleurs dans l'écriture du PCE que j'évoquais à l'instant.
En revanche, monsieur Hyest, je pensais m'opposer à votre amendement n° 119 ainsi qu'à l'amendement n° 118 mais, comme vous proposez, si je comprends bien, de ne pas augmenter le capital tant que le capital initial n'a pas été libéré, je m'en remets à la sagesse du Sénat, car vos arguments me semblent intéressants.
J'aurais donc souhaité que l'amendement n° 618 soit retiré et que, peut-être sur les amendements n°s 118 et 119, vous preniez les responsabilités qui sont les vôtres, même si moi-même j'hésite encore à vous dire que je suis favorable à ces dispositions.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Philippe Marini, rapporteur. Les débats évoluent de manière tout à fait utile.
Sur le fond, je demeure convaincu du bien-fondé de l'argumentation que j'ai présentée au nom de la commission des finances mais, par souci de réalisme et compte tenu des pas que vous avez bien voulu faire dans le sens des travaux de nos commissions, madame le secrétaire d'Etat, et de l'avis que vous émettez sur les amendements de la commission des lois, je retire l'amendement n° 618 au profit des amendements n°s 118 et 119 qui encadrent correctement le dispositif. Je crois que nous aurons ainsi amélioré le texte et travaillé dans le sens du réalisme.
M. le président. L'amendement n° 618 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 117 et 592, acceptés par la commission.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 118, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 119, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 619 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 120 est proposé par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent à remplacer le 1 du II de l'article 68 bis par trois alinéas ainsi rédigés :
« II. - 1. Les deux alinéas de l'article L. 231-5 du code de commerce sont ainsi rédigés :
« Cette somme ne pourra être inférieure au dixième du capital social stipulé dans les statuts ni, pour les sociétés autres que coopératives, au montant minimal du capital exigé pour la forme de la société considérée par les dispositions législatives la régissant.
« Les sociétés coopératives sont définitivement constituées après le versement du dixième. »
Par amendement n° 593, le Gouvernement propose, dans le premier alinéa du 1 du II de l'article 68 bis , de remplacer les mots : "article 51 de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés", par les mots : "article L. 231-5 du code de commerce".
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 120.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis . Il s'agit d'un amendement de clarification. Il vise à faire en sorte que, contrairement à ce qui se passe actuellement du fait d'un défaut de cohérence entre diverses dispositions du code de commerce, les SARL à capital variable n'aient à libérer que le dixième de leur capital social, soit 5 000 francs.
La rédaction présentée par le projet de loi prêtait à interprétation et ne permettait pas nécessairement de résoudre ces contradictions, car l'exigence du seuil de 50 000 francs ne semblait porter que sur le montant du capital minimal, et non sur la libération du capital social exigé pour que la société soit constituée. Il s'agit d'une clarification incontestable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 619.
M. Philippe Marini, rapporteur. Même argumentaire que M. Hyest.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 593 et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 619 et 120. Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 593 est un amendement de codification.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s 619 et 120.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 619 et 120, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 593 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 594, le Gouvernement propose, au dernier alinéa de l'article 68 bis , de remplacer les mots : « de la loi du 24 juillet 1867 précitée », par les mots : « du chapitre Ier du titre III du livre II du code de commerce ».
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 594 accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 121, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose, dans le dernier alinéa de l'article 68 bis , de remplacer les mots : « à la date d'entrée en vigueur de la présente loi », par les mots : « à la date de promulgation de la présente loi ».
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Il est question d'« entrée en vigueur de la présente loi ». Nous, nous restons fidèles à la promulgation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je reste fidèle à la sagesse, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 122, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose, à la fin de l'article 68 bis , de supprimer les mots : « et notamment pour procéder à la libération de leur capital social ».
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M.Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Nous pourchassons le « notamment » car cela signifie qu'il faudrait en rajouter. De plus, il s'agit d'une notion dont la portée est purement pédagogique, qui n'a pas lieu d'être dans un texte de loi. Peut-être pourrait-elle figurer dans les explications ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. J'entends bien ce que vous dites, monsieur Hyest, mais le texte est juridiquement fondé. Il s'agit d'un article qui comporte des dispositions transitoires. Il importe de bien attirer l'attention des praticiens sur le délai dans lequel ils doivent se mettre en règle. Vous avez donc raison de parler de pédagogie, mais nous tenons à cette pédagogie car quand il s'agit de mesures transitoires mieux vaut être extrêmement clair. Nous sommes donc défavorables à cet amendement. Je pense même que vous auriez pu le retirer.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Comme, de toute manière, les praticiens liront le compte rendu des débats, ils sauront exactement de quoi il s'agit. Donc il n'est pas nécessaire de mettre cet adverbe dans la loi, surtout pour une mesure transitoire. En conséquence, l'amendement est maintenu. Monsieur le président, vous le savez bien, nous avons horreur du mot « notamment ».
M. Philippe Marini, rapporteur. Pourtant, c'est pratique ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 68 bis , modifié.

(L'article 68 bis est adopté.)

Chapitre VIII

Dispositions diverses et transitoires

Articles additionnels avant l'article 69 (priorité)