SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000
M. le président.
« Art. 13
quater
. - L'article 11 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984
précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Aux associations sans but lucratif faisant des prêts pour la création et
le développement d'entreprises par des chômeurs ou titulaires des minima
sociaux sur ressources propres et sur emprunts contractés auprès
d'établissements de crédit ou des institutions ou services mentionnés à
l'article 8, habilitées et contrôlées dans des conditions définies par décret
en Conseil d'Etat. »
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je voudrais demander au Gouvernement quel contrôle il
souhaite et peut mettre en place pour s'assurer que les activités de ces
associations ne débordent pas de leur objet et n'engendrent pas de risques
excessifs, notamment pour leurs dirigeants, responsables, comme tout dirigeant
d'association, des problèmes qui peuvent survenir.
Je souhaite donc obtenir quelques précisions sur ce point. En effet, il est
question d'associations de micro-crédit. C'est sympathique et très intéressant.
Cependant, comme chacun le sait, l'association est un outil certes merveilleux,
mais aussi dangereux. Quels sont les dispositifs qui permettraient de s'assurer
que l'on ne sort pas de la vocation de l'association et qu'on ne prend pas de
risque déraisonnable ?
Mme Marylise Lebranchu
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je comprends tout à fait l'inquiétude de M. le
rapporteur. Il est évident que cet article, qui sera bien encadré dans la suite
de la navette, appellera vraisemblablement des dispositions par décret.
S'agissant du type d'association, vous avez raison. Cependant, vos collègues de
l'Assemblée nationale ont tenu à cette rédaction faisant référence à des
associations existantes, bénéficiant déjà de systèmes de garantie qui leur sont
propres. Pour celles-là, il n'y a pas d'inquiétude, ni pour nous, ni pour vous.
Toutefois, si l'ouverture était trop large, il pourrait advenir d'autres types
de constitution d'associations de prêt.
Je considère votre propos comme une demande d'encadrement de l'article, ce qui
sera fait au cours de la navette. Je n'ai pas de réponse possible, sauf à
déposer immédiatement, ce que je ne peux pas faire, un sous-amendement, qui ne
serait pas de qualité.
M. le président.
La navette sera courte, madame le secrétaire d'Etat !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je suis heureux des propos de Mme le secrétaire d'Etat, car
si un problème se pose il faut le traiter. Toutefois, la navette ne permettra
pas de le résoudre. En effet, puisque nous n'avons pas pris l'initiative
d'amender cet article, il sera voté conforme, à moins que la commission ne
dépose maintenant un amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, ne serait-il pas plus sage de réserver l'article 13
quater
?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Nous ne voulons pas compliquer le débat. Nous souhaitons
simplement nous assurer que le dispositif ne déborde pas.
M. le président.
Je proposais de réserver l'article 13
quater
puisque Mme le secrétaire
d'Etat a reconnu ne pas être en mesure de vous apporter maintenant une
réponse.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je souscris à votre proposition, monsieur le président, et je
demande donc la réserve de l'article 13
quater
.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Ou bien c'est dans la loi et il faudrait rapidement
rédiger quelque chose, mais je ne vois pas comment on le ferait. Ou bien cela
ne l'est pas et il faut débattre avec la commission des finances sur
l'encadrement. Il est fait référence à des associations que vous connaissez
très bien et aux réseaux d'accompagnement qui sont soumis à des agréments pour
toutes les aides publiques. Cette soumission à l'agrément que nous avons tenu à
conserver et même à renforcer vient de l'être encore pour tout ce qui est prêt
à la création d'entreprise, pour les réseaux d'accompagnement reconnus, pour
les dispositifs en faveur des jeunes créateurs d'entreprise, des créateurs
d'entreprise ou des chômeurs créateurs d'entreprise.
Vous avez donc satisfaction, monsieur le rapporteur, pour tout ce qui a trait
à l'agrément. Aucune association se créant de façon fantaisiste et demandant à
des particuliers - parce que je pense que c'est ce que vous avez en tête -
d'apporter des dons ne serait agréée. Nous n'avons jamais accordé d'aide
publique, d'autorisations d'accompagnement à des associations non agréées.
Peut-être un courrier explicitant ces agréments à M. le rapporteur ou à M. le
président de la commission des finances suffira-t-il à vous rassurer ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'engagement que vient de prendre Mme le secrétaire d'Etat me
semble suffisant et, dans ces conditions, la commission est favorable au vote
de l'article 13
quater
, dans l'attente de cette lettre qui vient de nous
être annoncée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 13
quater
.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
La question que pose M. le rapporteur est beaucoup plus vaste qu'il y paraît,
puisqu'elle concerne, en fait, les modalités de contrôle de l'ensemble des
associations relevant de la loi de 1901. Je comprends, dans ces conditions, que
Mme le secrétaire d'Etat n'ait pas une réponse toute prête à nous fournir en
l'instant !
Le droit actuel est simple : si des subventions publiques, de quelque nature
qu'elles soient, sont accordées à une association relevant de la loi de 1901,
elles sont soumises au contrôle du préfet et du trésorier-payeur général, dans
les conditions prévues par une loi de 1933 ou de 1934, mais en ce qui concerne
uniquement leur emploi. S'il n'y a pas de subvention publique - et l'article 13
quater
ne vise pas forcément de telles subventions publiques - aucun
contrôle n'est possible, sauf irrégularités relevées à l'occasion d'un contrôle
fiscal ou à l'occasion d'une assemblée générale de l'association dont les
membres saisiraient le tribunal de grande instance.
Cette question, madame la secrétaire d'Etat et chère amie, dépasse donc de
beaucoup les associations visées à l'article 13
quater !
C'est un
problème général qui touche au fonctionnement même des associations.
J'ajoute, monsieur le rapporteur et cher collègue, que l'on peut se demander
pourquoi contrôler celles-ci particulièrement et pas les autres ! Les règles de
contrôle des associations doivent être les mêmes pour toutes les catégories
d'associations, qu'elles soient sportives, boulistes ou autres... y compris
celles qui sont visées à l'article 13
quater
.
Bien sûr, madame la secrétaire d'Etat, j'entends bien ce que vous dites de la
procédure d'agrément. Mais c'est une condition importante ! Si vous soumettez
l'article 13
quater
à la procédure d'agrément, permettez-moi de vous
dire qu'il faut l'écrire dans la loi, car vous ne pouvez pas faire figurer
cette condition dans le décret en Conseil d'Etat puisque celui-ci ne peut
définir que des modalités pratiques et que la procédure d'agrément est une
condition trop importante - elle permet d'avoir accès au dispositif de
l'article 13
quater
- pour figurer dans le décret.
J'appelle donc l'attention de Mme la secrétaire d'Etat et de M. le rapporteur
- surtout de Mme la secrétaire d'Etat en l'occurrence - sur le fait suivant :
dans la mesure où, au cours de la navette, nous ne pourrons plus, ainsi que le
disait M. Marini avec raison, modifier l'article 13
quater
s'il est voté
conforme ce soir, il sera nécessaire de prévoir, dans ce texte ou dans un autre
- mais dans un texte législatif -, une procédure d'agrément. Le décret ne peut
pas, en effet, intervenir dans ce domaine et imposer une condition qui n'est
pas prévue par la loi.
Cela dit, monsieur le président, je confirme que tout cela pose le problème du
contrôle de l'ensemble des associations puisque, notamment à raison de la
liberté reconnue aux associations par le Conseil constitutionnel depuis la
fameuse décision de 1971, aucune disposition légale n'autorise actuellement le
contrôle d'une association relevant de la loi de 1901 en dehors de ce qui
touche aux subventions publiques, de quelque nature qu'elles soient.
Je vais donc voter, avec mes amis, l'article 13
quater
, mais je vous en
prie, madame le secrétaire d'Etat : si vous devez instituer une procédure
d'agrément, ne risquez pas l'annulation contentieuse en Conseil d'Etat,
prévoyez-le dans la loi.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
J'entends bien les arguments de M. Charasse, qui sont
tout à fait fondés. Au demeurant, nous avons déjà eu ce débat au Sénat avec M.
Raffarin, lors de la discussion d'un texte relatif au financement des
entreprises.
Le problème qui est posé ici est celui des garanties prudentielles et non
celui de l'ensemble de la gestion des associations, même si je comprends le
propos de M. Charasse. Mais nous visons, dans le cas présent, les associations
qui feraient appel aux dons de personnes physiques sans recevoir de l'argent
public et qui, avec les dons ainsi récoltés, pourraient consentir des prêts
d'honneur à des personnes qui veulent créer une activité.
Nous avons dit depuis le début que nous n'étions pas favorables à la création
sur le territoire de ce pays d'associations de ce type, car nous ne pouvons
engager les particuliers dans un risque qui nous semble important : les échecs
peuvent être beaucoup plus nombreux dans une partie du territoire que dans une
autre. Donc, nous ne pouvons engager des particuliers dans une spirale d'échec.
C'est pourquoi nous n'avons pas accepté la création d'associations de capital
de proximité pouvant ouvrir droit à déduction fiscale.
En revanche, un certain nombre d'associations liées soit à des plates-formes
d'initiative locale, soit à des grands réseaux nationaux que vous connaissez
bien, ont reçu un soutien public lorsqu'elles se sont lancées dans ce type
d'activité.
Dans ce dernier cas, pour avoir droit au soutien public - et la loi l'a prévu
explicitement pour les chômeurs comme pour les créateurs d'entreprises - il
faut que ces associations soient agréées au préalable.
C'est la même logique qui guide le prêt à la création d'entreprise : nous
agréons aussi les associations d'accompagnement. Vous avez donc raison,
monsieur Charasse, de dire que c'est uniquement pour entrer dans un dispositif
de ce type que les associations sont agréées.
Mais, si une association voulait se lancer dans une aventure, vous avez raison
aussi, elle le pourrait, et je suis sensible à votre argument parce que toute
activité d'association comporte un risque de ce type.
Nous sommes tous à l'écoute de ce que vous dites, monsieur Charasse, mais,
dans le cas présent, le décret qui est prévu pour ces associations spécifiques
- et que vous connaissez comme nous - encadrera simplement l'activité de prêt,
puisqu'il s'agit bien pour nous d'encadrer ou d'habiliter de telles activités.
Ce n'est pas à une refonte totale des textes relatifs aux association que nous
vous convions !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13
quater.
(L'article 13
quater
est adopté.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, je veux simplement faire remarquer au Sénat que nous avons, depuis
neuf heure trente ce matin, examiné plus de trois cents amendements. C'est, je
crois, un bon braquet !
Très sincèrement, la commission a besoin de souffler un peu, et peut-être
d'autres aussi !
(Sourires.)
Je me permets de le dire en toute franchise
et en toute transparence, puisque tel est le maître mot de ce projet de loi.
Si, dans sa sagesse, la présidence acceptait de nous donner
quitus
pour
aujourd'hui et si nous parvenions mardi prochain à tenir, sur le droit de la
concurrence, un rythme sinon identique - je ne crois vraiment pas que cela soit
possible - du moins suffisamment soutenu, peut-être pourrions-nous respecter
les délais impartis par la conférence des présidents. Ce qui hier paraissait
très improbable ne semble pas aujourd'hui en dehors du domaine du possible !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, j'aurais préféré que nous
puissions continuer nos travaux. Mais il est vrai que au cours de cette
journée, nous avons été deux à nous relayer au banc du Gouvernement, alors que
M. le rapporteur est présent depuis ce matin. J'entends donc ses arguments et
je les comprends, monsieur le président, même si l'on peut toujours espérer
tenir au-delà du supportable...
M. le président.
La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.
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