SEANCE DU 19 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Dans notre pays, la notion de service public, forte des valeurs de solidarité
et d'égalité qui l'inspirent, est au coeur de l'idéal républicain. Les
prestations que recouvre ce concept, celles dont l'accomplissement est
essentiel à la vie collective et à l'exercice des droits des citoyens,
constituent un des ciments de l'unité nationale.
S'agissant de La Poste, elle arrive à la croisée des chemins et est
aujourd'hui écartelée entre deux pôles d'attraction : celui de la globalisation
de l'économie et des industries de la communication, qui lui impose de
s'engager hors de notre territoire et de développer de nouvelles activités, et
celui du service public et de la présence territoriale, qui l'enracine dans nos
frontières et exige la poursuite de ses missions traditionnelles.
Or, force est de constater que le Gouvernement n'a pas pris la mesure de ces
enjeux fondamentaux.
Pire, dans la lignée de la triste politique économique et sociale du début des
années quatre-vingt-dix, où la majorité a procédé à l'éclatement du service
public postal dans le cadre de la loi du 2 juillet 1990 relative à la poste et
aux télécommunications, le Gouvernement accumule, depuis son arrivée, les
contraintes à l'adaptation de La Poste.
C'est ainsi que le Gouvernement n'a toujours pas fixé, à travers une véritable
loi d'orientation, le cadre ambitieux d'évolution du service public postal
attendu par l'ensemble des postiers et des usagers.
En effet, à la place d'un débat et d'une loi de nature à mobiliser les
personnels et à sensibiliser l'opinion en traitant l'ensemble des questions
postales, le Parlement a finalement été convié, par le Gouvernement, à une
transposition de directive européenne « à la sauvette » dans le cadre du projet
de loi d'aménagement et de développement durable du territoire, texte cher à
Mme Voynet.
Pis encore, la mise en oeuvre des 35 heures, chère à Mme Aubry, se traduit
déjà par une réduction globale de la durée hebdomadaire d'ouverture des bureaux
de poste au détriment des usagers, en particulier en zones rurales.
(M.
René-Pierre Signé s'exclame.)
A défaut de loi d'orientation, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement
envisage-t-il au moins de publier les décrets d'application de l'article 27 de
la loi du 12 avril 2000 permettant aux acteurs locaux de créer des maisons de
service public et de lutter ainsi contre la fermeture des bureaux de poste dans
certaines zones rurales, afin de pallier ainsi l'imprévoyance du Gouvernement
?
Plus largement, le Gouvernement a-t-il l'intention de poursuivre cette
politique d'accumulation de handicaps à la pérennité et au développement du
service public postal ?
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées de l'Union
centriste.)
M. René-Pierre Signé.
Il en avait sur le coeur !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, La Poste dispose
en effet, en France, d'un réseau dense, le plus dense en Europe, avec 17 000
points de contact, et la présence postale territoriale est un élément de
cohésion sociale et territoriale.
Pour la garantir - c'est le sens de votre question - il faut préserver le
service public, et donc s'opposer, par exemple, aux orientations du rapport de
M. Bolkestein devant le collège des commissaires européens à Bruxelles. Il faut
le défendre comme le font dix autres postes européennes, l'ensemble des
organisations syndicales et de très nombreux membres de l'Union européenne.
Cela signifie essentiellement trois orientations.
Premièrement, il faut donner à La Poste, entreprise publique, les moyens
financiers de sa présence, et dans les quartiers sensibles et dans le monde
rural. Pour cela, il faut des services réservés suffisamment étendus. C'est un
vrai débat, extrêmement aigu, et pour lequel le Gouvernement, une fois de plus,
s'engage, et positivement.
Deuxièmement, il faut maintenir dans le périmètre des services réservés les
services à valeur ajoutée, c'est-à-dire les nouvelles conquêtes, notamment
technologiques, que peut faire La Poste. Il importe de bien les définir et de
les inclure dans le périmètre des services réservés.
Troisièmement, il faut créer les conditions de la cohésion et du dynamisme du
corps social de La Poste par la concertation, par le dialogue avec les
postiers, avec les élus locaux, en particulier dans les commissions de présence
postale territoriale, par l'aménagement-réduction du temps de travail, par la
diminution des dernières poches de précarité qui peuvent, ici ou là, subsister
et par une attention très forte portée à la qualité du service. Je voudrais
que, à la fin du contrat de plan Etat-La Poste, 85 % du courrier soit acheminé
à j + 1.
J'en profite, monsieur le sénateur, pour rendre hommage, comme vous
certainement, à nos 306 000 postiers qui font un travail consciencieux et
remarquable, au service des usagers et des clients.
Nous nous rejoignons parfaitement sur l'objectif qui consiste à nous battre à
Bruxelles, afin de maintenir, à l'échelon européen, sur la base de valeurs
françaises, celles du service public, notre grand service public postal.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du
RDSE. - M. Gerbaud applaudit également.)
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