SEANCE DU 24 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Hethener, auteur de la question n° 883, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Alain Hethener.
Monsieur le président, laissez-moi tout d'abord vous dire combien je suis
honoré - et aussi un peu impressionné - d'intervenir pour la première fois au
sein de cette Haute Assemblée, où je remplace depuis quelques mois notre
regretté collègue Roger Husson.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement.
Je dois vous avouer ma satisfaction, monsieur le ministre, à l'annonce faite
la semaine dernière par la Ville de Reims et par le conseil régional de
Champagne-Ardenne de voter enfin les crédits nécessaires à la réalisation du
TGV Est-européen. En effet, pour tous les habitants de l'est de la France, et
en particulier pour tous les Lorrains, c'est le grand objectif de cette fin de
siècle.
Je puis vous dire que les Lorrains attendent beaucoup de ce TGV en termes
d'agrément, de nouvelle proximité avec la capitale, mais surtout en termes
d'opportunités économiques et d'installation d'industries.
Au moment de l'avènement de la nouvelle économie, c'est la carte géographique
industrielle française qui, dans les deux ou trois prochaines années, va
certainement se trouver modifiée.
La Lorraine avait, en son temps, « surfé » sur la vague de la deuxième
révolution industrielle, et elle a payé chèrement l'essor de l'informatique.
Aussi, elle compte bien prendre le train de la Net-économie en marche.
Il est nécessaire, pour cela, qu'elle bénéficie de certains atouts en termes
d'infrastructures autoroutières, aériennes et ferroviaires, et le TGV est une
des conditions
sine qua non
de ce développement économique. La région
Rhône-Alpes en a bénéficié la première, et le récent exemple lillois prouve à
quel point le TGV peut avoir un effet d'entraînement pour l'économie d'une
métropole régionale et pour une région tout entière.
Par conséquent, vous l'avez compris, monsieur le ministre, le TGV est
important pour la Lorraine, et il faut qu'il entre en service le plus
rapidement possible.
C'est pourquoi je vous interroge, d'une part, sur la date d'entrée en service
du TGV Est-européen, prévue pour le premier semestre 2006, et, d'autre part,
sur l'organisation de la desserte lorraine, autrement dit sur le débat sans fin
entre Cheminot et Vandières.
En effet, alors que la région Champagne-Ardenne et la ville de Reims
refusaient de s'engager financièrement dans le TGV Est, vous aviez annoncé
aussitôt, de façon péremptoire et rédhibitoire,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oh !
M. Alain Hethener.
... que cela retarderait au moins de six mois la mise en service du premier
TGV Est. Or vous venez de déclarer récemment que les quelques mois de retard
qui ont été enregistrés pourront être rattrapés. Et, puisque vous êtes resté
silencieux sur le sujet, j'en déduis que cela se fera sans surcoût pour les
collectivités territoriales !
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, s'il est envisageable de
réaliser une étude sur la possibilité de prévoir cette mise en oeuvre non pas
en février 2006 mais - pourquoi pas ? - en février 2005, voire de choisir un
délai plus court. Je pense en effet que, s'il est possible de rattraper six
mois, sans doute pourrait-on gagner encore un peu de temps.
Cette première interrogation rejoint la seconde, dans la mesure où le débat
sur la gare d'interconnexion en Lorraine a certainement contribué à faire
perdre de vue l'objectif, à savoir la rapidité de la mise en service du premier
TGV Est-européen. En effet, tous les acteurs de ce dossier se sont perdus dans
le maelstrom de la gare d'interconnexion en Lorraine, autrement dit n'ont cessé
de se demander s'il fallait que la gare soit installée à Cheminot ou à
Vandières, alors qu'il y a cinq ans la déclaration d'utilité publique avait été
claire sur son positionnement géographique.
Dès lors, je vous demande, monsieur le ministre, si, après les circonvolutions
des uns, les digressions métaphysiques des autres, vous avez enfin arrêté votre
choix et si, cette fois, tout le monde - vous le premier, bien entendu - s'y
tiendra.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous me permettrez, étant donné le ton de votre question, de faire
une petite remarque préalable.
Evoquant mes propos, vous avez utilisé le terme « péremptoire ». Je sais bien
que cette intervention était pour vous en quelque sorte une « première », mais
vous me permettrez de vous dire que, plutôt que de tenir un discours qui peut
parfois paraître politicien, il vaut mieux, pour l'efficacité de la procédure
des questions orales, s'en tenir aux faits, quitte à critiquer ou non, ensuite,
la réponse du ministre.
En premier lieu, monsieur le sénateur, je suis sûr que vous vous félicitez,
comme moi, que toutes les collectivités territoriales - elles étaient au nombre
de dix-sept - qui s'étaient engagées avec moi, le 29 janvier 1999, dans mon
bureau, à participer au financement de la première phase du TGV Est-européen -
n'oublions jamais le terme « européen » quand nous parlons de TGV Est ! - aient
enfin délibéré et qu'elles aient maintenant toutes pris un engagement que je
qualifierai d'officiel. Il aura fallu près de deux ans, et je ne parle pas du
temps qu'il avait fallu attendre auparavant puisque ce TGV Est-européen était
promis depuis... bien longtemps !
M. Alain Hethener.
Trop longtemps !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Comme
l'Arlésienne, on ne voyait rien venir. Or, là, nous avons réussi, ce qui tend
encore à prouver que ce Gouvernement ne se contente pas de dire ce qu'il fait,
mais qu'il fait aussi ce qu'il dit.
S'agissant du retard que vous avez évoqué, et à propos duquel vous avez
utilisé à mon endroit ce terme quelque peu désobligeant de « péremptoire », je
tiens à vous dire que j'ai personnellement tout fait pour qu'il n'y ait aucun
retard. Quand j'ai insisté pour que les collectivités territoriales délibèrent
vite, c'était pour qu'on ne perde pas de temps, donc pour qu'on évite tout
risque de retard.
A ce moment-là il fallait, au contraire, me soutenir, car c'était un
encouragement à aller vite.
La décision étant prise, je suis en mesure de vous dire que le retard
d'environ six mois pourra sans doute - l'Etat et RFF, en tout cas, feront tout
leur possible - être rattrapé. Christian Pierret me disait à l'instant que,
dans les Vosges, certains travaux ont d'ores et déjà commencé, précisément pour
utiliser les crédits du FEDER, le fonds européen de développement régional.
Venons-en à votre question.
Le projet de TGV Est-européen prévoit la construction de trois gares
nouvelles, notamment la gare « Lorraine » entre Metz et Nancy. Ces gares seront
desservies par des TGV assurant des relations dites « jonctions » reliant les
grandes agglomérations de province entre elles, sans passer par Paris.
Concernant la gare « Lorraine », la déclaration d'utilité publique du projet a
prévu son implantation - vous l'avez dit - sur le site de Louvigny, en Moselle
; c'est la gare « Cheminot ».
Conformément aux demandes exprimées par plusieurs élus le 29 janvier 1999, une
étude complémentaire a été menée par Réseau ferré de France pour examiner les
possibilités d'implantation de la gare « Lorraine » à Vandières, afin
d'optimiser son insertion dans le système de transport régional. Cette étude
conclut à la faisabilité technique d'une telle implantation, en réalisant les
quais et les voies à quai sur le viaduc du canal de la Moselle, moyennant un
surcoût estimé à 340 millions de francs par rapport à l'emplacement initial.
Devant cette alternative techniquement possible, il m'est apparu opportun de
recueillir l'avis de l'ensemble des collectivités territoriales de Lorraine
associées au financement du projet. Mme la préfète de la région Lorraine a donc
engagé une concertation auprès des collectivités concernées, en indiquant que
l'ensemble Etat, RFF et SNCF était prêt à apporter 100 millions de francs pour
financer le surcoût éventuel.
A l'issue de cette concertation, il faut reconnaître qu'aujourd'hui les élus
restent partagés sur l'opportunité de déplacer la gare « Lorraine » à
Vandières. En effet, chacun des deux sites présente des avantages mais aussi
des contraintes en termes de fonctionnalité et d'accessibilité.
Le site de Louvigny-Cheminot bénéficie d'un bon accès routier, mais il
nécessite l'organisation de services d'autocar pour sa desserte en transports
collectifs.
Le site de Vandières permet une articulation directe entre le TGV et le TER,
mais il engendre un surcoût notable, qui devra faire l'objet d'un accord. Les
discussions doivent donc se poursuivre à ce sujet.
Bien entendu - je vous rassure, monsieur le sénateur - cette question ne
conduit pas à différer le calendrier des études et des travaux de la première
phase du TGV Est-européen - si nous pouvons gagner du temps, nous le ferons,
mais ce sur quoi je m'engage aujourd'hui, c'est sur le maintien des dates
initialement prévues - calendrier qui est établi pour une mise en service en
2006. Le respect de cette échéance nécessite qu'une décision soit maintenant
prise à très brève échéance.
En conséquence, s'agissant d'un choix important, j'estime nécessaire de
réserver les emprises et de prévoir les aménagements de voie et de sécurité de
manière à pouvoir construire la gare à Vandières le moment venu.
Ces dispositions représentent un engagement financier de l'ordre de 80
millions de francs en anticipation du surcoût global de la gare.
J'espère, monsieur le sénateur, que ma réponse n'a pas été péremptoire !
M. Alain Hethener.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hethener.
M. Alain Hethener.
Tout d'abord, monsieur le ministre, si je vous ai blessé, je le regrette et je
retire le qualificatif en cause.
Cela étant dit, je vous remercie de votre réponse, car les journaux locaux et
nationaux donnent parfois des versions un peu différentes de votre position
officielle. Ainsi, les choses seront tout de même plus claires.
Le choix que vous avez fait de démarrer les travaux conformément à la
déclaration d'utilité publique me convient. Permettez-moi, néanmoins, de
revenir sur les délais. Imaginez qu'on dise à une personne malade qu'elle aura
son médicament dans six ans ! Ne peut-on doubler le nombre d'entreprises, faire
faire les trois-huit sur les chantiers, tout en respectant les horaires
réglementaires ? Si M. le Président de la République, ou M. le Premier
ministre, ou vous-même, monsieur le ministre, était Lorrain, peut-être
arriverait-on à resserrer le planning ! Six ans, c'est vraiment trop long !
LIAISON AÉRIENNE PARIS-GRENOBLE