SEANCE DU 24 OCTOBRE 2000
AMENDEMENT À LA CONSTITUTION
DE L'ORGANISATION INTERNATIONALE
DU TRAVAIL
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 191, 1999-2000)
autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la Constitution de
l'Organisation internationale du travail. (Rapport n° 281 [1999-2000].)
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs,
l'Organisation internationale du travail, l'OIT, a pour vocation de promouvoir
la justice sociale et de faire respecter les droits de l'homme dans le monde du
travail. Elle met au point des conventions et des recommandations
internationales du travail qui définissent les normes minimales à respecter
dans les domaines de son ressort : liberté syndicale, droit d'organisation et
de négociation collective, abolition du travail forcé, égalité de chances et de
traitement, etc.
Parmi les organisations internationales, elle se distingue par sa structure
tripartite, puisque employeurs et travailleurs participent aux travaux de ses
organes directeurs sur un pied d'égalité avec les gouvernements.
Cette organisation, créée en 1919 par le traité de Versailles, a ressenti la
nécessité de se moderniser de façon à répondre au défi qui lui avait été lancé
par la conférence de Marrakech, qui avait décidé tout à la fois de transformer
le
General Agreement on Tariffs and Trade,
le GATT, en une organisation
à objectif plus ambitieux et plus global, l'Organisation mondiale du commerce -
l'OMC - et de confier à l'OIT le traitement des normes sociales internationales
liées à la mondialisation.
L'Organisation a donc décidé, en 1998, de recentrer ses ambitions en adoptant
une déclaration en huit points déclinant les grands principes normatifs
universellement acceptables, y compris par les plus hostiles aux
règlementations d'inspiration occidentale.
En parallèle, l'OIT souhaite pouvoir mener une opération de toilettage des
conventions obsolètes, afin que certains membres ne puissent tirer prétexte du
nombre élevé de conventions - près de 190 - pour limiter leur approbation des
plus significatives.
Or la constitution de l'OIT n'a pas initialement prévu de procédure
d'abrogation des conventions tombées en désuétude. Le 19 juin 1997, à Genève,
et lors de sa 85e session, la Conférence internationale du travail a donc
adopté un instrument d'amendement à sa constitution qui vise à introduire, à
l'article 19, une disposition nouvelle habilitant la Conférence, sur
proposition du conseil d'administration, à abroger, à la majorité des deux
tiers des voix des délégués présents, toute convention ayant perdu son objet ou
n'apportant plus de contribution utile à l'organisation pour l'accomplissement
des objectifs.
La procédure retenue commencera par la saisine du conseil d'administration sur
un texte dont il sera débattu sur la base d'un rapport du bureau de
l'organisation. Le conseil décidera alors, par consensus, ou, à défaut, après
deux sessions, à la majorité des quatre cinquièmes, d'inscrire cette question à
l'ordre du jour de la conférence. Dix-huit mois avant la session considérée de
la conférence, le bureau enverra un questionnaire à tous les gouvernements des
Etats membres afin qu'ils fassent connaître leur position après consultation
des organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives.
Sur la base de leurs réponses, le bureau rédigera un rapport contenant une
proposition définitive, qui sera communiqué aux gouvernements quatre mois avant
l'ouverture de la session.
La conférence examinera alors cette question en séance plénière et, au terme
de l'examen du rapport du bureau, elle décidera par consensus ou, à défaut, par
un vote à la majorité des deux tiers, de soumettre la proposition d'abrogation
à un vote final, lequel devra aussi obtenir une majorité des deux tiers des
suffrages des délégués présents.
La complexité et la minutie des règles que je viens de décrire montrent
l'attachement de l'organisation à la mise en place d'un mécanisme d'abrogation
transparent, qui ne permette pas de mettre fin subrepticement à une convention.
Il convient de souligner que, pour engager et faire aboutir une telle
procédure, les règles qui s'imposeront tant au conseil d'administration qu'à la
conférence de l'OIT prévoient des délais et des modalités d'adoption qui
doivent permettre d'entourer tout le processus des plus larges garanties.
A ce jour, trois conventions obsolètes sur les cent quatre-vingt-une en
vigueur ont déjà été identifées pour faire l'objet d'une abrogation grâce à cet
amendement. Il s'agit, d'abord, de la convention n° 28 de 1929 portant
protection des dockers contre les accidents, à laquelle seul le Nicaragua est
partie : ensuite, de la convention sur l'âge minimum dans le cadre de travaux
non industriels - son objet a été repris par la convention n° 138 et seul y
demeure partie le Paraguay - et enfin, de la convention n° 67 de 1939 sur la
durée du travail et du repos dans les transports par route, dont l'objet a été
repris par la convention n° 153.
La France n'est pas concernée par l'abrogation de ces trois conventions
auxquelles elle n'est pas partie, mais elle pourrait l'être dans l'avenir.
L'amendement à l'article 19 entrera en vigueur lorsque deux tiers des membres
et cinq des dix principaux pays industrialisés l'auront adopté. Il permettra à
l'OIT de simplifier et de remettre à jour l'ordonnancement juridique des
conventions internationales dans le domaine du travail. Il sera alors plus aisé
de faire pression sur certains Etats afin de les inciter à adhérer aux
principales conventions de l'OIT.
L'approbation de cet instrument d'amendement présentera l'intérêt pour la
France de montrer son attachement à l'action de l'organisation en étant l'un
des premiers Etats occidentaux, faisant partie de la catégorie spécifique des
dix principaux pays industriels, à agir. En outre, après la conférence de
Seattle, cette démarche juridique confirmera l'intérêt de la France pour le
développement des normes sociales dans la production et le commerce
internationaux et le rôle fondamental que peut jouer l'OIT dans ce contexte.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'instrument
d'amendement de la constitution de l'Organisation internationale du travail qui
fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous sommes aujourd'hui saisis d'un texte visant à insérer dans
l'article 19 de la constitution de l'Organisation internationale du travail un
alinéa définissant une procédure d'abrogation des conventions devenues
obsolètes ou sans objet.
Dans l'état actuel des textes, l'absence d'un tel mécanisme conduit à une
accumulation de normes, les conventions nouvelles ne pouvant se substituer aux
anciennes. L'OIT souhaite désormais accélérer la révision des instruments
périmés pour mieux promouvoir les normes prioritaires.
Sur un total de 181 conventions adoptées depuis l'origine, trois conventions
datant de l'entre-deux-guerres paraissent déjà pouvoir relever de cette
procédure d'abrogation.
Cette mesure technique s'insère dans l'actuelle réorientation des activités de
l'OIT, qui souhaite mieux mettre en valeur sa mission d'origine.
Lors de la conférence de l'organisation de juin 1999, le directeur général
déplorait la tendance de l'organisation « à lancer des programmes de plus en
plus divers sans définir clairement les priorités opérationnelles ». Il
observait qu'au cours des dernières décennies elle avait multiplié l'adoption
de conventions à caractère technique ou particulier, souvent ratifiées par un
faible nombre de pays, et il estimait désormais nécessaire de faire porter
l'effort sur la promotion de conventions qui concernent les droits les plus
fondamentaux de l'homme au travail, afin de rallier le plus grand nombre de
pays autour de principes de base.
C'est dans cet esprit qu'une nouvelle convention relative aux pires formes de
travail des enfants a été adoptée.
C'est pourquoi le texte soumis à notre approbation, bien que de portée très
limitée, présente un intérêt pratique évident. Il va d'ailleurs dans le sens
d'une plus grande cohérence et d'une efficacité renforcée de l'OIT et des
normes qu'elle édicte, c'est-à-dire moins de textes, mais mieux appliqués par
un plus grand nombre de pays.
Pour cette raison, la commission des affaires étrangères vous demande
d'adopter le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'instrument
d'amendement à la constitution de l'Organisation internationale du travail,
adopté par la conférence à sa 85e session à Genève le 19 juin 1997, et dont le
texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Monsieur le président, je demande une brève suspension
de séance.
M. le président.
Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures
quinze.)