SEANCE DU 24 OCTOBRE 2000
AMENDEMENTS À LA CONSTITUTION
DE L'ORGANISATION INTERNATIONALE
POUR LES MIGRATIONS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 171, 1999-2000)
autorisant la ratification des amendements à la Constitution de l'Organisation
internationale pour les migrations [rapport n° 280 (1999-2000).]
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Organisation internationale des
migrations, l'OIM, a succédé en 1989 au Comité intergouvernemental pour les
migrations européennes, fondé en 1951. Il s'agit d'une organisation
intergouvernementale et non d'une institution spécialisée des Nations unies, où
elle a le statut d'observateur.
Les missions principales de l'organisation sont d'assurer le transfert
organisé des personnes, de proposer des services de préparation à la migration
et au retour volontaire, de favoriser les échanges de vue sur la migration
internationale.
L'OIM a été très active dans le contexte des déplacements de populations liés
à l'après-guerre et à la guerre froide. On sait le rôle qu'elle a joué, à la
suite des événements de Hongrie, dans la réinstallation des réfugiés hongrois
depuis l'Autriche et la Yougoslavie. De même, l'OIM a permis l'émigration des
réfugiés tchèques se trouvant en Autriche.
Membre fondateur du Comité intergouvernemental pour les migrations
européennes, le CIME, la France s'en est retirée en décembre 1966, car elle
estimait que le mandat du comité, lié aux mouvements de population dans
l'après-guerre, était épuisé.
Cependant, constatant la nécessité de nouvelles actions à caractère
humanitaire dans le domaine de la migration, notre pays a rejoint
l'organisation en 1981, en qualité d'observateur, puis a demandé son adhésion
en tant que membre en 1992. Le Parlement a autorisé l'adhésion de la France le
20 mai 1994.
Depuis lors, l'OIM a été active dans la crise des grands lacs africains. Elle
a aidé au transport des réfugiés et personnes déplacées du Rwanda en 1994. Elle
a également été très active au sein de la conférence régionale sur les
mouvements de population dans la CEI, la Communauté des Etats indépendants, et
les Etats voisins, où elle a travaillé en liaison avec le le Haut Commissariat
des Nations unies pour les réfugiés, dans l'ex-Yougoslavie - on pense, bien
sûr, à la Bosnie-Herzégovine, mais aussi au Kosovo - ainsi que sur des
programmes spécifiques de retour de migrants. La France a d'ailleurs demandé
l'assistance logistique de l'OIM pour assurer les regroupements et le transport
des réfugiés kosovars à partir de la Macédoine.
L'OIM siège à Genève et a un réseau de treize bureaux régionaux et plusieurs
missions. Le total des effectifs de l'OIM s'est élevé en 1999 à 1 111
personnes. La France y est modestement représentée, puisque cinq Français
seulement occupent des postes d'encadrement au siège et cinq autres sont en
poste dans des bureaux régionaux ou des missions locales. La faiblesse relative
de notre présence s'explique principalement par notre retour récent dans
l'organisation.
Les ressources de l'OIM proviennent de deux sources : les contributions
obligatoires versées par tous les Etats membres conformément à un barème
analogue à celui des Nations unies et les contributions volontaires des Etats
ou les versements des migrants ou de leurs répondants. Ces dernières
contributions sont versées en vue de la réalisation de projets proposés par
l'OIM.
La France acquitte sa quote-part, qui s'élève à 7,6 % et la place au quatrième
rang des contributeurs après les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne.
En revanche, nous n'avons jamais financé la partie opérationnelle du budget,
si ce n'est la prise en charge de prestations spécifiques telles que le
transport des ressortissants bosniaques accueillis en France - j'y ai fait
allusion à l'instant - qui ont souhaité rentrer dans leur pays en 1996 et celui
des kosovars albanophones accueillis au printemps 1999. L'OIM comprend soixante
et onze Etats membres et cinquante observateurs, soit un doublement en dix ans.
Cette évolution a conduit cette organisation intergouvernementale à rechercher
les moyens de se doter d'une structure plus efficace et de simplifier les
procédures de prise de décision.
Cette réflexion a abouti, en novembre 1998, à l'adoption, par consensus, de
plusieurs amendements à la constitution de l'organisation. En application de
l'article 30, 2e alinéa, de ladite constitution, ces amendements doivent
désormais, pour entrer en vigueur, être acceptés par les deux tiers des Etats
membres, selon les règles constitutionnelles respectives.
Deux de ces amendements paraissent particulièrement importants. Le premier
porte sur la structure de l'organisation, actuellement formée du conseil, où
siège chaque Etat membre, du comité exécutif, composé de neuf membres élus par
le conseil, et de l'administration. L'amendement prévoit la suppression du
comité exécutif, actuellement chargé de préparer les travaux et décisions du
conseil, ce qui, dans la pratique, entraîne une duplication des tâches et des
réunions et, par conséquent, génère des coûts superflus.
La deuxième modification, dans un même esprit de rationalisation, vise à
distinguer les modalités d'adoption des amendements à la constitution. Les
amendements mineurs ne nécessiteront qu'une adoption par les deux tiers du
conseil. En revanche, les amendements qui créent des obligations nouvelles ou
ceux dont le conseil aura jugé - à la majorité des deux tiers - qu'ils
entraînent un changement fondamental à la Constitution, seront soumis à
adoption par les deux tiers des membres du conseil, puis à acceptation par les
deux tiers des Etats membres.
Cette volonté d'affermir la structure de l'organisation et d'alléger le
processus de prise de décision s'accompagne d'une réorganisation de
l'administration menée par le directeur général de l'organisation, avec l'appui
des Etats membres.
Les simplifications qui découlent des amendements qui vous sont présentés
aujourd'hui seront appréciables pour l'ensemble des Etats membres. Elles
offrent également, et ce n'est pas leur moindre intérêt, la perspective
d'économies de fonctionnement.
Dans la mesure où les contributions obligatoires sont calculées sur le budget
administratif, il est souhaitable d'aller dans le sens d'un allégement des
modes de fonctionnement afin de réduire les coûts et de limiter les besoins
d'augmenter le budget administratif.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les
amendements à la constitution de l'Organisation internationale pour les
migrations, qui font l'objet du présent projet de loi qui est soumis à votre
approbation conformément à l'article 53 de la Constitution.
(M. Jean Faure remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas sur les considérations techniques fort détaillées que M. le
ministre vient d'exposer à notre assemblée en présentant ce projet de loi. Je
rappellerai simplement que l'Organisation internationale pour les migrations
est un dispositif technique destiné à fournir les moyens nécessaires au
transfert des personnes déplacées. C'est une mission concrète, pratique, qui
est issue de la situation politique que l'Europe et le monde ont connue après
la guerre de 1939-1945, et les bouleversements sociologiques que ces conflits
mondiaux ont entraînés, et d'abord en Europe avec un afflux de réfugiés que
chacun connaît.
L'OIM fut placée délibérément et volontairement hors du système des Nations
unies afin de la préserver de l'antagonisme Est-Ouest et de garantir ainsi
autant que faire se pouvait son efficacité.
Depuis, son champ de compétences s'est progressivement étendu à tous les
continents, et l'OIM a su développer et cultiver l'image d'une institution
dotée d'un réel savoir-faire. Elle a prouvé encore ses capacités en assurant,
vous l'avez dit, monsieur le ministre, le retour de 67 000 Timorais de l'Est ou
encore le rapatriement de quelque 85 000 Kosovars en 1999. Au total, rien que
l'an passé, l'OIM a assuré le transport de plus de 430 000 personnes.
On reconnaît manifestement une expertise à l'OIM en matière de migration. Il
faut le dire, cette expertise ne s'est pas cantonnée au seul dispositif de
l'installation au retour dans des conditions assez rapides. L'OIM s'est exercée
également à réfléchir sur des actions à plus long terme ; elle s'est notamment
illustrée dans le retour volontaire des migrants dont les qualifications
professionnelles peuvent se révéler utiles pour leur pays d'origine.
C'est donc, vous le voyez, un organisme technique qui n'est pas engagé
vis-à-vis des phénomènes migratoires et qui se garde à cet égard d'évoquer les
causes ou les philosophies qui sous-tendent les migrations que nous
connaissons.
Il faut dire, et vous l'avez souligné, monsieur le ministre, que notre pays
s'est longtemps montré réservé vis-à-vis de cet organisme technique estimant, à
juste titre d'ailleurs, que l'OIM était sous une influence directe exercée par
les Etats-Unis.
La France a eu à l'égard de cette structure un réflexe de discrétion sinon de
prudence. Il convient d'ajouter que la France à l'époque n'a pas eu beaucoup
recours à l'OIM, sauf dans les seules situations d'urgence.
Sous l'effet d'un certain nombre de facteurs, cette réserve s'est atténuée.
En premier lieu, une approche multilatérale des questions liées à
l'immigration tend à se généraliser. La mondialisation est, là encore, en
marche. Elle s'impose même progressivement à l'échelle de l'Union européenne
depuis la mise en place d'un espace de libre circulation des personnes par les
accords de Schengen et l'extension des compétence communautaires à
l'immigration décidée par le traité d'Amsterdam.
En outre, l'OIM peut fournir des services utiles à notre pays dans le cadre de
sa politique migratoire, en particulier pour la mise en oeuvre de l'objectif de
codéveloppement, qui vous est cher, monsieur le ministre. En effet, dans les
pays africains où l'Office français des migrations internationales ne dispose
pas de représentation, l'OIM peut apporter son concours pour favoriser la
réinstallation d'immigrés sur place et s'assurer de la pérennité de leur
réintégration.
Par ailleurs, l'OIM - et comment ne pas apprécier cette attitude ? - a donné
des témoignages récents d'ouverture sur le monde de la francophonie. Ainsi, les
fonctions de directeur adjoint ont été confiées pour la première fois, en
octobre 1998, à une éminente personnalité sénégalaise, Mme Ndioro Ndiaye. Cette
désignation s'inscrit dans un mouvement de rééquilibrage d'une institution
longtemps marquée par l'influence anglo-saxonne.
Notre pays devrait donc être appelé à coopérer plus étroitement avec l'OIM. A
cet égard, monsieur le ministre, je rappelle que l'organisation est
demanderesse d'un accord de siège, qui est en instance, et qui a été repoussé
jusqu'à présent par la France pour des raisons de caractère administratif. Le
déblocage de cette situation représenterait, me semble-t-il, pour L'OIM un
signal positif, qui serait apprécié ici et là.
Les amendements dont le dispositif nous a été présenté par M. le ministre nous
paraissent contribuer à rationaliser le fonctionnement de l'OIM. Ils ont été
examinés par la commission des affaires étrangères qui les a, semble-t-il,
approuvés sans réserve. La simplification des procédures de décision que vous
avez évoquée, monsieur le ministre, le renforcement des sanctions applicables
aux Etats défaillants - ce n'est pas inutile - l'encadrement de la durée des
mandats ne peuvent que donner une plus grande efficacité à l'organisme.
Mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, je suis mandaté par la
commission pour vous demander d'approuver le projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification des amendements à la
Constitution de l'Organisation internationale pour les migrations, adoptés à
Genève le 24 novembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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