SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 37 ter . - Dans le chapitre III du titre III du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 4433-4-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 4433-4-9 . - Dans chacune des régions de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, il est créé une commission de suivi de l'utilisation des fonds structurels européens.
« Coprésidée par le préfet, le président du conseil régional et le président du conseil général, cette commission est en outre composée des parlementaires de la région, d'un représentant du conseil économique et social régional, d'un représentant du conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, d'un représentant de l'association des maires, de représentants des chambres consulaires et de représentants des services techniques de l'Etat.
« Cette commission établit un rapport semestriel sur la consommation des crédits. »
Par amendement n° 53, Mme Michaux-Chevry et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés proposent de supprimer cet article.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 37 ter, lequel tend à créer une commission que je qualifierai « de bavardage ». En effet, coprésidée par le préfet, le président du conseil régional et le président du conseil général, elle sera composée d'une multitude de représentants, dont ceux de l'association des maires.
Cette commission est chargée du suivi de l'utilisation des fonds structurels européens. Or, dans le DOCUP que nous avons signé, est prévu un comité national de suivi des évaluations, qui se réunit au moins deux fois par an. Ce dernier permet de jouer avec la consommation des crédits du contrat de plan, d'un côté ou de l'autre.
Un comité de suivi existe. Il est donc inutile de créer une commission !
Au dire de certains, les fonds européens qui ne sont pas consommés seraient remboursés ! C'est une erreur ! Les fonds européens ne sont remboursés qu'après que toutes les pièces justificatives ont été présentés au comité national de suivi des fonds européens.
L'article 37 ter est inopérant et nous ne pouvons pas accepter que des textes de cette nature figurent dans un projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Madame Michaux-Chevry, je comprends très bien votre position : vous êtes présidente du conseil régional de la Guadeloupe dont font partie Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
En métropole, nous nous sommes aperçus à différentes reprises, dans nombre de régions et de départements, que l'on n'arrivait pas à consommer les fonds structurels européens, ce pour des raisons bien précises : les collectivités locales ne parvenaient pas à réaliser leur part - la part communale ou départementale - à telle enseigne que, à l'heure actuelle, toujours sur l' Interreg II, les fonds structurels européens restent partiellement inutilisés.
Il faut savoir que, sur la période 2000-2006, les départements d'outre-mer vont percevoir 23 milliards de francs de fonds structurels européens. Il s'agit de sommes très importantes. Si, en amont, des projets ne sont pas mis au point et acceptés par Bruxelles, il est certain que les fonds structurels européens ne seront pas utilisés en totalité dans les DOM.
C'est la raison pour laquelle nous avons demandé la mise en place d'une commission de suivi. Cela n'enlève rien, madame Michaux-Chevry, à votre autorité de présidente du conseil général. Cela vous rendra simplement service, car vous parviendrez difficilement à monter des dossiers (Mme Michaux-Chevry s'esclaffe) qui soient acceptables par Bruxelles en vue de l'utilisation de tous ces fonds structurels européens.
Le Sénat a donc fait preuve de sagesse en introduisant cette disposition en première lecture. Certes, l'Assemblée nationale a ajouté quelques représentants - comme ceux du conseil, de la culture, de l'éducation et de l'environnement - que le Sénat n'avait pas prévus. Cela étant, la commission persiste à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 53.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement avait émis un avis favorable sur l'amendement qui avait été initialement présenté par M. le rapporteur. Je ne vois pas de raison de supprimer cet article. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 53.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je suis très contente que le rapporteur ait envie de me soutenir, mais je tiens à lui dire que je suis grande, majeure et que je me défends bien.
Actuellement, en Guadeloupe, nous avons utilisé 257 millions de francs de fonds structurels européens et les crédits prévus au contrat de plan 1994-1999 ont été consommés à hauteur de 90 %. Pourquoi les fonds européens ne sont-ils pas consommés ? Est-ce la commission des lois du Sénat qui va se réunir à la préfecture et décider ceci ou cela qui permettra de mettre en place les dossiers éligibles ? Pour que les dossiers soient éligibles, il faut d'abord que le Gouvernement nous laisse mettre en place un fonds de préfinancement des fonds européens, puisque la région de Guadeloupe a les moyens de le faire. Croyez-vous qu'un agriculteur ruiné par un cyclone, qui a fait l'avance des fonds s'agissant de dossiers européens, peut attendre pendant deux ans que ces sommes transitent par le budget du ministère des finances ?
Savez-vous, mes chers collègues, que, à l'heure où je vous parle - et M. le secrétaire d'Etat ne me démentira pas - sur les années 1998-1999, on doit à la région de Guadeloupe 257 millions de francs, que l'Europe a déjà payés et qui ne lui ont pas été reversés ?
Qu'allons-nous faire ? Nous allons créer de petites structures locales pour aider les entreprises, les socioprofessionnels, la chambre des métiers, à monter leurs dossiers.
Croyez-vous que c'est une commission réunissant l'association des maires, la chambre de commerce, le conseil économique et social qui, en bavardant pendant deux heures à la préfecture, va régler le problème de financement des fonds européens ? Le comité national de suivi de l'utilisation des fonds européens existe. Il fonctionne parfaitement ; il nous contrôle.
Mes chers collègues, je tiens à vous dire que, connaissant bien mon contrat de plan, je sais que, durant les trois premières années, si je veux obtenir un « bonus », il faut que je consomme beaucoup, et je consommerai beaucoup. Par conséquent, je n'ai pas besoin d'une grand-messe solennelle pour m'empêcher de travailler. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Je ferai simplement deux remarques à Mme Michaux-Chevry.
Premièrement, il n'y a pas que la Guadeloupe parmi les départements d'outre-mer.
Deuxièmement, le dernier alinéa du texte de l'amendement sénatorial adopté en première lecture prévoit les dispositions suivantes : « Cette commission établit un rapport semestriel sur la consommation des crédits ». La solution consiste peut-être à faire figurer dans ce rapport les propositions de préfinancement des parts communales, départementales et régionales, propositions qui ne sont jamais faites, ce qui est à l'origine - Mme Michaux-Chevry vient de le dire - de la sous-consommation des crédits européens.
Comme les crédits européens sont multipliés par x dans la période 2000-2006, si vous n'avez pas consommé la totalité des crédits européens - vous l'avez dit vous-même, madame Michaux-Chevry : vous n'en avez consommé que 90 % - avec la multiplication de ces crédits d'importance salutaire pour les départements d'outre-mer, vous n'arriverez pas davantage à les consommer. Raison de plus pour que la commission de suivi vous donne brièvement, dans un rapport, les causes de cette sous-consommation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 37 ter est supprimé.

Chapitre IV