SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° I-118, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article 242 quater du code général des impôts sont abrogées. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement pose une des questions centrales de toute évolution, sur la durée, de notre législation fiscale.
Si l'on admet comme une donnée acquise que notre législation doit adopter le profil d'une convergence avec la législation des autres pays européens - et singulièrement de l'Allemagne dont l'exemple nous est largement rappelé dans le débat actuel - notamment sur les questions de concurrente fiscale dommageable, il convient de se demander jusqu'où va la pertinence du maintien dans notre législation de certaines dispositions venant distordre cette convergence.
L'avoir fiscal est, selon nous, l'un des éléments de distorsion les plus perceptibles sur le moyen terme, et il importera donc de se demander si son maintien, dont nous avons déjà en partie débattu et dont nous allons encore débattre lors de l'examen de l'article 7, est nécessaire.
Objectivement, on ne peut pas, comme certains nous y appellent pourtant, réduire les taux d'imposition des plus-values, alléger les droits d'enregistrement, voire modifier les règles de calcul de l'impôt sur le revenu, et faire comme si on ne devait pas toucher au sanctuaire que seraient l'impôt sur les sociétés et ses conditions d'application.
On notera d'ailleurs que M. le rapporteur général, dans les pages 130 à 156 de son rapport sur les conditions générales de l'équilibre financier, consacre de longs développements à la défense et à l'illustration de cet avoir fiscal, qu'il tente, courageusement, je dois le dire, de ne pas faire passer comme un cadeau fiscal, quand bien même il en est un.
M. Jean Chérioux. Ce n'en est pas un !
M. Thierry Foucaud. A qui fera-t-on croire, en effet, que l'imputation de dividendes, notamment dans les sociétés non cotées, à hauteur de 50 %, 75 % ou 100 % du nominal des titres détenus, et la prise en compte équivalente d'un avoir fiscal égal à la moitié de ces montants n'est pas autre chose qu'un cadeau ?
Que les mesures prévues dans l'article 7 remettent en question la rentabilité des investissements en actions ne nous paraît pas au demeurant parfaitement scandaleux.
La « grimpée » du CAC 40, n'en déplaise à notre collègue M. Chérioux, et l'évolution globale des revenus de capitaux mobiliers, qui ont toutes les deux largement tiré parti de la croissance économique - et bien plus que les salaires ! - ne souffriront pas dramatiquement de certains ajustements.
S'agissant plus concrètement encore de la portée de notre amendement, il s'adresse directement aux avoirs fiscaux dont bénéficient les non-résidents.
Quand, en 1993, le gouvernement de droite a décidé de créer les conditions d'une large diffusion de la propriété des entreprises françaises de par le monde, il a aussi participé au renforcement du coût fiscal de l'avoir fiscal destiné aux personnes morales non résidentes.
En quatre ans, notamment à la suite de la poussée spectaculaire du montant des dividendes versés par les sociétés non financières - les 35 heures ne sont pas perdues pour tout le monde ! - nous avons en effet assisté à un doublement de la dépense fiscale qui en résulte.
Que le déficit public français ne puisse pas se réduire au motif qu'il faut assurer la rentabilité des investissements des fonds de pension américains est in fine pour le moins discutable.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très défavorable, monsieur le président !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement pour les raisons suivantes.
L'article 242 quater du code général des impôts pose le principe selon lequel le transfert de l'avoir fiscal peut être accordé à des non-résidents dès lors que leur Etat d'origine a conclu une convention fiscale avec la France. Quarante-cinq conventions ont été conclues en ce sens. Elles prévoient, sous certaines conditions, le transfert de l'avoir fiscal au profit de non-résidents. Comme ces conventions constituent des traités et ont donc une autorité supérieure à la loi, l'abrogation qui est proposée par le présent amendement n'aurait dès lors aucune incidence sur ces conventions puisqu'elles continueraient à garantir le transfert de l'avoir fiscal aux non-résidents.
Pour ces motifs, l'objectif qui consiste à diminuer le montant des transferts d'avoir fiscal dont bénéficient les non-résidents ne peut être atteint que par une mesure visant également les résidents. C'est en ce sens que les lois de finances qui ont été adoptées depuis 1998 ont prévu la réduction du taux de l'avoir fiscal accordé aux personnes morales dont le siège est situé en France. Les lois de finances pour 1999 et pour 2000 ont ramené successivement ce taux, qui était à l'origine de 50 %, d'abord à 45 %, puis à 40 %.
De plus, l'article 7 du projet de loi de finances pour 2001 actuellement en discussion prévoit une nouvelle réduction à 25 % en 2001, puis à 15 % en 2002. En application des conventions fiscales, ces nouveaux taux concernent également les non-résidents. Ainsi, si les dispositions de l'article 7, que nous allons examiner dans un instant, sont adoptées, le montant de l'avoir fiscal après retenue à la source dont bénéficiaient les personnes morales étrangères, qui était de 42,50 francs avant 1999 pour un dividende de 100 francs, serait ramené à 12,75 francs en 2002, compte tenu de la baisse du taux programmée à l'article 7.
Cette diminution me semble donc aller dans le sens de l'amendement déposé par Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Dans ces conditions, je leur demande de bien vouloir le retirer, d'autant que le Gouvernement a demandé que soit adressé au Parlement un rapport sur la réduction des transferts d'avoir fiscal au profit des personnes morales étrangères qui servira de base à la définition des étapes ultérieures, et l'on me dit que ce rapport devrait être déposé pour le 15 mars 2001.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-118.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je suis contre cet amendement pour les raisons qui ont été évoquées par Mme le secrétaire d'Etat elle-même.
M. Foucaud a dit que j'avais les yeux braqués sur le CAC 40. Ce n'est absolument pas vrai, mais peu importe. C'est l'image qu'il voulait donner de moi. Il a tort. Pour ma part, je suis beaucoup plus intéressé par l'épargne salariale.
Puisqu'il a évoqué ma modeste personne, je voudrais lui dire qu'il n'a rien compris à l'avoir fiscal. En effet, l'avoir fiscal, c'est la suppression de la double imposition.
M. Yves Fréville. Effectivement !
M. Jean Chérioux. Si une société ne distribue pas de dividende, elle acquitte 33,33 %. En revanche, si elle en distribue, elle paie 33,33 % et il reste quelque 66 %, lesquels seraient à nouveau imposés par exemple au taux de 50 % ; je prends ce pourcentage pour plus de facilité. Il y aurait donc une double imposition. L'avoir fiscal a pour objet de neutraliser l'impôt qui a été payé au niveau de la société en le considérant comme une sorte d'acompte sur ce que paie l'actionnaire. C'est pourquoi on accorde à celui-ci un avoir fiscal correspondant à 50 % du montant du dividende. Mais, monsieur Foucaud, vous et vos amis, vous oubliez toujours de dire que cet avoir fiscal, qui n'est pas versé à l'actionnaire, est imposé au titre de l'impôt sur le revenu. En effet, l'actionnaire acquitte l'impôt non seulement sur le dividende qui lui est versé, mais également sur le montant de l'avoir fiscal qu'il n'a pas encaissé. Il ne s'agit donc pas d'un cadeau. Vous affirmez qu'il s'agit d'un cadeau parce que vous essayez d'embrouiller les choses. Mais cela ne correspond pas à la réalité. Quand on évoque un problème, il convient de l'exposer à fond, sinon il faut renoncer à en parler.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-118, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 7