SEANCE DU 2 DECEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, le budget de la culture va
« tangenter » le fameux 1 %. Avec ses 16,67 milliards de francs, en
augmentation de 590 millions de francs par rapport au budget précédent, nous y
voilà, ou presque : 0,997 % !
J'ai déjà lu dans la presse le voeu exprimé par tel ou tel de viser les 1,25 %
ou - pourquoi pas ? - les 2 %, mais, plus sagement, Mme la ministre a dit à
l'Assemblée nationale - j'ai apprécié - que l'objectif de ce 1 % n'avait «
jamais représenté à lui seul une politique » et qu'il convient désormais de
réfléchir à « l'au-delà » du 1 %. Nous la rejoindrons s'il s'agit d'un au-delà
qualitatif et non quantitatif.
D'autant que ce 1 % pratiquement atteint ne l'a été que parce que le périmètre
du ministère n'a cessé de s'élargir. Et peut-être ce désir de franchir un seuil
psychologique n'est-il pas étranger à l'inclusion, telle année, des services de
l'architecture ôtés au ministère de l'équipement, telle autre, des dotations de
bibliothèques, reprises à l'intérieur, cette année encore, ou encore des
cotisations sociales de l'Etat employeur qui figuraient jusqu'à présent au
budget des charges communes - il est vrai qu'il s'agit d'une mesure de portée
générale.
Mais oublions tout cela ! Ne chipotons pas sur la comparaison entre
pourcentage d'augmentation en valeur absolue, à savoir 3,7 %, et pourcentage
d'augmentation à structure constante, soit 2,5 %. Ce qui compte, c'est le
contenu de ce budget et la politique, plus ou moins volontariste, plus ou moins
subie, dont il est la traduction.
L'analyse n'est pas aisée, car le budget de l'Etat, nous le savons tous, est
un budget de moyens et non de missions. Peut-être la réflexion qui est
actuellement menée sur la réforme de l'ordonnance organique de 1959, au Sénat
comme à l'Assemblée nationale, nous permettra-t-elle, dans deux ans, dans trois
ans - qui sait ? - d'y voir plus clair. Il nous serait alors possible de
chiffrer précisément quels moyens l'Etat consacre respectivement aux trois
principales missions du ministère de la culture : conservation, création,
diffusion. Nous pourrions alors disposer d'un instrument de mesure pour
apprécier au plus juste les priorités du ministre en place pour savoir s'il
préfère la préservation du passé à la préparation de l'avenir, ou l'inverse.
Mais puisque nous n'en sommes qu'à un budget de moyens, analysons ceux-ci.
Les moyens augmentent sensiblement. Les dépenses de fonctionnement qui nous
sont proposées - 7,9 milliards de francs - sont supérieures de 2,33 % à celles
de l'an passé, si l'on ne tient pas compte du transfert des charges de
retraite. Les dépenses d'intervention - 5 milliards de francs - augmentent de
2,45 %. Les dépenses d'investissement, exprimées en autorisation de programmes,
connaissent une progression de 6,19 %, supérieure à celle de l'an dernier, qui
était de 4,64 %, effaçant ainsi le reflux de 1999, qui atteignait 4,96 %.
Tout cela est assez honorable, mais n'échappe pas à une double critique que
n'ont pas manqué de faire des observateurs aussi impartiaux que les magistrats
de la Cour des comptes. On pourrait dire, en gros, que le budget de la culture
souffre d'un manque de lisibilité.
D'une part, les dépenses de fonctionnement sont de plus en plus éparpillées,
sans que les moyens de suivi, informatique ou comptable, soient suffisants pour
compenser cet éparpillement. D'autre part, les dépenses d'équipement sont,
parfois, de pure apparence, parce que le taux de consommation des crédits est
fort insuffisant et que le niveau des reports finit par ressembler à une
méthode occulte de régulation budgétaire.
Fragmentation et éparpillement, d'abord : ils s'accroissent d'année en année,
du fait de la déconcentration et de la croissance des subventions. Bénéficient
de cette déconcentration, outre les vingt-six DRAC, les nombreux services à
compétence nationale, les SCN. Cette nouvelle catégorie administrative
comprend, outre les musées nationaux - quand ils ne sont pas érigés en
établissements publics - les centres d'archives, les centres d'art et les
laboratoires de recherche. Au total, en 2000, les dépenses exécutées
directement par l'Etat ne représentent que le tiers des crédits disponibles.
Dans le domaine des spectacles et des arts plastiques, plus de 70 % des crédits
sont déconcentrés.
S'y ajoutent, bien sûr, les subventions, technique traditionnelle
d'intervention pour l'Etat culturel. On peut estimer que plus de 60 % des
crédits du ministère sont consacrés à ces subventions, qu'il s'agisse de
fonctionnement ou d'investissement, qu'il s'agisse des SNC ou de cette myriade
d'institutions para-administratives ou associatives que sont les centres
dramatiques ou chorégraphiques, les orchestres, nationaux ou régionaux, les
fonds régionaux d'art contemporain, etc. A eux seuls, trois grands
établissements - l'Opéra national de Paris, la Bibliothèque nationale de France
et le Centre Georges-Pompidou - consomment 10 % du budget du ministère !
C'est un choix que je ne conteste pas, mais les moyens qui, en contrepartie,
rendraient possibles un pilotage fin et un contrôle effectif sont encore
insuffisants, en dépit des efforts déjà entrepris. Je vous renvoie, sur ce
point, mes chers collègues, à mon rapport écrit, comme à celui, d'ailleurs, de
mon homologue de l'Assemblée nationale.
Qu'il suffise de dire à cette tribune que le logiciel Quadrille, outil de
suivi comptable et d'analyse de la dépense, que l'on nous avait déjà promis
l'an passé, n'est toujours pas en place. Et je pourrais m'étendre sur
l'inégalité entre les grands établissements quant aux méthodes comptables !
En matière de personnel, l'intention affirmée est de résorber l'emploi
précaire, dans l'esprit de l'accord passé le 10 juillet 2000 à la suite des
mouvements sociaux dans les musées et les monuments historiques : 300 emplois «
stabilisés », comme l'an dernier, à raison de 190 plus 111 transferts d'emplois
contractuels dans les budgets des établissements publics.
Mais a-t-on la certitude que, par l'intermédiaire des crédits de vacations, ne
s'annoncent pas d'autres emplois précaires ? L'ancien directeur de
l'administration générale du ministère m'avait assuré qu'il y veillerait
personnellement. Je souhaite que son successeur manifeste la même vigilance.
Autre question : derrière ce souci, légitime, de faire disparaître la
précarité, est-ce que ne se profile pas la tentation d'augmenter les effectifs
du ministère et de ses établissements publics ? Il semble bien qu'une certaine
dérive, de 1996 à 1999, qui porte sur plus de 1 200 postes supplémentaires, se
soit déjà manifestée.
Les observations que l'on peut faire sur les crédits de fonctionnement sont
toutefois mineures au regard de celles que le budget du ministère appelle pour
les crédits d'équipement : sous-consommation des crédits, ampleur exagérée des
reports.
On avait constaté, de 1995 à 1997, un certain redressement, vertu qui était
peut-être liée aux restrictions budgétaires. Depuis 1998, le taux de
consommation des crédits du titre V est de l'ordre de 70 %. Chaque année, les
reliquats disponibles en fin de gestion sont supérieurs à 900 millions de
francs. En 1999 et 2000, les reports représentent plus de 30 % des crédits
ouverts. Sur le titre VI, la consommation des crédits, qui s'était améliorée en
1999, tend à se dégrader de nouveau, notamment pour le chapitre 66-20, consacré
au patrimoine monumental : 144,5 millions de francs de report à la fin de la
gestion 2000.
Il semble que, outre les difficultés inhérentes aux grands travaux, le contrat
de gestion passé avec le ministère de l'économie et des finances n'y soit pas
pour rien - c'est du moins l'avis de la Cour des comptes ! On substituerait
ainsi une régulation budgétaire endogène, moins visible, aux gels et aux
annulations de crédits. Mais, dans les deux cas, c'est bien l'autorisation
parlementaire qui est contournée.
La mission patrimoniale appelle donc d'assez vives critiques quant aux
méthodes budgétaires. Elle en appelle aussi sur le fond. Permettez-moi, à cet
égard, de vous présenter quatre remarques.
Premièrement : le rééquilibrage entre Paris et les régions n'est plus de
saison. L'an dernier, pour les grands équipements, la province, avec 567
millions de francs, dépassait de peu la capitale, qui disposait de 538 millions
de francs. En 2000, Paris, avec 744 millions de francs de crédits
d'investissement, relègue le reste de la France à 610 millions de francs. On me
répondra que c'est dû, en partie, à la montée en puissance du musée du quai
Branly, voulue par le Président de la République, et j'en conviens, mais cela
ne suffit pas à expliquer ce regrettable renversement.
Deuxièmement : le feuilleton des grands travaux, détaillé dans le rapport
écrit, et qui continue, hélas ! Immeuble des Bons-Enfants, Grand Palais, Palais
de Tokyo, où des dizaines de millions de francs auront été dépensés en pure
perte pour un musée du cinéma transféré à l'
American Center
de Bercy !
Travaux qui traînent, immeubles en déshérence ! Tout cela, monsieur le
secrétaire d'Etat, a commencé avant la mise en place du nouvel attelage
ministériel.
Je me contenterai d'une modeste requête : que s'ouvre au moins, avenue du
Président-Wilson, l'espace voué à la jeune création en France, qui fait si
cruellement défaut à nos artistes, et qui fut une des bonnes idées de Mme
Trautmann !
J'ajouterai, s'il se peut : qu'on y voie enfin clair sur le devenir du Grand
Palais, qui, à mon sens, devrait être consacré aux expositions de prestige, en
vue de soutenir notre marché de l'art. Qu'une destination soit enfin prévue
pour l'admirable Musée des arts africains et océaniens de la porte Dorée, qui
n'a pas seulement ses crocodiles, chers aux enfants, et qui, même privé de ses
collections d'arts premiers, pourrait présenter ses admirables collections sur
l'histoire coloniale française - je sais bien que ce n'est pas à la mode ! -
sous l'ombre tutélaire du maréchal Lyautey.
Troisièmement : les crédits d'entretien du patrimoine, qu'il s'agisse des
bâtiments appartenant à l'Etat, qui se voient dotés de 83 millions de francs,
ou de ceux dont il aide les propriétaires, sont notoirement insuffisants. La
fragilité de ces bâtiments a été soulignée par la tempête de décembre 1999, au
point qu'il a fallu dégager dans le collectif 500 millions de francs : 300
millions de francs pour l'Etat, 200 millions de francs pour les autres
propriétaires, ces derniers crédits étant faiblement engagés jusqu'à
présent.
Les 87 cathédrales et les 100 monuments historiques ouverts au public ne
reçoivent, en moyenne, que 200 000 francs par an ! Par ailleurs, 470 monuments
sont considérés comme « en péril » et 3 690 « en état défectueux ». Cette
situation ne s'améliore pas d'une année sur l'autre. Monsieur le secrétaire
d'Etat chargé du patrimoine, vous avez du travail !
Quatrièmement : les crédits d'acquisition de nos musées sont, eux aussi,
insuffisants, tout comme leurs crédits d'investissement. Il est même proposé,
cette année, de prélever 10 millions de francs sur le fonds du patrimoine au
chapitre 43-92 - commandes artistiques et achats d'oeuvres - pour compenser la
perte de recettes liée à la gratuité du premier dimanche de chaque année. Cette
mesure, certes, est sociale, et elle est utile à l'amour de l'art. Mais
n'est-ce pas mesquinerie de la financer de cette manière ?
Le budget comporte, certes, pour les deux autres missions du ministère, la
création et la diffusion, des inscriptions mieux inspirées.
Le spectacle vivant est bien pourvu - cela ne saurait nous surprendre de la
part de Mme Catherine Tasca - avec une augmentation de 3,65 % des crédits
d'intervention et de 9,3 % des autorisations de programme. Les théâtres
nationaux voient leurs moyens renforcés de 13 millions de francs. Chaillot
pourra enfin accueillir des spectacles de danse.
Les responsables de certaines scènes nationales font toutefois remarquer que
les 35 heures devraient coûter plus de 100 millions de francs au spectacle
vivant, soit plus que l'ensemble des mesures nouvelles - 80 millions de francs
- prévues cette année. Ces funestes 35 heures font également des ravages à
l'Opéra de Paris en dépit de la gestion brillante de son directeur, M. Hugues
Gall.
Au cours d'une audition préparatoire avec la directrice du théâtre, de la
musique et de la danse, Mme Hubac, j'ai toutefois été sensible à certains
aspects positifs de la réforme des compagnies théâtrales. La tendance à la
reconduction automatique, notamment, serait freinée puisque 170 compagnies
nouvelles auraient été aidées en l'an 2000.
Le budget de 2001 porte une attention bienveillante aux enseignements
artistiques : 18 millions de francs de mesures nouvelles sont prévues dans le
cadre de l'accord conclu avec le ministère de l'éducation nationale, permettant
d'ouvrir 1 600 ateliers d'expression artistique dans les lycées.
Enfin, je porte un jugement favorable sur le budget du livre, qui, avec ses 1
131,6 millions de francs de crédits, est en augmentation de 3,23 %. Les efforts
entrepris pour les bibliothèques municipales, notamment, ne peuvent laisser
indifférents les sénateurs qui, Dieu merci ! sont encore maires et qui, je
l'espère, le resteront.
S'il est permis au rapporteur spécial de céder un instant la parole au maire
d'Essoyes, commune de 650 habitants située dans l'Aube, celui-ci se dira charmé
par les progrès de nos bibliothèques municipales en milieu rural. L'aide de
l'Europe, de l'Etat, de la région et du département y est certes pour beaucoup,
mais aussi le dévouement des bénévoles qui les animent. Je ne saurais donc trop
encourager le ministère à poursuivre son effort en faveur de la lecture
publique et, pour reprendre un débat que j'ai eu avec Mme Tasca dans cet
hémicycle voilà peu de temps à propos de l'affaire du prêt payant en
bibliothèque, je veux continuer à plaider la cause des communes. J'espère
qu'elles seront ménagées dans les annonces que Mme le ministre de la culture
devrait faire en fin d'année sur ce dossier épineux.
Je me suis permis de parler de la bibliothèque d'Essoyes : cela m'évite
d'évoquer le cauchemar de la Bibliothèque nationale de France, peut-être dû à
la malchance mais qui ne cesse de connaître de nouveaux épisodes.
En conclusion, le projet de budget pour la culture se caractérise par beaucoup
d'ombres et peu de lumière. Comme les nouveaux responsables ministériels ne
sont en fonctions que depuis neuf mois, je pense qu'ils ne pouvaient pas
estomper toutes les ombres et pousser tous les éclairages. La commission des
finances, en préconisant, malgré tout, l'adoption de ce projet de budget, a
voulu, en somme, réserver son jugement et leur rappeler l'invite du poète Henri
Michaux : « Ne désespérez pas, faites infuser davantage. »
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de
budget du ministère de la culture que nous examinons voit alterner, comme le
rappelait à l'instant M. Gaillard, les ombres et les lumières. C'est peut-être
ce qui en fait une oeuvre d'art, c'est en tout cas ce qui m'autorisera à le
présenter sous trois éclairages différents.
Il s'agit - ce sera le premier éclairage - d'un projet de budget globalement
satisfaisant, mais qui supporte, nous le constatons année après année, de très
lourdes contraintes.
L'augmentation des crédits, que j'évoquerai très brièvement, me référant, pour
ce qui est du détail, au rapport écrit, est de 2,5 % en francs courants. C'est
à peu près autant qu'en 2000, c'est moins qu'en 1999, où l'augmentation était
de 3,5 %, mais c'est plus, en revanche - et j'en terminerai là avec
l'énumération, ô combien aride, des pourcentages - que la progression du budget
global de l'Etat, qui est de 1,5 %.
Nous nous approchons par conséquent, avec 0,98 % du budget total de l'Etat, du
« 1 % », mais nous ne sommes plus à l'époque où Jean Vilar considérait ce taux
comme la pierre de touche en fonction de laquelle on devait juger de l'intérêt
d'une politique culturelle. La modification constante et normale des
compétences du ministère a rendu tout à fait relative la pertinence de ce
critère.
Cette augmentation est équitablement répartie entre les dépenses ordinaires et
les dépenses d'intervention, alors que le budget de l'année précédente avait
donné très nettement la priorité aux dépenses ordinaires. Ces dernières
augmentent de 2,7 % à structure constante, ce qui devrait permettre de dégager
des moyens permettant au ministère d'affirmer ses intentions.
Deux contraintes pèsent cependant très lourdement sur cette partie du
budget.
S'agissant tout d'abord des dépenses en personnel, nul ne contestera la
nécessité impérieuse de s'engager dans la voie de la résorption de la
précarité. Les établissements publics culturels et les services du ministère
eux-mêmes ont en effet trop souffert d'un climat social difficile en raison du
pourcentage, à l'évidence excessif, d'agents non titulaires. Il fallait par
conséquent mettre en oeuvre ce plan, et la commission des affaires culturelles
ne peut que s'en féliciter.
Toutefois, la quasi-totalité des emplois créés étant affectés à ce plan de
résorption, on peut s'interroger sur les difficultés que rencontreront en
particulier les services déconcentrés pour faire face aux tâches qui leur sont
progressivement dévolues.
La seconde contrainte qui pèse sur le projet de budget tient à la lourdeur des
subventions versées pour assurer le fonctionnement des grands établissements
publics. Nous constatons depuis quelques années une montée en puissance de ces
institutions, liée à la politique des grands travaux - je ne la critiquerai
pas, ayant au contraire, lors des précédentes discussions budgétaires, loué les
réalisations prestigieuses et la diffusion culturelle qu'elle a induites - qui
entraîne des conséquences considérables pour le budget du ministère de la
culture. En effet, près d'un tiers de ses crédits servent désormais à financer
le fonctionnement de ces établissements. Une politique de contractualisation a
été mise sur pied, un contrat ayant notamment été signé avec le Centre national
de la danse : nous assistons peut-être à l'amorce d'une modération toute
relative face à la dérive financière que pourrait engendrer le fonctionnement
de ces institutions.
En ce qui concerne les dépenses d'intervention du titre IV, dont l'importance
est réelle puisqu'il reflète les priorités de la politique culturelle du
ministère, on enregistre une progression de 3,12 %. Je ne peux que saluer cette
augmentation tout à fait importante, qui vient conforter les principales
orientations marquées par ce budget, notamment - j'y reviendrai dans un instant
en examinant au fond les politiques préconisées - la promotion du spectacle
vivant et le renforcement des enseignements artistiques et de la
décentralisation, ce qui correspond aux souhaits que le Sénat exprime depuis
longtemps. J'exprimerai simplement un petit regret à cet égard, à propos de la
nette réduction des commandes de l'Etat aux artistes : l'Etat ne doit pas
oublier qu'il est aussi un mécène et qu'il a des devoirs en ce domaine, que ce
budget ne permettra pas d'assumer pleinement.
S'agissant des dépenses en capital, qui sont essentielles puisqu'elles
intéressent à la fois le patrimoine monumental et celui des grandes
institutions, elles augmentent globalement d'une manière satisfaisante.
Néanmoins, leur répartition amène à s'interroger, comme l'a fait, voilà un
instant, M. le rapporteur spécial, sur le déséquilibre qui existe entre Paris
et la province. Les crédits affectés hors patrimoine aux équipements culturels
parisiens augmentent ainsi de 38 %, tandis que ceux qui sont alloués à la
province sont en hausse de 7,4 %, même s'il va sans dire que l'ensemble de
notre pays profite des infrastructures parisiennes. Parmi les nouvelles
opérations inscrites dans ce projet de budget figurent notamment celle qui a
trait à l'espace du quai Branly et la restructuration du théâtre de l'Odéon. Je
ne disconviens en aucune manière de l'intérêt de ces opérations, je voudrais
néanmoins que l'on n'oubliât pas que la province a elle aussi des besoins
considérables.
J'indiquerai à cet égard qu'un effort tout à fait louable est proposé, au
travers de ce projet de budget, dans deux domaines importants pour le Sénat,
qui est sensible aux demandes des élus locaux : il s'agit, d'une part, des
bâtiments d'archives, dont les crédits augmentent de 70 %, ce qui est tout à
fait méritoire, et, d'autre part, de la construction et de la rénovation des
salles de spectacle.
En ce qui concerne enfin les crédits du patrimoine, et j'en terminerai par là
avec les dépenses en capital, leur stagnation, voire leur recul, est plus
qu'inquiétante. J'y reviendrai dans un instant.
J'aborderai maintenant le deuxième éclairage que j'entendais donner sur ce
projet de budget.
Les priorités que le ministère a définies traduisent la continuité de l'action
culturelle. La commission des affaires culturelles du Sénat a estimé qu'il
fallait s'en féliciter, car les trois objectifs retenus, à savoir soutenir la
création, favoriser l'égalité d'accès à la culture et poursuivre la politique
de déconcentration, correspondent à ce que nous souhaitions.
En ce qui concerne tout d'abord la création artistique, les crédits destinés
au développement de l'aide au spectacle vivant augmentent de 3,8 % et
représentent près du quart du budget. Si l'on détaille les différentes
interventions, on peut estimer que le soutien apporté aux établissements
publics nationaux est tout à fait exemplaire et que celui qui est consenti aux
compagnies subventionnées et aux institutions est convenable.
En revanche, une lacune existe s'agissant des théâtres municipaux non
conventionnés. En effet, nombre de petites villes font l'effort, immense au
regard de leurs ressources, d'entretenir des théâtres municipaux, pour lesquels
la formule du conventionnement n'est pas adaptée. Je citerai l'exemple d'une
commune de mon département, Frouard, petite ville de 7 000 habitants qui
consacre 2 millions de francs par an, sur 17 millions de francs de dépenses de
fonctionnement, à son théâtre municipal. Peut-être serait-il souhaitable que
les services du ministère engagent une réflexion sur la manière dont pourraient
être soutenues de telles institutions, pour lesquelles le conventionnement,
formule sans doute trop complexe et trop lourde de conséquences financières,
n'est pas adapté.
Un autre point recueille l'approbation de la commission des affaires
culturelles : je veux parler de l'aide apportée au développement des
enseignements artistiques spécialisés, notamment par le biais des grandes
institutions universitaires, héritières d'une tradition tout à fait
prestigieuse. Je souhaiterais, à cet égard, indiquer que nous avons été
sensibles au soutien apporté aux vingt-deux écoles d'architecture. Voilà
quelques années, lorsque ces écoles avaient échangé la tutelle d'un ministère
riche pour celle d'un ministère moins riche, de grandes inquiétudes s'étaient
fait jour. Ces écoles sont aujourd'hui convenablement traitées et leurs
responsables n'hésitent pas à le dire ; cela méritait d'être rappelé ici même.
En revanche, les établissements d'enseignement relevant des collectivités
locales, à savoir les conservatoires, d'une part, les écoles d'art municipales
ou régionales, d'autre part, ne bénéficient pas d'une aide suffisante, ce qui
signifie, puisque les collectivités territoriales, qui y sont très attachées,
les financent, que de réelles disparités existent entre les régions.
En ce qui concerne par ailleurs la promotion de l'égalité d'accès à la
culture, deux points importants me paraissent là aussi mériter quelques
commentaires.
J'évoquerai en premier lieu le soutien à l'éducation artistique,
indépendamment des grands établissements universitaires que j'évoquais à
l'instant. En 1998, le Parlement a voté une loi organisant les enseignements
artistiques, qui n'a jamais été appliquée d'une manière convenable. Elle a
toutefois incité le ministère, et je m'en félicite, à mettre en place une
politique très « pointue » dans ce domaine, avec des classes culturelles, des
ateliers de pratiques artistiques et des jumelages avec les institutions
culturelles, destinée à diffuser l'éducation artistique en milieu scolaire.
Malheureusement, seuls 1,5 % des élèves en bénéficient : c'est dire à quel
point nous devons rappeler que c'est à l'éducation nationale et à elle
principalement qu'il appartient d'assurer cette diffusion, quel que soit
l'effort accompli par le ministère de la culture.
J'ajouterai que les collectivités locales et les associations fournissent un
effort tout à fait considérable dans ce domaine, qui mériterait d'être beaucoup
mieux soutenu, car c'est le ministère de la culture, d'une part, les élus
locaux et les associations, d'autre part, qui compensent l'insuffisance criante
de l'éducation nationale en matière d'enseignements artistiques, essentiels
pourtant si l'on veut assurer l'égalité des chances pour tous les enfants.
En second lieu, j'aborderai rapidement la question de la politique tarifaire,
dont nous avions longuement parlé l'an dernier. Cette année, le projet de
budget marque une pause sur ce point, et je crois que c'est une bonne chose,
car cette politique tarifaire visant les musées, les théâtres ou les monuments
historiques a un peu été, comme la langue d'Esope, la pire et la meilleure des
choses. En effet, elle a engendré un effet d'aubaine, de telle sorte qu'elle
n'a pas du tout touché le public auquel elle était destinée, mais les habitués,
qui se sont judicieusement adaptés à la situation. Elle a eu enfin, sur le plan
financier, des conséquences tout à fait dommageables pour de nombreuses
institutions, telles que les musées.
S'agissant enfin de la poursuite de la déconcentration, 69 % des crédits
disponibles sont actuellement gérés de manière déconcentrée. Je ne peux que
m'en féliciter, parce que cela traduit le souci qu'a le ministère d'assurer une
gestion de proximité. Un certain nombre de nos collègues, au sein de la
commission, se sont interrogés sur le devenir du rôle de l'Etat dans ce
domaine. Pour ma part, je suis de ceux qui, lorsqu'ils voient fonctionner leur
direction régionale des affaires culturelles n'éprouvent aucune inquiétude
quant à la manière dont s'organise la déconcentration. Mais peut-être la
situation prévalant dans d'autres régions a-t-elle conduit certains de nos
collègues à formuler des objections que je dois ici relayer, car c'est mon rôle
de rapporteur. En tout cas, je crois que la voie de la contractualisation dans
laquelle nous nous engageons pourra sans doute permettre d'apporter un
correctif utile.
Enfin, le troisième éclairage sera légèrement différent des précédents et
portera sur l'insuffisance criante, monsieur le secrétaire d'Etat, des crédits
affectés au patrimoine.
La tempête - cela a été rappelé - a été à cet égard un signal d'alarme :
dépenser 1,713 milliard de francs pour réparer les dégâts, cela signifie tout
simplement que l'entretien du patrimoine n'était pas suffisant. Or les crédits
que nous examinons aujourd'hui ne sont pas à la hauteur des besoins, aussi bien
pour assurer l'entretien que pour financer l'investissement, alors que la loi
de programme du 31 décembre 1993 avait prévu un effort annuel de 2 %. Je crois
que cette faiblesse est grave, parce qu'elle démontre que des pans entiers du
patrimoine de notre pays sont voués à disparaître - et j'avais évoqué à ce
titre, l'an dernier, l'exemple criant du patrimoine industriel.
Il est essentiel que le prochain budget marque un effort particulier dans ce
domaine. Je citerai seulement, parce que le chiffre est caricatural, les 70
millions de francs affectés, pour toute la France, au patrimoine rural non
protégé. Cela permet de traiter un dossier par région, ce qui, à l'évidence, ne
correspond pas à l'état de notre patrimoine. De même, j'évoquerai d'une phrase
les crédits d'acquisition des musées, qui nous paraissent tout à fait
insuffisants.
Je conclurai en indiquant que, compte tenu des lourdes charges qui pèsent sur
ce budget et des orientations positives que, malgré cela, le ministère a su lui
donner, la commission des affaires culturelles, en dépit des zones d'ombre que
j'évoquais, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal.
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma
et le théâtre dramatique.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les politiques du cinéma et du théâtre, si elles
reposent sur des mécanismes de soutien très différents, concourent également à
promouvoir la création, priorité du projet de budget du ministère de la culture
pour 2001. J'examinerai successivement les crédits qui leur sont consacrés par
le projet de loi de finances.
Avant de procéder à l'analyse comptable des crédits du cinéma, je dresserai un
rapide bilan de la situation économique de ce secteur qui, hélas ! demeure
fragile.
Même si un léger infléchissement de la fréquentation a été observé en 1999,
avec 155 millions d'entrées, les premiers résultats de 2000 confirment la
tendance au redressement observée depuis quelques années. Ce retour du public
vers les salles se traduit par le dynamisme du secteur de l'exploitation. Entre
1998 et 1999, le nombre d'écrans a ainsi augmenté de manière inégalée au cours
de la dernière décennie, évolution largement imputable aux multiplexes, qui
représentent aujourdhui 14,3 % de l'offre cinématographique en termes de
fauteuils, mais aussi plus de 27 % de la fréquentation globale.
La production cinématographique fait également preuve de sa vigueur et de ses
capacités de renouvellement.
Le nombre de films agréés par le CNC s'établit à un niveau qui n'avait pas été
atteint depuis 1980. Et les premiers et deuxièmes films, qui bénéficient
désormais de meilleures conditions de financement, représentent plus de la
moitié des films français.
En dépit de ces signes encourageants, les parts de marché des oeuvres
françaises restent modestes : elles ne dépasseraient pas 30 % pour les premiers
mois de l'année 2000, contre 36 % pour la même période en 1999. Leurs recettes
à l'exportation dépendent de quelques grands succès et elles ne connaissent pas
encore d'amélioration durable.
Ces évolutions ne peuvent laisser indifférents en raison du renforcement de la
concurrence sur le secteur de l'exploitation, évolution qui risque à terme de
menacer la diversité de la programmation. Certes, les multiplexes n'ont pas -
ou pas encore - eu les effets dévastateurs annoncés. A cet égard, les analyses
du rapport de M. Françis Delon sont rassurantes : les salles indépendantes, en
particulier les établissements d'art et d'essai, semblent avoir bien résisté,
du moins celles qui mènent une politique d'animation dynamique.
Ces analyses s'inscrivent dans un contexte favorable de croissance de la
fréquentation. Elles ne permettent pas d'anticiper les conséquences de
l'accélération du rythme de création de ces complexes multisalle à laquelle on
assiste aujourd'hui.
Au-delà des 70 multiplexes déjà en activité, près de 70 nouvelles
implantations ont été autorisées. Mais l'amendement adopté par le Sénat, sur la
proposition de Mme la ministre, lors de l'examen du projet de loi relatif aux
nouvelles régulations économiques, devrait permettre d'aboutir à une
implantation plus raisonnée des multiplexes.
Ce dispositif, assez différent de celui qui est proposé par le rapport Delon,
prévoit essentiellement, au-delà d'une extension du champ de la procédure
d'autorisation, de compléter les critèrers d'autorisation afin de mieux tenir
compte de la vocation culturelle de ces équipements.
Vous me permettez toutefois de regretter que sa logique demeure celle de
l'urbanisme commercial, qui, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, me
semble peu adaptée.
Je me demande par ailleurs si une modification de la composition des
commissions départementales d'équipement commercial n'aurait pas été nécessaire
pour permettre à ces instances d'arbitrer plus aisément entre les intérêts
locaux en présence.
Enfin, j'exprime le souhait que les contraintes imposées aux multiplexes au
nom de la diversité de la programmation n'aboutissent pas, paradoxalement, à
accroître la concurrence envers les autres exploitants.
Cette concurrence est déjà très vive, comme en témoigne l'apparition de
nouvelles pratiques commerciales telles que les abonnements illimités lancées
par plusieurs opérateurs. C'est l'actualité.
Sur cette question, je ne peux que soutenir le Gouvernement, qui veut
restaurer l'efficacité des mécanismes de régulation du secteur de
l'exploitation, ces mécanismes étant mis à mal par des initiatives qui n'ont
été précédées d'aucune concertation.
Le texte inséré dans le projet de loi relatif aux nouvelles régulations
économiques présente le mérite de garantir les conditions de rémunération des
ayants droit et d'obliger les grands groupes à associer à leurs initiatives les
exploitants indépendants. En dépit de ces possibilités d'association, les
risques que représentent pour les indépendants de telles formules demeurent, en
raison de la fragilité de leur situation financière.
Par ailleurs, il n'est pas exclu que ces pratiques se révèlent, à l'usage,
anticoncurrentielles et, de ce fait, portent atteinte aux conditions
d'exploitation de ces salles indépendantes. Cette possibilité n'a pas été
exclue par le Conseil de la concurrence.
A l'évidence, il est nécessaire que ces salles bénéficient d'un soutien accru
et les réformes engagées pour renforcer les aides sélectives seront les
bienvenues.
J'en arrive, mes chers collègues, aux données comptables. Le budget du cinéma
s'établit pour 2001 à 1 791,9 millions de francs ; il est donc en progression
de 6,2 % par rapport à 2000.
Ces crédits proviennent, pour 1 489 millions de francs, de la section « cinéma
» du compte de soutien, et pour 295 millions de francs du budget du ministère
de la culture.
La progression des recettes de la section « cinéma » du compte de soutien sera
essentiellement consacrée au renforcement du soutien sélectif, notamment au
secteur de l'exploitation.
L'objectif est de simplifier les dispositifs et de permettre aux salles
indépendantes de disposer de moyens plus importants pour moderniser leurs
équipements, ce qui, je crois, constitue aujourd'hui une condition de leur
survie face aux investissements considérables consentis par les grands groupes
intégrés.
Les crédits du ministère de la culture destinés au cinéma augmentent de 5,4 %.
Les dépenses ordinaires et les dépenses d'investissement connaissent toutefois
des évolutions contrastées.
Les crédits d'intervention affectés au CNC ne progressent que faiblement, ce
qui ne permettra guère de renforcer son action de soutien aux initiatives
locales, qu'il s'agisse de la sensibilisation des jeunes ou des actions de
soutien au cinéma en régions.
En revanche, les crédits d'investissement connaissent une progression
significative qui bénéficiera aux services des archives du film et du dépôt
légal. Je m'en félicite parce que j'ai eu l'occasion de me rendre compte de la
précarité de leurs conditions de travail.
En outre, le projet de budget prévoit 20 millions de francs pour l'achèvement
de la future Maison du cinéma. Je souhaite que les difficultés auxquelles se
heurte ce projet puissent être rapidement levées afin de permettre l'ouverture
dans les meilleurs délais de cette institution indispensable à la valorisation
de notre patrimoine cinématographique.
Enfin, nous nous satisfaisons des récentes mesures européennes en faveur d'un
soutien de 2,5 milliards de francs à la création cinématographique.
La présidence française de l'Union européenne a permis de garder bien vivant
l'espoir de voir émerger l'Europe du cinéma, notamment à l'issue de la réunion
du Conseil des Quinze, le jeudi 23 novembre dernier. Au cours de cette réunion,
les ministres de la culture et de la communication des Quinze ont adopté le
programme européen Média Plus.
La plus grande part de ce budget visera à faciliter, pour les films européens,
la traversée des frontières nationales au sein de l'Union européenne.
Depuis le mois de septembre dernier, avec l'appui efficace de la commissaire,
Mme Viviane Reding, du Parlement européen et de la profession, Mme la ministre
s'est beaucoup dépensée pour convaincre et mobiliser.
Ce programme d'aide à l'industrie audiovisuelle lui doit beaucoup. Il incite
aujourd'hui à faire preuve de plus d'optimisme et il doit être salué comme une
avancée stimulante pour l'avenir du septième art.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'en viens maintenant aux crédits du théâtre.
En 2001, l'augmentation significative des crédits consacrés, au sein du budget
de la culture, au spectacle vivant et représentant 3,77 % à structure
constante, permettra de poursuivre l'effort engagé en faveur du théâtre au
cours des précédents exercices budgétaires.
Cet effort profite aux théâtres nationaux mais également au réseau résultant
de la décentralisation.
Sur les 80 millions de francs de mesures nouvelles dégagées sur le titre IV en
faveur du spectacle vivant, environ la moitié ira au théâtre.
Ces moyens supplémentaires permettront de consolider en 2001 les crédits
ouverts par le collectif de printemps en faveur des centres dramatiques
nationaux qui ont pâti, au cours des dernières années, d'un alourdissement de
leurs charges de fonctionnement. Les subventions des scènes nationales seront
augmentées dans la perspective de la négociation des nouveaux contrats
d'objectifs les liant à l'Etat. La mise en place de scènes conventionnées fera
également l'objet d'un effort spécifique.
Les compagnies dramatiques devraient bénéficier pour leur part de moyens
supplémentaires, à hauteur de 14 millions de francs.
Enfin, comme en 2000, les dépenses d'investissement consacrées au théâtre
progresseront d'une manière significative, essentiellement au bénéfice des
institutions régionales. Je me félicite de cette orientation.
La politique d'équipement conduite par les collectivités locales est donc
confortée, ce qui n'est que justice.
Je dois cependant souligner que l'évolution des dotations budgétaires
consacrées au théâtre est difficile à apprécier. La présentation des documents
budgétaires comme l'uniformisation des procédures de soutien au spectacle
vivant, dont la vocation devient de plus en plus pluridisciplinaire, ne
permettent plus d'identifier les crédits consacrés au théâtre au sein des
enveloppes gérées par la direction unique en charge de l'ensemble des
disciplines du spectacle vivant, notamment les dépenses d'intervention qui
constituent le coeur de la politique de soutien à la création.
La déconcentration des crédits complique encore les choses. Faute notamment
d'outils informatiques adaptés, les services centraux ne disposent, au moment
où nous examinons le budget, ni d'indications fiables sur les conditions
d'exécution de la loi de finances pour 2000 ni de données précises sur la
répartition de l'enveloppe budgétaire entre les différentes actions pour
l'année 2001.
Au-delà des inconvénients que cela représente pour un contrôle approfondi du
Parlement sur le budget, cette situation révèle que les effets de la
déconcentration sont encore mal maîtrisés par le ministère.
A cet égard, je ne pourrais que vous inciter, monsieur le secrétaire d'Etat, à
poursuivre vos efforts pour réaffirmer le rôle d'impulsion et d'évaluation du
ministère et de ses services centraux qui ne sont pas encore rompus à cette
nouvelle donne administrative.
Sous réserve de ces observations, compte tenu de la volonté de poursuivre la
politique de soutien à la création que traduit le projet de budget, la
commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des
crédits pour 2001 du cinéma et du théâtre dramatique.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour 40 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
budget de la culture progresse pour la quatrième année consécutive. Il s'élève
à près de 16,5 milliards de francs. Avec 2,6 % d'augmentation, il représentera
0,99 % du budget de l'Etat en 2001.
Le fameux seuil du 1 %, tant convoité par tous les ministres de la culture
après mai 68, n'a jamais été si proche depuis 1993, où il avait été atteint
pour la première fois grâce au volontarisme de Jack Lang.
Pour autant, je ne vous surprendrai pas, monsieur le ministre, le symbole n'a
jamais eu moins de sens qu'aujourd'hui. Jean Vilar, à qui l'on doit cette
célèbre revendication, remettait déjà le pourcentage à sa place : « aussi
imprécis », disait-il « que peut l'être un chiffre... Cela tient du
grignotage... C'est sans doute une tactique, mais est-elle vraiment efficace ?
».
Je ne crois pas le trahir en disant que l'idéal des pères de la
décentralisation culturelle ne s'est jamais résolu dans un chiffre mais qui
s'incarne plutôt dans l'exigence démocratique de la culture pour tous. Nous le
savons tous aussi, par un tour de passe-passe destiné à masquer
artificiellement une chute brutale des crédits, M. Philippe Douste-Blazy avait
élargi les compétences du ministère, sans que les moyens suivent. Au fil du
temps, si la ritournelle du 1 % est passé du mythe à la complainte, elle n'est
en aucun cas une finalité.
Depuis vote arrivée rue de Valois, Mme Catherine Tasca et vous-même avez
décidé de vous consacrer à une « refondation de la politique culturelle ».
Trois objectifs prioritaires ont été clairement définis : la défense de la
diversité culturelle, la poursuite de la décentralisation et l'égalité d'accès
à la culture.
Défendre la diversité culturelle, c'est vouloir restaurer les « marges
artistiques » pour mieux soutenir la création et les créateurs.
La tâche est ardue au regard des missions incompressibles du ministère de la
culture. Nous pensions que la fin des « grands travaux » allait débrider sa
capacité d'initiative. Mais vous devez faire face à des investissements trop
longtemps différés, qu'il s'agisse des indispensables réparations du Grand
Palais, de la rénovation de l'Odéon ou de la restauration de l'Orangerie, sans
parler des chantiers à lancer, comme la Cité de l'architecture et du patrimoine
à Chaillot ou la réalisation d'une grande salle de concert à La Villette. Vous
avez par ailleurs « hérité » de la construction du Musée des arts premiers,
quai Branly.
Au total, si l'on ajoute les charges de fonctionnement, le ministère de la
culture consacrera 56 % de son budget en 2001 aux grandes institutions
parisiennes, alors même que la Bibliothèque nationale de France dévore à elle
seule 10 % des crédits.
Ce n'est pas l'élue parisienne que je suis qui s'en plaindrait et irait
contester l'attrait de ces grands lieux de culture, ces « phares », comme le
disait Baudelaire, dont les feux rayonnent dans le monde entier. Mais il faut
bien constater que les marges d'action sont du coup extrêmement réduites. Je me
limiterai à l'exemple du spectacle vivant : en l'espace de cinq ans, de 1994 à
1999, les subventions aux établissements publics - opéras, théâtres nationaux -
ont augmenté de 32 %, celles des réseaux nationaux - centres dramatiques,
chorégraphiques, scènes nationales, orchestres... - de 21 %, tandis que les
compagnies dramatiques, les arts de la rue, les festivals, bref, tout le vivier
de la création de demain n'a bénéficié que d'une hausse de 4 %.
Comment, dans ces conditions, pourra-t-on réussir le virage du renouveau des
générations artistiques et le pari de l'élargissement des publics ? Je ne
saurai le dire mieux que Tadeusz Kantor, que je cite : « ce n'est pas l'oeuvre
comme produit qui importe, ce n'est pas son aspect éternel et figé, mais
l'activité même de créer. »
A la faiblesse des moyens financiers s'ajoutent des difficultés que je
qualifierai d'administratives.
La réforme de l'aide aux compagnies et le principe d'une aide à la création
tous les deux ans, si elle a permis de soutenir plus de projets, déstabilise
aussi les aventures confirmées. Par ailleurs, le réseau national des cent vingt
scènes de musiques actuelles est en ordre de marche, mais peut-on actuellement
promouvoir une programmation audacieuse ?
Je ne vous le cache pas, mes interlocuteurs ne comprennent pas toujours les
critères d'évaluation pratiqués et m'interrogent régulièrement sur la
transparence des décisions.
Le revers de la médaille est paradoxalement plus positif. La génération
montante se désintéresse des lieux de l'art officiel, que se partagent depuis
trop d'années les mêmes « barons de la culture ». C'est ainsi que nous voyons
émerger un peu partout de nouvelles spontanéités artistiques, plus proches du
tissu urbain, des quartiers, hors les murs, hors l'institution, dans les
friches industrielles ou les immeubles désaffectés, bref, dans les squats
artistiques.
Mon intention n'est pas de remettre en cause le processus de déconcentration
des crédits, qui s'est beaucoup accéléré en l'espace de trois ans - en 2001,
les deux tiers des « crédits déconcentrables » le seront effectivement. Il
était nécessaire de rapprocher l'Etat des artistes et du public. Mais
fallait-il autant se précipiter ? A-t-on vraiment voulu « cette déconcentration
à marche forcée », alors que les effectifs dans les directions régionales des
affaires culturelles n'ont pas suivi ?
Je salue la création annoncée de 514 emplois budgétaires, auxquels s'ajoutent
110 transferts d'emplois contractuels. Cela permettra en particulier de
résorber l'emploi précaire, mais je souhaite savoir quels sont les moyens
supplémentaires des DRAC, en particulier ceux de la DRAC d'Ile-de-France,
laquelle, je le souligne, doit gérer autant de compagnies que le reste de la
France !
Comme l'a dit Catherine Tasca, « l'enjeu culturel doit se hisser au rang des
grands enjeux politiques », et je salue au passage la pugnacité qui lui a
permis d'obtenir, pour la première fois dans le cadre d'un collectif
budgétaire, 50 millions de francs supplémentaires pour la création et les
créateurs. Sachez que nous serons toujours à vos côtés.
Je crois néanmoins qu'à l'avenir la culture devra plus que jamais devenir une
préoccupation transversale et largement partagée. Votre ministère pourra se
reposer davantage sur ses partenaires, l'éducation, les affaires étrangères ou
l'environnement, l'Etat pourra lever la tête vers l'Europe, sans oublier le
rôle prépondérant des collectivités locales.
Nous le savons, depuis 1996, la part des collectivités territoriales dans le
financement public de la culture dépasse nettement, avec plus de 30 milliards
de francs, celle de l'Etat.
Je ne peux m'empêcher de souligner que cette saine émulation - est-ce vraiment
une surprise ? - ne trouve malheureusement pas d'écho dans la plus grande ville
de France. La forte implication de l'Etat y est inversement proportionnelle au
désengagement scandaleux de la municipalité. Avec moins de 5 % de son budget
pour la culture, contre trois fois plus dans la plupart des capitales
européennes,...
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mes chers collègues, il ne s'agit que de comparaisons !
M. Louis de Broissia.
Pas de campagne électorale !
Mme Danièle Pourtaud.
Il ne s'agit pas de campagne électorale ! Certaines vérités sont bonnes à dire
et, si elles vous dérangent, c'est dommage !
M. Louis de Broissia.
Trouvez d'autres enceintes !
Mme Danièle Pourtaud.
... la mairie de Paris peut s'enorgueillir d'apporter sa contribution à
l'asphyxie du ministère de la culture et brandir la lanterne rouge de
l'initiative culturelle.
Quoi qu'il en soit, le second acte de la décentralisation passe nécessairement
par le développement des partenariats entre l'Etat déconcentré et les
collectivités locales. Il faut, comme vous l'avez décidé, inventer de nouvelles
formes de collaboration avec les régions, les villes, voire les
arrondissements. Osons mettre un terme à cette politique gigogne qui consiste à
imiter et à reproduire à tous les échelons, sans aucune concertation !
Mais je n'oublie pas que toute politique culturelle, toute innovation ou
création n'a de sens que dans sa capacité à toucher le plus grand nombre.
La démocratisation de la culture ne passe pas seulement, nous le savons bien,
par des politiques tarifaires. Une politique tarifaire, sans éducation, sans
éveil de la sensibilité à l'art dès le plus jeune âge, ne profite qu'à ceux qui
ont déjà une pratique culturelle.
L'éducation nationale a enfin répondu à l'appel du ministère de la culture. Un
plan ambitieux de 300 millions de francs permettra d'instituer de solides
partenariats dès l'année prochaine. Le ministère de la culture s'engagera en
mobilisant ses structures pour que la formation artistique se fasse avec les
artistes et dans les lieux de spectacles. Je souhaite vivement que vous
disposiez de moyens accrus dans les prochaines années pour pérenniser ces
actions.
Je voudrais maintenant revenir sur un problème qui n'a que peu à voir, à mon
avis, avec la démocratisation de l'accès à la culture, je veux parler des
cartes d'abonnement au cinéma, lancées par les grands circuits de
distribution.
Il est clair que cette trouvaille
marketing
ne vise qu'à capter les
spectateurs et spécialement les jeunes au détriment des salles indépendantes.
Ces pratiques font peser deux dangers majeurs sur le cinéma français.
Le premier danger est de faire oublier que le cinéma est le septième art et
que sa diversité est essentielle à notre identité culturelle. La carte
illimitée risque de transformer, surtout pour les jeunes, le choix d'un film en
« sortie pop corn » : peu importe ce que l'on va voir, on « zappe » d'une salle
à l'autre.
Le second danger est de tuer le réseau le plus riche du monde de salles
indépendantes et d'art et d'essai, salles dont les animateurs sont des amoureux
du cinéma et qui sont indispensables pour que « petits films » ou « films
difficiles » puissent rencontrer un public. Conjuguée à la multiplication
engagée des multiplexes, dont la programmation est totalement tournée vers les
grosses productions américaines, ces pratiques commerciales risquent
d'assassiner le cinéma français. Nous devons tous rester très vigilants, et il
faudra certainement améliorer encore le dispositif d'encadrement proposé par
Catherine Tasca.
Je ne peux conclure sans évoquer des dossiers qui engagent l'Europe, alors que
s'achève la présidence française de l'Union européenne.
M. le président.
Il vous faut effectivement conclure, madame Pourtaud !
Mme Danièle Pourtaud.
Je conclus, monsieur le président.
Je ne reviendrai pas sur le plan Média Plus. Je voudrais toutefois souligner
deux inquiétudes.
La première concerne la TVA sur le disque. Au moment où toute l'industrie
musicale est menacée par l'inflation des copies privées et par le piratage sur
Internet, via la norme MP3, je suis plus que jamais convaincue de la nécessité
d'intégrer le disque dans les produits culturels auxquels le taux réduit peut
s'appliquer.
Ma seconde inquiétude porte sur le commerce électronique, qui soulève de
nombreuses craintes dans le milieu de l'édition papier. Monsieur le secrétaire
d'Etat, peut-être pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos pistes de
réflexion pour rassurer les éditeurs et les libraires indépendants.
En conclusion, vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe socaliste
votera ce projet de budget, qui traduit bien, malgré les difficultés, la
volonté de réformer le service public de la culture.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons aujourd'hui les crédits du ministère de la culture et les
crédits consacrés à la décentralisation culturelle. Cet ajout est heureux. Il
faut, en effet, dans ce pays, faire un effort, et un effort important, en
faveur de la décentralisation culturelle au niveau de l'Etat. En effet, s'il
existe bien une politique culturelle locale, on la doit, pour l'essentiel, aux
collectivités locales. Il est donc juste, bon et nécessaire que l'Etat en
tienne compte et aide les collectivités dans leur effort de
décentralisation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous êtes en charge de cette
décentralisation, pour laquelle je formule des souhaits de succès,
permettez-moi, à l'occasion de l'examen de ce budget, de redire ici combien il
est paradoxal, alors que vous affichez une volonté de décentralisation, que le
premier texte que vous soyez amené à défendre dans cette enceinte vise à la
création d'un monopole d´Etat dans le domaine culturel ! C'est même tout à fait
contradictoire avec la volonté que vous affichez et que nous partageons.
Sur un dossier comme l'archéologie préventive, qu'on veuille bien croire que
nous recherchons un accord et un bon texte, et non pas des oppositions de
caractère idéologique qui, vraiment, n'ont pas leur place dans cette affaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous allons bientôt, dans cet hémicycle,
examiner en troisième lecture ce texte qui est, je vous le redis,
contradictoire avec la volonté de décentralisation que vous affichez.
De plus, il consterne - et le mot est faible ! - tous les acteurs des services
locaux des collectivités territoriales dans le domaine de l'archéologie -
services qui ont été créés, là encore, par la volonté de ces collectivités -
qui ne sont pas encore assez nombreux et qui sentent, malgré toutes les
garanties que vous avez bien voulu leur donner, malgré les propos que vous
allez tenir, que leur situation va être minorée, qu'on va faire d'eux des
auxiliaires qu'on utilisera quand on le voudra bien. Peu importe qu'il s'agisse
d'un établissement public à caractère administratif, comme vous le voulez, ou à
caractère industriel ou commercial, comme cela a été dit. Ces hommes et ces
femmes attachés à leur territoire auraient voulu qu'on reconnaisse leur rôle,
leur contribution et leur dignité, au même titre que les personnes au service
de l'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les chiffres du budget n'annoncent pas, dans
les services de l'Etat qui ont à connaître de l'archéologie, des créations de
postes permettant à ceux-ci de jouer leur rôle. Il est probable qu'il s'agira
plutôt, d'une certaine manière, d'un transfert à cet établissement public des
responsabilités régaliennes qui sont celles de l'Etat dans la préservation des
vestiges archéologiques.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de souhaiter solennellement et
sincèrement qu'à l'occasion de nos retrouvailles, pour l'examen en troisième
lecture du texte, il y ait de votre part, comme elle existe de la nôtre, une
volonté de parvenir enfin à un accord qui, s'il dote la France d'un
établissement à vocation nationale pour le service de l'archéologie, permette
aussi aux collectivités quand elles le souhaitent - et même les incite à le
faire - de se doter de services archéologiques responsables au premier chef de
leur territoire.
Voilà ce qu'il me fallait vous dire aujourd'hui sur ce point.
On me permettra maintenant d'aborder un autre sujet qui, je le crois, est
fondamental quand on parle de culture française. Monsieur le secrétaire d'Etat,
il ne relève pas directement de votre responsabilité, mais je crois savoir que
Mme Tasca a à coeur la place et la défense de la langue française en France.
Qu'y a-t-il de plus important pour notre culture que de veiller à ce que notre
langue continue bien à tenir toute sa place en France même ? Or, monsieur le
secrétaire d'Etat, des menaces sérieuses risquent malheureusement de se
préciser année après année dans ce domaine.
Il arrive même parfois aux parlementaires qui s'intéressent à cette question
d'être quelque peu découragés par les bonnes paroles avec lesquelles on leur
répond et du peu de résultats obtenus sur le plan de l'action. Déjà, l'an
dernier, je dénonçais à cette tribune ce problème singulier des films dits
français subventionnés et aidés par nos soins - ce qui est normal - qui ont
l'anglais comme version originale ! Il en est ainsi de la
Jeanne d'Arc
qui a fait des grosses entrées l'an dernier. Aussi singulier que cela puisse
paraître, les exemples sont nombreux et se répètent.
Je viens de recevoir un exemplaire de la
Nouvelle revue aérospatiale
,
titre bien français. Elle s'appellera désormais
Planet Aerospace
! Les
éditeurs ont dû se sentir un peu gênés. Ils expliquent les raisons de ce
changement de titre dans un éditorial. Pour sacrifier à une mode ? Non point !
Tout simplement pour symboliser d'abord une unité dans la diversité et aussi
parce que ces mots dans la langue de Shakespeare sont compris par tous les
professionnels et les passionnés des technologies aéronautiques et spatiales de
par le monde !
Qui ne comprend que ce mode de raisonnement peut se retrouver dans bien
d'autres disciplines ? Ainsi, on nous explique qu'il est indispensable que les
films français, pour être exportés, soient en anglais dans leur version
originale, que la langue de la science soit maintenant l'anglais et que les
scientifiques doivent s'exprimer en anglais. Et tant pis pour ceux qui sont un
peu moins doués pour la langue de Shakespeare ! On nous explique encore que la
langue des transports est l'anglais et, maintenant - c'est M. le ministre de la
défense qui l'a dit - que l'anglais sera aussi la langue opérationnelle pour
les forces françaises qui opèrent conjointement avec les troupes de l'OTAN !
Autrement dit, notre armée, dont le rôle est tout de même d'assurer la défense
et l'indépendance de notre pays, reconnaît elle-même qu'elle devra de plus en
plus utiliser une autre langue que la sienne !
M. Allègre, qui n'est certes plus membre du Gouvernement puisqu'il a connu
quelques vicissitudes dans l'exercice de ses responsabilités ministérielles,
nous expliquait, lui aussi, que nous devions nous résoudre, en France, que cela
nous plaise ou non, à aller vers le bilinguisme, à voir l'anglais devenir notre
autre langue.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que le ministère de la culture est
aussi le ministère de la langue française, et que l'une de ses tâches
primordiales est bien de veiller tout simplement au respect de notre langue en
France et d'intervenir quand son usage est ainsi menacé.
Comment la France, elle qui milite pour le plurilinguisme en Europe, pour la
préservation de la place du français dans les institutions internationales,
serait-elle crédible si elle continue d'accepter sans rechigner que la place du
français en France soit, année après année, minorée ?
Ne nous y trompons pas : encore quelques années de ce comportement en France
et c'en sera fait du rôle international de la langue française ! Et nous
pourrons faire toutes les grandes manifestations francophoniques possibles,
pour l'essentiel, notre action dans ce domaine ne sera plus que gesticulation,
théâtre.
Cela, nous ne pouvons l'accepter, monsieur le secrétaire d'Etat.
Alors, permettez-moi de m'inquiéter quand je vois que, dans ce budget, les
crédits de la délégation générale à la langue française, qui est votre
principal outil d'action ou d'intervention, sont stables, et à un niveau très
moyen, alors même que vous avez décidé cette année d'attribuer à cette
délégation générale des compétences nouvelles.
Vous souhaitez en effet que la délégation générale à la langue française
s'occupe de la langue française et des langues de France. Je ne suis pas de
ceux qui veulent opposer les langues de France à la langue française ; je crois
que chaque langue est respectable, surtout quand elle est la langue du coeur et
qu'elle est ressentie comme une langue maternelle. Je ne suis donc pas choqué
que le Gouvernement veuille permettre aux langues de France de s'exprimer d'une
manière ou d'une autre. Encore faut-il savoir quelle forme cela peut prendre,
mais c'est là un autre débat.
En revanche, quand je constate que les crédits destinés aux langues de France
sont prélevés sur les crédits, déjà bien faibles, consacrés au rôle et à la
place de la langue française en France - car il apparaît clairement que ce ne
sont pas des crédits supplémentaires -, je ne peux pas être d'accord, monsieur
le secrétaire d'Etat. Les sommes en cause ne sont pas telles que vous ne
puissiez pas, à cette mission nouvelle, consacrer des crédits nouveaux.
Je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire en sorte
que votre action en faveur des langues de France ne soit pas un simple
transfert des crédits de la langue française, menacée, au profit des langues de
France, que vous estimez également menacées, mais traduise bien une ambition
nouvelle du Gouvernement, dotée de crédits nouveaux.
M. le président.
Il vous faut conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, je terminerai donc en disant que, si ce budget présente
l'apparence d'une certaine aisance financière et indique un certain nombre
d'orientations qui peuvent être intéressantes sur des points essentiels - je
pense en particulier à ce problème de la langue française, qui doit être au
coeur de l'action d'un ministère comme le ministère de la culture - un gros
effort reste à faire pour qu'aux mots correspondent les réalités.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget de la culture pour 2001 ressemble à s'y méprendre à celui de
l'année dernière. On y retrouve les mêmes priorités politiques : démocratiser,
décentraliser et stabiliser les emplois et les institutions.
A structure constante, il s'élève à 16,495 milliards de francs.
Les dépenses ordinaires sont en hausse de 2,4 %. Ces crédits supplémentaires
profiteront à la dotation générale de décentralisation pour les bibliothèques
et aux interventions culturelles.
Les autorisations de programme font l'objet d'une hausse importante pour ce
qui concerne les subventions d'investissement accordées par l'Etat et
enregistrent une diminution sensible pour les investissements réalisés à la
suite de l'achèvement programmé de plusieurs grands travaux.
Au total, le budget du ministère de la culture représentera 0,98 % des charges
nettes de l'Etat en 2001. Il n'a donc toujours pas atteint l'objectif
symbolique de 1 % du budget de l'Etat.
Comme du temps de Mme Trautmann, la part belle est faite à l'« art vivant »,
qu'il s'agisse de soutenir les créateurs ou de renforcer les moyens des
structures de formation et de diffusion.
En parallèle, la contractualisation des rapports entre l'Etat et les
institutions culturelles sera développée.
Des secteurs spécifiques de la création, comme le cirque, la jeune création
contemporaine ou le multimédia, font également l'objet d'un soutien
renforcé.
Par ailleurs, cette priorité s'exprime par un soutien plus effectif aux
enseignements artistiques spécialisés, notamment aux écoles d'architecture.
Nous ne pouvons que saluer ces mesures.
La deuxième priorité du budget concerne la poursuite de l'effort en matière de
démocratisation : gratuité de l'accès aux musées nationaux le premier dimanche
du mois, par exemple. Là aussi, nous vous approuvons totalement.
Le dernier axe prioritaire est l'établissement d'un nouvel équilibre de
l'action culturelle entre Paris et la province. Cette heureuse évolution
passera, comme en 2000, par la poursuite de la déconcentration des crédits -
plus de 50 % des crédits d'intervention du ministère de la culture sont en
effet désormais directement gérés par les directions régionales des affaires
culturelles -, par la relance concomitante de la politique contractuelle avec
les collectivités territoriales ainsi que par un soutien renforcé aux
équipements culturels en région.
Le projet de budget pour 2001 permet, certes, de consolider les priorités,
mais il sacrifie pour cela plusieurs domaines qui conditionnent à long terme
l'efficacité et la pérennité de l'action culturelle et de ses institutions.
Pour la seconde année consécutive, le budget de la culture témoigne du faible
intérêt accordé aux monuments historiques, les crédits qui y sont consacrés
n'augmentant que de 1,4 %.
Il s'agit malheureusement là d'une vision à court terme : il est dangereux de
consentir un effort aussi mesuré en faveur de l'entretien de nos monuments, car
le risque est grand de devoir, un jour ou l'autre, débourser des sommes
beaucoup plus importantes pour effectuer des réparations lourdes.
C'est d'autant plus grave que les tempêtes de décembre 1999 ont causé des
dégâts considérables. Ils ont été chiffrés à 900 millions de francs. Mais cette
estimation semble en dessous de la réalité si l'on inclut les dommages subis
par les collectivités territoriales et les demandes des propriétaires privés.
Aucune ligne budgétaire n'est prévue.
De même, le point noir du budget demeure la faiblesse des crédits
d'acquisition. Alors que le Parlement a adopté un projet de loi relatif à la
protection des trésors nationaux, on ne peut que regretter ce manque de
cohérence entre les objectifs affichés et les moyens réellement mis en
oeuvre.
La situation de la direction des musées de France sera particulièrement
difficile puisque l'apparent maintien de ses crédits d'acquisition dissimule en
réalité une amputation de 10 millions de francs. En effet, la compensation de
la gratuité pour l'entrée dans les musées nationaux a été en 2000 et sera en
2001 prélevée sur le fonds du patrimoine. Avec 95 millions de francs, ce fonds
est censé à la fois permettre l'acquisition des oeuvres dont le refus de
certificat d'exportation est arrivé à échéance, poursuivre les acquisitions
destinées au musée du quai Branly et concourir à l'enrichissement des
collections des musées nationaux.
Dans ce contexte, on ne peut que dénoncer l'absence d'une véritable politique
d'incitation fiscale en matière d'oeuvres d'art.
Au début des années cinquante, la France se plaçait au premier rang du marché
mondial de l'art. Aujourd'hui, la situation est très différente : le marché de
l'art français a décliné de 24 % au cours des dix dernières années.
On assiste à une véritable hémorragie : le ratio exportation/importation
montre que sortent de France chaque année 2 milliards de francs d'objets d'art,
dont les trois quarts partent vers les Etats-Unis. Le danger de fuite de notre
patrimoine vers l'étranger est donc bien réel.
Il est clair que, dans le domaine culturel, l'Etat ne peut pas tout assumer.
C'est pourquoi on ne peut que regretter l'absence, en France, d'encouragement
au mécénat. Le mécénat d'entreprise participe pourtant activement, par exemple,
à la rénovation du château de Versailles, dont le coût total est estimé à près
de 3 milliards de francs sur vingt-cinq ans.
Enfin, concernant la politique de l'emploi, les efforts en matière de
résorption de l'emploi précaire sont poursuivis. Le ministère affiche 300
créations d'emploi. En réalité, sur ces 300 emplois, 110 correspondent à des
transferts de postes du budget de l'Etat vers celui des établissements
publics.
Par ailleurs, le budget ne fait aucune mention de la situation des écoles
nationales d'art, en dépit des engagements pris par Mme la ministre de la
culture et de la communication lors de la signature d'un protocole d'accord de
fin de grève. Elle avait d'ailleurs, à cette occasion, reconnu le bien-fondé de
leurs revendications et promis des solutions rapidement.
Ces huit écoles nationales demandent la reconnaissance de leur statut
d'établissement d'enseignement supérieur.
Je sais les marges de manoeuvre budgétaires limitées. Les grands
établissements absorbent encore une part importante des fonds. En 1999, leur
subvention de fonctionnement représentait près de 12 % du budget total.
Parmi les grands travaux, la Bibliothèque nationale de France représente un
véritable gouffre financier, qui ne fait que se creuser, pour une efficacité
contestable. En 2000, le coût pour le budget de l'Etat s'élevait à 1 milliard
de francs. On croit rêver !
J'attends, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez des
précisions sur les intentions du Gouvernement à ce sujet.
Malgré les carences regrettables que je viens d'évoquer, il faut reconnaître
que ce budget témoigne de l'effort de rigueur qu'appelle de ses voeux la
commission des finances du Sénat. Le processus de réduction de l'emploi
précaire qui est engagé et le rééquilibrage entre Paris et la province sont
globalement satisfaisants. Dans ces conditions, le groupe de l'Union centriste
votera ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'aurais aimé pouvoir saluer Mme Tasca, nouveau ministre de la culture, ayant
eu pendant des décennies le privilège d'apprécier ses qualités d'efficacité et
d'amabilité lorsqu'elle était à la tête de la maison de la culture de Grenoble.
Puis-je vous demander, monsieur le secrétaire d'Etat, de lui transmettre ce
modeste message ?
Nos collègues Yann Gaillard et Philippe Nachbar, que je remercie pour leurs
rapports, ont bien mis en évidence les points positifs de ce budget ainsi que
les réserves qu'il pouvait susciter. Aussi concentrerai-je mon propos sur la
décentralisation culturelle et sur le spectacle vivant.
La création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation
culturelle laissait augurer des avancées importantes dans ces deux domaines. De
ce point de vue, il faut l'avouer, ce projet de budget nous laisse, du moins
pour le moment, sur notre faim.
L'une des priorités affichées pour l'année prochaine est la poursuite de la
construction d'un nouvel équilibre de l'action culturelle entre Paris et la
province. Cette action passe par la déconcentration des crédits et la
décentralisation culturelle.
La déconcentration est, on le sait, l'un des acquis et des atouts de ce
ministère. Chaque année, on se félicite des avancées dans ce domaine. Ce projet
de budget ne faut pas à la coutume. En 2001, 69 % des crédits d'intervention
seront délégués aux DRAC, contre 67 % cette année.
Pour autant, ce
satisfecit
quant à l'évolution globale ne doit pas
cacher le déséquilibre important qui subsiste.
Cette année, tous titres confondus et hors crédits de personnel, 31,5 % des
crédits disponibles ont été déconcentrés. C'est mieux que l'année dernière,
certes, où l'on atteignait 28,7 % ; c'est même mieux d'année en année, je le
reconnais. Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui près de 70 % des crédits
restent à Paris. La capitale continue de drainer bien plus de la moitié des
crédits consacrés par l'Etat à la culture.
Une déconcentration qui ne concerne, après tant d'années de réflexion et de
suppliques, qu'un peu plus de 30 % du budget du ministère est-elle une vraie
déconcentration ?
En outre, si l'évolution globale va dans le bon sens, certains postes marquent
le pas.
Prenons les dépenses en capital, par exemple. Vous continuez de vous
prévaloir, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un effort en faveur des équipements
culturels locaux. Qu'en est-il réellement ?
D'abord, les taux d'évolution pour l'année prochaine des crédits
d'investissement à Paris et en province sont sans comparaison.
Hors dotations destinées au patrimoine, les crédits consacrés aux équipements
culturels progressent de 38 % à Paris et seulement de 7,4 % en régions, soit
cinq fois moins.
En outre, les projets financés de part et d'autre sont d'une tout autre
dimension. A l'exception du Cargo à Grenoble et du Centre de la mémoire
contemporaine de Reims, les opérations menées en province sont nettement plus
modestes que celles qui sont lancées à Paris.
Comme l'a montré mon collègue Yann Gaillard, le rapport entre les crédits
d'investissement consacrés aux équipements culturels en région et ceux qui sont
destinés à Paris passe de 105 cette année à 82 pour l'année prochaine. La
disproportion des moyens engagés est patente. Le fort rééquilibrage dont se
prévalait le Gouvernement se révèle donc précaire. On le constate également
dans le domaine du spectacle vivant.
En cinq ans, le budget des établissements publics, tels que les opéras et les
théâtres nationaux, a progressé de plus de 30 %, celui du réseau national,
comme les scènes nationales et les orchestres de région, de plus de 20 % et,
enfin, celui des compagnies et des festivals seulement de 4 %.
L'étude détaillée des crédits budgétaires pour 2001 laisse apparaître une
réelle prise en compte des besoins pour les seuls établissements publics
nationaux - l'Opéra de Paris, la Comédie française et les autres théâtres
nationaux - alors que, pour le titre IV, l'augmentation est nettement
inférieure à celle des années précédentes, et ce malgré l'arrivée de nouveaux
établissements labellisés.
Les établissements nationaux, directement gérés par l'Etat, étant tous situés
à Paris, à quelques exceptions près comme le théâtre national de Strasbourg, le
fossé entre les moyens alloués à la capitale et ceux qui sont réservés à la
province grandit.
L'une des raisons de cette évolution tient à la réduction du temps de travail
dont le coût pour le seul secteur du spectacle vivant a été évalué à 110
millions de francs, soit près de quatre fois plus que la totalité des mesures
nouvelles prévues en faveur de ce serveur pour 2001, lesquelles s'élèvent à 30
millions de francs.
Plus profondément, le fossé entre Paris et la province est d'ordre culturel,
si je puis dire. La culture est trop souvent le fait de fonctionnaires
parisiens, pour un public qui vit à Paris, qui vient à Paris ou qui aime Paris,
et assez peu pour la province !
Je sais bien que votre ministère fait des efforts et je vous en sais gré.
En tant qu'homme de province, élu du monde rural depuis plus de quarante ans,
je tiens à vous dire que nous ne voyons guère de trace sur le terrain de toutes
ces sommes immenses consacrées à la culture dont nous parlons ici. Etant
concerné et impliqué dans les affaires culturelles, je vois comme il est
difficile d'obtenir localement le soutien que l'on espère des pouvoirs
publics.
C'est pourquoi, malgré tous les points positifs que je reconnais, l'évolution
actuelle me paraît préoccupante. Elle révèle le soutien à une exception
parisienne plus qu'à une exception française. Elle reproduit à petite échelle
dans les métropoles dotées de scènes nationales le schéma parisien. Qu'en
est-il alors de la politique de la ville en matière culturelle et, surtout, des
populations rurales situées, par définition, loin de ces pôles régionaux ?
L'exemple du Cargo à Grenoble est édifiant à cet égard. Voilà une maison de la
culture que Mme la ministre a dirigée et où elle a laissé le meilleur souvenir,
je dois le reconnaître. Eh bien ! pour sa « requalification », comme l'on dit,
250 millions de francs sont, paraît-il, nécessaires !
Depuis deux ans, mes chers collègues, les locaux sont vides ! Les travaux
n'ont pas commencé et les appels d'offres sont infructueux. Il faudra peut être
prévoir 30 millions ou 40 millions de francs de plus. Le projet artistique,
auquel aucun directeur ni professionnel de l'agglomération n'a été associé,
d'ailleurs, est aujourd'hui abandonné par les artistes eux-mêmes. Il faut le
savoir !
Je note qu'alors que tout est bloqué les théâtres des villes de
l'agglomération grenobloise n'obtiennent rien de l'Etat, tandis que, pour Le
Cargo, on provisionne dix millions de francs en budget artistique sur
l'exercice 2001, alors qu'il est fermé. Telle est la vérité !
Il est grand temps que l'Etat contrôle au mieux l'utilisation de ses aides et
subventions.
Une décentralisation accrue devrait faciliter le dialogue entre les
professionnels et l'Etat. Ensemble, ils seraient mieux à même de juger de
l'authenticité et de l'intérêt des projets. On éviterait ainsi ces décisions
fondées sur une vision simplifiée d'aménagement du territoire réservée aux
villes-centres.
Pour illustrer ces difficultés persistantes entre une mainmise parisienne et
une province encore délaissée, je finirai mon propos par une question.
La Côte-Saint-André, dont je suis l'élu, est, vous le savez, le lieu de
naissance d'Hector Berlioz. En 2003, nous fêterons le bicentenaire de celle-ci.
Je souhaite que soient présents de nombreux sénateurs qui, depuis de nombreuses
années, manifestent leur amitié à Berlioz ainsi qu'à ma modeste personne.
Pourrons-nous encore solliciter l'Etat pour cette célébration ou devrons-nous,
pour rentrer dans les cadres fixés par Paris, faire un festival de musiques
actuelles, aujourd'hui au catalogue des subventions prioritaires ? Cette
question est d'actualité et je souhaiterais que vous puissiez me répondre,
monsieur le secrétaire d'Etat.
En fait, je suis persuadé que vous avez conscience de l'importance de cet
anniversaire, que le monde entier fêtera. Mme la ministre comme vous-même vous
intéressez depuis longtemps à la région. J'espère que nous pourrons compter sur
vous et, par avance, je vous en exprime toute ma gratitude.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes chargé de la décentralisation
culturelle. Je souhaite limiter mon intervention à la diffusion de la culture
scientifique et technique.
La Cité des sciences et de l'industrie se trouve, bien entendu, à Paris et son
coût de fonctionnement est très élevé. En province, nous n'avons aucun
équivalent ! La fonction de ce type d'établissement est tout à fait capitale,
car, dans le monde moderne, il faut de plus en plus comprendre ce qui se
passe.
La technologie envahit tout, y compris les arts, d'ailleurs. Internet
distribue de la musique. Les cours d'arts plastiques sur Internet sont
extrêmement riches, puisque des débats peuvent avoir lieu entre des élèves, des
professeurs, des artistes. Du reste, les directions régionales des affaires
culturelles, les DRAC, devraient être plus attentives à ce type de mélange
entre la technologie et la culture.
Dans le même temps, l'économie se mondialise, les stratégies industrielles se
modifient. La plupart des gens s'interrogent : ils ne comprennent pas ! Des
sociétés de la nouvelle économie qui perdent de l'argent trouvent facilement
des millions et des millions de francs, alors que des sociétés traditionnelles,
des artisans ou des commerçants se voient refuser des petites avances.
Quand on ne comprend pas, on s'inquiète et on mélange tout. On mélange la
vache folle et la biotechnologie, comme s'il y avait un rapport entre les deux
! On dénonce le dérèglement du climat, mais on continue à rouler en 4 × 4 ou à
chauffer très fort son appartement sans se rendre compte que l'on contribue à
l'effet de serre.
Par conséquent, il est plus que jamais nécessaire de démocratiser le savoir,
notamment scientifique, parce que, si l'on ne comprend pas la science, la
technologie et l'économie nouvelle, on s'inquiète et la société se dérègle.
Mais il s'agit là d'un problème d'ordre général. Je parlerai plus
particulièrement de vos responsabilités, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il existe à Paris de nombreuses structures qui font de la formation continue,
et ce depuis longtemps. Le Muséum national d'histoire naturelle a été créé par
le roi de France, justement pour diffuser la culture scientifique. Ensuite, on
a créé le Palais de la découverte, en 1936, puis le musée de la Villette, qui
est devenu la Cité des sciences et de l'industrie. Cette dernière a une
vocation nationale qu'elle ne remplit pas ou trop peu !
Des projets majeurs sont mis en oeuvre, pour lesquels une contribution humaine
et financière de la Cité des sciences et de l'industrie serait nécessaire. J'en
citerai au moins deux : l'un se trouve à Strasbourg et il a pour objet de
diffuser la francophonie, qui est chère à nos coeurs, notamment à notre ami
Jacques Legendre, vers l'Europe centrale et l'Europe de l'est ; l'autre projet,
situé à Sophia Antipolis, permettrait d'assurer une diffusion de la culture
scientifique vers l'ensemble des milieux méditerranéens, où de nombreuses
personnes ont envie de connaître la science moderne, les technologies modernes
et les progrès techniques.
Ces projets sont soutenus par les forces vives locales : soit des universités,
soit des grandes écoles, soit des centres de recherche, soit des industriels.
Par conséquent, l'ensemble serait assuré d'un appui local très fort auquel
s'ajoutent, bien entendu, les collectivités locales, qui sont toujours mises à
contribution.
Il faut bien que la collectivité nationale, qui a déjà investi dans ce
domaine, sollicite la participation forte de la Cité des sciences et de
l'industrie. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous adjure de pousser son
conseil d'administration à agir dans ce sens.
En fait, les négociations, aussi bien avec Sophia Antipolis qu'avec
Strasbourg, sont déjà bien avancées. Mais peut-être craint-on que les autorités
de tutelle considèrent que tout doit rester centralisé à Paris. Je ne le pense
pas, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous êtes chargé de la
décentralisation culturelle et je vous demande d'y veiller.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai
ce budget, mais je souhaite intervenir sur son montant, parce que je crains
que, finalement, dans le domaine de la culture, on ne travaille qu'à la marge
des enjeux qui nous sont posés.
Je rappelle mon attachement à la création artistique et aux questions
culturelles, qui prennent de plus en plus d'importance dans notre société, je
devrais dire dans notre humanité : d'abord, parce que les artistes et les
écrivains sont des observateurs de tout ce qui est inhabituel et inquiétant ;
ensuite, parce que notre temps est confronté à la perte de sens, pour le moins
à un sens suspendu, et qu'art et culture, par la place qu'ils tiennent dans
notre imaginaire, sont irremplaçables ; encore, parce que, de plus en plus, le
marché et les technologies sont déclarés « naturels », alors que les femmes et
les hommes sont traités comme des invités de raccroc - or les arts et la
culture sont le lieu de l'autonomie humaine ; enfin, parce que l'industrie du
divertissement, face à la crise des façons de vivre, répand platitude et
vacarme et nous cerne avec le factuel. Les arts, eux, ne sont jamais tempérés,
ils convoquent la pensée, ils travaillent sur l'exception, ils sont mutins.
Bref, la civilisation n'est qu'une mince couche qui peut se rompre, d'autant
que le noyau même de l'être humain est actuellement attaqué. Certains artistes
vont jusqu'à dire que tout ce que nous nommons avenir est comme une roulette.
J'ai lu cette phrase d'une écrivain qui n'accepte pas l'indifférence et
l'égoïsme aveugles d'aujourd'hui : « J'ai si froid autour du cerveau. »
Mais je ne suis pas pessimiste. Il y aurait un développement à faire sur le
foisonnement des créations artistiques et littéraires.
Toutefois, de ce débat budgétaire, je ne veux retenir que le premier
développement, d'autant que dans le monde des artistes et de la culture se
murmure souvent, se crie parfois, se dit presque toujours que les arts et la
culture ne sont pas suffisamment dotés.
Chacun a sa façon d'entendre le chant profond du pays. J'ai voulu, par ces
quelques mots, témoigner auprès de vous de la mienne qui n'oublie jamais que la
création artistique, la culture, dans leur pluralisme, leur tension vibrante,
dépassent la notion d'utilité. Il s'agit d'une responsabilité publique et
nationale qui concerne la création et tous les citoyens, plus généralement
l'émancipation des femmes et des hommes, et cela dès l'enfance, c'est-à-dire
dès l'école.
J'entends que le 1 % est presque atteint. Je ne peux que rappeler, ayant été
le porte-parole à la fin des années soixante du mouvement pour le 1 %, qui
comptait 137 organisations, que l'objectif du 1 %, pour symbolique qu'il soit,
a connu une histoire brouillée et que, surtout aujourd'hui, ce ne peut être
qu'un plancher, et qu'il faut l'utiliser plus comme tremplin que comme but.
Mme Catherine Trautmann avait commencé sa tâche ministérielle avec un budget
rétréci par des gels et des recompositions de compétence antérieurs, ce qui n'a
pas été sans conséquence.
En intervenant comme je le fais, je veux dire que Mme Catherine Tasca et
vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez besoin d'un geste fort,
d'un acte budgétaire d'envergure pour 2001, à la hauteur des enjeux auxquels
est confronté votre ministère.
Ecoutant les arguments de l'économie et de la finance, je pense, sans en
sous-estimer l'intérêt, que doit cesser l'hégémonie des comptables supérieurs
sur les décisions politiques culturelles. Certes, le budget pour 2001 comporte
une majoration, mais je pense surtout à celui de 2002, qui ne saurait se
contenter du « 1 % », ce qui en ferait un budget à mi-côte ; et je crois que,
sur cette question, il y a du courage à avoir, y compris envers ses amis.
La politique artistique et culturelle ne peut marcher à la dérive des vents
budgétaires. C'est en tant que membre d'une des composantes de la gauche
plurielle, soutien actif et exigeant du Gouvernement, que je dis cela. C'est
encore comme maire d'Aubervilliers, ville plébéienne où il y a de véritables
embellies conquises, mais aussi une mise de côté d'une partie de la population
qui a l'impression d'être en trop, que je le fais. D'ailleurs, nous ne
renonçons pas au développement de notre politique culturelle, préoccupée du
nouage - travail inouï ! - entre créateurs et citoyens, tout aussi éloigné du
consensus mou que des mondes séparés.
Et puis n'oublions pas que les actes de notre pays en ce domaine sont «
sémaphore » pour nos partenaires européens.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis sûr que vous comprendrez le sens de ma
démarche qui ne vise pas simplement à ce que nous ne connaissions en France ni
freinage culturel ni
statu quo
qui conduirait à des « agios » humains et
politiques. Elle vise, au contraire, à ce que nous favorisions de nouveaux
élans artistiques et culturels avec un budget dont je vous propose dès
maintenant d'envisager qu'il « décolle » l'an prochain. La revue
Mouvement
a proposé de le doubler et a recueilli 7 000 signatures. Je
propose, pour ma part, que l'on donne au budget de la culture, comme à celui de
l'audiovisuel d'ailleurs, le référent du PIB. Pour ma part, je verrais bien ce
budget de la culture et de l'audiovisuel atteindre ensemble 1 % du PIB.
Je veux terminer cette brève intervention - j'interviendrai lors de l'examen
des articles pour dire le reste
(Sourires)
- en évoquant le spectacle
vivant et les nouveaux chemins qu'il emprunte.
En effet, cet été, j'ai visité quatre lieux :
En Balagne, dans quatre villages corses, où le comédien Robin Renucci a pour
la troisième année mis en oeuvre un rendez-vous théâtral qui, cette année, a
favorisé la présentation de vingt-huit mises en scène de théâtre. Cette très
belle région de la Corse s'est mobilisée autour d'actes artistiques et de
paroles citoyennes grâce à l'initiative de Robin Renucci, avec pour base deux
démarches : premièrement, créer des pièces de théâtre ; deuxièmement,
pérenniser tout au long de l'année une formation concernant aussi bien les
amateurs que les professionnels. Un très important public était là, heureux de
voir s'allumer une flamme théâtrale de l'intérieur même de leurs communes, une
flamme qui gagne comme une folie contagieuse et contribue à créer un espace de
fraternité, une alchimie communautaire ouverte, une utopie créative avec la
revendication d'installer dans l'école d'Olmi-Cappela un lieu de formation, de
réflexion, de culture pour un départ nouveau des lieux.
A Uzeste, non loin de Bordeaux, qui vivait cette année son vingt-troisième
rendez-vous musical animé par un enfant du pays, le musicien compositeur
Bernard Lubat, la rencontre fut, avec ses spécificités, de même nature. Bernard
Lubat et son équipe considérant que les subventions n'évoluaient pas au niveau
de la qualité et de l'audience de leur travail annuel avaient décidé de
suspendre les manifestations artistiques et d'occuper la durée des rencontres
par des débats.
Là aussi, sur la base d'une mêlée, actes artistiques et paroles citoyennes, et
de la durée tout le long de l'année d'une activité de formation, le rendez-vous
fut d'une extraordinaire qualité. Des dizaines de débats avec des participants
allant de 400 à 1 500, voire 2 000 personnes ont « troussé », comme eût dit
François Mauriac, le dossier de la culture, de l'art et de la ruralité. Débat
sur politique et culture, débat sur décentralisation culturelle, débat sur
mondialisation et culture ponctuèrent ce rendez-vous incontournable en
Gironde.
Troisième rendez-vous, Bussang. Ce théâtre de statut privé qui a cent cinq ans
d'âge et qui, s'appuyant sur cette immense tradition et sur une aptitude rare à
penser à neuf, a cette année, lui aussi, continué d'affirmer sa pratique
d'actes artistiques du mois d'août et de formation tout au long de l'année
d'amateurs dans un lieu devenu familier « la popote ».
Là aussi, un artiste, Jean-Claude Berutti, une équipe, une rigueur et un
profond respect des lieux. Là aussi, un véritable mouvement, ni une troupe au
sens traditionnel, ni un syndicat de la corporation du théâtre, ni un parti, le
parti du théâtre, ni un enfermement - « la vosgitude » - mais une grande
dimension d'échange, un croisement de paroles et d'actes, un travail de douze
mois pour un rendez-vous d'un mois, on peut presque dire un peuple qui fabrique
du sens.
Et cette année, un premier grand résultat : vous êtes venu, monsieur le
secrétaire d'Etat, consacrer une étape décisive de Bussang, c'est-à-dire une
convention de principe et de subvention associant - c'est une première
nationale - les trois régions d'Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté, le
conseil général des Vosges et l'Etat. Dans ce gros bourg vosgien, c'était
vraiment un acte de confiance dans l'avenir que cette signature.
Quatrième rendez-vous, à Aubervilliers, au mois d'août, un collectif critique
et artistique, avec en son coeur le chorégraphe François Verret, recevant au «
Labo » d'Aubervilliers le théâtre itinérant du Cameroun avec un très large
public complétant tout un travail original au long de l'année qui tourne autour
des langues - une centaine de langues sont parlées dans notre ville - qui
tourne autour du cirque, élément de création populaire mais qui ne triche
jamais avec la réalité, qui tourne autour du travail de mémoire, notamment du
quartier.
Actuellement, nous préparons une rencontre entre Robin Renucci, Bernard Lubat,
François Verret et Jean-Claude Berutti afin d'approfondir ces initiatives
d'authentiques décentralisations, de grande qualité artistique et de formation
permanente d'amateurs. Il n'y a pas plus de miracle culturel que de miracle
social, mais en Balagne, comme à Uzeste, comme à Bussang, comme à
Aubervilliers, se construit d'une manière vivante et démocratique un énorme
labeur sur le sens qui concerne toute la société, tant il est vrai, comme le
dit Torga, que « l'universel c'est le local sans les murs ».
M. le président.
Il faut conclure !
M. Jack Ralite.
Je continuerai tout à l'heure mon intervention.
(Rires. - Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
N'ayez aucune crainte, monsieur Ralite, je vous laisserai à chaque fois le
temps imparti à chaque orateur, mais pas plus.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous sommes invités aujourd'hui à discuter du budget de la culture, dont
l'élaboration répond à trois priorités essentielles : le soutien de la
diversité culturelle, les garanties d'égalité d'accès et le renforcement de la
décentralisation.
Certains ont cru pouvoir affirmer, notamment lors des récents débats au
Palais-Bourbon, que de telles priorités n'étaient que très classiques. Mais
peut-on parler sérieusement de classicisme lorsque la politique culturelle du
Gouvernement, engagée depuis 1997, a pour objectif la démocratie culturelle
?
L'une des plus importantes missions du ministère de la culture est, en effet,
de favoriser l'accès de la culture dans ses différentes composantes et au plus
grand nombre.
Or, en réalité, le contenu artistique proprement dit et le prix d'accès à une
activité culturelle sont aujourd'hui les facteurs déterminants de l'affluence
du public.
Dès lors, nous devons nous attacher, d'une part, à favoriser l'éducation
artistique de l'ensemble de nos concitoyens, qui va de pair avec un
élargissement des formes artistiques, et, d'autre part, à encourager le
développement de manifestations gratuites.
Les caractéristiques du projet de budget de la culture pour l'année 2001
répondent à ces attentes essentielles pour notre société.
Pour illustrer l'importance de telles directives budgétaires, je prendrai
l'exemple de l'extraordinaire diversité de la programmation de l'établissement
public du parc et de la grande halle de la Villette. En effet, cet
établissement propose des activités artistiques d'une grande variété en
organisant notamment des spectacles allant du cirque au festival de jazz, des
manifestations de plein air gratuites telles que le cinéma de plein air ou les
bals-concerts, des expositions à thèmes très différents et la création de
jardins artistiques.
Le résultat d'une telle politique est qu'aujourd'hui le public de la Villette
est d'une incontestable diversité sociale, puisqu'il est composé de familles,
de jeunes et moins jeunes, démontrant une vraie mixité sociale.
Cet exemple me semble parfaitement justifier les objectifs du projet de budget
de la culture qui nous est présenté, objectifs qui ne peuvent que recevoir
notre soutien.
Par ailleurs, nous pouvons tous constater que la forte progression du budget
de la culture démontre que le Gouvernement, considérant cette politique comme
prioritaire, met en oeuvre des moyens financiers importants.
Nous ne pouvons qu'être satisfaits du fait que, compte tenu de l'inscription
de crédits relatifs à la réserve parlementaire dans la loi de finances initiale
pour 2000, le budget de la culture bénéficiera en 2001 de 457 millions de
francs de crédits supplémentaires par rapport à ceux qui ont été mis
effectivement à sa disposition en 2000, soit une progression de 2,8 %.
En 2001, le budget de la culture représentera donc 0,994 % du projet de loi de
finances.
Certes, le pourcentage symbolique du « 1 % culturel » n'a pas été encore
atteint cette année. Toutefois, comme le soulignait très récemment Mme la
ministre, ce pourcentage n'a jamais en lui-même représenté une politique. Il
constitue uniquement le symbole d'un véritable engagement du Gouvernement en
faveur de la culture. D'ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter du fait
que vous souhaitiez désormais réfléchir à l'au-delà du 1 %. En effet, si le
budget pour l'année 2001 est équilibré dans son ensemble, il nous faudra
poursuivre l'effort entrepris.
Les établissements publics culturels, tant nationaux que locaux, sont devenus
des acteurs essentiels de l'activité culturelle en France. L'influence des
musées nationaux, notamment, dépasse d'ailleurs très largement le cadre
national et contribue à l'image de la France.
Or, s'il est vrai que votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, prévoit
d'importantes subventions pour les établissements culturels, puisqu'elles
représenteront en 2001 près de 27 % du budget de la culture, il conviendra très
prochainement de faire en sorte que cet effort budgétaire soit poursuivi et
amplifié, notamment pour les crédits affectés à l'acquisition d'oeuvres
d'art.
En effet, depuis trois ans, ces crédits stagnent, alors même que le marché de
l'art s'est fortement développé. La situation est d'autant plus préoccupante
que la compensation de la gratuité de l'entrée des musées, mesure par ailleurs
excellente, vient en déduction des crédits d'acquisition.
Je citerai l'exemple du centre Georges-Pompidou, pour qui, comme vous le
savez, j'ai une particulière affection, que je partage avec vous, mes chers
collègues, mais aussi avec de très nombreux Français et visiteurs venant du
monde entier. Le succès populaire de sa réouverture, le 1er janvier 2000,
l'illustre parfaitement.
En effet, les crédits d'acquisition d'oeuvres d'art du Musée national d'art
moderne-Centre de création industrielle s'élèvent à un peu plus de 28 millions
de francs. Toutefois, sur ces crédits, le centre devra rembourser une avance du
fonds du patrimoine effectuée en 2000 pour l'acquisition d'une oeuvre d'Yves
Klein. En conséquence, les moyens financiers disponibles pour l'acquisition
d'oeuvres d'art en 2001 ne s'élèveront qu'à 19,2 millions de francs.
Les crédits d'acquisition d'oeuvres d'art attribués au centre Georges-Pompidou
se situent ainsi au même niveau depuis plusieurs années. Cet exemple atteste
des difficultés rencontrées par les établissements culturels.
Dès lors, il est à craindre, à moyen terme, que nos musées ne puissent
poursuivre efficacement leur politique d'acquisition, faute de crédits
suffisants, compte tenu de la concurrence, notamment anglo-saxonne. Il est donc
important que les crédits d'acquisition soient augmentés dans les meilleurs
délais. A cet égard, notre collègue Yann Gaillard, également membre du conseil
d'administration du centre, est en mesure d'apporter son témoignage. Nous
espérons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apporterez une
réponse à la fois encourageante et conforme au contexte général.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement a démontré son
attachement à la protection de notre patrimoine culturel, notamment en donnant
à la fois au marché de l'art et à nos trésors nationaux un encadrement
législatif.
Enfin, j'évoquerai brièvement la situation de la BNF, la Bibliothèque
nationale de France. Je me félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, que la
subvention affectée à la Bibliothèque nationale de France soit fortement
augmentée afin de permettre le développement des services offerts au public et
aux chercheurs. En effet, si la BNF a connu récemment de graves difficultés -
nous en sommes très conscients - cet établissement, en raison de sa conception
novatrice et d'un personnel de grande qualité, est en passe de devenir l'un des
vecteurs les plus importants de notre culture.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, définit ainsi une
approche démocratique de la culture. Nous le voterons donc avec conviction et
enthousiasme.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
écoutant tout à l'heure avec beaucoup de plaisir M. Ralite, je pensais que la
culture était la manière dont notre vie, tel un diamant brut, était taillée en
de multiples facettes. Ce soir, je n'aborderai que trois facettes.
Je formulerai tout d'abord une remarque de fond, monsieur le secrétaire d'Etat
; M. Fabius aurait quand même pu faire un petit effort pour vous accorder les
6/100 000e qui vous auraient permis d'atteindre le seuil un peu fétichiste de 1
% du budget de l'Etat, seuil auquel je n'attache, pour ma part, pas
d'importance considérable, mais qui aurait tant fait plaisir à certains ! Je
prends donc acte de la fin de ce fétichisme.
Je me contenterai d'aborder trois sujets, à savoir le patrimoine, le cinéma et
les grands travaux provinciaux.
S'agissant du patrimoine, permettez-moi de vous faire part de notre surprise
face à la faiblesse déconcertante des crédits alloués. Là aussi, je pensais que
votre ministère pouvait être mieux encouragé. La stagnation est inquiétante ;
quelle que soit la manière dont on peut présenter la consommation des crédits,
il me paraît important de souligner, après M. le rapporteur spécial, que les
collectivités locales et les particuliers demeurent heureusement actifs dans ce
domaine essentiel de la culture des Français, à laquelle il sont tous très
attachés, tout comme le sont les Européens et tous les touristes du monde.
Je constate que les dépenses d'entretien pour les monuments appartenant à
l'Etat représenteront moins de 200 000 francs par bâtiment. Que peut-on faire
avec cette somme ? Les collectivités locales s'inquiéteraient de disposer de
crédits aussi faibles.
J'espère également, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous accorderez
crédit quant à l'inquiétude que nous avons témoignée à l'égard de la
consommation, à la suite de la tempête, des 300 millions de francs consacrés
aux monuments historiques appartenant à l'Etat et des 200 millions de francs
consacrés aux monument historiques n'appartenant pas à l'Etat, sommes qui - et
je me réfère à ce que disait notre collègue Herment - ne correspondent qu'à la
moitié des crédits d'urgence qu'il aurait fallu inscrire. Pouvez-vous dresser
ce soir le bilan des mesures prises et nous indiquer l'état d'avancement de ces
réparations ?
J'exprime donc, sur ces crédits consacrés au patrimoine, des réserves qui,
malheureusement, sont récurrentes dans nos discussions budgétaires. Je regrette
que vous n'ayez pas été encouragé plus fortement par Bercy.
Je veux exprimer, en revanche, une certaine satisfaction quant à votre
approche du cinéma. Le secteur cinématographique a connu une période heureuse.
La France reste un pays où le cinéma est un art apprécié de nos concitoyens.
Mme Tasca, à l'occasion du Congrès des exploitants, a tenu les propos qui
convenaient en disant qu'il fallait veiller au maintien de la diversité des
lieux d'accès au cinéma, dans les centres-villes, dans les communes, mais aussi
à leur périphérie, et être vigilants quant à la variété des programmations.
Permettez-moi néanmoins - chat échaudé craint l'eau froide ! - de vous dire
que, quelles que soient les mesures que nous prendrons, votre ministère devra
veiller au respect des engagements pris au moment des ouvertures de salles
multiplexes. Je suis bien placé pour le dire. Si le cinéma d'art et d'essai est
protégé sur le papier lors de l'ouverture d'une salle multiplexe, il ne l'est
jamais dans les mois ou les années qui suivent. Je vous invite à venir à Dijon
constater sur place ce qui se passe avec
l'Eldorado,
et il y a hélas !
beaucoup d'autres cas de ce type en France !
Je pense d'ailleurs que nous ne devons pas nous obnubiler sur le problème des
cartes d'abonnement illimité. Ces cartes ont le mérite de permettre la
démocratisation de l'accès à la culture, en particulier pour les plus jeunes.
Elles incarnent, il est vrai, une pratique purement commerciale à laquelle nous
devrons veiller.
La spécificité du cinéma français est aujourd'hui préservée, avec un film sur
trois. Je pense que le ministère a les moyens de poursuivre dans le sens que
souhaite le Sénat.
Je terminerai mon intervention par une facette locale. On parle beaucoup des
grands travaux parisiens, et j'ai entendu quelques-uns de mes prédécesseurs les
évoquer. Mais il existe aussi des grands travaux - ô tout relatifs ! - en
province. J'en donnerai un exemple, ayant la chance de m'exprimer en
dernier.
Voilà 2052 ans, sur le plateau d'Alésia, là où serpente le TGV, Jules César a
engagé un siège qui a duré quarante jours. Nous engageons la réhabilitation de
ce site. C'est pour nous, à l'échelle de la Bourgogne, du département de la
Côte-d'Or, de l'Auxois et sans doute de l'Europe, un combat et un travail de
grande importance au moment où le film
Vercingétorix
va remettre en
lumière l'acteur majeur de l'unité nationale qu'a été très provisoirement ce
chef gaulois.
Ce dossier est connu de votre ministère. C'est, à mon avis, un exemple
remarquable de patrimoine reconstruit, restitué et de décentralisation. Je
compte sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que votre soutien, en
2001, soit non pas seulement moral, mais aussi concret et financier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un
honneur que de présenter aujourd'hui, au nom de Catherine Tasca et en mon nom
propre, le budget du ministère de la culture devant une assemblée que je
connais bien et où j'aime à me retrouver.
M. le président.
Et qui est ravie de vous retrouver, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Cela intervient huit mois après notre double
nomination, le temps, en ce qui me concerne, d'entamer plus que largement ce
que j'ai appelé un « Tour de France de la culture » et donc d'observer, mais
surtout de dialoguer et d'échanger avec l'ensemble de ceux qui font la culture
dans ce pays, les artistes et les professionnels, les administrations et, bien
sûr, les élus.
Ce que je retiens particulièrement, c'est l'appétence de notre pays en matière
artistique et culturelle, mais c'est aussi le mouvement, les mutations
profondes qui le traversent et le dynamisent en profondeur.
Le regard « décentralisé » que je porte sur ce nouveau paysage est tout à fait
optimiste. Non seulement l'histoire culturelle « exceptionnelle » de la France
se poursuit dans un champ institutionnel élargi et vivant, mais elle s'enrichit
d'un foisonnement d'expériences nouvelles, de pratiques innovantes qui
bousculent les catégories, les hiérarchies et les disciplines. Nous devons y
être attentifs, fidèles précisément à notre histoire spécifique.
Cette affirmation initiale relève d'une conviction profonde et ancienne qui
considère l'art et la culture comme un vecteur essentiel du développement de la
société, et mon expérience d'élu à la culture me rappelle, s'il en était
besoin, qu'il n'est pas de politique culturelle sérieuse qui ne s'appuie à la
fois sur le plus haut niveau d'exigence artistique, tel que je l'ai bien connu
en travaillant aux côtés du Théâtre des Amandiers, et l'action inlassable,
toujours renouvelée, toujours à inventer auprès du et des publics.
Les enseignements de cette expérience nouvelle ajoutés à mon cheminement
personnel me conduisent naturellement à une pleine convergence de vues avec
Catherine Tasca.
L'Etat, donc notre ministère, doit affirmer la présence de la création au
coeur de la cité, rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres dans
toute leur diversité, y compris dans leurs nouvelles inspirations.
C'est le sens premier du soutien de l'Etat, c'est ce qui fonde la légitimité
de son intervention. Celle-ci est aujourd'hui reconnue tant par les
professionnels que par toutes les collectivités territoriales qui, depuis des
décennies, ont consenti des efforts considérables.
Alors que le temps libéré s'accroît, le risque est grand, malgré l'élévation
du niveau éducatif de nos concitoyens, d'une standardisation de la culture et
des loisirs culturels. Alors que le marché y occupe une place de plus en plus
forte, le rôle de l'Etat me paraît aujourd'hui encore plus nécessaire pour
soutenir la création dans sa diversité, pour garantir l'égalité devant la
culture, pour équilibrer l'offre culturelle au bénéfice de l'ensemble de nos
villes, de nos quartiers et de nos territoires.
A quelques jours du sommet européen de Nice, je souhaite rappeler devant vous
la position de la France. Le Gouvernement s'est prononcé très clairement sur
l'article 133-5. Il défendra le maintien de la règle de l'unanimité pour les
secteurs de l'audiovisuel et de la culture. Notre attachement à la diversité
culturelle et à la promotion d'une identité culturelle française et européenne
est bien l'un des combats majeurs.
Face à la logique marchande qui est aussi une réalité pour le champ culturel,
l'Etat peut-il se contenter de colmater les digues ? Il y a une manière de
résister qui fait avancer plus vite ce que l'on veut contenir.
J'accorde ma préférence à un autre dessein : agir, et non pas seulement
réagir. Je veux ici souligner ma profonde convergence avec vos propos, monsieur
Ralite. Cela implique de proposer du sens, et non de l'imposer, d'indiquer
aujourd'hui ce que pourrait être la politique culturelle de demain.
Le budget que j'ai pour responsabilité de présenter devant vous s'y efforce.
Toutes les mesures nouvelles qu'il comporte traduisent un esprit, une visée :
contribuer à ouvrir en grand les portes du débat public et citoyen qui est
absolument nécessaire.
Avec un total de 16,496 milliards de francs, soit 0,994 % du budget de l'Etat,
le budget de la culture a anticipé sur l'objectif fixé par le Premier ministre
en 1997, de 1 % du budget de l'Etat à la fin de la législature. Si cet objectif
n'a jamais en lui-même représenté une politique - vous avez raison de le
souligner, madame Pourtaud - il est bien cependant le symbole d'un véritable
engagement de notre Gouvernement.
Avec 415 millions de francs de mesures nouvelles, le budget de la culture
connaît une progression de 2,6 %, supérieure à celle qui a été enregistrée
entre 1999 et 2000, et plus de deux fois supérieure à l'augmentation moyenne du
budget de l'Etat.
Le budget pour 2001 marque également une progression très significative en
matière d'emploi : le ministère s'inscrit résolument dans la politique de
résorption de l'emploi précaire, et je remercie M. Nachbar de son appréciation.
C'est ainsi que 300 vacataires seront stabilisés dans des corps correspondant à
l'ensemble des catégories A, B et C. Par ailleurs, les établissements publics
bénéficient de 315 créations d'emploi.
Ainsi, nous nous attachons à sortir progressivement d'une situation
socialement et fonctionnellement très fragile liée à un recours excessif à des
agents précaires pour satisfaire des besoins permanents du service public.
Je suis particulièrement sensible aux préoccupations que vous avez
manifestées, messieurs les rapporteurs, ainsi que madame Pourtaud ou monsieur
Herment, envers la capacité du ministère à épauler la déconcentration de ses
objectifs et de ses moyens par des effectifs suffisants dans les DRAC.
Sur ce dernier point, je tiens à dire ici que le mouvement entrepris depuis
dix ans de renforcement des effectifs des directions régionales des affaires
culturelles a connu une réelle accélération, sur laquelle il n'est en aucune
façon question de revenir, bien au contraire. Entre 1990 et 1999, l'effectif
des directions régionales est passé de 1 470 emplois à 1 807, soit une
augmentation de 23 % qui me semble attester d'une aptitude du ministère à la
réforme de son fonctionnement, puisque ce renforcement des effectifs a coïncidé
avec l'augmentation de la part des crédits déconcentrés dans le budget : 70 %
du titre IV est aujourd'hui déconcentré, monsieur Boyer. Plus encore, en 1999,
la décision a été prise de transférer 200 emplois supplémentaires sur quatre
ans, jusqu'en 2002, et ce sont 50 emplois dont la création est prévue en 2001.
C'est donc sur un objectif de croissance des effectifs en DRAC de 11 % que je
vous donne rendez-vous au terme de l'année 2002.
Je voudrais dire là encore que ce transfert d'emplois est à la fois
quantitatif et qualitatif. Je pense notamment à la nomination de quatre
nouveaux conseillers en architecture et à nos travaux en cours sur le statut
des conseillers sectoriels.
Je relève dans les rapports de MM. Nachbar et Gaillard une inquiétude sur
l'efficacité, la rigueur et la transparence de la gestion des crédits de notre
ministère. Je tiens à leur dire que le nouveau logiciel Quadrille, dont M.
Nachbar réclame la mise en service, sera effectivement opérationnel dès le
début de l'année 2001.
Ce budget pour 2001 permettra, à partir de l'existant, de mettre en oeuvre des
actions nouvelles conformes à nos priorités.
Les moyens supplémentaires seront mis au service de deux objectifs majeurs :
d'une part, renforcer la création et la diffusion des arts vivants ; d'autre
part, maintenir un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.
S'agissant du premier objectif, dès notre arrivée au ministère, vous le savez,
nous avons souhaité l'inscription au collectif de printemps de 50 millions de
francs de crédits au bénéfice de la création et des créateurs. Le Parlement a
adopté cette mesure.
En 2001, 80 millions de francs de mesures nouvelles porteront à 2 263 millions
de francs les crédits d'intervention destinés au spectacle vivant. En outre,
les théâtres nationaux bénéficieront de 13 millions de francs de mesures
nouvelles, dont 6 millions permettront notamment au théâtre de Chaillot
d'enrichir sa programmation en s'ouvrant largement à la danse.
Mais, je l'ai souligné dans mon introduction, le champ artistique s'élargit
tous les jours, et la création passe aujourd'hui aussi par de nouveaux lieux,
par l'éclosion de disciplines nouvelles que nous devons accompagner.
M. Ralite évoque des expériences passionnantes, atypiques, qui, de la Balagne
à Aubervilliers, transforment tel ou tel territoire en laboratoire dédié
simultanément aux artistes et aux populations. Il a raison de les mettre en
valeur, car elles traduisent toutes un nouveau rapport à la création et à
l'action culturelle.
La réforme du soutien aux compagnies a permis d'ouvrir le dispositif aux
jeunes équipes théâtrales et chorégraphiques, qui bénéficieront, l'an prochain,
de 14 millions de francs de mesures nouvelles.
En ce domaine, je voudrais dire à Mme Pourtaud ainsi qu'à M. Gaillard que la
réforme de l'aide aux compagnies, mise en place en 1999, a permis de maintenir
globalement le nombre des compagnies aidées chaque année : environ 580 sur les
1 500 qui se déclarent professionnelles.
Le nouveau dispositif identifie deux modes d'intervention dans le soutien aux
compagnies, comme vous l'avez parfaitement souligné, monsieur Vidal.
D'abord, le conventionnement, qui permet d'accompagner sur la durée l'activité
d'une équipe permanente dont le rayonnement, la régularité professionnelle et
les capacités de recherche sont avérées : le nombre des compagnies
conventionnées est passé de 167, en 1998, à 245 en 2000, tandis que le montant
moyen des aides de l'Etat progressait simultanément.
Ensuite, l'aide à la production, qui vise à donner de vrais moyens à des
projets de création ambitieux, ajustés le mieux possible à la réalité de chaque
compagnie, en sachant que la règle d'un subventionnement tous les deux ans est
assouplie.
Le programme de conventionnement des théâtres de ville, devenant théâtres
conventionnés, se poursuit à un rythme régulier, monsieur Nachbar.
L'année 2001 sera consacrée « année du cirque », avec une dotation
supplémentaire de 9 millions de francs.
Par ailleurs, le soutien à la création implique désormais une aide à la
création artistique multimédia. Ce nouveau mode d'expression, souvent
pluridisciplinaire, porté par de jeunes créateurs, s'adapte mal à
l'organisation et aux procédures des services traditionnels ; et pourtant, il
fait preuve d'une rare vitalité ! Nous avons donc décidé la création d'un
dispositif fonctionnant comme un guichet unique, doté de 4 millions de
francs.
Dans le domaine cinématographique, je note que M. Vidal souligne dans son
rapport « la vigueur, les capacités de renouvellement de la production et le
niveau élevé de la fréquentation des salles », ce qui constitue de grands
motifs de satisfaction, même si la vulnérabilité de ce secteur oblige à une
vigilance de tous les instants.
Les aides du Centre national de la cinématographie au cinéma et à
l'audiovisuel connaîtront une progression très sensible en 2001.
Le compte de soutien devrait augmenter de 9,7 %. Cette progression profitera
prioritairement, dans le secteur du cinéma, aux aides sélectives destinées aux
salles d'art et d'essai, à l'écriture, à la distribution et au court
métrage.
On a évoqué le site de Bercy, dont l'ouverture est prévue en 2002. Il
bénéficiera de 35 millions d'autorisations de programme.
Concernant les cartes d'abonnement, Catherine Tasca, on le sait, à réagi
fermement et, jeudi dernier, M. le Premier ministre a redit sa préoccupation,
madame Pourtaud, quant au risque qu'elles font peser sur les maillages des
cinémas indépendants.
Enfin, une politique en faveur de la création passe par la formation des
créateurs de l'avenir : comédiens, artistes plasticiens, architectes, etc. Avec
52 millions de francs de mesures nouvelles, les crédits consacrés aux
enseignements artistiques atteindront 1,7 milliard de francs en 2001, soit une
progression de plus de 18 % depuis 1999.
Le Palais de Tokyo, monsieur Gaillard, verra bien le jour.
Quant au protocole sur les écoles d'art, monsieur Boyer, il se met bien en
place grâce au développement des passerelles avec l'Université, au statut des
enseignants, que nous étudions, et au statut futur des écoles nationales.
Le deuxième objectif que Catherine Tasca et moi-même nous sommes fixé vise le
maintien d'un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.
J'ai bien entendu la préoccupation majeure des rapporteurs concernant en
quelque sorte le cercle diabolique de la préservation patrimoniale quand
augmente, avec notre désir de mémoire, le nombre de bâtiments qui seraient à
protéger. Cette crainte, que je comprends, pourrait d'ailleurs intervenir aussi
en nuance des critiques sur l'insuffisance de l'engagement du ministère : il y
aurait comme une fatalité dans ce mécanisme, par nature culturel, qui nous fait
les uns et les autres nous sentir responsables, souvent partenaires, de la
préservation active du patrimoine.
Il est vrai que ce désir de mémoire ouvre en quelque sorte sur la «
patrimonialisation » des approches des territoires quels qu'ils soient, et, de
ce fait, en effet, nous pouvons, à propos du patrimoine, nous concevoir dans la
démarche éternellement répétée de Sisyphe.
Mais je me souviens aussi qu'Albert Camus écrivait dans
le Mythe de Sisyphe
qu'il fallait « imaginer Sisyphe heureux ». C'est pourquoi sans naïveté ni
angélisme, je souhaite faire trois remarques préalables.
Premièrement, je voudrais rappeler les graves annulations de crédits des
exercices 1996 et 1997,...
Mme Danièle Pourtaud.
Eh oui !
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
... atteignant, 500 millions de francs, soit 30 % du
budget du patrimoine, et faire observer le spectaculaire rétablissement, avec,
aujourd'hui, une enveloppe globale de 1,68 milliard de francs !
M. Ivan Renar.
Ce sont les conservateurs qui ne conservent rien !
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Deuxièmement, les opérations de restauration des
monuments historiques relèvent d'une programmation pluriannuelle. C'est donc au
regard d'un effort poursuivi sur plusieurs exercices que doivent être appréciés
les moyens consacrés à la restauration du patrimoine relevant du ministère de
la culture et de la communication.
Troisièmement, pour les monuments historiques en régions et n'appartenant pas
à l'Etat, des coopérations se mettent en place entre conseil régional, conseil
général, ville et Etat, ou encore des crédits sont inscrits au contrat de plan
Etat-région.
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos et, en outre, nuancer les
critiques persistantes sur le déséquilibre entre Paris et les régions.
La cathédrale d'Amiens, monument historique appartenant à l'Etat et classé au
patrimoine mondial, vient de connaître un dommage. La restauration des parties
extérieures des flancs nord et sud, pour un montant total estimé à 125 millions
de francs, fait l'objet d'une convention de l'Etat avec trois collectivités
territoriales pour une réalisation des travaux de 2000 à 2006.
Le plan pour la sauvegarde du patrimoine antique de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur est inscrit au contrat de plan Etat-région
2000-2006. Sont prévus 700 millions de francs de travaux sur sept ans qui
concernent différents monuments antiques à Arles, Fréjus, Orange ou Nice.
Ces éléments éclairent les chiffres du budget pour 2001.
Avant de les aborder, je voudrais revenir, pour répondre à M. de Broissia, sur
les tempêtes des 26 et 27 décembre 1999 et sur leurs conséquences.
Dans les jours qui ont suivi, le ministère de la culture et de la
communication s'est immédiatement mobilisé, et tout particulièrement ses
directions régionales des affaires culturelles.
Pour les monuments appartenant à l'Etat, les dommages les plus importants ont
frappé les domaines de Versailles - ils sont évalués à 250 millions de francs,
dont 5 millions de francs seront financés par des souscriptions du public - de
Saint-Cloud - ils atteignent près de 40 millions de francs - mais aussi les
cathédrales de Rouen et de Paris.
Pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat, les dommages s'observent tant
sur les édifices que sur les parcs et jardins. Les parcs et jardins ont été,
pour certains, ravagés, jusqu'à 90 %.
Notre patrimoine a donc été durement éprouvé. Le montant global des dommages
non couverts par les assurances a été évalué à 800 millions de francs. Le
collectif budgétaire voté au mois de juin a d'ores et déjà dégagé des crédits
de 500 millions de francs, inclus dans « les avenants tempêtes » aux contrats
de plan Etat-région et, bien sûr, nous attendons le collectif budgétaire de fin
d'année 2000.
Il convient de rappeler que, pour contribuer à cet effort, les dotations
ordinaires d'entretien ont été exceptionnellement augmentées de 60 millions de
francs : 30 millions de francs pour les monuments de l'Etat et 30 millions de
francs pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat à cet effort.
En 2001, concernant le patrimoine, je veux rappeler ici le vote imminent du
projet de loi sur l'archéologie préventive. J'ai le sentiment, monsieur
Legendre, que nos points de vue ne sont pas très éloignés, mais nous n'avons
pas la même lecture de ce texte dont nous allons débattre à nouveau bientôt.
Le budget global du patrimoine progressera de 43 millions de francs. Outre les
14 millions de francs du budget pour 2001 qui permettront de poursuivre en
priorité la restauration de grandes cathédrales - Bourges, Strasbourg, Beauvais
- les travaux sur les grands monuments - Grand Palais, Opéra Garnier, Chaillot,
Musée du Louvre - sont poursuivis, avec une augmentation globale de 13,55
millions de francs.
L'ensemble de ces grandes opérations a représenté, ces dernières années, une
part très significative du budget global alloué aux monuments historiques de
l'Etat entre 13 % et 42 %.
En 2000, 192 millions de francs sur les 852 millions de francs affectés aux
monuments historiques de l'Etat leur ont été consacrés, et en 2001, ce sera
205,5 millions de francs sur 880 millions de francs.
En ce qui concerne le patrimoine n'appartenant pas à l'Etat, les demandes de
financement sont sans cesse plus nombreuses pour des opérations souvent très
lourdes. Parmi les opérations importantes qui continueront d'être financées en
2001, il convient de citer notamment la poursuite de la restauration de la
flèche de l'église Saint-Maclou à Rouen, qui s'élève à 4,75 millions de francs,
opération dont la réalisation est prévue dans la convention signée en 1998 avec
la ville de Rouen.
L'effort en faveur de la restauration du patrimoine rural non protégé se
poursuit, avec le maintien de 35 millions de francs en 2001, et sera développé
dans le cadre des crédits réservés aux « protocoles de décentralisation ».
Je voudrais souligner l'ensemble des actions de sensibilisation au patrimoine
qui sont conduites par le ministère, notamment avec la réforme du centre des
monuments nationaux, dont la mission d'ouverture au public est redéfinie dans
le sens de l'égalité d'accès de tous à la culture et d'une meilleure diffusion
des connaissances. Elle tend à rapprocher la notion de monument de celle de
musée et de pôle d'animation culturelle en prise sur la création artistique.
Par ailleurs, associé aux opérateurs locaux du tourisme, le Centre des
monuments nationaux participe au développement du tourisme culturel. Il joue un
rôle important en termes d'aménagement culturel du territoire et de
démocratisation de la culture.
On peut citer également les journées du patrimoine, qui auront cette année
pour thème le patrimoine du xxe siècle et qui rencontrent un succès croissant,
11,5 millions de visiteurs ayant été recensés l'an dernier. Cet accès
démocratique à la culture patrimoniale se trouve ainsi renforcé et s'inscrit
dans le droit-fil de la résolution pour la qualité architecturale qui vient
d'être votée par le conseil des ministres européens de la culture, sous la
présidence française.
L'objectif culturel est bien d'allier la dimension historique du patrimoine et
la création architecturale dans le débat sur l'avenir de la ville et d'associer
les habitants à celui-ci. La configuration et la qualité des espaces publics,
leur conception et leur transformation, l'intégration du patrimoine et de la
création architecturale sont en effet autant de questions qui concernent tous
nos concitoyens, ainsi que nos voisins européens.
Nous constatons tous le succès de fréquentation, en termes de visite comme en
termes de rendez-vous réguliers, des musées de France. L'institution du musée
connaît de profondes mutations, qui toutes tendent, en quelque sorte, à
désacraliser l'accès au musée, l'accès à l'oeuvre, en même temps qu'elles
attestent de la réalité fédératrice, structurante du musée dans notre rapport à
la culture. C'est d'ailleurs une observation que nous avons largement partagée
avec la commission que présidait M. Alfred Recours.
C'est dans cette optique que les musées classés et contrôlés verront leurs
autorisations de programme progresser de 8 %. Les monuments historiques
abritant des musées seront privilégiés. Nous mènerons ainsi une cinquantaine
d'opérations sur l'ensemble du territoire. A Paris, notre ministère contribuera
ainsi, à hauteur de 376 millions de francs, à la première phase de construction
du futur musée du quai Branly. Je ne peux évidemment pas ne pas mentionner,
puisque nous parlons de Paris et de la province, la décentralisation à
Marseille du musée des arts et traditions populaires, projet que Catherine
Tasca et moi-même avons repris et auquel nous travaillons.
Cette politique patrimoniale rejoint une forte attente du public et contribue
au rayonnement culturel de notre pays. En effet, en 1999, 49 millions de
personnes ont visité nos musées, et les chiffres de l'année 2000 devraient
marquer une nouvelle progression.
Dans ce même champ patrimonial, nous soutiendrons massivement l'effort de
modernisation des bâtiments d'archives entrepris par les collectivités
territoriales.
Enfin, s'agissant des bibliothèques, nous poursuivrons la modernisation du
réseau, y compris en milieu rural. Il s'agit notamment d'accélérer la
généralisation de l'application des techniques de l'information et de faciliter
la numérisation des fonds patrimoniaux.
La politique en faveur de la création et de la défense du patrimoine que je
viens de dessiner doit s'inscrire elle-même dans une double logique, celle de
la réduction des inégalités et de la décentralisation.
Les mesures de gratuité mises en place dans certains secteurs, par exemple
dans les musées, ont eu un impact réel. Elles ne constituent évidemment qu'une
réponse partielle aux difficultés d'accès à la culture. Ces inégalités
apparaissent dès l'enfance et doivent être réduites au sein même du système
scolaire. C'est pourquoi nous travaillons activement à l'approfondissement de
la collaboration avec le ministère de l'éducation nationale.
En outre, dès 2001, nous consacrerons 18 millions de francs, au titre des
mesures nouvelles, à des actions d'éducation artistique et à la formation des
professionnels de la culture intervenant en milieu scolaire. Ces moyens
nouveaux permettront la création de 660 ateliers d'expression artistique
supplémentaires dans les lycées, qui s'ajouteront aux 1 650 ateliers déjà
existants. De plus, le dispositif « musique à l'école », qui a pour objet de
favoriser la pratique musicale, sera renforcé.
On le sait, face aux nouvelles technologies de l'information, l'égalité
d'accès à la culture passe par une attention vigilante aux contenus qui seront
diffusés sur les nouveaux réseaux. Conformément aux orientations définies par
le Premier ministre, nous entendons, grâce à l'ensemble des ressources du
ministère et de ses établissements publics, enrichir l'offre en mobilisant 8
millions de francs pour la numérisation des fonds culturels.
J'aborde maintenant un domaine qui m'est particulièrement cher, puisqu'il
s'agit de la décentralisation.
Comme l'a indiqué le Premier ministre, le Gouvernement a décidé d'engager une
deuxième étape de la décentralisation. La commission présidée par Pierre Mauroy
vient de rendre public son rapport, à partir duquel un débat national est
engagé. La création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la
décentralisation culturelle traduit l'importance, l'actualité et l'acuité de
cette grande question qui traverse notre histoire, en particulier notre
histoire culturelle. Permettez-moi de rappeler que la décentralisation n'est
pas une fin en soi ; elle n'a de sens que si elle tend, par le biais d'un
meilleur service public, à la démocratie culturelle.
Le nouveau contexte dans lequel s'inscrit l'action concertée de l'Etat et des
collectivités locales au travers de multiples contrats, qu'il s'agisse
d'agglomérations, de villes ou de pays, appelle une modernisation des modes
d'intervention de notre ministère. Seront expérimentés dès 2001, avec des
collectivités locales volontaires, de nouveaux protocoles de décentralisation
culturelle, qui concerneront prioritairement le patrimoine et les enseignements
artistiques. Au nombre de six à huit, ils permettront une nouvelle répartition
des responsabilités en matière culturelle, qui sera expérimentée pendant trois
ans. Notre ministère leur consacrera dès 2001 une enveloppe de 15 millions de
francs. Ces protocoles, j'y insiste, notamment à l'intention de M. Nachbar, ne
sont donc ni un succédané de la décentralisation culturelle ni le cache-misère
d'un ministère qui hésiterait à se réformer, mais bien la mise à l'essai de
nouvelles figures de la responsabilité publique partagée en matière
culturelle.
L'acquis de notre politique décentralisée est considérable, et le projet de
budget que nous vous proposons prévoit une forte progression des concours à
l'investissement pour la réalisation d'équipements culturels dans les
régions.
L'effort le plus significatif sera consenti, comme je l'ai déjà indiqué, en
faveur de la modernisation des bâtiments d'archives, entreprise avec les
collectivités territoriales. Ainsi, le montant des crédits d'aide à la
construction ou à l'extension de ces bâtiments progressera de plus de 70 %,
après avoir plus que doublé en 2000 par rapport à 1999.
Les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement constituent un
instrument précieux au service des collectivités territoriales. Nous avons
demandé que soient étudiées les nécessaires modifications de l'organisation,
des missions et du financement des CAUE, notamment un aménagement de la
fiscalité qui permettrait d'assurer à ces organismes des ressources
pérennes.
Les crédits d'investissement prévus au projet de budget pour 2001, qui
s'élèveront à 190 millions de francs pour le spectacle vivant et à 70 millions
de francs pour les arts plastiques, permettront de poursuivre la politique de
construction et d'aménagement des lieux de diffusion et d'enseignement, en
partenariat avec les collectivités locales.
Dans le domaine du livre et de la lecture qui, je le souligne, représente une
authentique réussite de la décentralisation, une mesure nouvelle de 32 millions
de francs portant à 981 millions de francs le montant des crédits affectés aux
bibliothèques permettra la poursuite de la modernisation du réseau des
bibliothèques. Ces crédits permettront de soutenir plus de 300 opérations de
construction et d'extension de bibliothèques. Le programme des bibliothèques à
vocation régionale touche à son terme avec l'inauguration récente de celles de
Montpellier et de Châlons-en-Champagne, qui précède la réalisation des
bibliothèques de Rennes et de Troyes.
Je voudrais rasséréner M. Legendre sur notre engagement en faveur de la langue
française et des langues de France : le succès des bibliothèques publiques est
tout de même rassurant ! Nous sommes, Catherine Tasca et moi-même, très
vigilants sur ces questions, tout en sachant qu'il y a beaucoup à faire. Cela
étant, le bilan de l'application de la loi du 4 août est à notre avis positif
et la sensibilisation à la langue française donne lieu à de nombreuses
opérations qui contribueront à la participation de la France à l'année
européenne des langues.
Je tiens à souligner la qualité de ce réseau dense et moderne qui se met en
place dans notre pays et le rôle joué par la Bibliothèque nationale de France,
qui, par les systèmes de consultation à distance et de numérisation des
catalogues, tient, et tiendra demain plus encore, sa place de pilote et de
partenaire dans le réseau des grandes bibliothèques régionales.
En outre, on ne met pas assez en exergue, dans les enquêtes ou les articles
consacrés aux rapports entre Paris et les régions, la participation croissante
de nos grands établissements publics culturels à la politique de
décentralisation. Comme la Bibliothèque nationale de France, le Centre
Georges-Pompidou, la Réunion des musées nationaux, la Cité des sciences et de
l'industrie et, bientôt, la Cité de l'architecture et du patrimoine coopèrent
très activement, chacun selon des modalités correspondant à sa vocation, avec
l'ensemble du territoire et sont donc à prendre en compte dans l'équilibre
entre Paris et la province.
M. Laffitte m'a interrogé à propos de la culture scientifique, technique et
industrielle. Je lui renverrai au soutien que nous apportons à la diffusion de
cette culture et au rôle joué dans ce domaine par la Cité des sciences et de
l'industrie, qui connaît une très forte fréquentation.
A M. Vidal, qui m'a interrogé sur le Centre Georges-Pompidou, je répondrai que
les crédits alloués à l'acquisition d'oeuvres d'art contemporain par les lois
de finances sont stables depuis 1996. Toutefois, le Centre n'a plus subi
d'annulation importante de ses crédits en collectif budgétaire depuis 1997. Il
faut s'en féliciter, d'autant que cela se traduit par une augmentation des
moyens réellement disponsibles. En outre, le fonds du patrimoine a complété les
crédits du Centre Georges-Pompidou à plusieurs reprises depuis 1996. Ainsi,
18,7 millions de francs lui ont été accordés pour l'aide à acquérir des oeuvres
importantes. Par ailleurs, la politique d'acquisition de l'Etat en matière
d'oeuvres d'art contemporain doit s'apprécier globalement. Le Fonds national
d'art contemporain et les fonds régionaux d'art contemporain ont ainsi
bénéficié à cette fin de l'attribution de 33 millions de francs de crédits de
l'Etat en 2000, auxquels s'ajoutent 34 millions de francs de crédits consacrés
à la commande publique en matière d'arts plastiques.
Enfin, c'est une réalité, les villes, les départements et les régions
s'engagent - certes encore irrégulièrement, mais de plus en plus activement -
dans le domaine culturel. Les moyens qu'ils y consacrent sont en constante
progression, et la dynamique de partenariat qui profite à tous nos concitoyens
est, je le crois, irréversible.
J'ai la ferme conviction que l'Etat, garant de la diversité de la création et
de l'égal accès de tous à la culture, a un rôle essentiel à jouer. Il a des
responsabilités propres, même si, de plus en plus, il intervient en coopération
avec les collectivités teritoriales. Au cours des années récentes,
l'augmentation du budget de notre ministère a marqué une volonté constante
d'encourager et d'accompagner l'essor des actions culturelles dans les régions.
Le projet de budget pour 2001 traduit bien cette volonté et nous souhaitons,
Catherine Tasca et moi-même, qu'à l'avenir, et avec votre soutien, nous ayons
les moyens de poursuivre ce développement.
Baudelaire disait : « Pour taper sur le ventre d'un colosse, il faut pouvoir
s'y hausser. » Aujourd'hui, le colosse, c'est l'absolutisme du marché, sa
prédilection pour la politique du fait accompli ; l'échelle pour gravir
l'obstacle, c'est l'intervention citoyenne. Le ministère veut être un barreau,
l'appui pour escalader le colosse. Pour casser ce barreau-là, il faudrait avoir
perdu la raison, et j'apprécie que tous les orateurs qui se sont exprimés
aujourd'hui dans cet hémicycle aient partagé les préoccupations du ministère.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture
et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 359 829 393 francs. »