SEANCE DU 2 DECEMBRE 2000
M. Jack Ralite.
Ce point est important, lui aussi, et je citerai un autre écrivain, René Char
: « Méfie-toi de ceux qui se déclarent tranquilles, parce qu'ils pactisent
».
J'ai dit tout à l'heure ce qui avait été proposé sur l'article 133-5 comme
devant faciliter son acceptation. Mais une autre idée est avancée en ce moment
à Bruxelles : nous passerions au vote à la majorité qualifiée sur l'article
133-5, mais un protocole nous garantirait que la culture serait mise de
côté.
Il faurdrait donc définir ce qu'est la culture ! Cela nous promet des séances
de discussion interminables, comme celles qui ont lieu à l'Académie française
pour le dictionnaire. La culture, cela ne peut pas se définir, puisque c'est
essentiellement l'innovation.
Il ne faut pas se satisfaire d'une disposition qui semble protectrice. Cela ne
suffit pas !
Il faut de plus cesser de dire : « Je fais avec. » Il faut cesser d'obéir à la
fatale fatalité. Il faut cesser la fuite en avant comme le repliement
identitaire. Il faut au contraire adopter une attitude de courage, d'examen
objectif de la réalité.
Et puis, il faut travailler à la transformer, à la maîtriser, donc à favoriser
la création dont nous discutons le budget ce soir.
(M. Jean Boyer
applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
J'ai souhaité intervenir sur ce titre, car j'ai déposé un amendement visant à
réduire les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité pour abonder
les crédits du titre IV du ministère de la culture à hauteur de 300 millions de
francs.
Il faut voir là non pas une attaque contre l'emploi au profit de la culture,
mais bien plutôt la persistance de règles constitutionnelles en matière
budgétaire qui privent le Parlement de toute possibilité réelle d'intervention,
autrement que par l'adoption ou le rejet du budget proposé à la représentation
nationale.
Je dois donc recourir à un artifice budgétaire de ce type. Cela étant, à bien
y penser, l'imputation de crédits destinés aux aides à l'emploi au profit du
ministère de la culture n'est pas aussi saugrenue qu'il peut paraître.
La réduction du temps de travail, la reprise économique, de nouvelles formes
d'organisation de notre société appellent un effort sans précédent dans des
domaines aussi variés et importants que la culture, pour ce qui nous occupe, la
formation, l'éducation et le sport où, là encore, les attentes de nos
concitoyens sont grandes.
Mais je veux quand même rassurer tout le monde : pour éviter toute
interprétation malveillante, je serai amené, lundi, à retirer cet
amendement.
Ce dont je veux témoigner ce soir, c'est qu'il faut conforter le budget de la
culture, qui est insuffisant, parce que la création même du ministère, en son
temps, a généré des demandes nouvelles. Nous avons tout lieu de nous en
réjouir. Nous avons le devoir de répondre à cet appel, à plus forte raison dans
un contexte de forte reprise économique.
L'insuffisance des crédits consacrés au spectacle vivant, en particulier au
théâtre, est une des insuffisances les plus marquées de ce budget.
Certes, il faut l'acter, 29 millions de francs sont apportés, s'ajoutant aux
50 millions de francs déjà dégagés à l'occasion du collectif budgétaire du
printemps dernier. Mais cela reste notoirement insuffisant face aux difficultés
et aux nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les professionnels de la
culture et les structures, tout particulièrement les jeunes compagnies.
Les sommes annoncées dans ce budget sont, par exemple, à rapprocher des 110
millions de francs correspondant au coût du passage aux 35 heures dans ce
secteur culturel.
Il faudra bien en parler un jour, comme du coût de la fiscalisation. Il n'est
pas inutile en effet de rappeler les changements supplémentaires engendrés par
les nouvelles dispositions fiscales : d'un côté, l'Etat verse sa subvention, de
l'autre, il en récupère une partie.
Les activités des structures culturelles, leurs missions de service public,
sont désormais assimilées aux activités commerciales ou industrielles et donc
soumises à la taxe professionnelle, à l'impôt sur les sociétés et à la taxe
parafiscale.
Tous ces nouveaux prélèvements grèveront à coup sûr les activités artistiques,
en particulier les créations.
J'aborderai, enfin, la réforme de l'aide aux compagnies dramatiques qui,
malgré les mesures transitoires adoptées, tout en faisant ressurgir des
conflits entre les petites et les grandes structures, risque de fragiliser
l'ensemble des secteurs.
J'ai rencontré à plusieurs reprises les compagnies qui travaillent dans la
région Nord - Pas-de-Calais.
Cette réforme a pour conséquence, acceptée pour dix d'entre elles qui sont
conventionnées, au mieux de les priver de l'aide une année sur deux, au pire de
leur retirer toute aide. Concrètement, pour trente compagnies relevant de
l'aide à la production, seize sont aidées en 2000 et quatorze ne le sont pas,
et inversement l'an prochain.
Il y a bien, en définitive, qu'on le veuille ou non, une diminution de
l'action et de l'aide de l'Etat. Je regrette par ailleurs que tout cela se soit
mis en place sans aucune concertation avec les collectivités territoriales, qui
doivent pourtant aujourd'hui assumer sur le terrain les conséquences de ces
dispositions, surtout dans une région où la collectivité intervient à part
entière, et même au-delà de l'intervention de l'Etat.
D'une manière générale, l'aide à la création dans notre pays est encore
insuffisante.
Je pourrais évoquer encore la politique des achats d'oeuvres en région, où, là
encore, les moyens se révèlent insuffisants en dépit d'un financement croisé
entre l'Etat et les régions, notamment avec les fonds d'acquisition des musées
et les fonds régionaux d'art contemporain. Il faut bien voir que la politique
d'achat d'oeuvres est une manière de venir en aide aux artistes, notamment aux
plus jeunes et aux plus talentueux d'entre eux, mais, pour aider la création à
la source, d'autres aides mériteraient d'être évoquées. Je pense notamment à
l'augmentation du nombre des bourses et à l'aide aux publications.
Autant dire que la création culturelle, dans son ensemble, n'aurait pas trop
des 300 millions de francs dont nous proposerons d'amputer les crédits de
l'emploi.
Par cette intervention, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, rappeler
tout notre attachement à doter le ministère des moyens nécessaires à ses
actions, et indiquer à nos collègues du Sénat que le moment est peut-être venu
de dépasser le symbole du 1 % pour la culture afin de donner à la politique
culturelle, notamment à l'aide à la création, un nouvel essor. Je rejoins sur
ce point les propos de M. Ralite.
J'insiste sur cet aspect des choses : à calculer désormais le 1 % réservé à la
culture sur le produit intérieur brut, cela nous donne une ligne d'horizon. Je
ne souhaite pas que plus nous nous en rapprochons, plus elle s'éloigne ! Il est
indispensable, pour un pays civilisé comme le nôtre, de se fixer un tel
objectif s'il veut continuer à jouer le rôle qui est le sien dans le monde.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 840 890 000 francs ;