SEANCE DU 8 FEVRIER 2001
ACCÈS AUX FONCTIONS ÉLECTIVES
MUNICIPALES
Adoption d'une proposition de loi
(ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 145,
2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à améliorer l'accès aux
fonctions électives municipales. [Rapport n° 199 (2000-2001)].
Cette discussion intervient dans le cadre de l'ordre du jour réservé.
Mes chers collègues, nombre d'entre vous ayant exprimé le souhait que nous en
terminions ce matin, j'invite tous les intervenants dans le débat qui va
s'ouvrir à faire preuve de concision.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, vous voilà réunis, à trois semaines d'intervalle, pour aborder
de nouveau la question de l'amélioration de l'accès aux fonctions électives et
des conditions d'exercice des mandats locaux.
Je souhaite, à cette occasion, rendre un hommage tout particulier au groupe
communiste de l'Assemblée nationale, qui est à l'origine du texte débattu
aujourd'hui et qui, par un texte court à fort contenu, avait choisi, dès le 14
décembre dernier, de porter le débat sur ces questions devant la représentation
nationale.
Depuis, votre assemblée a elle-même repris ce thème au-travers de la
discussion, le 18 janvier, du texte élaboré sur l'initiative, notamment, de M.
Vasselle.
Vous comprendrez donc que mon propos soit plus bref que celui du ministre de
l'intérieur, M. Daniel Vaillant, le 18 janvier dernier, et que, en ce qui
concerne l'engagement fort de ce gouvernement en faveur de la décentralisation,
je vous renvoie aux propos du Premier ministre, qui, dans sa déclaration
d'ouverture du débat d'orientation générale sur la décentralisation, tenu le 17
janvier à l'Assemblée nationale, s'est largement exprimé sur les propositions
du Gouvernement en la matière.
Vous savez également qu'un premier projet de loi sur la décentralisation, dont
les dispositions sont actuellement à l'étude, s'attachera, dès cette année, à
approfondir la démocratie de proximité au service du citoyen.
De la même manière, je ne ferai que mentionner les importantes réformes
intervenues depuis 1997 dans les domaines qui nous intéressent aujourd'hui.
Grâce à l'adoption de la loi relative à l'institution de la parité entre les
femmes et les hommes, qui s'appliquera dès les prochaines élections
municipales, le Gouvernement a déjà facilité l'accès aux fonctions de
responsabilité élective.
Vous savez aussi que, lors de l'adoption de la loi du 5 avril 2000 relative à
la réduction du cumul des mandats, plusieurs mesures ont été prises afin de
faciliter l'exercice des fonctions électives.
C'est donc le texte adopté, le 14 décembre dernier, sur l'initiative du groupe
communiste de l'Assemblée nationale qui vient en discussion aujourd'hui,
assorti des nombreux amendements que la commission des lois du Sénat a
adoptés.
Et si le débat d'aujourd'hui ressemblera sans doute à celui du 18 janvier,
c'est en raison du parti adopté par la commission d'étendre le champ de la
proposition de loi votée à l'Assemblée nationale à l'ensemble des dispositions
déjà discutées à l'occasion de l'examen de la proposition de loi de M. le
sénateur Vasselle.
Je confirme que les objectifs du texte que nous allons examiner aujourd'hui
rejoignent ceux du Gouvernement et s'inscrivent dans son action depuis trois
ans et demi.
Je tiens cependant à rappeler que l'objectif d'approfondissement de la
démocratie de proximité au service du citoyen doit conjuguer, de manière
étroite et solidaire, l'accroissement de la participation des citoyens aux
décisions publiques et l'amélioration des conditions d'exercice des mandats
locaux.
C'est bien pourquoi le projet de loi que Daniel Vaillant vous présentera
bientôt, au nom du Gouvernement, traitera dans un même texte ces deux éléments
fondamentaux et indissociables de l'approfondissement de notre démocratie.
De ce point de vue, la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale
tendait à l'application rapide de quelques mesures concrètes destinées à
l'amélioration à la fois de l'accès aux mandats municipaux et de leurs
conditions d'exercice, notamment pour tenir compte de la situation nouvelle
résultant de l'accès d'un nombre important de femmes à la fonction d'élu, par
exemple en permettant le remboursement des frais de garde d'enfant.
Quant au texte issu des travaux de votre assemblée, si vous décidiez de suivre
votre commission, mesdames, messieurs les sénateurs, il viserait l'ensemble des
élus locaux et regrouperait de très nombreuses mesures, dont certaines, vous le
savez, nécessitent une expertise préalable et ne répondent pas de manière
satisfaisante aux attentes actuelles des élus locaux, tout en risquant
d'engendrer une charge financière excessive pour les budgets des collectivités
locales.
En outre, vos amendements conduiraient à amputer le texte voté à l'Assemblée
nationale de deux articles importants qui avaient reçu le soutien du
Gouvernement : celui sur la protection de l'élu salarié et celui sur la
validation professionnelle de l'expérience acquise au cours du mandat.
Enfin, l'un de vos amendements autoriserait les élus, quels que soient leur
situation et le montant de leurs indemnités de fonction, à bénéficier de tout
type de prestations sociales, en excluant par principe les indemnités de tout
calcul de plafond de ressources.
Si le Gouvernement souhaite faire bénéficier les élus d'une plus grande
protection sociale, il ne peut donner son accord à une disposition qui confère
un avantage exorbitant du droit commun aux élus locaux, en permettant, par
exemple, à certains d'entre eux de percevoir le RMI tout en bénéficiant d'une
indemnité de fonction non négligeable.
Dès lors, vous comprendrez aisément que le Gouvernement ne puisse émettre un
avis favorable sur le texte ainsi transformé par vos travaux.
En conclusion, le Gouvernement regrette que l'examen du texte voté par
l'Assemblée nationale n'ait pu vous convaincre d'en garder l'esprit. Il reste,
bien sûr, que la séance d'aujourd'hui complétera sans doute utilement notre
réflexion et la concertation sur les objectifs que vise le Gouvernement.
Pour les raisons que j'ai exposées, je vous demande d'adopter en l'état cette
proposition de loi, puis d'aider le Gouvernement, dans peu de temps, à
améliorer le projet de loi qui vous sera présenté. Certaines des propositions
examinées aujourd'hui pourront d'ailleurs utilement compléter ce projet de loi
dans un cadre d'ensemble relatif à la démocratie de proximité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Madame le
secrétaire d'Etat, il m'apparaît, pour vous avoir écoutée avec beaucoup
d'attention, que votre position est un peu moins équilibrée que celle qu'avait
adoptée M. Vaillant.
Certes, je comprends bien la solidarité que vous manifestez à l'égard du
groupe communiste de l'Assemblée nationale, qui souhaite voir adopter sa
proposition. Mais on a, de ce fait, l'impression d'assister à une course pour
la reconnaissance de paternité entre le Gouvernement, le groupe communiste, qui
fait partie de la majorité parlementaire, et le Sénat.
Nous, nous souhaitons sortir de ce schéma, nous référant à l'esprit qui avait
animé le Sénat, le 18 janvier dernier, qui avait reconnu qu'à partir du rapport
Debarge, puis d'un certain nombre d'autres, depuis quelques années, des
réflexions étaient menées sur ce qui avait été injustement appelé le « statut
de l'élu » et que nous avions souhaité « recaler » en parlant, comme vous,
d'amélioration de l'accès à la fonction élective et de meilleure respiration
démocratique.
Vous mettez à mal deux principes.
Soit l'indemnité est un revenu, et on peut adhérer à votre analyse qui
consiste à dire que le RMI ne peut pas être accordé au-delà d'un certain
plafond de revenus. Notez cependant que cela renverse totalement l'analyse en
cours et la nature juridique de l'indemnité : selon votre position, ce n'est
plus une indemnité, c'est un revenu, c'est un salaire, c'est un métier ! Nous
contestons absoluement une telle assimilation.
Soit l'indemnité est une indemnité de fonction et, au nom de ce principe,
pourquoi discriminer entre les élus, certains paraissant paradoxalement
privilégiés par rapport à d'autres, alors qu'en réalité nous avons estimé que
l'indemnité devait croître avec le poids démographique de la collectivité ?
J'aimerais beaucoup que vous nous répondiez sur ce point, madame le secrétaire
d'Etat.
Que vous introduisiez dans le dispositif relatif au RMI des exclusions
concernant certains types de rémunération, peut-être, mais certainement pas à
l'occasion d'une réflexion sur le statut de l'élu local. Certainement pas !
C'est d'autant plus important que c'était l'un des arguments qui avait motivé
le refus de M. Vaillant d'accepter la proposition du Sénat, l'autre, que vous
n'avez pas repris, étant l'augmentation du coût et l'incapacité dans laquelle
se trouvait le Gouvernement de le mesurer précisément.
Mais, là aussi, nous avons clairement affiché les principes de la liberté et
de la responsabilité des collectivités locales qui entendaient assumer, elles
et elles seules, le prix de la démocratie locale.
Je dois donc dire que je suis très surpris par votre argumentation, madame le
secrétaire d'Etat.
Je comprends totalement la position du groupe communiste qui, au nom de la «
paternité » et d'échéances électorales, voudrait que l'examen de son texte
aille le plus rapidement possible, plus rapidement que celui du Gouvernement et
même que celui du Sénat.
Je dois vous avouer que, depuis quelques années, les associations d'élus, les
partis politiques, le Président de la République, le Premier ministre, tous ont
reconnu l'utilité d'une amélioration du fonctionnement de la démocratie locale.
Je n'ai donc aucune hésitation par rapport à cette « course » ; je n'ai qu'un
souci : faire en sorte que l'approche du texte soit la plus globale, la plus
cohérente, la plus complète et la plus équilibrée possible.
Or, madame le secrétaire d'Etat, nous avons très rapidement estimé que la
proposition de loi de Mme Fraysse, qui constitue un pas en avant intéressant,
était réductrice en ce qu'elle ne concerne que les élus communaux. Elle ne peut
donc pas nous convenir, puisque l'amélioration de la démocratie locale et
l'accès du citoyen à cette démocratie locale concernent forcément la totalité
des collectivités locales. Mais vous-même, vous allez connaître, demain, des
échéances municipales et cantonales le même jour, et je ne comprendrais pas que
vous introduisiez des déséquilibres dans la situation de certains élus par
rapport à d'autres comme vous le faites en comptabilisant les indemnités pour
la détermination des droits sociaux des élus.
Peut-être avez-vous une autre approche du problème, mais nous souhaitons,
nous, faire en sorte que tous, absolument tous les élus locaux soient traités
de la même manière, quel que soit le niveau de leur collectivité, quelle que
soit la spécificité de celle-ci, qu'elle soit région, département, commune ou
établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Par ailleurs, nous avons, dans notre texte, repris quatre des sept
dispositions proposées par Mme Fraysse, écartant, notamment, la présentation
d'un rapport sur l'insertion dans le code du travail des dispositions
concernant les garanties accordées aux élus dans l'exercice de leur mandat,
mais nous en avons repris un certain nombre d'autres qui vont dans votre
sens.
Je crois donc qu'aujourd'hui, au lieu de nous opposer texte contre texte, vous
seriez peut-être bien inspirée de considérer qu'à partir de la réflexion
intéressante du groupe communiste et, au-delà, de celle de l'ensemble de la
classe politique et des associations d'élus, la proposition du Sénat constitue
une merveilleuse synthèse. En effet, non seulement nous reprenons l'essentiel
des propositions du groupe communiste, mais encore nous élargissons la
réflexion et nous répondons à l'attente du Gouvernement, qui aspire à une
meilleure respiration démocratique et à un meilleur fonctionnement de notre
démocratie locale. Dès lors, il suffit de reprendre le texte voté le 18 janvier
dernier et de l'inscrire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée
nationale. Ainsi, chacun aura satisfaction.
Je rappelle, en particulier, que la commission propose au Sénat de reprendre
les dispositions adoptées par le Sénat concernant la compensation des pertes de
revenus et des charges pour participer aux réunions, le remboursement des frais
nécessités par l'exercice de mandats spéciaux, l'augmentation du barème de
crédit d'heures et la majoration des droits à formation.
Nous proposons la confirmation de l'autorisation de prendre en charge les
cotisations d'assurance personnelle du chef d'exécutif, ce qui constitue une
amélioration non négligeable.
Nous proposons, de même, la confirmation de l'extension, aux présidents des
établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité
propre, de la possibilité d'obtenir des indemnités pour frais de
représentation, enseignement tiré des lettres d'observations des chambres
régionales et territoriales des comptes.
Sur l'initiative de notre collègue Jean-Claude Carle, nous proposons des
indemnités de fonction pour les présidents des conseils généraux et régionaux
de façon à les aligner sur celles des maires de communes de plus de 100 000
habitants, les indemnités des membres de ces assemblées étant aussi
revalorisées.
Sur proposition de notre autre collègue Daniel Goulet, nous avons, le 18
janvier dernier, réaffirmé le caractère bénévole de l'exercice des mandats ;
nous avons repris la disposition concernant la protection des candidats et des
élus locaux jusqu'à six mois après le scrutin ou la fin du mandat contre les
mesures disciplinaires et les licenciements, sauf faute d'une exceptionnelle
gravité ; nous avons étendu aux mandataires des chefs d'exécutif la possibilité
de percevoir des indemnités pour frais de représentation.
Enfin, grâce à l'initiative de Jean Arthuis et des membres du groupe de
l'Union centriste, nous faisons financer l'indemnité de fin de mandat par
mutualisation des cotisations des élus, toutes dispositions que nous vous
proposons de confirmer aujourd'hui.
Nous avons respecté, vous pouvez le constater, les principes de liberté, de
responsabilité, de transparence ainsi que de responsabilisation du citoyen.
Notre texte nous paraît équilibré et nous semble correspondre à l'attente des
uns et des autres. Aussi, madame le secrétaire d'Etat, je déplorerais que vous
cédiez à un réflexe purement politicien de calcul, à une préoccupation de
paternité du texte...
M. Roland Muzeau.
Ce n'est pas une question de paternité !
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Roland Muzeau.
Il s'agit de savoir si, demain, les élus bénéficieront de droits nouveaux !
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
Monsieur Muzeau, je voudrais ajouter un mot...
Mme Hélène Luc.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
Non ! Pardonnez-moi, madame Luc, mais je souhaite ajouter un
mot avant que vous ayez la possibilité d'intervenir.
(Protestations sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je suis toujours très surpris de constater le changement d'attitude d'élus
qui, au sein de notre association, sont d'une richesse extraordinaire et qui,
lorsqu'ils se retrouvent devant les caméras ou sur ces travées, se croient
obligés de faire de la surenchère.
Il n'est pas question de récupération au profit de quiconque.
M. Roland Muzeau.
La preuve !
Mme Nicole Borvo.
Vous prouvez le contraire !
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
J'ai clairement dit, dans mon introduction, l'intérêt et
l'enrichissement que nous avons pu retirer de la proposition de loi présentée
par Mme Fraysse et ses collègues, puisque nous en avons repris quatre articles
sur sept. Personne ne peut revendiquer de détenir le monopole de la vérité. La
démocratie est justement l'enrichissement par le débat. C'était votre droit le
plus absolu de réserver le dispositif aux seuls élus communaux.
Peut-être ma lecture est-elle erronée, mais nous avons estimé que votre
analyse devrait être étendue à l'ensemble des élus locaux, avec, en plus,
quelques améliorations. Qu'ils soient élus communistes, élus socialistes ou
élus centristes, tous, dans la pratique, manifestent leur intérêt pour
certaines des mesures proposées. Par exemple, la prise en charge des
cotisations au titre de la responsabilité civile du chef d'exécutif par les
collectivités locales est une demande unanime. De même, la possibilité
d'étendre la prise en charge des frais de représentation aux présidents de
conseils régionaux, de conseils généraux et à leurs mandataires est une
revendication générale formulée à la suite des lettres d'observations des
chambres régionales des comptes, le code général des collectivités
territoriales étant muet sur ce point.
Voici donc ce que je propose au Gouvernement, madame le secrétaire d'Etat :
prenez le texte voté par le Sénat, prenez le texte proposé par le groupe
communiste et faites-en une synthèse qui permette de reprendre l'essentiel de
l'ossature du dispositif pour l'étendre à l'ensemble des élus locaux. Alors,
tout le monde y gagnera et nous aurons très prochainement un texte cohérent.
En somme, c'est une proposition non pas de conflit, car, je partage votre
analyse, personne ne peut se déchirer sur le dos des élus locaux, mais de
synthèse. Je crois que nous avons tous intérêt à réfléchir aujourd'hui à ce qui
constitue, comme la presse écrite s'en fait l'écho, un véritable problème pour
notre démocratie, à savoir la difficulté que vous avez vous-même, dans votre
propre parti, mais que d'autres partis connaissent aussi, à trouver des
candidats un peu partout.
Il y a là un vrai défi pour les partis politiques, qui effectivement,
aujourd'hui, peinent à trouver des citoyens désireux de se consacrer à la chose
publique. C'est, je crois, la démarche, la vôtre et celle du Sénat, que de
tenter d'apporter une contribution positive à la seule chose qui intéresse la
Haute Assemblée, à savoir la démocratie.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc.
Vous avez refusé de me laisser intervenir ! N'appelez donc pas cela un débat
!
M. Emmanuel Hamel.
Le parti communiste refuse la synthèse !
M. le président.
Monsieur Hamel, vous demandez à prendre la parole ?
M. Emmaneul Hamel.
Non, j'ai dit ce que je pensais !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
examinons aujourd'hui la proposition de loi que mon amie Jacqueline Fraysse et
les parlementaires communistes ont déposée en vue d'améliorer l'accès aux
fonctions électives.
Nos collègues ont fait le choix délibéré de cibler les mesures les plus
urgentes, les plus simples et les plus utiles. Il s'agit de donner un signal
fort aux conseillers municipaux qui vont être prochainement élus.
Cette question nécessitant d'être traitée dans sa globalité, il ne nous a pas
semblé opportun d'accélérer la réflexion d'ensemble qui s'est organisée autour
du rapport de la commission Mauroy, que certains membres de la majorité
sénatoriale ont, du reste, quittée.
Cette réflexion va aboutir, comme l'a annoncé Lionel Jospin, au dépôt d'un
projet de loi relatif à la démocratie citoyenne.
Ce projet de loi ambitionne de franchir de nouvelles étapes dans le
décentralisation en réorganisant les compétences des collectivités, en
améliorant leur gestion financière et en permettant aux citoyens de mieux
participer à la vie de la cité par le biais des conseils de quartiers et par
l'instauration d'un véritable statut de l'élu.
Les élus communistes s'inscrivent pleinement dans la démarche en cours. Il est
effectivement des sujets où l'importance des enjeux rend la concertation
impérative. Les règles qui régissent la vie publique et qui sont le socle de
l'édifice de nos institutions en font partie. Vous pouvez compter sur notre
signature pour faire en sorte que ce projet corresponde aux besoins actuels des
élus.
Voulant néanmoins permettre une réelle application des lois relatives à
l'égalité des femmes et des hommes dans la vie publique et au non-cumul des
mandats, les parlementaires communistes ont ciblé les mesures qu'il était
urgent d'adopter avant les élections cantonales et municipales.
Etant donné l'attitude que la majorité sénatoriale a adoptée lors de l'examen
de la proposition de loi organique relative à la date d'expiration des pouvoirs
de l'Assemblée nationale, il semble très difficile que les mesures les plus
urgentes puissent être adoptées entre aujourd'hui et la fin de la session.
De surcroît, la commission des lois propose une réécriture complète du texte
adopté à l'Assemblée nationale, alors qu'une adoption conforme aurait permis
des avancées immédiates. C'est bien là que le bât blesse.
Vous en avez décidé ainsi et, de ce point de vue, je dois dire que vous êtes
très loin des intérêts des élus locaux, que vous prétendez pourtant
représenter.
Lors des prochaines élections, la loi sur la parité va s'appliquer - c'est un
fait - mais comment lui permettre d'avoir immédiatement une réelle efficacité,
afin qu'elle ne se traduise pas par des mesures volontaristes, dans un esprit
de « quotas » humiliant pour les candidates ? Posons-nous d'abord la question
de ce qui entrave l'engagement politique des femmes.
Quelles évolutions faciliteraient la participation des citoyennes et, au-delà,
des citoyens à la vie publique ?
Ces interrogations ne concernent évidemment pas uniquement les femmes.
Cependant, leur arrivée programmée dans la vie publique accentue la nécessité
de mettre très rapidement en place un statut de l'élu digne de ce nom.
Instaurer un tel statut de l'élu est un enjeu de taille, et, selon nous, c'est
l'un des moyens, bien évidemment pas le seul, de commencer à sortir de la crise
de confiance politique que nous traversons.
Les lois de décentralisation avaient pour objet premier de rendre le pouvoir
aux citoyens pour mieux répondre aux besoins. Elles ont conféré des pouvoirs
accrus aux élus locaux avec, en corollaire, des responsabilités plus lourdes
exigeant toujours plus de disponibilité et de compétences spécifiques.
Les élus locaux - chacun le sait - jouent un rôle irremplaçable dans le bon
fonctionnement de la démocratie.
Même si leurs tâches s'avèrent de plus en plus dures, les élus locaux doivent
répondre à des besoins de plus en plus diversifiés et de plus en plus nombreux,
avec des moyens qui stagnent.
La décentralisation ne remplira pas entièrement ses objectifs tant que les
collectivités locales n'auront pas des moyens financiers à la hauteur de leurs
responsabilités. Je ne suis pas la seule à le dire.
L'instauration d'une taxe sur les actifs financiers telle que nous le
proposons permettrait aux collectivités locales d'assumer leurs missions et de
répondre correctement aux besoins de nos concitoyens.
Mais, pour que vive également pleinement la démocratie locale, encore faut-il
que chaque citoyen puisse y participer. Or, tel n'est pas le cas. Les jeunes de
moins de trente ans sont pratiquement absents de la vie locale. La proportion
de salariés du secteur privé reste très faible. Le pourcentage de femmes est de
21,7 % - il va changer - chez les élus locaux. Le taux de féminisation tombe à
8 % chez les maires - j'espère aussi qu'il va changer, même si la loi ne
l'impose pas - et il est surtout très bas dans les grandes communes.
Les lois sur la parité et sur le non-cumul des mandats, qui peuvent être mises
au crédit du gouvernement actuel ainsi que le développement de la coopération
intercommunale et des nouvelles fonctions qui s'y attachent sont autant
d'occasions de renouveler et de diversifier la classe politique.
Si telle ou telle catégorie socioprofessionnelle est plus représentée parmi
les élus locaux, ce n'est pas parce que la chose publique intéresse certains et
pas d'autres, mais c'est surtout parce qu'il existe des facteurs favorisant cet
état de fait. Pour certains, c'est la formation. Pour d'autres, c'est la
possibilité de s'organiser de façon autonome dans le cadre de leur emploi et de
maîtriser leur temps, ce qui correspond à la disponibilité nécessaire pour
assurer pleinement un mandat électif.
Le fait qu'ils soient plus ou moins assurés de retrouver leur emploi s'ils
perdent leur mandat électif constitue également, pour d'autres, un facteur
déterminant, les autorisant à se lancer dans la vie politique locale.
Aussi, le statut de l'élu doit-il permettre de gommer les disparités et
d'autoriser ainsi toutes et tous à exercer un mandat électif local, ce qui
nécessite, vous en conviendrez, une concertation en profondeur et une prise en
charge budgétaire importante, faute de quoi il n'y aura pas de changement
réel.
Or, pour l'heure, la présente proposition de loi a pour objet l'adoption de
quelques mesures simples dont la nécessité ne fait aucun doute et qui, sans
prétendre tout régler, apportent des améliorations utiles et rapides dans
l'attente d'un vrai statut.
Les dispositions de cette proposition de loi devront être complétées, ce ne
sont pas les membres de notre groupe qui diront le contraire.
D'abord, parce qu'elle ne traite que des élus municipaux, pour les raisons que
j'ai précisées.
Monsieur le rapporteur, vous proposez, et la commission des lois l'a accepté,
d'élargir les réévaluations des indemnités à celles des conseillers généraux.
Nous n'y sommes pas opposés, bien entendu.
D'autres amendements vont dans le bon sens, je pense en particulier à celui
qui traite de l'indemnité de retour à l'emploi.
En revanche, votre texte est en retrait quant à la protection de l'élu salarié
et à la validation professionnelle de l'expérience acquise en cours de mandat,
auxquelles nous tenons.
Je formulerai deux objections de fond, plus importantes encore, pour expliquer
notre état d'esprit.
Seule une adoption conforme du texte voté à l'Assemblée nationale permettrait,
en raison des contraintes du calendrier - mais notre groupe n'en est pas
responsable - une avancée dès la prochaine échéance électorale. Or, en
modifiant le texte comme vous le faites, en réalité, vous rejetez toute
possibilité d'améliorer l'exercice des fonctions électives dans l'immédiat.
Vous refusez ainsi aux 500 000 conseillers municipaux qui vont être élus une
amélioration concrète de l'exercice de leur mandat dès mars 2001. Nous ne
pouvons pas l'accepter.
Pourtant, la proposition de loi se compose de sept articles tous
intéressants.
L'article 1er inclut les frais de garde d'enfant aux pertes de revenu de l'élu
qui peuvent être compensées par la collectivité. L'article 6 a un objet
similaire.
L'article 2 élargit les crédits d'heures aux élus des communes de moins de 3
500 habitants et doublent leur montant pour tous.
L'article 3 accorde des garanties professionnelles aux salariés élus.
L'article 4 ouvre aux élus, en fin de mandat, les droits au congé individuel
de formation.
L'article 5 porte à dix-huit le nombre de jours de formation.
Enfin, l'article 7 pose le principe d'une codification des dispositions sur le
statut des élus dans le code du travail afin de leur donner plus de force
vis-à-vis des employeurs, ce qui est tout à fait nécessaire.
Ces dispositions, sans répondre à tous les besoins, seraient tout à fait
utiles tout de suite.
La deuxième objection porte sur les moyens financiers.
Le financement nécessaire pour un statut conséquent de l'élu n'est pas prévu à
l'heure actuelle. Ce n'est pas de notre fait, l'Assemblée nationale en a décidé
ainsi. Or, vous proposez des mesures bien plus importantes que celles que nous
proposons, mais vous ne prévoyez aucun moyen de les financer.
Croyez-vous que vos propositions, si bonnes soient-elles, avec les réserves
que j'ai émises, puissent être prises en charge uniquement par les
collectivités locales ? C'est complètement irréaliste.
La mise en place de garanties pour les élus a un coût dont le montant est
élevé.
La réflexion contradictoire engagée doit aboutir, à terme - je l'espère, le
plus rapidement possible - à trouver un financement à la hauteur des enjeux ce
qui éviterait de reporter le financement sur les collectivités locales.
En ce qui nous concerne, nous avons proposé la création d'un fonds qui
servirait à prendre en charge les périodes d'absence des salariés élus, du fait
de leurs mandats. Ce fonds pourrait être alimenté par les entreprises, au-delà
d'un seuil de salariés.
La dotation « élu local » doit également être réévaluée et, surtout, versée à
toutes les communes, sans considération démographique. Faut-il rappeler qu'elle
n'est versée qu'aux communes de moins de 1 000 habitants et que chacune d'entre
elles ne touche que 13 220 francs ?
Vous avez laissé entendre, monsieur le rapporteur, que les parlementaires
communistes voulaient garder la paternité de la loi. Je trouve curieux que vous
cherchiez, pour votre part, à empêcher le texte d'aboutir pour des raisons que
je qualifierais de partisanes.
Je vous demande donc très solennellement, mes chers collègues, de retirer tous
vos amendements, afin que le texte soit voté conforme. Je vous demande de ne
pas faire de surenchère, de garder vos propositions - qui seront, je n'en doute
pas, très utiles - pour le débat d'ensemble programmé pour le printemps. Cette
proposition de loi est certes incomplète, mais elle est néanmoins utile dans
l'immédiat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?... La
discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er