SEANCE DU 28 MARS 2001
M. le président.
« Art. 12. - Sont abrogés :
« - le chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie du code de
la santé publique ;
« - les articles 84 à 86 et l'article 89 du décret du 29 juillet 1939 relatif
à la famille et à la natalité françaises. »
Par amendement n° 16, M. Francis Giraud, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« I. - Le chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie du code
de la santé publique est ainsi rédigé :
« Chapitre Ier
« Protection de la femme enceinte
«
Art. L. 2221-1
. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000
francs d'amende le fait de contraindre ou de tenter de contraindre une femme à
une interruption de grossesse en exerçant sur elle des pressions morales et
psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation. »
« II. - Les articles 84 à 86 et l'article 89 du décret-loi du 29 juillet 1939
relatif à la famille et à la natalité française sont abrogés. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 40 rectifié, présenté par
M. Chérioux, et tendant à compléter le I du texte proposé par l'amendement n°
16 par un alinéa ainsi rédigé
«
Art. L. 2221-2
. - La propagande, directe ou indirecte, par un moyen
quelconque, concernant soit les établissements dans lesquels sont pratiquées
les interruptions de grossesse, soit les médicaments, produits et objets ou
méthodes destinés à procurer ou présentés comme de nature à procurer une
interruption de grossesse, sauf dans les publications réservées aux médecins et
aux pharmaciens, est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs
d'amende. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Votre commission accepte l'abrogation de l'article L. 2221-1
du code de la santé publique dans sa rédaction actuelle. Elle considère en
effet que le maintien de ces dispositions, qui n'ont d'ailleurs jamais été
appliquées, ne se justifie plus. Cet article était en outre susceptible de
constituer un obstacle juridique aux actions d'information en direction des
femmes souhaitant accéder à l'IVG.
Pour autant, la suppression des sanctions pour l'incitation à l'IVG ne doit
pas avoir pour effet de priver la femme enceinte de toute protection contre les
personnes qui souhaiteraient la contraindre à l'IVG.
Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement comportant une
nouvelle rédaction de l'article L. 2221-1 du code de la santé publique afin de
protéger la femme enceinte contre toute forme de pression destinée à la
contraindre à une interruption de grossesse.
L'amendement prévoit que serait puni de deux ans d'emprisonnement et de 200
000 francs d'amende le fait de contraindre ou de tenter de contraindre une
femme à une interruption de grossesse en exerçant sur elle des pressions
morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation.
La rédaction est directement inspirée de celle qui est prévue par l'article 12
bis
ci-après pour le délit d'entrave à la pratique légale des
interruptions de grossesse.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 40
rectifié.
M. Jean Chérioux.
Je comprends le point de vue de M. le rapporteur, c'est la raison pour
laquelle je me contente de présenter un sous-amendement visant à compléter
l'amendement de la commission. Ce complément tend à reprendre une partie des
dispositions supprimées.
Il est vrai que cet article institué par la loi Veil n'a pas été appliqué. On
n'a pas eu beaucoup l'occasion de l'appliquer, mais il avait un caractère
dissuasif.
Je crains que la suppression ne produise un appel d'air. Je crains que ne
fleurisse, notamment dans les médias, qui sont toujours friands de ces
questions, la propagande en faveur de certains produits et de certaines
méthodes.
J'ai restreint l'objet de mon sous-amendement initial à la demande de la
commission. Il porte désormais sur la propagande seulement et non plus sur la
propagande et la publicité.
Ce sous-amendement répond à un souci de précaution. Si les dispositions
actuelles sont purement et simplement supprimées, il y aura des problèmes. Vous
connaissez le goût du sensationnel des médias ! Je suis persuadé que si, par
malheur, ce texte n'était pas voté, nous connaîtrions des difficultés. Je
prends rendez-vous, monsieur le Ministre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud,
rapporteur.
La commission est favorable au sous-amendement n° 40
rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Le Gouvernement partage bien sûr la
préoccupation de M. Giraud et de la commission des affaires sociales de
protéger la femme enceinte d'une interruption de grossesse pratiquée sous la
contrainte. L'amendement n° 16 n'est cependant pas nécessaire, puisque cette
protection est déjà prévue dans le code pénal à l'article 223-10 qui réprime
l'IVG réalisée sans le consentement de la femme.
J'ajoute, monsieur le rapporteur, que les mesures que vous proposez sont
largement en deçà de celles qui sont prévues dans le code pénal. L'article
223-10 du code pénal prévoit en effet cinq ans d'emprisonnement et 500 000
francs d'amendes contre deux ans d'emprisonnement et 200 000 francs d'amendes
dans l'amendement.
Par ailleurs, malgré la précision qu'il apporte, le Gouvernement s'oppose
également au sous-amendement n° 40 rectifié de M. Chérioux.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le problème de
l'interruption qui serait faite sous la contrainte. Or, dans l'amendement dont
nous discutons, il ne s'agit pas exactement de cela : notre texte vise en effet
les pressions psychologiques sans qu'elles aillent jusqu'à l'acte. En d'autres
termes, vous dites que l'acte qui serait réalisé illégalement est condamnable -
ce qui est évident - alors que nous, nous disons que ce sont les pressions
exercées avant ou en dehors de l'acte et même si la personne ne subit
finalement pas l'IVG qui sont répréhensibles.
En clair, ce dont nous voulons parler, c'est non pas de l'acte réalisé, mais,
par exemple, de l'employeur qui fait pression sur une employée en lui disant
d'avorter.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 40 rectifié, accepté par la commission
et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 16, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 12 est ainsi rédigé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq.)