SEANCE DU 28 MARS 2001
M. le président.
« Art. 11
bis.
- I. - L'article 223-12 du code pénal est abrogé.
« II. - Après l'article L. 2222-3 du code de la santé publique, il est inséré
un article L. 2222-4 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2222-4
. - Le fait de fournir à la femme les moyens matériels
de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même est puni de trois ans
d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende. Ces peines sont portées à cinq
ans d'emprisonnement et à 500 000 francs d'amende si l'infraction est commise
de manière habituelle. En aucun cas, la femme ne peut être considérée comme
complice de cet acte. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 15, M. Francis Giraud, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
Par amendement n° 48, Mmes Campion, Dieulangard et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du texte présenté
par le II de l'article 11
bis
pour l'article L. 2222-4 du code de la
santé publique, après les mots : « les moyens matériels », d'insérer les mots :
« , à l'exception des médicaments prescrits par un médecin dans le cadre d'une
interruption volontaire de grossesse, lui permettant ».
Par amendement n° 66, Mme Terrade, MM Fischer, Muzeau et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du texte
présenté par le II de l'article 11
bis
pour l'article L. 2222-4 du code
de la santé publique, après les mots : « moyens matériels », d'insérer les mots
: « , à l'exception des remèdes et subtances prescrits par un médecin dans le
cadre d'une convention conclue selon les modalités définies à l'article L.
2212-2 du code de la santé publique en vue d'une interruption volontaire de
grossesse médicamenteuse, »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
L'article 11
bis
, adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture, transfère dans le code de la santé publique les dispositions
de l'article 223-12 du code pénal relatives au fait de fournir à une femme les
moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même.
Pour les raisons que j'ai évoquées à l'article précédent, la commission
s'oppose au transfert de ces dispositions du code pénal vers le code de la
santé publique.
D'où cet amendement, qui tend à réintroduire les dispositions de l'article
223-12 dans le code pénal.
M. le président.
La parole est à Mme Campion, pour présenter l'amendement n° 48.
Mme Claire-Lise Campion.
Notre amendement visait à apporter une précision, à notre sens, plus que
nécessaire - je dis « visait », car, la commission proposant de supprimer
l'article, il n'aura bientôt plus d'objet.
Je veux tout de même l'exposer, car l'intention du législateur s'agissant d'un
article qui prévoit des sanctions au fait de fournir aux femmes les moyens
matériels de s'auto-avorter doit clairement apparaître dans les débats, faute
de pouvoir, dans cette assemblée, traduire par une inscription dans la loi.
Nous voulions éviter qu'une rédaction insuffisamment précise ne puisse
susciter des difficultés dans la délivrance de la méthode médicamenteuse en
médecine ambulatoire.
En complétant l'article, nous entendions prémunir le personnel amené à
distribuer le RU 486 d'actions en justice que certaines associations
bien-pensantes se feraient un honneur d'engager.
En rétablissant dans le code pénal toutes les sanctions relatives à
l'interruption de grossesse illégale que l'Assemblée nationale avait
introduites dans le code de la santé publique, vous nous empêchez, chers
collègues de la majorité sénatoriale, de concrétiser notre objectif, qui
devrait pourtant être aussi le vôtre.
Mais vous ne vous arrêtez pas là puisque vous supprimez également une
disposition importante pour les femmes, qui consistait à spécifier qu'en aucun
cas elles ne sauraient être considérées comme complices de l'acte, le seul
coupable ne pouvant être que celui qui leur fournit les moyens de pratiquer une
IVG sur elles-mêmes.
En conclusion, j'exprime le regret que cet amendement ne soit, sans doute,
même pas mis aux voix.
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour défendre l'amendement n° 66.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Notre amendement a pour objet de lever une ambiguïté de la rédaction du texte
qui risque d'entraîner des poursuites contre des médecins pratiquant une IVG
dans le cadre d'une méthode médicamenteuse.
En effet, le texte condamne « le fait de fournir à la femme les moyens
matériels de pratiquer une interruption volontaire de grossesse sur elle-même
». Or, dans le cas de l'IVG médicamenteuse réalisée en médecine ambulatoire, le
médecin fournit un produit abortif à la femme concernée.
A notre avis, le praticien est donc susceptible d'être attaqué par des
associations anti-IVG, qui pourraient utiliser cette ambiguïté du texte, alors
que le médecin exerce dans le cadre d'une convention conclue selon les
modalités définies par l'article L. 2212-2 du code de la santé publique.
C'est pour empêcher cette éventualité que nous proposons de préciser la
rédaction du texte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 48 et 66 ?
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Ces amendements deviendront sans objet si celui de la
commission est adopté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 15, 48 et 66 ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n°
15 puisque, sensible aux arguments avancés par l'Assemblée nationale, il a
accepté ses propositions pour les raisons qui l'ont conduit à rejeter
l'amendement n° 14.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 48, qui vise à éviter que la
rédaction actuelle ne puisse engendrer des difficultés dans la délivrance du RU
486, un amendement qu'il préfère à l'amendement n° 66.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11
bis
est supprimé et les amendements n°s 48
et 66 n'ont plus d'objet.
Article 12