SEANCE DU 18 AVRIL 2001
M. le président.
« Art. 54
ter
. - I. - Il est inséré, dans le code du travail, un
article L. 432-1
bis
ainsi rédigé :
«
Art. L. 432-1
bis. - Lorsqu'une entreprise est partie à une
opération de concentration telle que définie à l'article L. 430-1 du code de
commerce, le chef d'entreprise réunit le comité d'entreprise au plus tard dans
un délai de trois jours à compter de la publication prévue au troisième alinéa
de l'article L. 430-3 du même code ou de celle prévue au paragraphe 3 de
l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989,
relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises.
« Au cours de cette réunion, le comité d'entreprise ou, le cas échéant, la
commission économique se prononce sur le recours à un expert dans les
conditions prévues à l'article L. 434-6. Dans ce cas, le comité d'entreprise ou
la commission économique tient une deuxième réunion afin d'entendre les
résultats des travaux de l'expert.
« Les dispositions du premier alinéa sont réputées satisfaites lorsque le
comité d'entreprise se réunit en application du quatrième alinéa de l'article
L. 432-1. »
« II. - L'article L. 434-6 du même code est ainsi modifié :
« 1° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : "à l'article L.
432-5" sont remplacés par les mots : "aux articles L. 432-1
bis
et L.
432-5" ;
« 2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de la mission prévue à l'article L. 432-1
bis,
l'expert
a accès aux documents de toutes les sociétés concernées par l'opération. »
Par amendement n° 42, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
L'article 54
ter
a donné au comité d'entreprise d'une
société partie à une opération de concentration le droit d'être entendu par le
Conseil de la concurrence.
Or cette instance peut déjà exiger d'être informée et se faire assister par
des experts, en vertu des articles L. 432-5 et L. 437-7 du code du travail,
dans le respect de certaines obligations de discrétion. Il semble que le
respect de cette obligation ne soit pas assuré par la rédaction de cet article
qui a été rétabli par l'Assemblée nationale et qui paraît susceptible de
menacer le secret des affaires. Il est donc proposé à nouveau de le
supprimer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne peut être favorable à cet
amendement. Monsieur le rapporteur, j'ai le sentiment que vous n'aimez pas les
comités d'entreprise : vous ne voulez jamais qu'on les informe !
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Mais non, bien au contraire !
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Tout à l'heure, un orateur a dit que l'on pouvait être
à la fois de droite et social. Alors, ne le démentez pas ! La mesure que vous
voulez supprimer permet, précisément, d'informer les salariés et de les aider à
mieux défendre leurs intérêts dans le contexte d'opérations complexes qu'il est
impossible d'appréhender sans l'aide d'un expert, et souvent, vous le savez
bien, les syndicats le demandent.
On peut donc être surpris que vous vouliez supprimer une disposition qui tend
à mieux associer les salariés et à favoriser le dialogue social. Vous
comprendrez que la sensibilité du Gouvernement et la vertu cardinale qu'il met
à associer le comité d'entreprise aux décisions qui influent sur le sort des
salariés ne lui permettent pas de tolérer ce genre d'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 42.
Mme Odette Terrade.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Constance et détermination pour empêcher que notre législation puisse ouvrir
quelques droits aux salariés, telle est la ligne directrice de la commission
des finances dans ce débat. Le présent amendement, qui tend à supprimer
l'article 54
ter
, en témoigne encore.
Il s'agit en effet pour notre rapporteur de rejeter purement et simplement
toute procédure de consultation du comité d'entreprise dans le cas d'opérations
de concentration.
En clair, il convient, selon lui, de faire en sorte que les premiers
intéressés par la mise en oeuvre d'une opération de concentration, qui sont
souvent aussi les premiers intéressés par les restructurations juridiques,
capitalistiques ou économiques qui découlent de ce processus, n'interfèrent pas
dans le domaine réservé des actionnaires et des dirigeants d'entreprise, seuls
dépositaires de tout pouvoir de décision en ces matières.
Cette conception de l'économie et de la vie sociale, nous ne la partageons
pas.
Que craint-on en effet ? Que les salariés puissent, au travers de leurs
instances représentatives, faire valoir d'autres choix économiques et sociaux,
s'opposant à la conception générale de l'opération de concentration projetée ?
Que l'on invente en quelque sorte un droit d'opposition des salariés, alors
même que des règlements européens le permettraient ?
Pouvons-nous décemment concevoir de refonder les relations sociales dans notre
pays sans une extension réelle des droits d'intervention des salariés, quitte à
ce que ces dispositions figurent dans le présent projet de loi et non dans
celui qui est relatif à la modernisation sociale, qui sera examiné ici
prochainement, selon une séparation artificielle des champs législatifs qui ne
nous ne agréepas ?
C'est dans ce contexte, et parce que nous pensons que l'économie ne peut
décemment se développer sans que tous les acteurs, à commencer par les
salariés, y jouent leur rôle, que nous voterons sans la moindre hésitation
contre cet amendement de suppression de l'article 54
ter
.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 54
ter
est supprimé.
Article 54 quinquies