SEANCE DU 25 AVRIL 2001
MODERNISATION SOCIALE
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 185,
2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation sociale.
[Rapport n° 275 (2000-2001), avis n° 276 (2000-2001) et rapport d'information
n° 258 (2000-2001).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord
plaider l'indulgence : Elisabeth Guigou tenait absolument à être présente dans
cet hémicycle à quinze heures, pour répondre aux orateurs intervenus dans la
discussion générale. Mais, à la dernière minute, elle a dû se rendre devant une
autre assemblée.
M. Jean Chérioux.
Laquelle ?
(Sourires.)
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
L'Assemblée nationale, monsieur le sénateur, où elle
doit répondre à une question d'actualité particulièrement importante. Elle m'a
donc demandé de bien vouloir apporter, en son nom, certaines précisions sur le
titre II, concernant le travail, l'emploi et la formation professionnelle. Je
vous rappelle d'ailleurs que, hier, elle avait déjà répondu aux interventions
des rapporteurs.
Les premiers mots de Mme Guigou auraient été pour M. Delfau, dont elle a
beaucoup apprécié la finesse des réflexions sur les solutions à apporter à la
prévention des licencements. Si nous refusons la solution de l'entreprise «
administrée », nous devons en contrepartie rendre possible la confrontation
positive des logiques dans le débat interne à l'entreprise entre l'employeur,
les salariés et leurs représentants.
Monsieur Delfau, le Gouvernement ne partage pas forcément votre pessimisme sur
la culture de négociation dans notre pays. La négociation collective a
progressé ces dernières années. Les 35 heures l'ont favorisée en enrichissant
son contenu : durée du travail, salaires et organisation du travail.
M. Gérard Delfau.
C'est exact !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Passée une tendance à la résignation imposée par la
longue crise économique, qui a affaibli le rapport de forces au détriment des
salariés et des syndicats, les comités d'entreprise sont maintenant, si nous
leur donnons plus de moyens d'intervention, en mesure de développer leur
culture économique et de mener le débat sur les choix stratégiques de
l'entreprise. D'autres pays voisins savent le faire, et le projet de loi de
modernisation sociale, ainsi que les propositions nouvelles que fait le
Gouvernement peuvent y aider.
Mme Guigou vous rejoint pleinement sur l'importance première du travail
territorial de redynamisation économique à mener en partenariat avec tous les
acteurs : élus locaux, pouvoirs publics, entreprises et syndicats. Il y a
beaucoup à faire dans ce sens. Le Gouvernement abordera la question de la
réindustrialisation des sites touchés par les disparitions d'entreprises, et
Elisabeth Guigou a d'ailleurs évoqué ce sujet hier.
Monsieur Muzeau, Mme Guigou a apprécié l'esprit constructif avec lequel votre
groupe aborde ce débat et, si nous pouvons avoir des différences d'appréciation
sur la nature des réponses à apporter aux attentes des salariés menacés dans
leur emploi, nous sommes d'accord sur un certain nombre de points.
M. André Jourdain.
C'est heureux !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Il faut en effet prévenir les licenciements et créer
une obligation de reclassement lorsque ces derniers apparaissent
inévitables.
Comme vous, le Gouvernement récuse la valeur des choix de l'entreprise quand
ils sont fondés seulement sur des calculs de valorisation en bourse.
M. Jean Chérioux.
Ce qui n'existe jamais !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
L'entreprise réussit et se développe grâce à ses
salariés. Les choix stratégiques doivent en tenir compte et garantir l'emploi,
les conditions de travail et de vie, l'avenir des salariés.
Lorsque l'entreprise ignore sa responsabilité sociale, l'Etat ne peut rester
non interventionniste. Mais il n'a pas à dicter à l'entreprise ses choix de
gestion. La loi ne peut tout faire - Mme Guigou l'a rappelé hier -, mais elle
doit bien faire un certain nombre de choses : fixer un cadre d'obligations
sociales à intégrer dans la gestion, fixer les règles du jeu interne en
soumettant à la discussion contradictoire les projets de l'entreprise, avec les
représentants des salariés.
Le Gouvernement n'est pas favorable au droit de veto des comités d'entreprise
- direct ou avec l'appui du juge - parce que la confusion des rôles est source
d'ambiguïté. On ne peut bloquer une décision ou un choix sans en assumer la
responsabilité et les conséquences. Si l'on impose à une entreprise une
orientation, il faut en prendre la responsabilité jusqu'au bout. Or, cela ne
paraît pas opportun pour les comités d'entreprise. Mais il faut rééquilibrer
les pouvoirs, et c'est ce que nous proposons.
Monsieur Murat, vous avez affirmé qu'une réglementation excessive dissuade les
investissements étrangers en France.
Vous voudrez bien noter que le volume du code du travail a plus que doublé
sous des gouvernements de droite... Mais quelques chiffres valent mieux qu'un
long discours : selon la dernière étude de la Délégation à l'aménagement du
territoire et à l'action régionale sur les investissements étrangers en France
en l'an 2000, plus de 35 000 emplois ont été créés en un an, 26 % de projets
supplémentaires ont été enregistrés par rapport à 1999 et les créations
d'emplois liées à de nouvelles implantations ont augmenté de 50 %. La France
attire donc bien les investissements étrangers.
Madame Dieulangard, vous avez parlé des salariés, dont la sécurité de l'emploi
n'est pas assurée et dont le droit à l'emploi reste théorique. Effectivement,
pour faire aller de pair le progrès économique et le progrès social, c'est ce
dernier qu'il faut soutenir. Le rôle premier de la loi est de contrebalancer le
pouvoir des forts pour protéger les faibles. Si les entreprises ne sont pas
incitées à assumer leurs responsabilités sociales et si celles-ci ne sont pas
étendues, jamais les plus faibles n'y trouveront leur place, ou bien ils seront
les premières victimes des licenciements. Je vous sais gré de l'avoir déclaré
avec autant de conviction. Tel est bien l'objet du projet de loi que vous
examinez aujourd'hui.
Je profite de ma présence à cette tribune pour répondre à M. Carle, qui m'a
interrogée hier sur un autre thème de ce titre II : la formation
professionnelle. J'essayerai d'être la plus précise possible.
Tout d'abord, j'ai noté que la plupart des orateurs ont souligné l'avancée que
constituait la validation des acquis de l'expérience pour les salariés et, plus
globalement, pour le chantier de la réforme de la formation professionnelle ;
je les en remercie.
J'ai également constaté que les dispositions pour rendre plus transparent et
plus équitable le financement de l'apprentissage recueillaient un large
assentiment.
Certains d'entre vous ont émis plusieurs critiques qui, pour une large part,
me semblent relever d'une incompréhension, ou peut-être d'une connaissance
insuffisante des propositions du Gouvernement. Il faut savoir que certaines
mesures relèvent du domaine législatif et que d'autres sont du domaine
réglementaire : nous nous sommes conformés aux recommandations du Conseil
d'Etat. Par conséquent, il serait souhaitable que ce débat apporte un
complément d'informations sur un certain nombre de sujets.
En ce qui concerne la validation des acquis de l'expérience, vous nous
reprochez de vouloir certifier des parcours de formation plutôt que des
compétences. J'avoue ne pas comprendre cette critique : toutes les dispositions
du texte adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale vont dans le
sens que vous souhaitez, à savoir celui d'une distinction nette entre les
certifications professionnelles et les formations qui y conduisent. Ne
figureront dans le répertoire national des certifications professionnelles que
des diplômes, des titres ou des certificats de qualification paritaires
décrivant les savoir-faire et les compétences attendus des candidats et non des
programmes de formation.
S'agissant de l'apprentissage, vous nous reprochez de vouloir distendre le
lien entre les entreprises et les centres de formation d'apprentis, les CFA,
dans lesquels sont inscrits leurs apprentis. Or, actuellement, la contribution
financière obligatoire liant directement l'entreprise au fonctionnement de ces
CFA s'élève à 2 500 francs aux termes de la loi de 1996. Nous proposons que
cette contribution soit désormais équivalente au prix global de la formation
fixé conventionnellement avec la région. Nous savons, pour travailler avec les
partenaires sociaux et avec les régions, que le niveau de financement minimal
entraînera une contractualisation d'au moins 20 000 francs par apprenti. Vous
voyez donc le saut que nous effectuons eu égard aux 2 500 francs aujourd'hui
obligatoires.
Cependant, un tel dispositif est, selon le Conseil d'Etat, d'ordre
réglementaire. Néanmoins, je ne serais pas hostile, personnellement, à ce que
nous marquions plus clairement encore ce lien en inscrivant cette obligation
dans la loi. En tout cas, nous avons travaillé dans l'esprit que vous
souhaitez.
Vous avez également évoqué les barèmes nationaux. La loi de 1996 a
effectivement mis en place de tels barèmes. L'application de ce texte est
apparue si complexe que les décrets d'application n'ont jamais été pris. C'est
pourquoi nous en proposons la suppression, contrairement à ce que vous
affirmez, pour les remplacer par l'établissement d'un coût global qui fera
l'objet, je l'ai déjà dit, d'un conventionnement avec les conseils
régionaux.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
En revanche, dans l'intérêt des jeunes, il est apparu
nécessaire d'assurer à tous les CFA des ressources minimales, ce dans un esprit
d'équité et afin d'assurer la continuité de leur fonctionnement et la qualité
de l'apprentissage sur tout le territoire. En effet, dans un certain nombre de
départements, notamment dans les zones rurales, la collecte de la taxe
d'apprentissage est peu élevée. Je reçois régulièrement des lettres de
citoyennes, de citoyens et d'élus qui se plaignent des difficultés rencontrées
par les CFA, lesquelles conduisent parfois à de véritables faillites et à des
fermetures de CFA. La réforme du financement de l'apprentissage proposée par le
Gouvernement tend à instaurer une égalité des chances entre les jeunes, quel
que soit leur lieu de vie sur notre territoire.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Enfin, vous craignez que les dispositions que nous
vous présentons en matière de qualité de la formation n'aient pour effet de
favoriser des organismes avant tout soucieux de profiter des ressources
financières de la formation professionnelle. Nous savons que tel peut être le
cas, même si ceux-ci sont extrêmement minoritaires. Les dispositions que nous
avons prévues vont dans le sens d'un renforcement du contrôle de la formation
professionnelle et d'une meilleure appréhension de l'activité de ces
organismes.
Vous pouvez donc constater, monsieur Carle, que ce projet de loi de
modernisation sociale constitue un réel progrès. Il répond au souhait exprimé
aujourd'hui par tous les acteurs de la formation professionnelle.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Raymond Courrière.
Très bonne réponse !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le projet de loi qui vous est présenté est un vrai projet de
modernisation sociale. D'ailleurs, la richesse des débats, l'importance des
questions soulevées et le nombre des amendements qui ont été déposés témoignent
de la réelle ambition du Sénat comme du Gouvernement de changer la vie de nos
concitoyens.
Je répondrai d'abord aux interrogations qui portaient sur le titre Ier, «
Santé, solidarité, sécurité sociale », en commençant, si vous le permettez, par
la politique en faveur des personnes handicapées.
Monsieur Descours, je vous ai écouté avec attention. Vous avez regretté, avec
talent, que nous ne procédions qu'à des révisions limitées - dérisoires
dites-vous - de la loi d'orientation de 1975 en faveur des personnes
handicapées.
M. Charles Descours.
Ce sont les associations qui le disent !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Parfois, elles se trompent !
M. Jacques Machet.
Je ne crois pas !
M. Alain Gournac,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Il faut les écouter
quand même !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je n'arrête pas ! Vous ne pouvez pas me reprocher de ne
pas les écouter : j'en ai fondé cinquante-sept !
(Sourires.)
M. Jean Chérioux.
Vous êtes sélectif dans votre écoute ! Vous en écoutez certaines et pas
d'autres !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je vous écoute bien !
Tout d'abord, il ne me semble pas dérisoire de réviser le dispositif. Mais,
surtout, je tiens à affirmer devant votre assemblée que le Gouvernement est
décidé à engager la refonte de la loi d'orientation en faveur des personnes
handicapées. L'ouverture de ce chantier a été annoncée très officiellement, à
propos d'associations, au Comité national consultatif des personnes handicapées
le 25 janvier dernier. Nous allons tenir nos promesses ! C'est dans ce cadre
que l'on pourra traiter, comme il convient et comme vous le souhaitez, monsieur
le sénateur, le droit à compensation, qui constitue un enjeu majeur de la
politique du handicap, ou encore la question des ressources des handicapés.
Monsieur Machet, cette réponse s'adresse également à vous, qui vous êtes
inquiété de la situation faite aux personnes handicapées et à leurs familles ;
vous l'avez fait dans des termes qui montrent, s'il en était besoin, votre
engagement personnel.
Quant à la mise en oeuvre du plan triennal annoncée par le Premier ministre le
25 janvier 2000, que M. Descours, une fois de plus, soit rassuré...
M. Charles Descours.
En 2000 ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Oui, annoncée en 2000 !
M. Charles Descours.
Voilà donc seize mois !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Effectivement ! Mais ce n'est pas dans cette assemblée,
où la vitesse est évidemment un modèle pour tous...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
On va beaucoup plus
vite que vous ne le croyez !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
... qu'il faut nous reprocher de n'avoir pu changer en
seize mois un texte aussi important ! Nous y travaillons ! Soyez pleinement
rassurés.
Ce plan porte sur la période 2001-2003 ; toutes les mesures prévues sont bien
financées en ce qui concerne tant l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie, l'ONDAM, que le budget de l'Etat, et nous avons donné les instructions
pour leur mise en oeuvre. Nous agissons au plus vite, même si je comprends
votre regret que les résultats ne puissent intervenir plus tôt.
Pour ce qui est des retraites, Elisabeth Guigou vous a déjà répondu sur les
raisons qui ont conduit le Gouvernement à abroger la « loi Thomas » ; je n'y
reviendrai pas.
Monsieur Murat, vous avez critiqué la constitution du fonds de réserve des
retraites. Ce fonds traduit notre volonté d'assurer la pérennité de nos régimes
de retraite par répartition. Il atteindra en effet 1 000 milliards de francs en
2020...
M. Charles Descours.
Chiche !
M. Louis de Broissia.
Foi d'animal !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Intérêt et principal !
(Sourires)
Et vous serez tous là pour le voir !
(Nouveaux sourires.)
M. Charles Descours.
Surtout pour en profiter !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Les ressources prévues pour l'alimenter sont d'ores et
déjà mobilisées, et elles le seront plus encore.
Vous mettez en doute la capacité du fonds de solidarité veillesse à alimenter
le fonds de réserve, mais vous oubliez de dire que le fonds de solidarité
vieillesse est en excédent structurel grâce au succès de certaines politiques :
la politique de l'emploi, qui a réduit le nombre de chômeurs et la politique de
répartition des retraites, qui a diminué le nombre de bénéficiaires du minimum
vieillesse.
M. Bernard Murat.
Et la croissance ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je ne l'oublie pas ! Elle a été encouragée par
l'enthousiasme d'un certain nombre de Français. Cela s'appelle la confiance :
il n'y a pas de croissance sans confiance !
M. Bernard Murat.
Nous reviendrons sur ce sujet !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Nous en débattrons effectivement prochainement puisque
le Gouvernement a décidé de constituer un fonds de réserve pour les retraites.
Il s'agira d'un établissement autonome doté d'une structure de gestion
originale associant un conseil de surveillance qui assure la représentation des
assurés...
M. Charles Descours.
Contre l'avis des partenaires sociaux !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
... et un directoire composé de personnalités à la
compétence reconnue en matière de gestion de fonds.
Monsieur Cantegrit, vous avez insisté, dans votre intervention, sur l'article
8 du projet de loi qui porte réforme de la Caisse des Français de l'étranger.
Je vous en remercie, car je crois qu'il s'agit d'une réforme importante qui
bénéficiera à nos compatriotes établis hors de France, plus précisément à ceux
qui disposent de revenus modestes. Je ne m'étonne pas de l'intérêt porté par le
Sénat à cet article puisque il assure une représentation privilégiée des
Français de l'étranger.
Cet article 8 du projet de loi comporte, parmi ses dispositions principales,
la création d'un tarif préférentiel pour nos compatriotes expatriés ayant des
revenus modestes. Ils pourront donc adhérer à la Caisse des Français de
l'étranger et profiter ainsi d'une couverture maladie de qualité. Ce nouveau
dispositif bénéficiera du concours financier du ministère des affaires
sociales, auquel s'ajoutera une dotation initiale puisée dans la trésorerie de
la Caisse des Français de l'étranger.
En ces temps où nombre de nos concitoyens redoutent les conséquences de la
mondialisation, je trouve très significatif que le législateur s'apprête, en
votant cette mesure, à exporter, au bénéfice des Français de l'étranger aux
revenus modestes, les valeurs de fraternité et de solidarité de notre
République.
Monsieur le sénateur, je crois que nous partageons sans réserve les objectifs
affichés à l'article 8 du projet de loi. Je suis sûr que nous aurons une
discussion constructive lors de l'examen de ce texte.
Des amendements ont été déposés tant par vous-même que par certains de vos
collègues, au nombre desquels se trouve Mme Cerisier-ben Guiga, dont je connais
l'intérêt pour la protection sociale des expatriés. Il me semble qu'il vont
dans le sens à la fois d'une solidarité plus grande avec nos compatriotes
expatriés et d'une rigueur accrue dans la gestion du risque maladie par la
Caisse des Français de l'étranger, et qu'ils participent au développement de la
couverture sociale solidaire des Français établis hors de France.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous auriez
préféré que nous mettions en oeuvre une réforme globale des études médicales
plutôt que la démarche par cycle que nous avons retenue et que vous avez
critiquée. Moi aussi ! Cependant, il semble que, compte tenu de l'ampleur de la
tâche et de la diversité des sujets à traiter, nous aurions alors été
confrontés à d'importantes difficultés et à un risque de confusion. Comme
nombre d'entre vous le savent, la réforme des études médicales est une
entreprise de longue haleine, menée depuis longtemps mais pas toujours avec le
même souffle ! Il a fallu des années et des années pour simplement convaincre
qu'il convenait de réformer les études médicales, et pourtant le diagnostic
négatif et la critique étaient unanimes. Mais, pour faire bouger les habitudes,
les structures et les intérêts particuliers dans un domaine aussi important, il
faut persuader et non pas brutaliser.
Ainsi, monsieur Descours, dix-huit mois de travail avaient été nécessaires,
alors que j'étais déjà chargé de ce département ministériel, que j'ai ensuite
quitté pour deux ans, pour convaincre la conférence des doyens de l'intérêt
crucial de cette réforme. Celle-ci a elle-même ensuite convaincu presque tous
les « protagonistes », mais, au bout de trois ans et demi, nous ne sommes pas
parvenus, monsieur le sénateur, à adopter une position commune, ou presque
commune, sur le premier cycle.
Dans ces conditions, le problème était simple : fallait-il attendre qu'un
projet d'ensemble soit prêt ? Vous avez été assez aimable, monsieur Descours,
pour parler de la « loi Kouchner »...
M. Charles Descours.
C'est cela !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je dirai très immodestement que j'aurais préféré qu'une
telle loi voie le jour !
M. Lucien Neuwirth.
Nous déplorons son absence !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Moi aussi, bien sûr. Mais notre manière de procéder, en
mettant d'abord en oeuvre la réforme des troisième et deuxième cycles puis en
travaillant à celle du premier cycle, était imposée par l'urgence. En effet,
nous avons besoin de spécialistes, et il était donc nécessaire, je le répète,
de mettre en place le nouvel internat, cet « internat pour tous » que j'ai
évoqué.
A cet égard, j'ai bien entendu votre critique, monsieur Descours, et j'y suis
sensible. Nous avons proposé et fait finalement accepter l'instauration de ce
nouvel internat afin que la médecine générale ne soit pas choisie en cas
d'échec pour accéder à d'autres spécialités. Vous avez émis hier des critiques
sur ce point, et vous n'avez pas tort. Toutefois, je dois souligner ici que les
décrets nous permettront de préciser comment, au moyen d'un classement dans
chacune des spécialités, comme cela se pratique à l'Ecole polytechnique ou
ailleurs, il sera possible de valoriser ceux qui auront choisi la médecine
générale et qui pourront suivre cette voie, par exemple après s'être classés
premier, cinquième ou cinq centième... que sais-je ? dans cette spécialité.
En tout état de cause, je vous présenterai les textes correspondants, et vous
verrez qu'ils seront de nature à satisfaire tout le monde. En effet, si nous
proposions un nouveau dispositif n'améliorant pas le précédent et laissant
subsister la sélection par défaut des médecins généralistes, alors il s'agirait
pour nous d'un échec. Certes, je crois véritablement que chaque étudiant doit
pouvoir bénéficier des stages indispensables, mais encore faut-il disposer des
services et des enseignants nécessaires.
Cela étant, monsieur Descours, je pense que vous avez raison : il eût été plus
cohérent de présenter un projet de réforme de l'ensemble des études médicales.
Cependant, le temps presse, et la réduction du temps de travail à l'hôpital,
entre autres facteurs, nous oblige à faire vite. Certaines spécialités étaient
d'ailleurs complètement sinistrées ! Je pense notamment ici à la pédiatrie ou à
l'anesthésie...
M. Lucien Neuwirth.
La radiothérapie !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Lorsque je suis revenu au Gouvernement, j'ai compris la
nécessité d'insérer, dans le projet de loi de modernisation sociale, des
dispositions visant à réformer les deuxième et troisième cycles des études
médicales. Nous n'étions alors pas sûrs, je vous le rappelle, de pouvoir
présenter au Parlement un projet de loi de modernisation du système de santé,
et il s'agissait de ne pas prendre des années de retard. Sur le fond,
néanmoins, je reconnais qu'il eût été plus cohérent, plus « esthétique » et
sans doute plus efficace de vous proposer une réforme d'ensemble.
Nous avons donc choisi, mesdames, messieurs les sénateurs, de réformer les
études médicales de façon progressive, afin de poursuivre une concertation
approfondie avec l'ensemble des partenaires. La réforme du deuxième cycle est
achevée, celle du troisième cycle vous est soumise, et elle correspond, je le
sais, à l'attente de l'immense majorité - reconnaissez au moins cela ! - des
enseignants et des acteurs de l'hôpital et de l'université. Ces réformes
recueillent leur approbation, et nous allons donc accélérer quelque peu le
processus.
En ce qui concerne le premier cycle, je pense que nous touchons maintenant
pratiquement au terme de nos efforts et que, d'ici à un ou deux mois, nous
serons en mesure de présenter, en concertation avec vous, bien entendu, en
mesure de présenter, un texte qui satisfasse tout le monde.
Nous avons d'ores et déjà consulté toutes les parties prenantes, qu'il
s'agisse des étudiants, des doyens, des médecins ou des professionnels
paramédicaux, lesquels seront eux aussi concernés par la réforme - tel est, en
tout cas, mon souhait, et c'est le sens de notre travail.
Cette association d'autres catégories de professionnels de la santé que les
médecins au débat sur la réforme du premier cycle d'ailleurs réclamée par les
sages-femmes. Nous en avons accepté le principe, mais, là encore, il ne
m'appartient pas de décider d'un claquement de doigt ; il revient au président
d'unité d'enseignement et de recherche de recevoir ou non la demande des
sages-femmes, et nous n'allons pas porter atteinte à l'autonomie des
universités au prétexte que nous avons le sentiment que cette catégorie est
fondée à vouloir participer à la première année du premier cycle, laquelle
pourrait, à mon sens, proposer à tous un enseignement sur la santé publique et
sur l'économie de la santé, ce qui permettera de placer chacun face à ses
responsabilités et de faire partager une nécessaire connaissance de ces
questions.
Cela dit, croyez-m'en, la réforme n'est pas renvoyée aux calendes grecques. Je
pense au contraire que, dans quelques jours, nous pourrons vous annoncer la
date précise de la présentation, en conseil des ministres, du projet de loi
portant modernisation des études médicales.
En ce qui concerne maintenant notre système de soins, M. Murat a critiqué un
prétendu rationnement des dépenses d'assurance maladie, mais il a rappelé, à
juste titre, la mise en oeuvre du plan Juppé.
Non, monsieur le sénateur, le système français n'est pas comparable au système
anglais ! Comment pouvez-vous affirmer une telle chose ? Vous savez qu'ils
n'ont rien à voir et qu'il n'existe pas encore - et j'espère qu'il n'y en
existera jamais - de listes d'attente chez les médecins généralistes, comme
cela se pratique en Grande-Bretagne. En outre, le degré général de prise en
charge est totalement différent de celui qui prévaut outre-Manche.
Vous savez par ailleurs que l'OMS, qui n'est pas suspecte de favoriser
résolument la France, a classé notre système de soins au premier rang mondial
et que le système français devance largement les autres en termes de prise en
charge moyenne des soins, très loin devant les autres, même s'il doit être
encore amélioré.
M. Bernard Murat.
Il faut attendre trois mois en ophtalmologie !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Les dépenses d'assurance maladie ont progressé, en l'an
2000, de 4,7 %. Aux côtés d'Elisabeth Guigou, j'ai ouvert, le 25 janvier
dernier, un dialogue avec tous les professionnels de santé, et une mission de
concertation chargée de me faire des propositions a été mise en place. Tous les
acteurs doivent jouer leur rôle : l'Etat, bien entendu, la CNAM, les
professionnels de santé et le Gouvernement.
En effet, nos concitoyens sont attachés à la fois à la qualité des soins et à
la sécurité sociale, bref à ce système français que j'évoquais. A leurs yeux,
ce système forme un tout et ils ne distinguent pas entre les professionnels de
santé, l'Etat et les caisses. Les Français attendent de nous qu'ensemble nous
garantissions, voire renforcions la pérennité du système de soins. Encore une
fois, si le rapport de l'Organisation mondiale de la santé a classé le système
français au premier rang, ce n'est pas un hasard, d'autant que les critères
retenus étaient extrêmement nombreux et précis.
En conséquence, nous devons défendre notre système de soins mixte, qui permet
à la fois la liberté de choix poour les patients, l'indépendance
professionnelle des médecins et un haut niveau de solidarité nationale
s'agissant de l'assurance maladie. L'objectif du Gouvernement est de moderniser
notre système de soins afin de faire face aux nouveaux enjeux, qui sont
nombreux. Je pense notamment ici à l'apparition de nouvelles pathologies et au
vieillissement de la population. Celui-ci reflète une situation enviable, mais
il rendra notamment nécessaire la prise en charge des maladies
dégénératives.
Il faudra donc dégager beaucoup plus de moyens financiers, et les gâchis
devront être réduits. Il conviendra en outre d'informer la population, afin
qu'elle sache quand et dans quelles conditions il deviendra indispensable de
consentir davantage de sacrifices.
Par ailleurs, les nouvelles molécules qui apparaissent, s'agissant par exemple
des chimiothérapies anticancéreuses ou du traitement de la polyarthrite
rhumatoïde, coûtent extrêmement cher et représenteront à elles seules des
milliards de francs de dépenses supplémentaires. Devons-nous en priver nos
concitoyens ? Non, cela me paraît complètement impossible ! De plus, avec la
mise en oeuvre du « plan cancer », les femmes âgées de plus de cinquante ans se
verront proposer, pour la première fois dans notre pays, un dépistage du cancer
du sein une fois tous les deux ans, qui comportera deux clichés et une double
lecture. Tout cela coûtera horriblement cher, et si nous dépistons plus
précocement les cancers du sein, nous devrons mettre en place des traitements
et des appareils de radiothérapie.
M. Lucien Neuwirth.
Il faut le faire !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
J'étais avec vous, monsieur Neuwirth, à Lyon lorsque
les radiothérapeutes ont protesté parce que, si nous avons fait un gros effort
pour les appareils de diagnostic, à hauteur de 1 milliard de francs, les
appareils de radiothérapie se trouvent dans un état de décrépitude apparent
dont il faut tenir compte. Cela représentera plusieurs milliards de francs de
plus. Il faut le dire, le progrès coûte cher, et il est faux de prétendre que
les économies pourront être réalisées immédiatement en matière de santé. J'ai
moi-même essayé de m'en persuader pendant longtemps, mais, comme je n'ai pas
envie de mourir idiot, je vous l'avoue très clairement : le progrès coûte cher
!
M. Bernard Murat.
On est d'accord !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Par conséquent, il faut faire des choix,...
M. Lucien Neuwirth.
Il faut un budget de la santé !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
... car nous devons, s'agissant du cancer du sein mais
aussi de bien d'autres pathologies, tenir nos promesses, afin que la prise en
charge de ces maladies lourdes soit assurée dans notre pays.
M. Bernard Murat.
Très bien !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Ensemble, nous devons donc déterminer ce qui est
nécessaire, mais aussi ce qui est certainement superflu. En outre, il faut
évoquer les inégalités régionales, aborder une certaine régionalisation, y
compris à l'échelon des caisses et des prises en charge, que l'on mettrait en
concurrence, en résonance ou que l'on rendrait complémentaires. Bref, il
convient de raisonner de façon moins rigide, parce que des inégalités existent
entre les régions en matière de pathologies.
Toutes ces questions nous amènent à renforcer la qualité du système de soins,
et cette modernisation passe par le développement d'une politique de santé
publique. Je vous en ai présenté les grandes lignes dans un petit opuscule que
vous avez sans doute tous reçu. A ce propos, je regrette que ma photographie
figure en première page. Je la trouve d'ailleurs assez moche, peut-être
n'aurait-on pas dû la mettre !
(Sourires).
En ce qui concerne les cliniques privées, je vous confirme, monsieur Murat,
que l'hospitalisation privée continuera à jouer un rôle important dans la
réponse apportée aux besoins de la population. A ce propos, la diversification
croissante des missions qui sont confiées aux établissements de santé privés
par les agences régionales de l'hospitalisation en application des schémas
régionaux d'organisation sanitaire est une réalité.
(M. Gérard Larcher opine.)
Nous savons que les tâches dévolues à l'hôpital public demeurent
essentielles, différentes, majeures. Il n'empêche que, pour l'heure, nous avons
besoin d'une harmonisation entre le privé et le public. Cela signifie qu'il
faut redéfinir les montants des enveloppes, afin qu'ils soient en général non
pas réduits, mais augmentés.
Par conséquent, si nous voulons mettre en application les schémas régionaux
d'organisation sanitaire, nous devons là aussi travailler ensemble et obtenir
le soutien de l'opinion publique, c'est-à-dire des citoyens français. Pour
cela, il faut leur exposer les problèmes et faire des choix, une fois
encore.
A cet égard, l'extension aux établissements privés de la mission de prise en
charge de l'urgence est symbolique de cette évolution, mais il faut ajouter,
pour ne pas être partial, que les établissements publics ont dû accueillir les
urgences que les médecins libéraux n'assurent plus. Cela contribue également à
changer considérablement la donne, au sens concret du terme. A l'heure
actuelle, en effet, les urgentistes sont à la peine, c'est le moins que l'on
puisse dire.
(M. Gérard Larcher approuve.)
Nous devons aussi faire face à cela !
L'évolution en matière de prise en charge des urgences témoigne non seulement
de l'implication du secteur public et du secteur privé dans la prise en charge
sanitaire quotidienne de nos concitoyens, mais aussi de la reconnaissance de la
complémentarité de leurs rôles.
Dans ces circonstances, le Gouvernement prend en compte la situation
économique des établissements de santé privés : un fonds pour la modernisation
des cliniques privées a été mis en place et sa dotation est portée à 150
millions de francs en 2001.
Par ailleurs, pour la première fois, le taux d'augmentation pour 2001 de
l'objectif quantifié national, l'OQN, a été fixé à un niveau équivalent dans le
privé et dans le public et progresse de 3,3 %.
Sur cette base, nous avons signé, le 4 avril dernier, un accord avec les
fédérations de cliniques privées, qui détermine les taux de progression pour
2001 des tarifs de ce secteur. Cet accord prévoit une enveloppe de 600 millions
de francs pour les augmentations en général, soit une hausse moyenne des tarifs
de 2,3 %, et une enveloppe de 600 millions de francs supplémentaires pour les
augmentations ciblées sur certaines activités, ce qui porte l'augmentation à
près de 4 %.
A ce titre, l'attention portée au secteur de l'obstétrique est renforcée et
amplifiée, pour les raisons que vous connaissez, grâce à une enveloppe de 100
millions de francs, ce qui permet une hausse des tarifs de ce secteur, et une
augmentation du salaire des sages-femmes de 8 %. Ces montants traduisent un
effort marquant et renforcé par rapport aux accords précédents.
Cet accord vise à renforcer la complémentarité entre public et privé. En
particulier, il assure la prise en charge des urgences dans certains
établissements.
Mesdames, messieurs, je dirai maintenant quelques mots des sages-femmes.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Eh oui !
M. Lucien Neuwirth.
Un grand mot !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
J'observe une tendance, que je juge à la fois
intéressante et surprenante, visant à l'égalisation des salaires entre le
public et le privé. Il faudrait être singulièrement sectaire et quelque peu
rigide pour considérer que cela va de soi.
Cela ne va pas de soi ! Il y a des salaires différents dans le public et dans
le privé, et pas seulement dans le secteur médical !
Cela étant, je comprends que la différence est grande, s'agissant des
sages-femmes, entre le salaire mensuel dans les établissements privés et dans
les établissements publics : nous parlons de 3 000 francs ou 4 000 francs de
différence.
M. Bernard Murat.
Et sans la garantie de l'emploi !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Effectivement, sans la garantie de l'emploi.
Est-ce que le Gouvernement est capable, quand bien même il en éprouverait le
désir, d'harmoniser les salaires des deux secteurs ? Non ! c'est impossible.
Enfin ! que me demande-t-on ?
Mais nous avons rencontré les responsables des deux grandes fédérations de
cliniques. Et ils ne sont pas capables eux non plus d'harmoniser, du sommet,
les salaires dans tous les établissements, en particulier les salaires des
sages-femmes. Or, ils viennent de recevoir une enveloppe de 100 millions de
francs.
J'espère que, désormais, dans les établissements et dans les cliniques, des
négociations vont s'ouvrir - le mouvement a été amorcé mais il n'est pas
suffisamment développé - pour que les salaires des sages-femmes du privé, qui
travaillent en général plus que les sages-femmes du public et pour un salaire
moins élevé, soient augmentés. Je ne peux pas faire plus !
Je veux bien recevoir toutes les coordinations de la terre, je ne pourrai pas
faire plus ! Nous avons donné l'argent, c'est maintenant aux responsables des
cliniques de négocier, dans les établissements, avec les représentants des
sages-femmes.
A ce propos, je voudrais ajouter qu'Elisabeth Guigou et moi-même avons entendu
les sages-femmes ; nous les avons reçues, nous les avons écoutées. Chaque fois
que les représentants de cette coordination viennent me voir - ils ont
d'ailleurs changé -, je les reçois.
Grâce au travail de plusieurs mois qu'a mené Elisabeth Guigou, nous avons
signé un accord sur la fonction publique hospitalière paramédicale, qui
concerne 800 000 personnes dont, notamment, les sages-femmes. Cinq syndicats
sur huit l'ont signé et un comité de suivi a été constitué.
Ces syndicats représentent également les sages-femmes de la fonction publique.
Mais, comme vous le savez, les coordinations et les syndicats s'entendent
plutôt mal ; en tout cas, il est difficile de les faire dialoguer.
Quoi qu'il en soit, les sages-femmes du secteur public doivent absolument
négocier avec les syndicats. C'est indispensable et nous les aidons à le
faire.
Permettez-moi d'ajouter un dernier mot : nous avons proposé aux sages-femmes -
et j'espère que, vendredi prochain, elles accepteront de participer aux groupes
de travail que nous avons mis en place - que ces professions deviennent
véritablement des professions médicales, comme cela devrait déjà être le cas.
Nous avons en particulier proposé que, dans plus de la moitié des CHU de
France, elles commencent, dès septembre prochain, à être intégrées dans le
premier cycle, la première année des études médicales. Mais il leur appartient
de préparer les dossiers.
Pour l'instant, ces propositions concernent trois villes seulement. Mais
j'espère que, le 9 mai prochain, date de la réunion, il y aura dix villes
supplémentaires.
Nous voulons aider les sages-femmes, mais il faut qu'elles viennent travailler
avec nous.
J'ai examiné de très près le nombre des accouchements par sage-femme et leur
répartition dans le pays. Dans le Sud et dans le Nord, on ne travaille pas de
la même façon ; dans le secteur privé et dans le secteur public, les méthodes
de travail sont différentes. Sachez cependant, mesdames, messieurs les
sénateurs, que, en moyenne, chaque sage-femme de France aide à accoucher 53
femmes par an, ce qui représente quatre accouchements par mois.
M. Charles Descours.
Il y a des sages-femmes qui ne font pas que des accouchements !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Certes, monsieur le sénateur, mais très peu !
M. Charles Descours.
Il y en a dans les départements, monsieur le ministre !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Oui, elles sont 600 au total ! Je connais tout cela.
M. Charles Descours.
C'est bien que vous le connaissiez !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
La moyenne est donc de 53 accouchements par an, et elle
sera, compte tenu de la natalité, de 43 dans dix ans, contre 100 à 110 en 1970.
C'est ainsi.
Je ne demande pas mieux que la périnatalité soit mieux prise en charge, et
sans doute faut-il augmenter le quota - le mot est détestable - des
sages-femmes. Mais cela suppose qu'elles viennent travailler avec nous et
qu'elles nous convainquent. Le chiffre de quatre accouchements par mois donne
en effet lieu à réflexion.
M. Charles Descours.
Et la grille indiciaire ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Elle fera l'objet, je l'espère, de la prochaine
réunion, vendredi, entre les sages-femmes et le comité de suivi.
En conclusion sur ce thème, je dirai qu'on ne peut pas briser un accord
essentiel au fonctionnement des établissements publics et qui concerne 800 000
personnes. On ne peut que s'efforcer de l'améliorer.
Restent bien entendu les sages-femmes en activité dans les départements - vous
avez raison de le souligner, monsieur le sénateur - et les sages-femmes en
exercice libéral. Mais j'en ai tenu compte.
Je sais ainsi qu'à l'hôpital de Lens - puisque nous avons travaillé dans le
Nord à cause des événements de Vimy - le nombre d'accouchements par sage-femme
est de 112 par an. Nous pouvons certes tenter de corriger cette mauvaise
répartition, mais nous ne pouvons pas disposer des sages-femmes, car il faut
respecter la liberté d'installation.
M. Hilaire Flandre.
S'il y a 112 accouchements dans le Nord, la moyenne étant de 53, cela ne fait
« pas bézef » à Marseille !
(Sourires.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Il est bien évident que l'on compte moins de 53
accouchements dans certaines zones.
Dans le secteur privé à but lucratif, l'accord tarifaire permet de financer
des augmentations de salaires pour les différentes catégories de personnels. Le
processus est, je crois, bien entamé. Une solution équilibrée doit être trouvée
au niveau de chaque établissement. Les hausses de rémunération font l'objet de
négociations entre les partenaires sociaux de ce secteur.
Pour les sages-femmes du secteur privé, je l'ai déjà dit, mais autant le
préciser, les négociations entamées ont donné des résultats très positifs et
les augmentations de salaire dans les cliniques privées ont été tout à fait
significatives pour les quelques négociations qui ont jusqu'ici abouti.
Enfin, en ce qui concerne les sages-femmes en exercice libéral, les
négociations avec la Caisse nationale d'assurance maladie doivent reprendre et,
d'ores et déjà, les propositions faites par la commission de la nomenclature
générale des actes professionnels sont retenues.
L'activité professionnelle des sages-femmes fait l'objet d'une attention
particulière. Par exemple, des travaux sont menés sur l'organisation des soins
périnatals. Nous lançons par ailleurs des expérimentations pour les « maisons
de naissance ». J'espère en lancer trois avant la fin de l'année.
Ainsi, lorsque la grossesse a été bien suivie et que l'accouchement doit se
dérouler normalement, des sages-femmes libérales pourront accoucher leurs
parturientes dans des maisons attenantes à l'hôpital, ou situées à l'intérieur
de celui-ci, dans des entités complètement autonomes. L'ensemble de ces mesures
et propositions a pour objectif de redéfinir et de réaffirmer la place de cette
profession médicale dans notre système de santé.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle au Sénat qu'a été ordonnée la réserve des articles du titre
Ier.
Nous abordons donc l'examen du titre II.
TITRE II
TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION
PROFESSIONNELLE
Chapitre Ier
Protection et développement de l'emploi
Section 1
Prévention des licenciements
Articles additionnels avant l'article 29