SEANCE DU 25 AVRIL 2001
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 367, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer avant l'article 29, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 321-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par
un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du
salarié, résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une
modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés
économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à
des mutations technologiques remettant en cause la pérennité de l'entreprise,
soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la préservation de
l'activité de l'entreprise.
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du
contrat de travail résultant de l'une des trois causes énoncées à l'alinéa
précédent. »
Par amendement n° 366, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent, avant l'article 29, d'insérer un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 321-1 du code du travail est complété par treize alinéas ainsi
rédigés :
« Est interdit le licenciement économique effectué alors que la société ou le
groupe a réalisé des profits ou distribué des dividendes au cours du dernier
exercice.
« L'examen de la situation de l'entreprise est réalisé alors par une
commission constituée :
« de représentants du personnel ;
« de représentants de l'employeur ;
« de l'inspection du travail ;
« du commissaire aux comptes de l'entreprise ;
« d'un magistrat de la juridiction commerciale du ressort ;
« d'un représentant de la Banque de France ;
« d'un membre de la commission décentralisée du contrôle de fonds publics ;
« d'élus locaux.
« Au terme d'un délai de six mois un avis détermine les propositions
nécessaires à la préservation de l'emploi.
« Cet avis est transmis à l'employeur, à l'autorité administrative, aux
salariés, à leurs représentants ou au comité d'entreprise.
« Sera puni d'une amende de 50 000 francs prononcée autant de fois qu'il y a
de salariés concernés par l'infraction, l'employeur qui ne respecte pas cette
interdiction. »
La parole est à M. Muzeau, pour défendre ces deux amendements.
M. Roland Muzeau.
Notre amendement n° 367 vise à modifier l'article L. 321-1 du code du travail
afin d'intégrer dans la loi des avancées jurisprudentielles récentes. Nous
insistons donc sur le caractère d'ultime recours du licenciement économique,
sur l'exigence qu'en cas de difficultés réelles la solution soit recherchée
prioritairement par la réduction de coûts autres que les coûts salariaux et sur
le fait que les mutations technologiques invoquées doivent être indispensables
à la pérennité de l'entreprise.
La loi, dans son état actuel, ne permet pas - ou permet peu - de garantir ces
principes. Le patronat français, irrité par les avancées législatives et
jurisprudentielles évoquées ci-dessus, revendique avec force une plus grande
sécurité juridique dans la conduite et la mise en oeuvre de ses plans de
licenciement.
Notre choix est inverse : il part du constat que le licenciement économique ne
sera jamais considéré par les employeurs comme un ultime recours aussi
longtemps qu'il ne sera pas une activité à risque.
Le bilan des destructions d'emplois peut être tiré concernant le laisser-faire
si souvent invoqué par le patronat.
Chacun s'accorde à reconnaître, et le plus souvent à déplorer, que la
réduction des coûts salariaux constitue le premier acte des entreprises, non
seulement en cas de difficultés économiques, mais même en l'absence de
celles-ci, pour augmenter la rentabilité du capital.
Il importe aujourd'hui de mettre les actes en conformité avec les discours.
Le droit du licenciement existe. Le rôle de la loi n'est pas d'en accompagner
les abus, mais de les rendre impossibles et de les sanctionner.
Nous sommes donc favorables à une nouvelle définition du licenciement pour
motif économique qui intègre ces éléments et rende de fait impossibles et
illégaux les dégraissages massifs que l'on observe depuis trop longtemps,
dégraissages qui n'ont d'autre objet que d'augmenter le taux de rentabilité des
capitaux pour le plus grand profit des actionnaires.
Il convient de contrer par des mesures législatives volontaristes, en un mot
politiques, cette logique financière désastreuse pour l'emploi.
Tel est l'objet de notre amendement n° 367 ainsi que de ceux qui suivent. Nous
vous demandons en conséquence, mes chers collègues, de bien vouloir
l'adopter.
Je présenterai maintenant l'amendement n° 366.
Nous abordons le débat avec l'examen en priorité du titre II du projet de loi,
relatif aux licenciements. C'est un bon choix car l'urgence est de mise pour
répondre à l'inquiétude et à la colère des salariés confrontés aux plans
sociaux qui déferlent depuis plusieurs semaines maintenant.
Le monde du travail est en état de choc face à la violence de la politique
patronale. C'est bien de violence qu'il faut parler quand quelques personnes,
les principaux actionnaires, décident de l'avenir de milliers de femmes,
d'hommes et de leurs enfants.
C'est bien de violence qu'il faut parler quand ces quelques personnes décident
de plonger des travailleurs dans le désarroi, dans la précarité, et des villes
dans le ralentissement de toute l'activité économique.
Ces salariés lancent un appel à l'ensemble de la société, au pouvoir
politique, à nous, à vous, au Gouvernement pour rompre leur isolement face à
l'arbitraire patronal.
Les élections des 11 et 18 mars, la forte abstention, ont mis en évidence le
doute croissant de nos concitoyens quant aux capacités du politique à
influencer les choix économiques.
Lorsqu'il est systématiquement répondu aux salariés que la loi du marché
s'impose, excluant toute remise en cause sur le fond des choix de l'employeur,
c'est bien la confirmation pour beaucoup de l'impuissance de leurs
représentants.
Il y a sans nul doute un défi à relever pour la gauche plurielle si elle veut
réussir. Il faut franchir un pas significatif pour se dégager du carcan des
critères libéraux. Bien entendu, les salariés ne peuvent pas compter sur la
droite qui, elle, accepte par principe les motivations des actionnaires.
Sur ce point, je dois dire mon agacement devant les larmes de crocodile
versées par des élus de droite sur le plan local lorsqu'un site ferme, alors
que les mêmes élus, sur le plan national, adoptent une attitude de défense
inconditionnelle des choix libéraux au Parlement. Chacun se reconnaîtra dans
mon propos !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Franchir un pas significatif, c'est poser des bornes que ne devront pas
dépasser les acteurs économiques. Une de ces bornes doit être l'interdiction
faite à une entreprise qui fait des bénéfices de licencier économiquement. La
notion même de motif économique perd en effet son sens dans ce cas. Le seul
souci des actionnaires, dans ce cas de figure, est de s'enrichir toujours plus,
en appauvrissant toujours plus aussi ceux qui produisent des richesses.
Cet amendement d'interdiction est un texte moral et efficace. Une société qui
brise la vie de milliers de femmes et d'hommes au profit d'une minorité
d'actionnaires est une société qui recule et qui fait passer l'intérêt
particulier avant l'intérêt général.
L'efficacité, c'est le progrès social, l'épanouissement de tous ceux qui
participent au développement du pays. Je réfute par avance les arguments
d'irréalisme et de démagogie dont nous avons eu quelques exemples.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
La commission
souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'apprécie la priorité - c'est
rare ! - qui est offerte au Gouvernement pour donner son avis, en l'occurrence
sur les amendements n°s 367 et 366.
Monsieur Muzeau, je partage absolument votre indignation et votre analyse du
caractère insupportable des décisions qui sont prises à l'égard des salariés
qui en sont victimes, car elles sont toujours brutales, même si elles sont
prises dans les formes, du fait qu'ils ne sont pas prévenus.
De surcroît, ce sont eux qui doivent en affronter les conséquences, à savoir
la perspective de perdre leur emploi, de voir leur vie personnelle, familiale,
bouleversée, parce que souvent il leur faut aller vivre ailleurs, et de voir
leur communauté de travail dissoute. C'est d'autant plus difficile que tous les
salariés sont attachés à leur entreprise, qu'ils ont, souvent, consenti
beaucoup d'efforts pour que cette dernière améliore ses performances, dans
certains cas survive. Or voilà qu'ils sont confrontés à des décisions qui les
laissent souvent seuls face à eux-mêmes. C'est cela qu'il faut éviter.
Autant je vous suis totalement, monsieur Muzeau, sur l'analyse que vous venez
de faire et sur le fait que nous ne pouvons pas nous résigner, bien sûr, à ces
situations, autant je pense que les solutions que vous préconisez ne sont pas
adaptées, en tout cas ne correspondent pas au choix du Gouvernement, celui de
mettre les chefs d'entreprise face à leurs responsabilités économiques et
sociales. Nous pensons en effet profondément - et je sais, vous l'avez
d'ailleurs dit, que ce raisonnement nous est commun - qu'on ne peut pas faire
de bonne économie sans progrès social, car c'est ce dernier qui conditionne,
évidemment, le bon fonctionnement de l'économie. C'est bien sur ces bases que
le Gouvernement a fait ses choix en 1997. Par conséquent, je ne pense pas qu'il
soit judicieux de retenir la définition que vous préconisez du licenciement
pour motif économique.
Tout d'abord la définition d'un tel licenciement figure aujourd'hui à
l'article L. 321-1 du code du travail. Elle a été précisée par la jurisprudence
et encadre, de manière stricte et équilibrée, je crois, les motifs du
licenciement. De plus, la notion de difficulté économique n'ayant cessé d'être
précisée par le juge, la jurisprudence écarte de façon constante les
licenciements qui reposent, non pas sur des difficultés sérieuses, mais sur un
simple souci de faire des économies ou sur des difficultés purement
conjoncturelles. Cela est intégré aujourd'hui dans la jurisprudence de la Cour
de cassation.
De la même façon, la Cour de cassation a été amenée à considérer qu'une
réorganisation de l'entreprise peut conférer au licenciement prononcé un
caractère économique si, et seulement si, une telle réorganisation est
nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
Dans sa jurisprudence récente, la Cour de cassation a souligné que le
licenciement destiné à privilégier le niveau de rentabilité de l'entreprise au
détriment des salariés et de la stabilité de l'emploi est dépourvu de causes
économiques. Aussi, l'amendement que vous proposez va plus loin que la
jurisprudence en précisant qu'en cas de réorganisation le licenciement ne
serait possible que pour préserver l'activité, c'est-à-dire l'existence même de
l'entreprise. Une définition aussi restrictive conduirait à ce que le
licenciement ne soit possible que lorsque l'entreprise se trouve de fait dans
une situation équivalant à celle qui justifiait un redressement ou une
liquidation judiciaire, et priverait l'employeur, en cas de difficultés
économiques graves, de la possibilité de prendre des mesures propres à éviter
cette situation.
Vous le savez, le Gouvernement souhaite non pas rendre tout licenciement
économique impossible mais trouver un équilibre entre les marges d'appréciation
dont doit disposer l'employeur pour assurer la pérennité de son entreprise et
l'attention qui doit être accordée à la préservation de l'emploi.
Voilà pourquoi, monsieur le sénateur, je ne peux pas, au nom du Gouvernement,
donner un avis favorable à votre amendement n° 367.
L'amendement n° 366 vise à interdire les licenciements dans les entreprises ou
dans les groupes ayant réalisé des profits ou distribué des dividences, et met
en place une commission chargée de rendre un avis et de formuler des
propositions sur la situation économique de l'entreprise.
Le premier volet de cet amendement ne peut être accepté par le Gouvernement,
car il remettrait en cause l'équilibre rendu aujourd'hui possible par la loi
telle qu'elle est interprétée par la jurisprudence - je viens de le rappeler -
entre la priorité qui doit être accordée au maintien de l'emploi et la marge
d'appréciation dont doit disposer l'employeur pour assurer la pérennité de son
entreprise.
Cet amendement étant de la même inspiration que le précédent - à ce titre, il
est cohérent avec ce dernier - je ne répéterai pas les arguments que je viens
de développer. Je préciserai simplement que nous privilégions le pouvoir
d'analyse, de propositions, d'expertise des représentants du personnel en
matière économique, parce que nous croyons que c'est à l'intérieur de
l'entreprise, avec les représentants des salariés, qu'il faut organiser le
débat contradictoire, légitime, sur le bien-fondé des restructurations.
Nous pensons que ce n'est pas à l'extérieur, avec des personnes dont ce n'est
ni le rôle ni le métier, que nous pouvons être le plus efficace par rapport à
ces projets de restructuration qui ont souvent, c'est vrai, des conséquences
terriblement traumatisantes pour l'emploi et pour les territoires.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, la commission est-elle en mesure de nous donner
maintenant son avis ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Monsieur le président, j'ai été totalement convaincu par les
arguments avancés par Mme le ministre.
Je voudrais dire à mon collègue M. Muzeau que je souscris aux propos qu'il a
tenus au début de sa présentation de l'amendement n° 367 concernant tous les
drames qui entourent les licenciements dans les entreprises. En revanche, je ne
peux pas le suivre sur la suite. Mais je ne reprendrai pas les arguments que
Mme le ministre vient de développer et qui sont tout à fait valables.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 366.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Quel étonnement d'entendre les propos de M. Muzeau, en raison non pas du fond,
mais de la date qu'il a choisie pour les tenir ! C'est en effet au moment où
les plans sociaux sont les plus rares, où ils ont diminué de plus de 400 %, où
le chômage est en baisse, où l'initiative privée permet le maximum de créations
d'emploi que M. Muzeau intervient... tout cela parce qu'il s'est aperçu, les 11
et 18 mars, que le parti auquel il appartient avait été sanctionné !
(Vives
protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cela ne va pas consoler les salariés de Danone !
M. Philippe Nogrix.
Est-ce véritablement une telle réaction que les employés attendent ?
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président.
Mes chers collègues, laissez parler M. Nogrix, et lui seul !
M. Philippe Nogrix.
On ne peut pas, d'un côté, argumenter sans arrêt sur les résultats du
Gouvernement en matière d'emploi et, de l'autre, rejeter totalement les
résultats du libéralisme ! De temps en temps, il faut aussi essayer de voir
l'intérêt général ! En l'occurrence, il s'agit du respect des partenaires
sociaux.
Je suis étonné de le constater, on estime, à gauche, que les partenaires
sociaux ne sont pas majeurs, qu'ils ne savent pas discuter, qu'ils sont
incapables de négocier !
M. Guy Fischer.
Les salariés sont mis devant le fait accompli !
M. Philippe Nogrix.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, je suis en accord avec le
rapporteur, avec le travail qui a été fait en commission et avec ce qu'a dit
Mme la ministre.
(M. Machet applaudit.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 367, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 366, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 368, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 321-3 du code du travail, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. ...
- A la suite des procédures de consultation prévues aux
articles L. 321-3 et L. 432-1, les salariés directement, par l'intermédiaire de
leurs représentants, du comité d'entreprise, peuvent saisir l'autorité
administrative compétente aux fins de suspension des licenciements pour motif
économique et de la fermeture de l'entreprise éventuellement décidée.
« Cette saisine ouvre un délai de six mois pendant lequel toute solution
économique et sociale de préservation de l'emploi dans l'entreprise concernée
est recherchée.
« A cet effet une commission composée de :
« - représentants du personnel,
« - représentants de l'employeur,
« - l'inspection du travail,
« - d'un magistrat de la juridiction commerciale du ressort,
« - d'un membre de la commission décentralisée du contrôle des fonds
publics,
« - des élus locaux,
« - représentant de la Banque de France,
« - commissaire aux comptes de l'entreprise.
« La commission transmet son avis à l'autorité administrative compétente dans
un délai de quatre mois. Copie en est transmise aux représentants du personnel,
au comité d'entreprise et à l'employeur.
« L'autorité administrative dispose d'un délai de deux mois pour lever la
suspension ou refuser les licenciements économiques et l'éventuelle fermeture
du site. Elle peut également demander à l'employeur de présenter de nouvelles
mesures sociales. Elle peut présenter elle-même toute proposition en tenant
compte de la situation économique de l'entreprise. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur Nogrix, je regrette que les salariés ne vous aient pas entendu tout à
l'heure !
M. Philippe Nogrix.
Ce que j'ai dit est vrai !
Mme Hélène Luc.
Mais ils vont vous lire !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il y a le
Journal
officiel !
Mme Nicole Borvo.
On le leur fera savoir, y compris dans votre département !
M. Jean Chérioux.
Quelle menace !
M. Hilaire Flandre.
Y compris aux salariés de
l'Humanité
?
M. Charles Descours.
L'Humanité
licencie ?
Mme Nicole Borvo.
L'amendement n° 368 a pour objectif de renforcer de manière significative le
pouvoir des salariés confrontés à un licenciement économique, que l'entreprise
soit bénéficiaire ou non.
Nous proposons de conférer aux salariés, à leurs représentants, au comité
d'entreprise, un réel pouvoir de suspension des procédures de licenciement.
C'est la saisine d'une commission chargée d'examiner le bien-fondé des
décisions de l'employeur qui déclenchera automatiquement cette suspension.
Cette commission sera large.
Pour changer le rapport de force au profit des salariés, c'est votre souhait,
madame la ministre, il est nécessaire de faire intervenir, à ce stade de la
procédure, de multiples acteurs. Outre les représentants de l'employeur et des
salariés, devront participer : l'inspection du travail, la juridiction
commerciale, la commission décentralisée de contrôle des fonds publics issue de
la loi dite Hue, les élus locaux, un représentant de la Banque de France, les
commissaires aux comptes de l'entreprise.
L'avis élaboré sera transmis à l'autorité administrative qui, selon nous,
devra trancher.
Cette question fait débat. Il faut pourtant poser les données du problème de
manière sérieuse. Quel serait le sens d'une suspension si le dernier mot
demeurait à l'employeur ? Comme nous l'indiquions à l'occasion de la
présentation de l'amendement n° 366, le pouvoir politique doit être en capacité
d'agir face au pouvoir aujourd'hui tout puissant des actionnaires.
A ceux qui protesteront - et il en est certainement ici - devant un
rétablissement « en douce », en quelque sorte, de l'autorisation administrative
de licenciement, nous répondrons que la présente proposition se distingue sur
deux points qui sont essentiels.
Premièrement, notre amendement donne un rôle premier à l'intervention des
salariés. Ce sont eux qui sont maîtres de la procédure. Il n'y a pas de
contrôle préalable systématique comme avant 1986.
Deuxièmement, le travail de fond est effectué par une commission
multipartite.
Ainsi, le tête-à-tête, trop souvent inefficace entre l'employeur et
l'administration qui prévalait avec l'autorisation administrative de
licenciement n'est pas rétabli.
Madame la ministre, nous apprécions vos propositions, notamment celle qui est
comprise dans l'amendement n° 414, qui renforce le rôle du comité d'entreprise.
Vous noterez que certaines des avancées que vous proposez rejoignent les
nôtres. Mais nous pensons qu'il faut clarifier les différentes étapes. Le
travail d'analyse du comité d'entreprise doit être clairement suspensif, et le
temps de cette suspension doit être nettement rallongé, sous peine d'être
illusoire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Là encore, monsieur le président, j'ai besoin de l'avis du
Gouvernement.
Mme Hélène Luc.
Il faut prendre vos responsabilités, monsieur le rapporteur !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Mais je les prends !
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame Borvo, nous sommes en
effet d'accord pour donner aux représentants des salariés plus de pouvoir et
pour modifier le rapport de force entre les représentants des salariés et les
dirigeants des entreprises afin d'éviter que des décisions ne soient prises
unilatéralement, sans avoir été préalablement discutées. Une entreprise
moderne, c'est une entreprise dans laquelle tous les acteurs - c'est-à-dire non
seulement les dirigeants, mais aussi les salariés - peuvent s'exprimer sur les
orientations stratégiques et les décisions qui sont prises en son sein.
Cette fois encore, nous sommes d'accord sur l'objectif. Vous avez vous-même,
madame, fait référence aux amendements que je présenterai tout à l'heure, qui
visent à renforcer le rôle des comités d'entreprise et prévoir, pendant la
phase qui ne doit pas être escamotée de discussion en amont du projet de
restructuration - ne parlons pas de licenciements -, la tenue de deux réunions
séparées par un délai suffisant pour permettre aux représentants des salariés
de pouvoir faire entendre leur voix.
Là où nous divergeons, c'est que la proposition que vous formulez ensuite de
créer une commission, certes non pas seulement composée de représentants de
l'administration, mais élargie, est en réalité une forme de rétablissement de
l'autorisation administrative de licenciement. Or telle n'est pas l'orientation
suivie par le Gouvernement. Vous le savez, celui-ci a plutôt choisi de
renforcer les obligations sociales de l'employeur et donc les pouvoirs de
contrôle, d'analyse et de proposition des représentants du personnel au sein de
l'entreprise.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous maintenant donner l'avis de la commission
?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
En entendant Mme le ministre, je croyais entendre les propos
qui ont été tenus ce matin en commission ! Aussi, bien sûr, j'émets un avis
défavorable.
Mme Hélène Luc.
Vous n'avez pas beaucoup d'arguments, tout de même !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 368.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Je voudrais simplement rappeler que l'autorisation préalable de licenciement a
fait suffisamment de ravages dans les entreprises à une époque pour que nous ne
la rétablissions pas
(Protestations sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Et puisque vous avez dit que vous vous rendriez
dans mon département, je vous y invite. Vous pourrez constater que, dans ce
département qui ne compte aucun élu communiste, le taux de chômage est de 6,5 %
et que les entreprises se portent très bien, de même que les ouvriers.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 368, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 369, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicains et citoyen proposent, avant l'article 29, d'insérer un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'employeur qui procède à un licenciement économique alors que la société ou
le groupe a réalisé des profits ou distribué des dividendes au cours du dernier
exercice devra rembourser dans un délai de trois mois les fonds publics reçus
depuis cinq ans. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Licencier alors que l'entreprise fait des bénéfices est grave : jusque-là,
tout le monde est d'accord. Mais c'est d'autant plus grave que les entreprises
ont reçu, et ce pendant des années, des fonds publics destinés à soutenir leur
activité et leur développement. L'hebdomadaire
L'Expansion
citait
lui-même il y a quelques mois ce chiffre révélateur : l'Etat verse 12 000
francs par an pour chaque salarié du secteur privé.
M. Jean Chérioux.
Notamment pour les 35 heures !
M. Guy Fischer.
Non, bien avant !
Mme Nicole Borvo.
L'argent n'a pas été versé que pour les 35 heures !
L'interventionnisme d'Etat existe donc toujours bien ; nous ne sommes pas dans
le libéralisme, n'en déplaise à ceux qui souhaiteraient qu'il en aille
autrement mais qui, pourtant, sont pour que l'Etat verse de l'argent aux
entreprises.
Près de 200 milliards de francs, et même beaucoup plus, si l'on y ajoute les
fonds accordés pour les 35 heures, sont ainsi versés chaque année aux
entreprises, soit l'équivalent du budget de la France tous les neuf ou dix ans.
Ce n'est pas mince !
Il est donc urgent que la loi communément appelée « loi Hue » puisse
s'appliquer. Cette loi, je le rappelle, vise à instaurer des procédures de
contrôle strict du versement et de l'utilisation des fonds publics. C'est assez
moral, tout compte fait !
Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser, à l'occasion de l'examen de
cet amendement, les dates de promulgation des décrets d'application nécessaires
? Il serait, en effet, particulièrement préjudiciable, dans le contexte
politique et social actuel, que ce texte demeure lettre morte du fait du
blocage de tel ou tel. Nous serons très attentifs à votre réponse sur ce
point.
Pour éclaircir le débat, je tiens à rappeler que la majorité sénatoriale avait
déposé et voté la question préalable sur la proposition de loi de contrôle des
fonds publics. Je serais curieuse de connaître la réaction des salariés de
Moulinex de la Sarthe, de l'Indre ou du Calvados - mon raisonnement pourrait
s'appliquer à bien d'autres entreprises et départements - apprenant ce vote des
sénateurs de leurs départements.
Il faut le rappeler clairement aujourd'hui, les entreprises touchent
pratiquement l'équivalent de ce qu'elles paient en impôt sur les bénéfices, sur
les salaires et en taxe professionnelle.
Ces quelques éléments étant soulignés, nous considérons que l'entreprise
bénéficiaire qui licencie doit être sanctionnée. La restitution des fonds
publics versés sur cinq ans semble une mesure de justice efficace ; elle
donnera à réfléchir aux entreprises tentées par la surenchère libérale.
Le principe même de la sanction - nous avons une série de propositions sur ce
thème - mérite un débat. La collectivité peut-elle laisser commettre ces actes
de violence sociale que sont les plans de licenciements sans réagir ? Voler est
justement sanctionné, dépasser une limite de vitesse l'est également ; plonger
certains dans l'inquiétude et le désespoir de manière totalement injustifiée
pourrait l'être tout aussi bien, ce serait moral également.
Des sanctions touchant au coeur la logique financière des entreprises doivent
être décidées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Ma collègue Mme Borvo a interpellé Mme le ministre pour
obtenir des informations. Je souhaite, moi aussi, obtenir ces informations et
connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Muzeau.
Madame la ministre, avant que vous ne vous exprimiez, me permettez-vous de
prendre la parole ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous en prie !
M. le président.
La parole est à M. Muzeau, avec l'autorisation de Mme le ministre.
M. Roland Muzeau.
Je trouve assez extraordinaire l'attitude de M. le rapporteur après les débats
que nous avons eus ce matin en commission des affaires sociales, au cours
desquelles il a fait preuve de beaucoup d'à-propos et d'énergie,...
M. Gérard Larcher.
Vous le reconnaissez !
M. Roland Muzeau.
... tentant de trouver un certain nombre d'arguments, certes peu convaincants,
pour ne pas accepter les amendements que nous déposions.
Le petit jeu qui consiste à essayer de nous opposer au Gouvernement n'a aucun
sens. S'il y a des divergences entre les dispositions que présente Mme le
ministre, au nom du Gouvernement, et les propositions du groupe communiste
républicain et citoyen du Sénat, elles s'inscrivent dans le débat. Nous,
responsables politiques - et cela vaut aussi pour vous, messieurs - ne pouvons
nous exonérer d'une réflexion approfondie sur les questions qui nous sont
posées.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Mais c'est un rappel au
règlement !
M. Roland Muzeau.
Dans aucun de nos départements, nous ne pouvons faire l'économie d'une
réflexion poussée sur ce qui se passe dans les entreprises et sur les
licenciements massifs.
M. Jean Chérioux.
Seriez-vous gêné ?
Mme Hélène Luc.
C'est un bon rappel au règlement sur nos travaux !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je ne peux pas laisser
un membre de la commission tenir de tels propos à l'égard du rapporteur.
Il y a les discussions en commission et les discussions en séance publique. Le
contexte n'est pas le même. En séance publique, nous sommes en présence du
ministre. En revanche, Mme le ministre n'était pas présente en commission. Nous
ne pouvions lui demander son avis. Il appartient au rapporteur - ce n'est pas
la première fois que cela se produit - de demander avant de se pronconcer, s'il
le souhaite, l'avis du ministre concerné.
Mme Nicole Borvo.
Il doit donner l'avis de la commission.
M. le président.
Veuillez terminer, monsieur le président de la commission.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
En tout cas, je trouve
anormal qu'un membre de notre assemblée interrompe la discussion entre le
rapporteur et Mme le ministre. Ce n'est pas dans l'usage du Sénat.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 369 ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je dirai d'abord que « la »
ministre que je suis se sent beaucoup plus proche de M. Muzeau et de l'ensemble
des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen que de la majorité
sénatoriale, contrairement à ce que veut laisser croire M. Gournac à l'aide
d'une grosse ficelle qui ne trompe personne.
(Murmures sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
MM. Jean Chérioux et Charles Descours.
Allons bon !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En effet, pour le respect des
salariés, dont nous devons avoir constamment la situation à l'esprit, nous
devrions tâcher d'avoir une discussion de fond, et je sais gré aux
représentants du groupe communiste républicain et citoyen, même si j'ai exprimé
des désaccords avec eux - et j'en exprimerai d'autres - de l'apport qu'ils font
au débat.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux.
Sauvons les meubles !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le sujet dont nous débattons
est suffisamment complexe et difficile pour justifier une confrontation de nos
différents points de vue. Je serais d'ailleurs assez curieuse de savoir si M.
Gournac accueillera aussi favorablement les amendements que je déposerai tout à
l'heure, au nom du Gouvernement.
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
M. Alain Gournac,
rapporteur.
La commission n'est pas défavorable à tous !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En ce qui concerne l'amendement
n° 369, je comprends tout à fait la motivation qui le sous-tend, car il est en
effet choquant que des entreprises qui ont reçu des aides publiques puissent
licencier, alors que précisément ces aides publiques ont été accordées pour
éviter que ce genre de drame ne se produise.
Je pense que les dispositions de la loi dite Hue, puisqu'elle résulte d'une
proposition de loi déposée par Robert Hue à l'Assemblée nationale devront
s'appliquer en l'occurrence. Elles sont pragmatiques et de nature à répondre à
notre préoccupation commune.
Vous savez que cette loi renforce le pouvoir des représentants du personnel en
matière de contrôle des aides octroyées aux entreprises et qu'elle comprend, en
particulier, une disposition permettant à tout comité d'entreprise ou, à
défaut, à tout délégué du personnel qui estime que l'employeur n'a pas respecté
les engagements souscrits pour bénéficier des aides, de saisir l'organisme
gestionnaire des aides - ou l'autorité compétente - lequel peut suspendre ou
retirer l'aide accordée, voire en exiger le remboursement.
Vous nous demandez très justement, madame Borvo, quand seront pris les décrets
d'application ? Leur rédaction exige - vous le savez - un travail
interministériel, qui est actuellement en cours avec le ministère des finances.
Je me suis engagée hier, au nom du Gouvernement, à ce qu'ils paraissent très
rapidement. Normalement, ils devraient être publiés avant l'été.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
J'ai été satisfait d'entendre Mme la ministre mais je ne vois
pas les ficelles auxquelles elle a fait allusion bien que je les aie
cherchées...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Des cordes ! Des câbles !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je ne les ai pas vus davantage. En tout cas, la possibilité
d'interroger le ministre existe devant le Sénat et je l'utilise tout à fait
normalement.
Quant à l'amendement, qui vise à prévoir un remboursement des aides publiques
perçues par une entreprise qui licencie alors même qu'elle fait des bénéfices,
la commission estime qu'il ne peut être retenu, puisqu'il aurait pour
conséquence de pénaliser toute restructuration qui constitue un moyen de
préserver la compétitivité et, donc, l'emploi à moyen et long termes.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 369.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je voterai contre cet amendement. Mais je ne peux pas laisser Mme Borvo dire
que la majorité sénatoriale, et plus particulièrement le groupe auquel
j'appartiens, se complaisent à verser de l'argent aux entreprises.
Si, par moments, nous sommes amenés à le faire, c'est parce que les
gouvernements que vous soutenez, madame, mettent en place des systèmes
tellement aberrants sur le plan économique qu'il faut bien apporter des
compensations. La plupart du temps, ce n'est d'ailleurs pas nous qui avons
l'initiative de ces versements. En effet, qui a mis en place les 35 heures ?
C'est vous. Qui a mis en place les emplois-jeunes ? C'est vous.
Croyez-moi, si vous laissiez agir davantage le libéralisme, certes en le
corrigeant dans le domaine social parce que je ne suis pas pour le libéralisme
pur, si notre économie n'était pas si administrée, on ne serait peut-être pas
amené à verser de l'argent aux entreprises, ce qui n'est pas normal dans une
économie libérale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Mme la ministre, notre collègue Mme Borvo nous ayant appelé à engager une
réflexion, je dirai que la véritable question est de savoir comment, par qui,
après quelles études et quelles analyses sont effectivement versées des
subventions à certaines entreprises dans chacune de nos collectivités.
Il est vrai que, en tant qu'élue, nous sommes bien contents quand cela se
produit, surtout si nous savons qu'il s'agit d'une entreprise en difficulté.
Mais, en fait, le vrai problème est que ces subventions sont parfois versées
trop tard, parfois versées trop tôt.
Je ne voterai pas cet amendement, mais la question méritait d'être posée.
M. Charles Descours.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Madame « la » ministre,...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous remercie, monsieur
Descours !
(Sourires.)
M. Charles Descours.
... on le sait, particulièrement dans cette maison, Henri IV disait que Paris
valait bien une messe. Je comprends donc que la majorité plurielle vaille bien
quelques décrets !
(Nouveaux sourires.)
Cela étant, même dans les propositions que vous avez formulées hier afin de
corriger les licenciements que l'on peut considérer comme abusifs, vous avez
largement différencié les entreprises selon qu'elles emploient plus ou moins de
mille salariés.
Quand de petites entreprises licencient, c'est qu'elles ne peuvent pas faire
autrement : il ne s'agit pas pour elles de soutenir le cours de leurs actions
en Bourse, puisque, en général, ces entreprises de plus de mille salariés ne
sont pas cotées. Quant aux entreprises elles sont en fait des multinationales.
Quand on regarde l'Europe depuis Phoenix ou Palo Alto, que l'on s'installe à
Grenoble, à Barcelone ou à Dublin, c'est pareil ! Alors, si l'on voit que les
contraintes administratives sont alourdies à Grenoble, eh bien, on va plutôt
s'installer à Dublin !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ce n'est pas si évident !
M. Charles Descours.
Mais bien sûr que si ! Je connais bien les entreprises de micro-électronique,
de semi-conducteurs de Grenoble. Je peux vous assurer que les dirigeants de
Hewlett Packard prennent une carte et qu'ils tracent un cercle de 350
kilomètres autour de l'aéroport international de Genève. Qu'ils aillent à Milan
ou à Grenoble, ils s'en fichent !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais les conditions ne sont pas forcément les mêmes !
M. Charles Descours.
Ils vont là où...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... on leur en donne le plus !
M. Charles Descours.
... on n'impose pas des autorisations administratives de licenciement ou
d'autres redoutables contraintes de ce genre.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous en voulez toujours plus !
M. le président.
Mes chers collègues, M. Descours a seul la parole.
M. Charles Descours.
Demandez aux dirigeants d'IBM, dans la banlieue parisienne, comment ils
réagissent à ce genre de mesures ! Vous constaterez dans les prochains mois
que, du fait des contraintes qu'on est en train d'instituer sous le coup de
l'émotion, un certain nombre de grandes entreprises multinationales vont se
hâter, avant que ces mesures ne soient mises en oeuvre, de licencier et
d'investir hors de France.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc.
Vous ne nous ferez pas croire que c'est à cause de ces mesures-là !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 369, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 370 rectifié, M. Loridant, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer,
avant l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 158
bis
du code général des impôts, il est inséré un
article ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Les dividendes ne sont pas versés durant trois années aux
actionnaires lorsque la société ou le groupe bénéficiaires ont procédé ou
engagé un licenciement économique dans les deux années qui précèdent. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Cet amendement n° 370 rectifié, comme d'autres parmi ceux que nous présentons
sur le titre II du projet de loi, vise à compléter par un volet fiscal et
financier les mesures de pénalisation des plans de licenciements économiques
injustifiés.
Il s'agit de faire en sorte que la responsabilité sociale des actionnaires des
entreprises mettant en oeuvre de tels plan sociaux soit clairement établie et
matérialisée.
Un rappel de l'histoire récente s'impose.
Les dernières années ont été marquées à la fois par une relance de l'activité
économique et par une progression significative de la part du résultat des
entreprises consacrée à la rémunération des actionnaires. Année après année,
nous avons pu constater l'élévation du montant des dividendes distribués,
celui-ci ayant désormais dépassé les 500 milliards de francs pour l'ensemble
des entreprises industrielles ou commerciales.
La presse nationale - je vous renvoie à la une du
Monde
du 1er mars
2000 - s'est fait l'écho de ce processus en annonçant, par exemple, que les
douze plus grands groupes à base française avaient cumulé en 2000 plus de 126
milliards de francs de résultat net, tandis que les sociétés dont les actions
figurent au CAC 40 étaient en situation de distribuer cette année plus de 100
milliards de francs de dividendes. La croissance n'est manifestement pas perdue
pour tout le monde !
Cette exigence de rentabilité financière est, de notre point de vue,
indissociable de la logique qui conduit certains à supprimer des emplois en
masse et à fermer telle ou telle usine. C'est cela qui cause la révolte des
salariés, une révolte que nous partageons totalement.
C'est cette logique de fuite en avant, cette logique tueuse des équilibres
sociaux, des compétences acquises par les salariés, cette logique peu soucieuse
de l'aménagement du territoire, de la situation des bassins d'emploi et
irrespectueuses de besoins du plus grand nombre, que nous comptons combattre
avec cet amendement et quelques autres.
On peut discuter la pertinence des choix de gestion de telle ou telle
entreprise. Le débat que nous avons aujourd'hui permettra sans doute d'éclairer
l'opinon publique sur les intentions et le contenu des idées de chacune des
parties.
On peut aussi - et c'est le sens de cet amendement - créer les outils d'une
mise en question sociale de ces choix.
C'est pourquoi nous proposons simplement de faire en sorte que les
actionnaires des entreprises prospères qui mettent en oeuvre des plans de
licenciements sans autre justification que celle de l'accroissement de la
rémunération du capital soient privés de la perception des dividendes liés à la
détention d'actions ou de titres de l'entreprise concernée.
Il s'agit donc clairement de pénaliser ces plans de licenciements en privant
ces actionnaires du revenu qu'ils sont en droit d'attendre de leur placement
originel.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Avant de donner l'avis de la commission, je souhaiterais,
connaître la position du Gouvernement.
M. Roland Muzeau.
Le rapporteur se défausse encore !
Mme Hélène Luc.
Vous ne voulez pas discuter, monsieur le rapporteur ! Vous n'êtes pas à l'aise
!
M. le président.
Quel est, donc, l'avis du Gouvernement?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Effectivement, vous ne semblez
pas très à l'aise, monsieur le rapporteur.
Pour ma part, je voudrais d'abord rappeler à M. Descours que notre pays est,
en Europe, l'un des plus attractifs pour les investissements étrangers.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ces investissements étrangers
se sont traduits par la création de 30 000 emplois. Dernièrement, 600 emplois
ont encore été créés à Valenciennes par Toyota.
Je lisais d'ailleurs hier une déclaration d'un dirigeant japonais dans
laquelle il affirmait ne pas voir en quoi les dispositions envisagées
pourraient dissuader un chef d'entreprise d'investir chez nous.
Puisque vous avez, monsieur Descours, fait référence à l'autorisation
administrative de licenciement, je rappellerai simplement que c'est M. Chirac
qui l'a créée en 1975.
Sans doute n'étie-vous pas d'accord, à l'époque, avec M. Chirac. J'ai
d'ailleurs, cru comprendre, en entendant l'intervention de M. Murat, qu'il
était fidèle à certains de ses engagements...
J'ajoute que c'est par M. Seguin que cette autorisation administrative a été
supprimée.
M. Charles Descours.
Quand M. Chirac était Premier ministre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Quant aux critères qui peuvent
présider aux choix d'installation, permettez-moi de dire qu'ils sont un petit
peu plus complexes. Je suppose que, si les investisseurs étrangers sont
attentifs aux avantages de tel ou tel aéroport, ils veillent aussi à ce que
leurs cadres ne risquent pas de subir des accidents de chemin de fer, que leurs
installations ne risquent pas de subir des coupures d'électricité, comme il
s'en est produit en Californie ou dans d'autres pays européens, de façon
répétée.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Absolument !
M. Charles Descours.
Et les grèves de la SNCF ?
M. Charles-Henri de Cossé-Brissac.
Parlons-en !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui, parlons-en : la qualité de
nos services publics, en particulier en matière de chemins de fer et de
distribution d'électricité, est évidemment un élément favorable, sans parler de
notre éducation nationale ou de notre système de santé, ni, bien entendu, de
tous les attraits de notre beau pays,...
M. Guy Fischer.
De notre savoir-faire !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... de notre savoir-faire, de
la qualité, soulignée par tous les experts, des salariés en France. Voilà
évidemment un ensemble d'atouts qui comptent énormément.
J'en viens à l'amendement n° 370 rectifié, qui tend à interdire pendant trois
ans le versement de dividendes aux actionnaires des entreprises qui licencient
de façon injustifiée.
Il faut faire très attention au choix des moyens utilisés pour responsabiliser
les entreprises ; ils ne doivent pas être contre-productifs par rapport à
l'objectif, c'est-à-dire la protection de l'emploi.
Or force m'est de dire, au nom du Gouvernement, qu'une solution comme celle
qui est ici proposée peut engendrer quelques craintes à cet égard. C'est la
raison pour laquelle nous avons écarté la voie des sanctions ou de la taxation
et que nous avons privilégié celle de la prévention des licenciements par le
renchérissement de leur coût ainsi que celle de la responsabilisation de
l'employeur quant au reclassement de son salarié.
Par conséquent, je ne peux pas être favorable à cet amendement.
Mme Hélène Luc.
C'est dommage !
M. Charles Descours.
Vous voyez, nous pouvons être d'accord avec vous, madame le ministre !
M. le président.
Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Madame le ministre, je vous ai entendu parler de Chirac, de
Séguin. C'était il y a vingt ans et le contexte était différent. Parlons plutôt
d'aujourd'hui !
(Vives protestations sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Entre-temps, il y a eu trois millions de chômeurs !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Par ailleurs, tout le monde est d'accord ici pour reconnaître
que la France a des atouts. Je dis simplement : ne gâchons rien,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Sauf la vie des salariés !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
... car la compétition internationale est très dure. Or
l'amendement n° 370 rectifié aurait pour conséquence d'empêcher toute
restructuration, ce qui ne manquerait pas d'être fatal aux entreprises
françaises.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 370 rectifié.
M. Charles Descours.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Je veux simplement rappeler que les actionnaires, notamment ceux des sociétés
cotées au CAC 40, sont, à hauteur de 45 %, des fonds de pensions anglo-saxons,
c'est-à-dire des retraités américains, anglais, écossais ou irlandais, et non
pas de gros capitalistes, avec haut-de-forme et gros cigare, agitant le drapeau
américain.
Mme Hélène Luc.
C'est pourquoi il faut une taxte Tobin !
M. Charles Descours.
L'actionnaire, c'est la veuve de Dublin, madame Luc ! Cessez donc de faire des
caricatures ! En fait, 45 % de la Bourse française sont aux mains des fonds de
pensions anglo-saxons, notamment pour les sociétés dont vous avez parlé.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et c'est pour cela qu'on met nos salariés à la retraite !
M. Charles Descours.
C'est pourquoi il faut créer des fonds de pension français !
Mme Hélène Luc.
Le baron Seillière, ce n'est pas un fonds de pension anglo-saxon !
M. Michel Esneu.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Esneu.
M. Michel Esneu.
Je ne peux pas non plus voter cet amendement. On souhaite que de plus en plus
de salariés deviennent actionnaires et participent à la vie de l'entreprise. Ce
n'est pas en bloquant des perspectives de rémunération que l'on incitera des
salariés à « adhérer » ainsi à leur entreprise et donc à consolider notre
économie.
(M. Nogrix applaudit.)
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Parfois le rappel de quelques faits vaut plus encore démonstration que
l'exposé de principes. C'est donc à la lumière de deux situations particulières
que je souhaite expliquer mon vote sur l'amendement n° 370 rectifié, et la même
argumentation vaudra d'ailleurs pour l'amendement n° 371, qui porte sur l'avoir
fiscal.
Les deux exemples que je mettrai ici en exergue sont ceux des sociétés de tête
du groupe Danone, présidé par M. Frank Riboud, et de la CGIP, dirigée comme nul
ne l'ignore, par le président du MEDEF, M. le baron Ernest-Antoine
Seillière.
Les éléments en notre possession sont singulièrement instructifs.
S'agissant de la situation de la tête du groupe Danone, où la lisibilité
financière est plus évidente, les quatre dernières années ont été marquées par
l'accumulation spectaculaire de résultats financiers importants, frisant les 12
milliards de francs. Or ce sont plus de 7 milliards de francs qui ont, dans la
même période, été distribués aux actionnaires. Dans l'absolu, on soulignera que
ces dividendes ont permis le versement d'avoirs fiscaux égaux à la moitié de
ces sommes. Voilà ce qui provoque l'indignation bien compréhensible - je tiens
à le redire - des salariés.
M. Hilaire Flandre.
Ils n'ont rien compris !
Mme Hélène Luc.
Toutes proportions gardées, 3,5 milliards de francs, c'est, par exemple, le
montant annuel du budget du ministère de la jeunesse et des sports.
S'agissant de la Compagnie générale d'industrie et de participation, dont le
capital est proche du milliard de francs et dont la création repose,
rappelons-le, sur le versement par l'Etat d'une forte indemnité de
nationalisation aux anciens maîtres de forge de la famille de Wendel, la
situation n'est pas moins florissante.
Ce groupe a en effet redistribué, ces quatre dernières années, plus de 4,5
milliards de francs de dividendes par an, significative rémunération du capital
investi, vous en conviendrez !
Quant à M. Seillière, lui qui se veut le conseiller en bonne gestion des
entreprises, il se voit obligé d'avouer que la gestion d'AOM - dont il est
actionnaire principal avec de Wendel - d'Air Liberté et d'Air Littoral a été
catastrophique.
Lui qui s'est lancé à corps perdu dans la déréglementation européenne
aérienne, lui qui voulait faire une concurrence déloyale à Air France en
pratiquant des prix qui ne pouvaient que se solder par la gestion
catastrophique que nous connaissons, se voit aujourd'hui acculé par les
salariés, les pilotes, les mécaniciens, les hôtesses de l'air, par tous les
personnels, à prendre ses responsabilités, avec les cinq autres
actionnaires.
Jean-Claude Gayssot, le ministre des transports, a fait de même avec beaucoup
de force et les personnels l'apprécient. Il les a assurés qu'il ferait tout ce
qui est en son pouvoir pour qu'aucun salarié ne se retrouve chômeur, alors
qu'il est prévu que le trafic aérien continue d'augmenter de 7 % par an pendant
les cinq prochaines années. Pour ma part, avec Colette Terrade en particulier,
mais aussi avec tous les amis de mon groupe, nous avons accompagné les
salariés, à leur demande, devant le MEDEF et nous continuerons à les
soutenir.
Aujourd'hui même, le conseil d'administration se réunit à quinze heures, à
Zurich, et il se refuse à recevoir les représentants des salariés. Nous avons
demandé qu'il accepte de le faire pour examiner avec eux la situation.
M. Seillière a affirmé que la Swissair ajouterait 500 millions, ou 700
millions de francs au capital, après avoir dit, auparavant, qu'il n'en serait
rien.
Grâce à cette somme, les salariés gagnent certes deux mois de sursis, mais
c'est évidemment très insuffisant, car ils ne veulent pas se contenter d'une
situation provisoire. AOM, Air Liberté et Air Littoral peuvent et doivent
vivre, mais sans verser des salaires du niveau du SMIC.
Pour toutes ces raisons, et à la lumière de ces situations significatives, je
vous invite à adopter cet amendement n° 370 et à soutenir en toute logique
l'amendement n° 371 qui en découle.
Je regrette évidemment, madame la ministre, qu'en dépit des mêmes constats,
vous n'approuviez pas ces deux amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 370 rectifié.
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Je voudrais revenir sur le débat que nous avons eu hier soir.
Charles Descours a raison : de toute façon, c'est une discussion complètement
virtuelle, qui semble se dérouler en vase clos, derrière les murs de
l'hexagone, alors que le problème est international, et même mondial. Si des
représentants des actionnaires et des fonds de pension internationaux nous
écoutaient, cela les ferait vraiment sourire...
Je réitère la proposition que j'ai faite hier soir par rapport à la loi Thomas
: pourquoi ne pas favoriser des fonds de pension français, avec des retraités
français ?
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Roland Muzeau.
Ils pourraient ainsi rajouter à la casse des emplois !
M. le président.
C'est une très bonne suggestion, monsieur Murat ! Personne ne demande plus la
parole ?...
Mme Hélène Luc.
Vous n'êtes pas bavards, chers collègues de la majorité sénatoriale !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 370 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 371, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après le troisième alinéa du I de l'article 158
bis
du code général
des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le crédit d'impôt est supprimé lorsque les dividendes proviennent d'une
société ou d'un groupe qui a procédé ou engagé une procédure de licenciement
économique dans les deux années alors qu'ils réalisaient des profits ou
distribué des dividendes. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Cet amendement n° 371 complète les dispositions défendues dans le cadre de
l'amendement n° 370 rectifié, en donnant un contenu particulier au panel des
mesures de caractère fiscal et financier que nous préconisons pour dissuader
les entreprises de procéder, lorsque leur situation financière le permet, à la
mise en oeuvre de plans sociaux de licenciements collectifs.
Il vise expressément, dans le
corpus
du code général des impôts, à
faire perdre aux actionnaires des entreprises concernées le bénéfice de l'avoir
fiscal attaché à la distribution de dividendes.
Cela nous ramène évidemment à certains débats que nous avons pu avoir dans le
passé sur cette question.
Sans trop en dire et sans rappeler exhaustivement ces débats, permettez-moi
tout de même de rappeler quelques éléments.
Premier point, malgré la baisse régulière du taux de l'impôt sur les sociétés
constatée depuis quinze ans, baisse qui a été, rappelons-le, motivée autant par
un souci d'harmonisation fiscale européenne ou internationale que par un
objectif affiché de relance de l'emploi et de l'investissement, le taux de
l'avoir fiscal est resté fixé à 50 %, c'est-à-dire le taux historique de
l'impôt.
Même si des ajustements sensibles de ce taux ont été opérés pour les
entreprises, vous ne pourrez nous empêcher de penser qu'une fois de plus, nous
sommes en présence d'une exception ou d'une aberration de notre législation
fiscale.
Cela est d'autant plus vrai que, dans les faits - et c'est là notre deuxième
point -, la France est quasiment l'un des derniers pays d'Europe à maintenir un
tel dispositif. Par exemple, si le MEDEF, par voie de presse ou par la voix de
son président, s'est félicité de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés
en Allemagne et a enjoint le gouvernement français d'en faire autant, il a
juste oublié, sachons-le, de préciser que cette baisse était associée à la
disparition de l'avoir fiscal.
Quant au fond, nous continuons à nous interroger - comme nous l'avons toujours
fait - sur cette manière de rémunérer le capital qui consiste à ouvrir droit à
un crédit d'impôt par la voie de l'avoir fiscal. La collectivité publique dans
son ensemble doit-elle, dans tous les cas de figure, récompenser par un cadeau
fiscal les actionnaires méritants ?
C'est bien parce que cette démarche est authentiquement discutable que nous
proposons, avec l'amendement 371, de supprimer le crédit d'impôt lorsqu'un plan
social de licenciement économique a été mis en oeuvre.
Par conséquent, il s'agit qu'à défaut de percevoir cet avoir fiscal, les
actionnaires des entreprises bénéficiaires sachent qu'ils ont, au regard de la
collectivité dans son ensemble, une responsabilité sociale qui dépasse la
stricte application des principes de rémunération du capital.
Une décision de gestion qui se traduit par la fermeture d'établissements de
production, la liquidation des emplois, la mise en cause de la qualité de vie
des salariés, la déstabilisation d'un bassin d'emplois ou d'une région a des
conséquences pour la collectivité. Les actionnaires qui ont pris cette décision
doivent en assumer une partie.
C'est le sens de cet amendement que je vous encourage vivement à adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Monsieur le président, je saisis cette occasion pour donner
par anticipation l'avis de la commission sur l'amendement n° 372, car tous deux
portent sur le code général des impôts.
Nous sommes défavorables à ces deux propositions, qu'il s'agisse de supprimer
le crédit d'impôt des entreprises bénéficiaires qui licencient, car cela
apparaît inapplicable, ou qu'il s'agisse de porter à 50 % le taux de la
taxation des plus-values de ces mêmes entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 371 ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement émet un avis
défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 371, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 372, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Le 3 de l'article 200 A du code général des impôts est rétabli dans la
rédaction suivante :
« 3. Le taux est de 50 % lorsque la société a procédé ou engagé dans les deux
ans un licenciement économique alors qu'elle a réalisé ou distribué des
dividendes. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Cet amendement n° 372 procède, pour une bonne part, de la philosophie qui
animait les précédents.
Le monde de la finance est ainsi fait qu'il lui faut, de temps à autre, une
bonne saignée d'emplois pour considérer plus « favorablement » la valorisation
de telle ou telle entreprise à la cote des marchés.
On pourrait presque déjà dire que de telles saignées finissent par affaiblir
tout l'organisme, mais là n'est pas le propos.
Nous avons, dans nos amendements précédents, mis en cause le dispositif
dividende - avoir fiscal, lié à la détention effective de titres, droits ou
parts de sociétés au moment de la « distribution des prix » autorisée par
l'assemblée annuelle des actionnaires, sur la foi du rapport de gestion du
conseil d'administration et des propositions en découlant.
Cet amendement n° 372 vise à pénaliser la cession de ces titres, droits ou
parts de sociétés en relevant sensiblement le taux d'imposition des plus-values
tirées de ces opérations.
Deux observations s'imposent.
La première, essentielle, tient évidemment au taux spécifique d'imposition des
plus-values, qui est actuellement de 16 % pour les particuliers.
Ce taux particulier est sans commune mesure avec le taux marginal d'imposition
sur le revenu, alors même que, pour l'essentiel, les contribuables bénéficiant
le plus de ce mode de traitement de leurs revenus de capitaux sont assez
souvent taxés à ce taux pour leurs autres revenus.
A revenu égal, aujourd'hui, sur 100 000 francs de plus-value de cession, le
bonus fiscal est encore de plus de 35 000 francs vis-à-vis de l'imposition des
salaires.
De grâce, que l'on n'ait pas l'impudeur, par ailleurs, de nous parler des
prélèvements sociaux affectant ces revenus, ceux-ci demeurant de manière
générale deux fois inférieurs à ceux qui sont apliqués aux revenus salariaux
!
Nous payons cher, surtout quand il s'agit de montants importants de cessions,
la récompense fiscale ainsi accordée aux actionnaires méritants.
La seconde observation tient, pour sa part, au fait qu'il est grand temps que
notre législation fasse sentir à ceux qui vivent de leurs rentes et de
l'optimisation de leurs placements qu'une certaine forme de responsabilité
sociale leur incombe.
Licencier massivement des salariés, réduire l'activité d'une usine, d'un
établissement de production, compromettre la situation économique et sociale de
villes ou de régions entières doit avoir, pour tous ceux-là, un sens et un
effet sur leur situation personnelle.
Ceux qui, sans attendre la distribution des dividendes, profitent de l'annonce
de plans sociaux pour tirer pleinement profit de la valorisation de
l'entreprise dont ils sont actionnaires pour céder leurs titres et encaisser
une plus ou moins confortable plus-value doivent contribuer à la prise en
compte des effets de ces plans.
Tel est le sens de cet amendement n° 372, par lequel nous proposons une
majoration significative du taux d'imposition des plus-values de cessions de
titres, et que je vous invite à adopter.
M. le président.
La commission a déjà fait savoir qu'elle était défavorable à cet
amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement 372, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 373 rectifié, Mme Borvo, MM Muzeau, Fischer et les membres
du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant
l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 219 du code général des impôts est ainsi
rédigé :
«
a.
Le taux de l'impôt est fixé à 60 % pour les entreprises qui ont
procédé ou engagé un licenciement économique alors qu'elles réalisaient des
profits ou distribuaient des dividendes dans les deux années précédentes. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par cet
amendement, nous proposons une nouvelle mesure fiscale à l'encontre des
entreprises bénéficiaires qui licencient.
Alors que le taux normal de l'impôt sur les sociétés est fixé à 33 %, nous
souhaitons le porter à 60 % pour les entreprises précitées.
A l'occasion de ce débat, je tiens à rappeler notre désapprobation concernant
la réduction de la majoration exceptionnelle de 10 % proposée par le
Gouvernement.
Ce n'est certainement pas en exonérant toujours plus les entreprises de leurs
obligations fiscales, financières, économiques et sociales, que nous recréerons
les liens de solidarité nécessaires.
Surimposer les entreprises bénéficiaires qui licencient correspond à une
mesure de justice que nous vous proposons d'adopter maintenant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement avant de me
prononcer sur cet amendement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à cet amendement, comme aux précédents.
M. le président.
Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
La commission est, elle aussi, défavorable à cet amendement,
car elle est hostile à l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 373 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 374, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 29, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 351-3-1 du code du travail est complété
in fine
par
trois alinéas ainsi rédigés :
« Les actionnaires des entreprises réalisant des bénéfices, cotées ou non en
Bourse, qui procèdent à des licenciements font l'objet d'une restitution
sociale. Son montant est calculé selon la formule suivante :
« Montant des salaires et des cotisations sociales pour chaque travailleur
licencié × nombre d'années restant avant l'âge légal de départ à la
retraite.
« Pour payer la restitution sociale, l'entreprise avance la somme et la verse,
en une seule fois, un mois au plus après l'annonce des licenciements, à un
fonds géré par la caisse des dépôts, dénommé fonds de gestion de la restitution
sociale. Pour honorer son paiement, l'entreprise peut faire appel à ses fonds
propres, procéder à une émission obligatoire ou contracter un emprunt bancaire.
»
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement porte sur une question que nous avons déjà soulevée à
l'occasion de nos amendements précédents, celle de la responsabilité sociale
des entreprises procédant à des licenciements économiques dans le cadre de
plans sociaux.
Il est assez proche des amendements que nous avions déposés lors de la
discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, dans
le volet de la réforme du droit des sociétés conduisant, notamment, à la
codification de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
Il s'agit, en effet, de défendre le principe de la création d'une forme de
restitution sociale, représentative des conséquences des choix de gestion
opérés en matière d'emplois par les entreprises bénéficiaires.
Nous avons déjà longuement indiqué que la bonne santé financière des
entreprises passait parfois par de terribles ajustements en termes d'emplois
qui laissaient des hommes, des femmes, salariés de ces entreprises, dans les
plus grandes difficultés et qui pesaient lourdement sur la situation des villes
et des régions où ils habitent.
Moulinex alimente ainsi l'actualité économique et sociale depuis maintenant
plusieurs mois, voire plusieurs années.
Dira-t-on jamais assez que le Calaisis, dont le taux de chômage est déjà
supérieur à la moyenne nationale, n'a pas besoin de la fermeture de l'usine
Lu.
M. Jacques Legendre.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
Devons-nous rappeler que le Valenciennois, le Douaisis, le Cambrésis ont subi
de plein fouet, dans l'équilibre même de leur situation sociale, les effets des
suppressions massives d'emplois dans le textile, la sidérurgie, la construction
mécanique ?
Devons-nous souligner encore que le pays de Longwy s'est fortement dépeuplé à
la suite des plans acier successifs ?
Devons-nous rappeler qu'en Rhône-Alpes une ville comme Roanne, victime des
choix des groupes du textile, a connu, en vingt ans, une saignée de population
inégalée, le nombre d'habitants étant passé de 53 000 à 38 000 ?
M. Charles Descours.
Et Giat-Industrie ?
M. Guy Fischer.
Il ne faut pas oublier non plus Giat-Industrie.
M. Gérard Larcher.
Vous ne voulez pas voter le budget de la défense !
M. Charles Descours.
Vous faites diminuer le budget militaire !
M. Guy Fischer.
Nous y reviendrons !
M. Charles Descours.
Vous licenciez à Giat-Industrie !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer. Vos collègues n'ont aucune raison de
vous interrompre...
M. Guy Fischer.
Que dire encore, dans l'actualité plus récente, des effets de la fermeture de
l'usine Cellatex à Givet, qui a contribué à aggraver la situation de l'emploi
dans la « pointe » des Ardennes ?
Nombreuses sont les villes et les régions de notre pays qui ont subi et
subissent encore les conséquences sociales, démographiques, économiques des
choix de gestion des entreprises, y compris lorsque celles-ci réalisent
pourtant des profits records.
De ce point de vue, n'est-il pas paradoxal de constater qu'au moment où Lu
annonce la fermeture de ses usines de Calais et de Ris-Orangis, l'entreprise
s'apprête aussi à verser à ses salariés, au titre de la participation, un
niveau de prime jamais atteint ?
Avoir une bonne prime d'intéressement, la belle affaire, quand on est à deux
doigts d'être remercié !
La mise en place de la restitution sociale vise donc, dans les faits, à faire
porter aux actionnaires des entreprises mettant en oeuvre des plans sociaux
leur part des conséquences des choix de gestion qu'ils acceptent, dès lors que
l'assemblée générale des actionnaires a donné mandat aux dirigeants de
l'entreprise.
Un plan social est en effet, de notre point de vue, devenu un acte trop
naturel pour les entreprises de notre pays, et, malheureusement, de nouveaux
plans sociaux seront sans doute annoncés prochainement.
Un plan social ayant des conséquences sur nombre d'équilibres, sur la vie d'un
plus ou moins grand nombre de salariés, il doit naturellement être « pris en
charge » par la collectivité des actionnaires.
Le fonds de gestion de la restitution sociale que nous préconisons est
susceptible, dans les faits, de permettre le financement d'actions de relance
et de développement économique dans les zones sinistrées par les plans
sociaux.
Nous estimons en particulier qu'en dernier ressort il est sans doute
préférable que la collectivité publique mette ainsi à contribution les
actionnaires pour résoudre une part des difficultés créées, plutôt que de
recourir aux artifices habituels en de telles circonstances, que nous
connaissons bien et qui revêtent la forme d'allégements fiscaux et sociaux,
lesquels, bien souvent, ne font qu'attirer les « chasseurs de primes »
J'ajouterai que la réindustrialisation des sites ou des bassins d'emploi qui
seront touchés se traduira, comme l'expérience l'a, hélas ! montré, par un
déficit d'emplois et par une diminution des rémunérations. C'est une des
difficultés majeures auxquelles nous allons être confrontés.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Le code du travail est déjà bien assez compliqué. Il ne faut
pas ajouter à cette complication en introduisant une disposition aux termes de
laquelle le montant de la restitution sociale serait calculé à partir du «
montant des salaires et des cotisations sociales pour chaque travailleur
licencié multiplié par le nombre d'années restant avant l'âge légal de départ à
la retraite ». Cet amendement vise encore à pénaliser l'entreprise. C'est
pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur Fischer, vous l'avez
compris, le Gouvernement n'est pas favorable à la taxation. Cependant, je
voudrais attirer votre attention sur le fait que le mécanisme prévu dans cet
amendement pourrait avoir aussi un effet contre-productif en rendant le
licenciement d'autant moins onéreux que le salarié est proche de la retraite.
Il faut être vigilant à cet égard. Autant il peut être légitime que des
salariés partent plus tôt à la retraite parce qu'ils ont commencé à travailler
très tôt, parce que les conditions de travail sont extrêmement pénibles, autant
nous devons veiller à ne pas encourager les licenciements des travailleurs «
âgés », c'est-à-dire à partir de cinquante ans. Un tel dispositif pourrait
générer des stratégies de contournement dommageables aux salariés.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 374, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 375, M. Loridant, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant
l'article 29, un article additionnel ainsi rédigé :
« Toute société ou groupe ayant réalisé des profits ou distribué des
dividendes, qui procèdent à des licenciements ne peuvent pas être dans les
trois ans qui suivent à l'initiative d'une offre publique d'achat ou d'une
offre publique d'échange. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Avec cet amendement, nous terminons cette série de propositions qui
traduisaient ...
M. Hilaire Flandre.
... la caricature !
M. Guy Fischer
... la réflexion ...
M. Charles Descours.
Constructive !
M. Guy Fischer.
... du groupe communiste républicain et citoyen et représentaient un certain
nombre de réponses, certes perfectibles, sur lesquelles nous souhaitons pouvoir
débattre encore. La navette permettra sans doute de faire avancer le débat. Ce
que nous avons proposé aujourd'hui est le fruit d'une longue réflexion, d'un
travail collectif entamé en plein coeur de la crise. Notre groupe, très
sensible à la détresse des travailleurs, devait présenter ces amendements.
Le présent amendement porte sur la question du devenir des opérations
boursières menées par les entreprises qui mettent en oeuvre des plans
sociaux.
Il n'est effectivement pas rare que la conception et la réalisation d'un plan
social, ou d'une série de plans sociaux, précède de peu une opération boursière
plus importante, visant, par exemple, à prendre pied dans la concurrence ou,
selon un mot assez hermétique, à « rationaliser » la production.
On se souviendra à cet égard que l'une des affaires qui nous préoccupent,
celle de Lu, fait suite à une série d'offres publiques d'achat menées par le
groupe Danone, ex-BSN - Gervais - Danone dans le secteur de la biscuiterie, et
qui a touché notamment les usines contrôlées en France par le groupe américain
Nabisco Brands.
On peut penser que c'est, au regard de critères strictement financiers,
l'insuffisante rentabilité de ces offres publiques qui motive aujourd'hui les
plans sociaux dont l'actualité se fait l'écho.
C'est la même logique sans doute que celle qui amène Franck Riboud à
restructurer sa filiale Glasspack, spécialisée dans l'emballage, en liquidant
son usine de Givors, à quelques kilomètres de Vénissieux, en réduisant
l'activité des Verreries mécaniques champenoises à Reims et en concentrant ses
efforts d'investissement sur la seule unité de Puy-Guillaume, dans le
Puy-de-Dôme.
M. Charles Descours.
Vous n'allez pas critiquer M. Charasse !
M. Guy Fischer.
Non ! je constate.
Une restructuration a donc parfois aussi des effets juridiques, en ce sens
qu'elle consiste à mener un raid sur tel ou tel concurrent et que, dans les
faits, cette opération n'est jamais sans dommages sur le niveau de l'activité
et de l'emploi.
On notera aussi qu'un groupe comme Marks & Spencer est aujourd'hui prêt à
vendre au plus offrant sa chaîne de magasins sur le continent, et notamment en
France, pour restaurer sa marge et le montant de la rémunération versée aux
détenteurs du capital du groupe.
Le seul problème est que la vie économique et sociale de notre pays n'est pas
cette économie de « casino » où l'on joue des usines, des entreprises, des
femmes et des hommes qui y travaillent comme des jetons juste bons à jeter sur
le tapis vert.
Il nous semble donc important qu'une interdiction soit clairement indiquée en
matière de mise en oeuvre d'offres publiques aux sociétés et groupes qui,
nonobstant leur situation financière, procèdent à la mise en oeuvre de plans
sociaux.
Cet amendement vise donc à exclure ces entreprises du droit de mettre en
oeuvre des opérations d'offres publiques d'achat ou d'offres publiques
d'échange pour une période de trois ans.
Il s'agit clairement, pour ce qui nous concerne, de permettre une mise en
question de choix de gestion qui, on le sait, sont souvent eux-mêmes porteurs
de nouvelles restructurations meurtrières pour l'emploi et l'activité.
Les exemples dans ce sens, nous l'avons déjà souligné, ne manquent pas, et il
est temps que cela ne passe pas tout à fait inaperçu.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Nous ne pouvons qu'être défavorables à cette proposition,
dont l'application serait préjudiciable tant à l'avenir de l'entreprise
concernée qu'à l'emploi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne suis pas favorable à
cette proposition.
Cela étant dit, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée, puisque
nous achevons l'examen d'une série d'amendements, pour remercier le groupe
communiste républicain et citoyen de sa contribution au débat. Le sujet est
suffisamment complexe et difficile pour que nous puissions avoir, entre nous,
des réflexions et pour que des propositions soient formulées. Je suis
d'ailleurs persuadée que, comme l'a souligné M. Fischer, la navette permettra
d'enrichir encore ce texte. Je vous remercie donc de votre réflexion, qui, je
le sais, part d'un sentiment de très grande sincérité par rapport à la révolte
que vous ressentez et que j'éprouve avec vous devant la situation de détresse
qui est faite aux salariés.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 374.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Comme Mme la ministre, je ne doute pas de la sincérité de nos collègues
communistes et du fait qu'ils croient que les différentes propositions qu'ils
formulent amélioreraient la situation et éviteraient les licenciements. Ils y
mettent certainement tout leur coeur.
Mais nous aussi nous nous penchons sur le problème des salariés licenciés !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Ce qui est grave, c'est que ces propositions que vous pensez justes sont
autant de contresens économiques. En effet, si, par je ne sais quelle
aberration, le Sénat votait tous vos amendements et si, ensuite, l'Assemblée
nationale les retenait, l'économie française serait littéralement « fichue »
dans les dix ans à venir, et ce sont des millions de personnes qui seraient
licenciées !
Mme Nicole Borvo.
On a eu trois millions de chômeurs grâce à vous !
M. Jean Chérioux.
Ce que vous prônez représente un contresens sur le plan économique ! Je vous
le dis : je suis choqué. Je vous pense de bonne foi mais, si vous ne l'étiez
pas, ce serait grave. En effet, on n'a pas le droit de duper les travailleurs
en leur faisant croire que leurs problèmes seront résolus par de tels non-sens
et de tels contresens économiques.
Je pense cependant que les Français sont assez intelligents et assez cultivés
sur le plan économique pour se rendre compte que tout cela ne tient pas !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Je voudrais, comme notre collègue Jean Chérioux, dire combien je suis choqué
d'entendre certains affirmer que, dans cet hémicycle, il y aurait de bons et de
mauvais Français, d'un côté, ceux qui ont du coeur et, de l'autre, ceux qui
n'en ont pas.
M. Roland Muzeau.
Chacun se situe où il veut !
M. Bernard Murat.
Je fais simplement le constat suivant : si on est au Gouvernement, on peut
être contre vos amendements, mais si on est socialiste, on a du coeur ; en
revanche, si on est de l'autre côté et si on est également contre vos
amendements, pour les très bonnes raisons invoquées par M. Chérioux, on ne
prendrait pas en considération la peine des travailleurs français. C'est
inadmissible ! Nous, les gaullistes, nous n'avons pas de leçon à recevoir en
matière de coeur !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur Murat, nous n'avons jamais dit que vos collègues et vous-même n'aviez
pas de coeur. Le problème, c'est que, après le coeur, il faut des solutions.
Monsieur Chérioux, les salariés jugeront eux-mêmes !
M. Jean Chérioux.
Ce sont de fausses solutions ! C'est cela qui est grave ! Vous leur proposez
des choses qui ne tiennent pas !
Mme Nicole Borvo.
Il y avait plus de trois millions de chômeurs en 1997, les Français ont pu le
voir, et je crois qu'en la matière on ne peut pas faire mieux !
M. Bernard Murat.
C'est exactement ce que nous sommes en train de dire, madame !
M. Jean Chérioux.
C'est lamentable !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
On ne peut, dans cet hémicycle, classer les personnes en
différentes catégories : celles qui ont un grand coeur, celles qui ont un petit
coeur et celles qui n'ont pas de coeur du tout ! Nous sommes bien évidemment
tous révoltés devant certaines situations ; les choses sont claires, mais je
tenais à le réaffirmer.
(Mme Dieulangard s'exclame.)
Mme le ministre parle de sincérité. Elle fait peut-être preuve de beaucoup de
sincérité, mais elle n'accepte absolument aucun amendement de nos amis du
groupe communiste républicain et citoyen !
M. Bernard Murat.
Exactement !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
On peut toujours être sincère. En tout cas, heureusement que
nous sommes là pour éviter que ces amendements ne soient votés, car, comme l'a
dit notre collègue Jean Chérioux, les conséquences de leur adoption seraient
catastrophiques...
M. Jean Chérioux.
Dramatiques !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
... non seulement pour l'économie française, mais aussi pour
les employés des entreprises.
MM. Jean Chérioux et Jacques Machet.
Bien sûr !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Par conséquent c'est beau de lancer des critiques, de faire
des phrases et des discours. Mais on ne peut pas opérer de classification entre
nous : nous nous comportons de façon tout à fait responsable et nous sommes
tout à fait dans notre rôle en refusant les diverses propositions présentées
depuis le début de cette séance.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste et du RPR.)
Mme Nicole Borvo.
Quelles sont vos solutions ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 375, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 29