SEANCE DU 25 AVRIL 2001
M. le président.
Par amendement, n° 412, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 31,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé au titre III du livre deuxième du code de commerce un chapitre
VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII - Des licenciements.
«
Art. L. 238-1. -
Toute cessation d'activité d'un établissement ou
d'une entité économique autonome employant plus de cent salariés doit être
précédée, lorsque cette cessation n'est pas imputable à une liquidation de la
société dont relève l'établissement, d'une décision des organes de direction et
de surveillance dans les conditions définies ci-dessous.
« Cette décision est prise après les consultations du comité d'entreprise
prévues par le second chapitre du troisième titre du livre IV du code du
travail et avant celles prévues par le premier chapitre du second titre du
livre III du même code. Les organes de direction et de surveillance de la
société statuent sur présentation d'une étude d'impact social et territorial
relative aux conséquences directes et indirectes qui s'attachent à la fermeture
de l'établissement ou de l'entité économique autonome et aux suppressions
d'emplois qui pourraient en résulter.
« Le contenu de cette étude d'impact social et territorial est défini par
décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est le premier amendement que
j'ai l'honneur de vous présenter pour renforcer le texte adopté en première
lecture par l'Assemblée nationale.
Il a pour objet - pour la première fois, et de façon novatrice, je le souligne
- d'étendre la responsabilité sociale des organes dirigeants des entreprises
aux conséquences de leurs décisions sur les salariés et sur les territoires où
ils agissent.
Ainsi, avant de décider d'un projet de restructuration, les dirigeants devront
donner une fiche d'impact social et territorial destinée à éclairer leurs
choix. Ce n'est pas une disposition de pure forme, au contraire, puisque
l'absence de cette fiche pourra entacher la décision d'irrégularité.
Cet amendement touche donc aux règles de gouvernance des entreprises. Il
importe que tous les membres des conseils d'administration et des conseils de
surveillance connaissent la portée de leurs décisions. Il n'y a pas de solution
ou de voie unique. La contradiction entre les points de vue pourra ainsi
s'exprimer.
L'impact social ne se réduira pas aux emplois. Il porte aussi sur l'image à
l'égard des clients et des consommateurs. C'est donc l'ensemble de ces points
de vue que la fiche d'impact social et territorial pourra apprécier.
En outre, il s'agit d'un élément fondamental qui permettra aux représentants
des salariés de discuter précisément du bien-fondé des projets de
restructuration envisagés par les dirigeants des entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
La commission a examiné avec attention cet amendement, qui
instaure une étude d'impact social et territorial consécutive à un projet de
cessation d'activité d'une entreprise employant plus de cent salariés.
Cette disposition présuppose que les dirigeants d'une entreprise ne prennent
pas en compte les conséquences sociales et locales dans leurs décisions, ce qui
reste encore à démontrer. On ne saurait faire un cas général des annonces
récentes concernant plusieurs plans sociaux.
De plus, cette disposition, dont le contenu est assez flou, semble
particulièrement difficile à appliquer et d'une utilité douteuse.
En outre, je n'ai pas bien compris quel était le délai imparti pour
l'élaboration du rapport.
En conclusion, la commission est défavorable à l'amendement n° 412.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 412.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Cet amendement est particulièrement intéressant par la richesse de ses
implications. On voit bien l'intention initiale, qui est double et qui fait
qu'il trouve sa place dans la partie du projet de loi consacrée à la prévention
des licenciements. Il s'agit à la fois de s'assurer que les organes dirigeants
de l'entreprise ont bien pris toute la mesure des conséquences sociales de la
cessation d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome et
de réduire les dégâts que provoque cette décision.
Au-delà de la démarche de protection des salariés, qu'il faut souligner, il
s'agit de responsabiliser l'employeur aux conséquences extérieures à
l'entreprise, l'exercice de cette responsabilité devant aboutir à soutenir non
seulement les salariés, mais également leur univers social et territorial, ce
qui est très important.
On ne peut pas admettre que soit prise de façon isolée une décision de
cessation d'activité dès lors que celle-ci, de par la taille de
l'établissement, peut avoir des effets désastreux, au-delà de la situation
individuelle des salariés. Il faut que soit pris en compte un contexte
économique plus large. Les mérites des entreprises ne viennent pas que
d'elles-mêmes ; ils tiennent aussi à la qualité de leur environnement social et
territorial, qu'elles ne doivent pas dégrader.
Concernant l'impact social et territorial, il faut veiller à ce que soient
maintenues des compétences sur les sites et autour de ceux-ci afin qu'ils
restent attractifs et soient réindustrialisés.
De même, il faut que soit prise en compte la nécessité de maintenir un marché
de consommation afin que les licenciements de plus de 100 salariés ne se
traduisent pas par une désertification qui entraînerait des fermetures d'autres
activités et qui aggraverait les inégalités sociales et territoriales.
A cet égard, il faut non seulement prendre en compte l'échelle locale, mais
aussi se projeter au niveau européen. L'Europe peut être forte et, pour être
porteuse de croissance et de développement durable, elle doit pouvoir
fonctionner sur des réseaux internes de compétences les plus complets possibles
et sur une plus grande homogénéité de la répartition des richesses.
Cet amendement aura des effets très intéressants. Ainsi, les dirigeants qui
voudront faire cesser une activité devront inverser l'analyse qui les a
conduits lorsqu'ils ont pris la décision de la créer.
Autrement dit, les organes de direction et de surveillance devront travailler,
à partir de la consultation du comité d'entreprise, à laisser le site aussi
attractif qu'ils l'ont trouvé et apprécié. Ce n'est pas seulement à l'Etat et
aux collectivités territoriales d'assumer cette exigence de valorisation de
l'environnement social et économique : les entreprises doivent en prendre leur
part, poussées et soutenues au niveau de l'Europe, laquelle tient là une
occasion d'affirmer sa légitimité auprès de nos concitoyens.
(
Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je suis très étonné du dépôt de cet amendement, car j'ai le souvenir que nous
avons abordé des dispositions analogues ou de même portée lors de l'examen du
projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, que le Sénat a examiné
en première lecture, puis en nouvelle lecture tout récemment.
De toute façon, les initiatives du Gouvernement en la matière me paraissent
singulièrement erratiques : lors de la première lecture de ce projet de loi
relatif aux nouvelles régulations économiques, le Gouvernement souhaitait - je
tiens à le rappeler - que le comité d'entreprise reçoive une action de la
société pour lui permettre d'exercer des droits nouveaux, lesquels,
manifestement, posaient toute une série de problèmes juridiques, à telle
enseigne que, lors de l'examen en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le
Gouvernement a renoncé à ce qu'il avait suggéré en premier lieu.
Dans ce projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, figure,
si ma mémoire est bonne, le principe d'un rapport qui doit être soumis au
comité d'entreprise, conférant à celui-ci des moyens supplémentaires
d'information et d'investigation. J'ai donc le sentiment que l'amendement n°
412, présenté par Mme Guigou, qui était garde des sceaux il n'y a pas si
longtemps, est redondant par rapport à un débat qui a déjà eu lieu dans les
deux assemblées.
Je ne suis, bien évidemment, pas dupe de cette démarche, qui s'inscrit dans le
cadre d'une gesticulation beaucoup plus générale, interne à la majorité
plurielle et dont on a pu entendre une expression tout à l'heure, après
d'autres qui ont été encore plus véhémentes d'ailleurs puisque, manifestement,
cette majorité plurielle a, sur les problèmes d'adaptation de l'appareil
productif et d'évolution de l'emploi, plusieurs façons de voir les choses ;
permettez-moi de le dire avec beaucoup de modération.
En conséquence, mes chers collègues, la position de la commission me semble
frappée au coin du bon sens. Elle me semble même assez conforme à certaines
positions prises tout récemment par le Gouvernement lui-même.
Je terminerai en rappelant que tous les dispositifs qui ajoutent des
prescriptions administratives nouvelles, des sanctions et des contrôles
nouveaux, s'ils donnent dans l'immédiat l'illusion de pouvoir préserver des
emplois, risquent, à la vérité, de dissuader des chefs d'entreprise, notamment
de petites et moyennes entreprises, de créer de nouveaux emplois et risquent de
nuire à l'implantation d'investissements sur notre territoire national.
Mes chers collègues, il est vraiment trop facile de faire des effets de manche
avec des dispositions qui, dans l'immédiat, flattent l'opinion, dont les
réactions sont bien naturelles, alors que notre devoir de législateur, comme
celui du Gouvernement, est d'expliquer la réalité des choses et de ne pas
vendre d'illusions à nos concitoyennes et à nos concitoyens.
Au demeurant, tant la commission que notre collègue Gérard Larcher ont insisté
sur le fait qu'il existe une autre voie que celle de la contrainte, à savoir
celle du contrat, de l'entente des partenaires sociaux qui, par le biais de
commissions collectives, dans de nombreuses branches de notre économie,
fonctionne bien et fonctionnera largement aussi bien que ce que le Gouvernement
nous propose aujourd'hui.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il nous faut rejeter avec force
le dispositif de circonstance dont nous voyons ici le premier avatar... avant
un certain nombre d'autres.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
On comprend bien
l'objectif de cet amendement, mais M. le rapporteur a relevé un certain flou
dans son application et je partage cette appréciation.
En effet, à la fin il est indiqué : « Le contenu de cette étude d'impact
social et territorial est défini par décret en Conseil d'Etat. » Soit, mais
quel organisme va procéder à cette étude ? Est-ce la direction de l'entreprise,
ou est-ce un conseil extérieur ?
M. le rapporteur s'est également demandé dans quels délais cette étude devait
être rendue. En effet, ne peut-on craindre que, cette étude n'étant pas rendue,
la prise de décision soit retardée ?
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne pensais
pas qu'un dispositif ausi simple, tel que celui que nous avons l'habitude
d'appliquer dans chacune de nos municipalités, puissent justifier tant
d'inquiétude et provoquer tant de discours. Mon cher collègue Marini, revoyons
comment les choses se présentent.
Tout d'abord, il s'agit d'établissements en difficulté de plus de cent
salariés. Cette disposition ne touche bien évidemment ni les très petites
entreprises, ni même les moyennes entreprises, en tout cas pas l'essentiel des
entreprises de ma région. Mais il est vrai que je n'habite pas l'Ile-de-France
ni la région Rhône-Alpes.
Une entreprise de cent salariés est déjà une entreprise importante, qui a un
capital, qui a un savoir-faire, qui a une histoire. Si elle connaît des
difficultés - et là nous arrivons au coeur du problème - va-t-elle les reporter
sur le contribuable par les fonds publics que les licenciements vont déclencher
ou encore sur les collectivités locales ? Nous devons être sensibles à cet
aspect du problème, nous, sénateurs, si attachés à l'équilibre budgétaire de
nos communes.
Il n'est pas dit dans cet amendement que, une fois cette étude d'impact social
et territorial réalisée, il n'y aura pas de licenciements. Il est simplement
dit que, comme cela a lieu pour bien d'autres dispositifs de type urbanistique
ou environnemental, avant toute décision devront être évalués très exactement
les dommages qui en résulteront pour le contribuable par le biais du budget de
la nation, mais aussi pour le contribuable local, car il se trouve que ces
entreprises ne sont pas des entreprises hors-sol, elles sont territorialisées,
elles peuvent provoquer de véritables séismes.
Je ne vois pas en quoi nos collègues de la majorité sénatoriale pourraient
s'émouvoir de cet amendement. Il est de bon sens et, au fond, je me demande
pourquoi ils ne l'ont pas eux-mêmes déjà proposé.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne peux que m'associer à
l'excellente analyse que vient de faire Gérard Delfau et dire à M. Marini, qui
est d'ordinaire un censeur vigilant des obligations supplémentaires que l'on
impose aux contribuables, en sa qualité de rapporteur général de la commission
des finances du Sénat, que, précisément, par nos propositions, dont celle-ci,
nous faisons en sorte que l'entreprise assume toutes ses responsabilités et ne
se défausse pas simplement sur l'Etat du soin de réparer les dégâts. Cela
suppose que soit établi un diagnostic et qu'une discussion s'instaure sur les
conséquences prévisibles de toute décision.
Il est facile de restructurer, de fermer des sites, sans avoir à s'expliquer
sur les conséquences sociales et territoriales qui en découleront, à charge
ensuite pour l'Etat, les syndicats et les collectivités locales de réparer les
effets des dégâts provoqués.
Cet amendement, comme bien des dispositions que nous allons proposer, procède
donc aussi du souci de voir partager la responsabilité et les conséquences
financières des décisions prises.
J'ajouterai, à l'intention de M. Marini, que les propositions contenues dans
cet amendement ne font pas double emploi avec les dispositions de la loi sur
les nouvelles régulations économiques puisque cette dernière, vous le savez
très bien, traite des pouvoirs des comités d'entreprise en matière d'OPA -
offre publique d'achat - et d'OPE - offre publique d'échange. Par conséquent,
les deux textes sont tout à fait complémentaires.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Monsieur le président, je voudrais demander à Mme le ministre
de bien vouloir répondre à la question qu'a posée M. le président de la
commission : qui réalise cette étude ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le président du conseil
d'administration fait réaliser cette enquête sous sa responsabilité. Vous qui
êtes tellement soucieux, messieurs, d'éviter une trop grande réglementation,
vous serez d'accord avec moi : ménageons une certaine souplesse, à charge pour
les représentants des salariés de discuter.
Cela légitime, naturellement, les autres dispositions que nous prévoyons pour
permettre aux représentants des salariés, sur la base d'expertises payées par
l'entreprise, mais certainement réalisées par des experts indépendants, de
pouvoir discuter. Avec cette mesure, ils disposeront déjà d'un premier document
qui accompagnera l'annonce du projet par le chef d'entreprise.
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Je trouve l'explication de Mme le ministre d'une clarté tout à fait biblique !
Dans la mesure où aucune nouvelle structure n'est créée on ne peut pas accuser
le Gouvernement de « charger la barque ».
Mais - et, en l'occasion, on regrette qu'il n'y ait pas de chefs d'entreprise
dans cet hémicycle - qui peut croire que le président d'un conseil
d'administration prendra des décisions de cet ordre sans avoir tenu compte de
tous les paramètres qui figurent dans le projet de loi ? Ce serait méconnaître
totalement le fonctionnement d'une entreprise !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 412, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 377, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 31, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article L. 321-11 du code du travail, le montant
: "25 000 francs" est remplacé par le montant : "50 000 francs". »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
L'objectif de cet amendement est de rappeler que des sanctions pénales -
contraventionnelles, en l'occurrence - peuvent être infligées à l'employeur qui
ne respecte pas les règles du licenciement économique.
Ces amendes, qui s'élèvent actuellement à 25 000 francs par salarié concerné,
ne sont pas souvent appliquées par les tribunaux. Ce taux, fixé en 1986, mérite
d'être relevé à 50 000 francs pour conserver un caractère dissuasif.
L'intervention du législateur rappellera aux instances judiciaires l'existence
de ces dispositions et permettra ainsi de rappeler à la raison un certain
nombre d'employeurs tentés par une fuite en avant trop libérale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je souhaiterais entendre d'abord l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vais m'en remettre à la
sagesse du Sénat, tout en indiquant que, d'une façon générale, je ne suis pas
favorable à ce que l'on pénalise l'ensemble des relations dans notre pays. Pour
avoir exercé les fonctions de garde des sceaux, je sais à quel point c'est
souvent la solution de facilité.
M. Bernard Murat.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne sais pas si une amende de
50 000 francs serait réellement plus dissuasive qu'une amende de 25 000 francs.
La peine de prison, qui est possible, me semble plus dissuasive.
En vérité, je crois beaucoup plus à l'efficacité des réparations civiles - et
c'est la raison pour laquelle je fais une distinction entre pénalisation et
judiciarisation - qui sont constituées par des indemnités à verser aux
salariés, par le risque de devoir les réintégrer, par l'obligation de
recommencer la procédure, par les risques auxquels s'exposent les employeurs en
cas de reconnaissance de l'irrégularité de la procédure suivie.
Sans aller jusqu'à estimer que des sanctions ne sont pas nécessaires, je pense
que les réparations susceptibles d'être infligées au civil, même si elles sont
moins symboliques, sont plus dissuasives que les sanctions qui peuvent être
prononcées au pénal.
M. le président.
Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Notre collègue Roland Muzeau nous a dit tout à l'heure que
les entreprises étaient rarement condamnées. Dès lors, je ne vois pas la
différence entre être rarement condamné à 25 000 francs et rarement condamné à
50 000 francs ! De toute façon, je suis, comme Mme le ministre, contre cette
pénalisation.
La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 377.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Mme la ministre nous a dit d'emblée qu'elle s'en remettait à la sagesse du
Sénat, mais, des explications qu'elle a ensuite fournies, je conclus qu'elle
s'en remet davantage à la sagesse de la majorité de notre assemblée qu'à celle
des auteurs de l'amendement !
(Sourires.)
Je crois qu'il convient de
suivre cette incitation et, en même temps l'avis de M. le rapporteur,
c'est-à-dire de s'opposer à cet amendement.
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Je crois qu'on pourrait résumer les propos que tiennent M. Muzeau et ses
collègues du groupe communiste républicain et citoyen dans la formule suivante
: « Les patrons en prison ! »
M. Jean Chérioux.
C'est pour les titres de
l'Huma !
M. Guy Fischer.
Nous ne l'avons pas dit !
M. Bernard Murat.
Je caricature, je vous l'accorde, et je sais que ce n'est pas ce que vous
pensez. Mais je vous assure que c'est l'impression que vous pouvez donner à des
observateurs extérieurs.
Cela étant précisé, permettez-moi, chers collègues, de vous poser une question
: comment le journal
l'Humanité
a-t-il agi lorsqu'il a procédé à des
licenciements ?
M. Philippe Marini.
A-t-on fait une étude d'impact ?
(Sourires.)
M. Roland Muzeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Je fais, bien entendu, la part à la provocation sympathique qu'il y avait dans
l'intervention de M. Murat. Mais celui-ci sait aussi bien que moi que le
journal
l'Humanité
ne figure pas au nombre des groupes multinationaux
qui engrangent des bénéfices...
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas une réponse !
M. Philippe Marini.
Il est certain que
l'Humanité
n'engrange pas de bénéfices !
M. Roland Muzeau.
... et qui procèdent à des licenciements. Sinon, il serait frappé par les
mesures que nous proposons nous-mêmes !
M. Bernard Murat.
Et qu'en pensent les journalistes qui ont été licenciés ?
M. Roland Muzeau.
Le risque que le journal
l'Humanité
court aujourd'hui, c'est tout
simplement de disparaître, et c'est la liberté de la presse qui en souffrirait.
Je ne pense pas que quiconque dans cet hémicycle pourrait s'en trouver
satisfait.
M. Bernard Murat.
Répondez-nous sur la méthode ! Pour les journalistes, le résultat est le même
!
M. Roland Muzeau.
Plus sérieusement, et pour répondre à l'argumentation qu'a développée Mme la
ministre, je reconnais que cette mesure n'a guère de caractère dissuasif dans
la mesure où elle n'est quasiment jamais appliquée. Mais je pense aussi qu'il
n'est pas inutile de déclencher quelques clignotants symboliques.
J'ajoute que la pénalité financière actuellement prévue date de près de
dix-sept ans : il n'est tout de même pas scandaleux d'en réactualiser le
montant !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 377, repoussé par la commission et pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Section 2
Droit à l'information
des représentants du personnel
Article additionnel avant l'article 32