SEANCE DU 9 MAI 2001
SANTÉ, SOLIDARITÉ, SÉCURITÉ SOCIALE
Chapitre Ier
Etablissements et institutions de santé
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 6143-2
du code de la santé publique est ainsi rédigée :
« Le projet d'établissement définit, notamment sur la base du projet médical,
les objectifs généraux de l'établissement dans le domaine médical et des soins
infirmiers, de la recherche biomédicale, de la gestion et du système
d'information. Il comprend un projet social. »
« II. - Après l'article L. 6143-2 du même code, il est inséré un article L.
6143-2-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 6143-2-1.
- Le projet social définit les objectifs généraux
de la politique sociale de l'établissement ainsi que les mesures permettant la
réalisation de ces objectifs. Il porte notamment sur la formation,
l'amélioration des conditions de travail, la gestion prévisionnelle et
prospective des emplois et des qualifications et la valorisation des acquis
professionnels.
« Le projet social est négocié par le directeur et les organisations
syndicales représentatives au sein de l'établissement au sens de l'article L.
6144-4.
« Le comité technique d'établissement est chargé de suivre, chaque année,
l'application du projet social et en établit le bilan à son terme. »
« III. - Au 1° de l'article L. 6143-1 du même code, après les mots : "le
projet médical", sont insérés les mots : "et le projet social".
« IV. - Au 9° de l'article L. 6144-1 du même code, après les mots : "émet un
avis sur", sont insérés les mots : "le projet social,".
« V. - Au 1° de l'article L. 6144-3 du même code, après les mots : "le projet
d'établissement, ", sont insérés les mots : "le projet social,".
« VI. - L'article L. 6114-2 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils comprennent un volet social. » ;
« 2° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« Ils précisent, dans le volet social, les actions arrêtées par
l'établissement en accord avec l'agence régionale de l'hospitalisation, sur la
base du projet social de l'établissement. »
Par amendement n° 8, M. Huriet, au nom de la commission des affaires sociales,
propose, dans la première phrase du texte présenté par le I de cet article pour
remplacer la première phrase du premier alinéa de l'article L. 6143-2 du code
de la santé publique, après les mots : « de la recherche biomédicale »,
d'insérer les mots : « des relations humaines, ».
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Cet amendement vise à
introduire une référence aux relations humaines dans le projet d'établissement
élaboré par les hôpitaux et qui définit les objectifs généraux de
l'établissement dans le domaine médical et des soins infirmiers, de la
recherche biomédicale, de la gestion et du système d'information. Il permettra
notamment de donner une base légale au « projet psychologique » qui existe déjà
dans nombre d'établissements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet
amendement. Je crois que cela n'étonnera pas M. le président de la commission
des affaires sociales, M. le rapporteur !
Les amendements que nous avons à examiner sont si nombreux que je serai
malheureusement contraint d'être un peu lapidaire, ce qui, comme on le sait,
n'est pourtant pas mon genre.
La rédaction de la première phrase du premier alinéa de l'article 1er, telle
qu'elle résulte de la proposition du Gouvernement, amendée lors de la première
lecture à l'Assemblée nationale, permet de distinguer clairement ce qui relève
du projet social, en particulier ce qui a trait aux relations humaines au sein
de l'établissement, des autres composantes du projet d'établissement.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Par cet amendement, la commission des affaires sociales
souhaitait donner satisfaction aux psychologues en tant que tels.
J'ai considéré - et la commission m'a suivi sur ce point - qu'il était
préférable d'inscrire la démarche de soutien que les psychologues peuvent
mettre en place dans l'optique d'un projet d'établissement dans le cadre global
des relations humaines au sein de celui-ci.
J'espère, monsieur le ministre, que votre réponse, en dépit de son caractère
lapidaire, satisfera pour une large part les attentes des psychologues.
Dans ces conditions, en accord avec la commission, je retire l'amendement.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Merci, monsieur le rapporteur.
M. le président.
L'amendement n° 8 est retiré.
Par amendement n° 9, M. Huriet, au nom de la commission des affaires sociales,
propose de compléter l'article 1er par un paragraphe ainsi rédigé :
« VII. - Dans la première phrase de l'article L. 6161-8 du code de la santé
publique, après les mots : "L. 6143-2", sont insérés les mots : ", L.
6143-2-1". »
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Cet amendement de cohérence tend à soumettre les
établissements de santé privés qui participent à l'exécution du service public
hospitalier à l'obligation d'établir un projet social, composante du projet
d'établissement, à l'instar de ce qui est prévu pour les établissements de
santé publics.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
La commission propose donc d'étendre l'obligation d'élaborer un projet social
aux établissements de santé privés participant à l'exécution du service
public.
Certes, l'article 1er prévoit l'inscription systématique dans les projets
d'établissement d'un volet social portant sur les conditions de travail, la
formation et l'évolution des qualifications, dispositif de nature à répondre
aux attentes fortes en matière de renforcement du dialogue social et de la
démocratie participative au sein des hôpitaux qui s'étaient exprimées, au début
de l'année dernière, au travers du mouvement social des personnels
hospitaliers.
Je voudrais néanmoins souligner, monsieur le ministre, l'exaspération des
personnels, notamment des sages-femmes qui, d'une part, continuent à devoir
faire face à la dégradation de leurs conditions de travail et qui, d'autre
part, ont du mal à juger dans quelle mesure la réduction du temps de travail au
1er janvier 2002 sera facteur de progrès social.
Après plus de cinq semaines de mobilisation, les sages-femmes, membres d'une
profession médicale intégrée au protocole du 14 mars dernier, sont en passe de
reprendre le travail ou l'ont déjà fait, considérant avoir obtenu, au moins
pour celles d'entre elles qui exercent dans le secteur public, des avancées
salariales et la reconnaissance du caractère médical de leur profession.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur les
pistes envisagées s'agissant de l'évolution du statut, des effectifs et de la
formation des sages-femmes ? En ce qui concerne la réduction du temps de
travail dans la fonction publique hospitalière, êtes-vous en mesure de nous
assurer que ce ne sera en aucune manière l'occasion de toucher, sur le fond, à
la législation existante, c'est-à-dire à l'ordonnance du 26 mars 1982, qui
garantit aux agents hospitaliers une protection
a minima
de leur vie
extraprofessionnelle, en prévoyant notamment le nombre de jours de repos sur
une période donnée, les maxima journaliers et la durée du repos entre deux
périodes de travail ?
La spécificité et les contraintes du service public, qui doit être assuré
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, imposent une organisation du travail
complexes et, par conséquent, une réglementation précise en matière de temps de
travail - repos fixe ou par roulement, gardes, etc. Or, la simple transposition
à la fonction publique hospitalière d'une référence annuelle en matière de
durée du travail ne semble pas permettre de répondre à ces exigences. De
surcroît, cela conduirait à revenir sur un certain nombre de dispositions
statutaires auxquelles les personnels sont fondamentalement attachés.
Je souhaitais donc, mes chers collègues, me faire l'écho, au nom de notre
groupe, de problèmes qui ont fait récemment l'actualité et qu'il convenait de
soulever de nouveau à l'occasion de ce débat.
M. Charles Descours.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
J'ai cru comprendre que M. Fischer faisait surtout allusion aux sages-femmes
travaillant dans la fonction publique hospitalière. Or, je voudrais que M. le
ministre nous réponde à propos de l'ensemble des sages-femmes, y compris celles
qui exercent dans les collectivités territoriales ou dans le secteur libéral.
Toutes les sages-femmes ne travaillent pas à l'hôpital, mon cher collègue !
M. Guy Fischer.
C'est vrai !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je crois, mais peut-être me suis-je mal exprimé, en
tout cas en public, avoir répondu à l'attente de toutes les catégories de
sages-femmes, que celles-ci travaillent dans la fonction publique hospitalière,
dans les hôpitaux privés associés au service public, dans la fonction publique
territoriale, dans les secteurs privé et libéral.
Bien évidemment, les situations sont extrêmement diverses, et M. Fischer
comprendra certainement que le Gouvernement ne peut, dans un pays comme le
nôtre, contrôler ou réglementer de quelque manière que ce soit les salaires du
secteur privé.
Pourtant, c'est sans doute dans ce dernier que les sages-femmes sont
confrontées aux plus grandes difficultés. Comme vous le savez, mesdames,
messieurs les sénateurs, si le personnel dit « paramédical » - le mot ne me
plaît pas - est moins bien payé dans le secteur privé, c'est que d'autres
personnels, au sein de celui-ci, sont au contraire mieux rémunérés.
M. François Autain.
Très bien !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
En effet, les enveloppes financières sont établies à
partir de la manne commune, c'est-à-dire des recettes de l'assurance
maladie.
Certes, on peut débattre de ces questions. Pour ma part, je suis favorable à
la juxtaposition, à la concurrence et à la pérennité des secteurs privé et
public, mais si l'on veut tout remettre en cause, on peut le faire !
J'ai bien sûr reçu les représentants des syndicats des personnels des
cliniques privées, mais les sages-femmes concernées doivent discuter avec les
patrons des établissements qui les emploient : c'est une obligation en matière
de dialogue social. Ce processus est engagé dans nombre des quelque deux mille
établissements privés, et les augmentations de salaires obtenues alors
importantes, d'après les échos que j'ai pu recueillir.
Cela étant, je ne vois pas très bien comment accélérer cette évolution, même
si là est le problème majeur.
En tout état de cause, je soutiens ces sages-femmes, qui participent en
moyenne dans notre pays, monsieurFischer, à cinquante-trois accouchements par
an, ce qui correspond à quatre ou cinq accouchements par mois, soit un par
semaine. Bien entendu, je sais que la charge de travail est mal répartie et
que, dans certains établissements, qui relèvent plutôt du secteur public, les
accouchements sont beaucoup plus nombreux qu'ailleurs. Quoi qu'il en soit, les
courbes démographiques et les calculs de l'Institut national de la statistique
et des études économiques montrent que, dans dix ans, la moyenne sera de
quarante-trois accouchements par sage-femme et par an.
M. Charles Descours.
Et la protection maternelle et infantile ?
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Elles font autre chose
!
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Oui, elles font autre chose, mais elles s'occupent de
femmes enceintes, pardonnez-moi de vous le rappeler, et on ne va pas inventer
des femmes enceintes qui n'accoucheraient pas !
Leur charge de travail est réelle, je n'en disconviens pas, mais elle est
horriblement mal répartie entre les secteurs public et privé et, sur le plan
géographique, entre le nord et le sud du pays. C'est ainsi, personne ne
conteste les chiffres ! Par exemple, à l'hôpital de Lens, qui compte mille
lits, les sages-femmes réalisent cent douze accouchements par an en moyenne.
C'est donc qu'ailleurs les chiffres sont plus faibles !
Dans le secteur public, les sages-femmes ont, me semble-t-il, obtenu
satisfaction, en tout cas la coordination, avec qui j'ai négocié cinq ou six
fois, et encore aujourd'hui même au ministère.
Mais, nouvelle déception, on veut que ces sages-femmes - j'en suis partisan,
je comprends bien la revendication ! - qui exercent une profession médicale,
reçoivent une formation au sein des disciplines médicales.
Pour ma part, je souhaite qu'un jour toutes les disciplines soient médicales
et que ce système des professions « paramédicales », qui ne me plaît pas,
disparaisse. Quand les études vont jusqu'à bac + 3, bac + 4, bac + 5, bac + 6,
on doit être à l'université. Nous y travaillons avec Jack Lang.
Mais, vous le savez, dans le secteur public, les intéressées doivent présenter
le dossier de l'école de sages-femmes pour que le doyen de l'UFR puisse décider
éventuellement de les inscrire, comme elles le souhaitent, dès la rentrée
prochaine, en première année de premier cycle des études médicales.
Dix dossiers devraient être présentés. Grenoble, Poitiers et Tours avaient
déjà accepté. Aujourd'hui, trois dossiers seulement ont été présentés. Qu'y
puis-je ? J'en suis désolé !
Nous avons prévu une session de rattrapage, si j'ose dire, en juillet
prochain. Mais, si les dossiers ne sont pas présentés, elles ne seront
évidemment pas acceptées, et ce sera bien triste ! J'espère qu'avec elles nous
pourrons faire en sorte que tel ne soit pas le cas.
Monsieur Descours, vous avez parlé du secteur territorial, qui est, lui, sous
la responsabilité du ministre de la fonction publique, et non pas, comme je le
croyais à tort, du ministre de l'intérieur. Les sages-femmes en cause, que vous
avez vues aujourd'hui, qui ne sont pas très nombreuses, qu'il ne faut, bien
sûr, pas négliger pour autant, ont pris contact avec la personne en charge de
leur dossier au cabinet de M. Sapin. Les choses devraient avancer. En tout cas,
M. Sapin m'en a donné l'assurance.
Restent les sages-femmes libérales. Nous travaillons avec elles. Nous leur
avons promis des lettres clefs avec des prises en charge pour les accouchements
difficiles et les suites de grossesse.
Je note enfin, monsieur Fischer, que des sages-femmes qui ne représentent pas
la coordination continuent de demander des rendez-vous à tous les ministres et
aux présidents des assemblées pour leur dire qu'elles n'ont pas arrêté la
grève. Je le déplore infiniment. Il s'agit là de manoeuvres politiciennes qui
ajoutent encore à la difficulté déjà grande de réunir les coordinations et les
syndicats.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2