SEANCE DU 10 MAI 2001
M. le président.
« Art. 10
quater.
- I. - La sous-section 1 de la section 3 du chapitre
III du titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée
:
« 1° Dans l'article L. 143-3, les mots : "de magistrats ou de magistrats
honoraires de l'ordre administratif ou judiciaire, de fonctionnaires, en
activité ou honoraires, de travailleurs salariés, d'employeurs ou de
travailleurs indépendants et de médecins" sont remplacés par les mots : "d'un
président, magistrat du siège de la cour d'appel dans le ressort duquel la Cour
nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du
travail a son siège, désigné pour trois ans dans les formes prévues pour la
nomination des magistrats du siège, de présidents de section, magistrats du
siège de ladite cour d'appel désignés pour trois ans par ordonnance du premier
président prise avec leur consentement et après avis de l'assemblée générale
des magistrats du siège et d'assesseurs représentant les travailleurs salariés,
d'une part, et les employeurs ou travailleurs indépendants, d'autre part" ;
« 2° Après l'article L. 143-4, sont insérés les articles L. 143-5 et L. 143-6
ainsi rédigés :
«
Art. L. 143-5
. - I. - Les assesseurs représentant les salariés et les
assesseurs représentant les employeurs ou travailleurs indépendants sont nommés
pour trois ans renouvelables par arrêté du garde des sceaux, ministre de la
justice, sur une liste dressée par le premier président de la Cour de cassation
sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives
intéressées.
« Un nombre égal d'assesseurs suppléants est désigné concomitamment et dans
les mêmes formes.
« II. - Les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise,
membres assesseurs de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification
de l'assurance des accidents du travail, le temps nécessaire pour l'exercice de
leurs fonctions juridictionnelles.
«
Art. L. 143-6
. - La Cour nationale de l'incapacité et de la
tarification de l'assurance des accidents du travail comprend des sections dont
le nombre et les attributions sont déterminés par décret en Conseil d'Etat.
Chaque section se compose de son président et de deux assesseurs représentant
l'un les travailleurs salariés, l'autre les employeurs ou travailleurs
indépendants.
« Les assesseurs appartiennent aux professions agricoles lorsque le litige
intéresse un ressortissant de ces professions et aux professions non agricoles
dans le cas contraire.
« Le siège de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de
l'assurance des accidents du travail est fixé par décret en Conseil d'Etat.
»
« II. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 143-3 du code de la
sécurité sociale, le premier président de la cour d'appel dans le ressort
duquel la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance
des accidents du travail a son siège peut désigner, jusqu'au 1er janvier 2003,
des magistrats de l'ordre judiciaire honoraires pour exercer les fonctions de
président de section prévues à cet article. »
Par amendement n° 319, le Gouvernement propose, dans le 1° du I de l'article
10
quater
, après les mots : « Dans l'article L. 143-3 » d'insérer le
membre de phrase suivant ; « les mots : "sous réserve des dispositions du
deuxième alinéa de l'article L. 143-2" sont supprimés et ».
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je demande la réserve de cet amendement jusqu'après
l'examen de l'amendement n° 212 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La réserve est ordonnée.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 320 rectifié, le Gouvernement propose de compléter l'article
10
quater
par les dispositions suivantes :
« III - 1° - La section 2 du chapitre III du titre IV du livre Ier du code de
la sécurité sociale est intitulée : "Les commissions régionales du contentieux
de l'incapacité", et à la sous-section 1 les articles L. 143-2 et L. 143-2-1
sont ainsi rédigés :
«
Art. L. 143-2. -
Les contestations mentionnées aux 1°, 2°, 3° de
l'article L. 143-1 sont soumises à des commissions régionales du contentieux de
l'incapacité.
« Les commissions régionales du contentieux de l'incapacité comprennent cinq
membres. Elles se composent d'un président, magistrat honoraire de l'ordre
administratif ou judiciaire, de deux assesseurs représentant les travailleurs
salariés et de deux assesseurs représentant les employeurs ou travailleurs
indépendants.
« Si un magistrat honoraire ne peut être désigné en qualité de président, la
présidence est assurée par une personnalité présentant des garanties
d'indépendance et d'impartialité, et que sa compétence et son expérience dans
les domaines juridiques qualifient pour l'exercice de ses fonctions.
« Le président est désigné pour trois ans renouvelables par arrêté du garde
des sceaux, ministre de la justice, sur une liste de quatre noms dressée par le
premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle la commission
a son siège.
« Les assesseurs appartiennent aux professions agricoles lorsque les affaires
relèvent des législations de mutualité sociale agricole et aux professions non
agricoles dans les autres cas.
« Ils sont désignés pour une durée de trois ans renouvelables par le premier
président de ladite cour d'appel sur les listes établies, sur proposition des
organisations professionnelles, selon le cas, par le chef du service régional
de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles ou
par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales.
« Des assesseurs suppléants sont désignés concomitamment dans les mêmes
formes.
« Une indemnité est allouée aux membres de la commission pour l'exercice de
leurs fonctions.
« Les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise,
assesseurs d'une commission régionale du contentieux de l'incapacité, le temps
nécessaire à l'exercice de leurs fonctions.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
article.
«
Art. L. 143-2-1. -
Les assesseurs et assesseurs suppléants des
commissions régionales du contentieux de l'incapacité doivent être de
nationalité française, âgés de 23 ans au moins, avoir la capacité d'être juré
de cour d'assises et n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation prévue et
réprimée par le code de la sécurité sociale.
« Avant d'entrer en fonctions, ils prêtent individuellement serment devant la
cour d'appel de remplir leurs fonctions avec zèle et intégrité et de garder le
secret des délibérations. Leurs fonctions sont incompatibles avec celles de
membre des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale ou de
mutualité sociale agricole.
« La récusation d'un assesseur d'une commission du contentieux de l'incapacité
peut être demandée dans les conditions fixées à l'article L. 143-8.
« L'assesseur ou l'assesseur suppléant qui, sans motif légitime et après mise
en demeure, s'abstient d'assister à une audience, peut être déclaré
démissionnaire. Le président de la commission régionale du contentieux de
l'incapacité constate le refus de service par procès-verbal, l'assesseur
préalablement entendu ou dûment appelé. Au vu du procès-verbal, la cour d'appel
dans le ressort de laquelle la commission a son siège, statue en audience
solennelle, après avoir appelé l'intéressé.
« Tout manquement d'un assesseur à l'honneur, à la probité, à la dignité ou
aux devoirs de sa charge constitue une faute disciplinaire.
« Les sanctions qui peuvent lui être infligées sont le blâme, la suspension
pour une durée qui ne peut excéder six mois, la déchéance. Le blâme et la
suspension sont prononcés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la
justice. La déchéance est prononcée par décret.
« L'assesseur est appelé par le président de la commission à laquelle il
appartient pour s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. Dans le délai
d'un mois à dater de la convocation, le procès-verbal de la séance de
comparution est adressé par le président de la commission au premier président
de la cour d'appel dans le ressort de laquelle la commission a son siège et au
procureur général près ladite cour d'appel, qui le transmettent sans délai au
ministre de la justice.
« L'assesseur qui, postérieurement à sa désignation, perd sa capacité d'être
juré ou est condamné pour une infraction prévue et réprimée par le code de la
sécurité sociale est déchu de plein droit.
« Sur proposition du premier président de la cour d'appel dans le ressort de
laquelle la commission du contentieux de l'incapacité a son siège, le garde des
sceaux, ministre de la justice, saisi d'une plainte ou informé de faits de
nature à entraîner des poursuites pénales contre un assesseur, peut suspendre
l'intéressé pour une durée qui ne peut excéder six mois. Il est fait
application de la procédure prévue au septième alinéa. »
« 2° A l'article L. 144-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "par les
tribunaux du contentieux de l'incapacité" sont supprimés.
« IV. - A la sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre IV du
livre Ier du code de la sécurité sociale sont insérés les articles L. 143-7 à
L. 143-9 ainsi rédigés :
«
Art. L. 143-7. -
Les assesseurs titulaires et suppléants de la cour
nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du
travail doivent être de nationalité française, âgés de 23 ans au moins, avoir
la capacité d'être juré de cour d'assises et n'avoir fait l'objet d'aucune
condamnation prévue et réprimée par le code de la sécurité sociale.
« Avant d'entrer en fonctions, ils prêtent individuellement serment devant la
cour d'appel de remplir leurs fonctions avec zèle et intégrité et de garder le
secret des délibérations. Les fonctions d'assesseur ou d'assesseur suppléant
sont incompatibles avec celles de membre des conseils d'administration des
organismes de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.
«
Art. L. 143-8. -
La récusation d'un assesseur peut être demandée :
« - 1° Si lui ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;
« - 2° Si lui ou son conjoint est parent ou allié d'une des parties jusqu'au
quatrième degré inclusivement ;
« - 3° S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des
parties ou son conjoint ;
« - 4° S'il a précédemment connu de l'affaire comme assesseur ;
« - 5° S'il existe un lien de subordination entre l'assesseur ou son conjoint
et l'une des parties ou son conjoint ;
« - 6° S'il y a amitié ou inimitié notoire entre l'assesseur et l'une des
parties.
«
Art. L. 143-9. -
L'assesseur ou l'assesseur suppléant qui, sans motif
légitime et après mise en demeure, s'abstient d'assister à une audience, peut
être déclaré démissionnaire. Le président de la cour nationale de l'incapacité
et de la tarification de l'assurance des accidents du travail constate le refus
de service par procès-verbal, l'assesseur préalablement entendu ou dûment
appelé. Au vu du procès-verbal, la cour d'appel dans le ressort de laquelle la
cour a son siège statue en audience solennelle, après avoir appelé
l'intéressé.
« Tout manquement d'un assesseur à l'honneur, à la probité, à la dignité ou
aux devoirs de sa charge constitue une faute disciplinaire.
« Les sanctions qui peuvent lui être infligées sont le blâme, la suspension
pour une durée qui ne peut excéder six mois, la déchéance. Le blâme et la
suspension sont prononcés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la
justice. La déchéance est prononcée par décret.
« L'assesseur est appelé par le président de la cour nationale de l'incapacité
et de la tarification de l'assurance des accidents du travail devant la section
à laquelle il appartient pour s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.
Dans le délai d'un mois à dater de la convocation, le procès-verbal de la
séance de comparution est adressé par le président de la juridiction au premier
président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle la cour nationale a
son siège et au procureur général près ladite cour d'appel, qui le transmettent
sans délai au ministre de la justice.
« L'assesseur qui, postérieurement à sa désignation, perd sa capacité d'être
juré ou est condamné pour une infraction prévue et réprimée par le code de la
sécurité sociale est déchu de plein droit.
« Sur proposition du premier président de la cour d'appel dans le ressort de
laquelle la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance
des accidents du travail a son siège, le garde des sceaux, ministre de la
justice, saisi d'une plainte ou informé de faits de nature à entraîner des
poursuites pénales contre un assesseur, peut suspendre l'intéressé pour une
durée qui ne peut excéder six mois. Il est fait application de la procédure
prévue au quatrième alinéa. »
Cet amendement est affecté de cinq sous-amendements, présentés par M.
Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.
Le sous-amendement n° 456 tend, dans le texte présenté par l'amendement n° 320
rectifié, à remplacer les mots : « commissions régionales du contentieux de
l'incapacité, commission régionale du contentieux de l'incapacité, commission
», respectivement par les mots : « tribunaux du contentieux de l'incapacité,
tribunal du contentieux de l'incapacité, tribunal ».
Le sous-amendement n° 457 vise à rédiger comme suit la seconde phrase du
deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 320 rectifié pour
l'article L. 143-2 du code de la sécurité sociale :
« Ils se composent d'un président, magistrat honoraire de l'ordre
administratif ou judiciaire, de deux assesseurs médecins experts, d'un
assesseur représentant les travailleurs salariés et d'un assesseur représentant
les employeurs ou travailleurs indépendants ».
Le sous-amendement n° 458 tend :
A. - Après le quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 320
rectifié pour l'article L. 143-2 du code de la sécurité sociale, à insérer un
nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Les assesseurs médecins experts sont désignés pour trois ans renouvelables
par le premier président de ladite cour d'appel, sur des listes établies par
arrêté du garde des sceaux et du ministre chargé de la santé. »
B. - En conséquence, à rédiger comme suit le début du cinquième alinéa du même
texte :
« Les assesseurs autres que les médecins experts appartiennent... »
Le sous-amendement n° 459 a pour objet de rédiger comme suit les cinquième et
sixième alinéas du texte proposé par l'amendement n° 320 rectifié pour
l'article L. 143-2-1 du code de la sécurité sociale :
« Tout manquement du président ou d'un assesseur à l'honneur, à la probité, à
la dignité ou aux devoirs de sa charge constitue une faute.
« La sanction qui peut lui être infligée est la déchéance de ses fonctions.
Celle-ci est prononcée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
»
Le sous-amendement n° 460 vise à compléter le septième alinéa du texte proposé
par l'amendement n° 320 rectifié pour l'article L. 143-2-1 du code de la
sécurité sociale, par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de manquement du président du tribunal, celui-ci est entendu par le
premier président de la cour d'appel dans laquelle le tribunal a son ressort
qui transmet le procès-verbal de la séance de comparution au procureur général
près ladite cour d'appel et au ministre de la justice. »
Par amendement n° 212 rectifié, MM. Machet, Lorrain, Franchis et Nogrix
proposent de compléter
in fine
l'article 10
quater
par un
paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'article L. 143-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié
:
« 1. A la fin du premier alinéa, les mots "les tribunaux du contentieux de
l'incapacité constitués dans le ressort de chaque direction régionale des
affaires sanitaires et sociales", sont remplacés par les mots "les tribunaux
des affaires de la sécurité sociale". »
« 2. Les deuxième et troisième alinéas sont abrogés. »
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 320
rectifié.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
L'amendement n° 320 rectifié est nécessité par
l'urgence, car la Cour de cassation a pris plusieurs décisions le 22 décembre
dernier cassant des arrêts rendus par la Cour nationale de l'incapacité et de
la tarification de l'assurance des accidents du travail, la CNITAAT.
La Cour de cassation considère que la composition actuelle ne répond pas aux
exigences de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme. C'est pour cette raison qu'elle a annulé les décisions de la Cour
nationale. De fait, la possibilité de rendre justice aux accidentés du travail
et aux invalides contestant leur taux d'incapacité est mise en cause, sauf
intervention du législateur pour recréer un ordre de juridiction conforme aux
principes généraux de l'organisation judiciaire.
La cohérence a conduit le Gouvernement à prévoir de la même manière une
réforme de la composition des tribunaux du contentieux de l'incapacité, les
TCI, dont le fonctionnement a également été remis en cause par la Cour de
cassation.
C'est le sens de cet amendement. Seul l'intérêt des accidentés du travail et
des invalides motive, sur le fond, les modifications qu'il apporte : il réforme
la composition de la CNITAAT et des TCI pour les rendre conformes aux exigences
de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Leur
président, les présidents de section de la CNITAAT et leurs assesseurs seront
désignés selon des modalités conformes à l'exigence d'indépendance et
d'impartialité requise pour siéger dans les instances juridictionnelles. La
présence des fonctionnaires sera supprimée dans leur composition respective ;
leurs procédures seront réformées par voie réglementaire afin d'y introduire
les garanties du contradictoire.
Les TCI seront, par ailleurs, rebaptisés « commissions régionales du
contentieux et de l'incapacité ». Cette appellation est en effet plus conforme
à leur implantation géographique, qui est organisée sur la base de la carte des
vingt-deux régions administratives, et non sur celle des trente-cinq cours
d'appel.
Cette réforme nécessite, bien évidemment, des moyens nouveaux - vacations et
moyens de fonctionnement - qui devront être discutés.
L'amendement n° 319 complète les réformes des TCI pour ce qui concerne les
possibilités d'appel devant la CNITAAT et il a pour objet de mettre fin à
l'exception selon laquelle les TCI jugent en premier et dernier ressort les
contentieux qui concernent les taux d'incapacité inférieurs à 10 %.
Cet amendement étend les possibilités d'appel à tous les dossiers.
M. le président.
La parole est à M. Seillier, rapporteur, pour donner l'avis de la commission
sur l'amendement n° 320 rectifié et pour présenter les sous-amendements n°s
456, 457, 458, 459 et 460.
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
L'article 10
quater
a en effet pour objet de réformer
la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des
accidents du travail chargée de trancher les litiges relatifs à la
détermination des taux d'incapacité au titre de la sécurité sociale et des taux
d'invalidité au titre des accidents du travail.
L'objectif de la réforme est d'éviter la présence de fonctionnaires en
activité à la Cour nationale. Or les tribunaux du contentieux de l'incapacité,
qui sont l'instance contentieuse de premier ressort, comprennent actuellement
des fonctionnaires en activité ou honoraires et - circonstance aggravante -
sont présidés par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales ou
le directeur régional du travail.
On regrettera d'ailleurs que la réforme prévue par la loi du 18 janvier 1994,
qui prévoyait la présence de magistrats, n'ait pas été appliquée avec plus de
célérité par le Gouvernement.
Constatant qu'il aurait été absurde de réformer la composition de la Cour
nationale sans réformer parallèlement celle des tribunaux du contentieux de
l'incapacité, qui encourent le même reproche de partialité, la commission avait
déposé un amendement n° 49 afin d'écarter les fonctionnaires de la composition
des tribunaux du premier ressort.
Cet amendement de la commission a entraîné une prise de conscience, salutaire
à mes yeux, de la part du Gouvernement puisque ce dernier a déposé un
amendement n° 320 rectifié, qui prévoit une réforme complète des TCI.
L'amendement n° 49 de la commission a donc été retiré.
Le dispositif gouvernemental mérite néanmoins, pour être acceptable, d'être
amendé sur plusieurs points. C'est l'objet de ces sous-amendements.
Le sous-amendement n° 456 vise ainsi à conserver la dénomination choisie dans
la loi du 18 janvier 1994. La désignation de « commision régionale » proposée
par le Gouvernement est contradictoire avec le souci de renforcer le caractère
d'impartialité des instances compétentes en premier ressort. Le mot « tribunal
» est plus significatif que celui de « commission » pour les victimes qui
souhaitent se porter en justice.
J'en viens au sous-amendement n° 457. La composition actuelle des tribunaux du
contentieux de l'incapacité est la suivante : le directeur régional des
affaires sanitaires et sociales, président, un médecin expert, un médecin
désigné par le réquérant, un médecin désigné par la caisse, un fonctionnaire de
la direction du travail, un assesseur pour les salariés, un assesseur pour les
employeurs, soit sept personnes.
Par l'amendement n° 320 rectifié, le Gouvernement écarte les fonctionnaires et
les médecins au bénéfice des assesseurs, représentant les acteurs sociaux : un
magistrat, président, deux assesseurs pour les salariés, deux assesseurs pour
les employeurs, soit cinq personnes.
Le sous-amendement n° 457 vise à maintenir l'effectif de cinq personnes tout
en conservant les deux médecins experts et en renonçant à l'idée de médecin
désigné par les parties, ce qui, évidemment, peut poser des problèmes
d'indépendance et d'organisation des séances, car la configuration du tribunal
varierait à chaque litige selon la décision des parties. C'est pourquoi il vaut
mieux la fixer de manière définitive : elle ne variera pas suivant les affaires
en cause.
Je souligne, au nom de la commission, que la présence des médecins est
nécessaire dans les tribunaux du contentieux de l'incapacité, d'abord parce
qu'il s'agit de trancher des litiges relatifs à des degrés d'incapacité ou
d'invalidité, ce qui est un problème d'ordre médical, ensuite, parce que les
TCI doivent pouvoir procéder à l'examen médical d'un malade en cas de doute au
vu du dossier. La présence des médecins est donc nécessaire pour examiner
physiquement les malades.
Le sous-amendement n° 458, sous-amendement de coordination, prévoit une
procédure de désignation des assesseurs médecins experts selon une procédure
visant à leur garantir une réelle indépendance.
J'en viens au sous-amendement n° 459. L'amendement n° 320 rectifié prévoit des
sanctions pour les assesseurs, mais pas pour le président du tribunal du
contentieux de l'invalidité, qui est pourtant non pas un magistrat en exercice,
mais un magistrat honoraire ou encore une personnalité qualifiée. Il faut
réparer cette erreur, car il n'y a ni infaillibilité ni immunité pour le
président d'un TCI. Le texte fait référence à la notion de faute disciplinaire.
Or, un magistrat honoraire ou des assesseurs ne sont pas des fonctionnaires. Le
terme « disciplinaire » est donc superflu.
Enfin, le texte prévoit une palette large de sanctions : blâme, suspension,
etc. Pourtant, s'il apparaît que le président, un assesseur médecin ou un
représentant des partenaires sociaux manque de « probité » ou de « dignité »,
il est impératif qu'il quitte immédiatement ses fonctions, sans quoi les TCI
seraient rapidement discrédités. C'est l'objet de ce sous-amendement n° 459 que
de prévoir cette sanction de « mise à pied ».
Le sous-amendement n° 460 est un sous-amendement de coordination rendu
nécessaire par le retour au droit commun pour le président du tribunal.
M. le président.
La parole est à M. Franchis, pour présenter l'amendement n° 212 rectifié.
M. Serge Franchis.
L'Assemblée nationale a adopté le 10 janvier 2001 un article 10
quarter
relatif à la procédure devant la Cour nationale de l'incapacité et de la
tarification de l'assurance des accidents du travail.
Elle considère qu'on ne peut faire l'économie d'une réforme simultanée des
tribunaux du contentieux de l'incapacité. En effet, aux termes d'un arrêt du 17
décembre 1998, la Cour de cassation a estimé que ce tribunal n'est pas un
tribunal indépendant et impartial, relevant que ce tribunal est présidé par un
représentant du directeur des affaires sanitaires et sociales qui est un
fonctionnaire, soumis à une autorité hiérarchique, qui a des liens avec la
caisse primaire, partie au litige.
La réforme envisagée aujourd'hui doit remédier à ce dysfonctionnement du
contentieux technique dès la première instance pour que la CNITAAT ne soit pas
condamnée à être « une caisse de résonnance des dysfonctionnements », situation
aggravée par l'absence d'un véritable échelon amiable pré-contentieux.
L'unicité de juridiction qui caractérise la CNITAAT n'est tolérable que dans
la mesure ou les assurés peuvent en première instance valablement saisir un
tribunal garantissant le respect des droits de la défense, leur donnant, par
exemple, la possibilité d'être entendus.
Comme la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la
FNATH l'a rappelé, les pouvoirs publics doivent apporter les garanties
nécessaires pour que les TCI comme la CNITAAT fonctionnent véritablement comme
des juridictions. Un tel traitement en amont évitera, d'une part, l'engorgement
de la Cour nationale et, d'autre part, d'inutiles déplacements des assurés
jusqu'à la Cour nationale, déplacements qui auraient pu être évités si le TCI
avait respecté les principes fondamentaux auxquels doit se conformer un
tribunal.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 212 rectifié ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Cet amendement vise en quelque sorte à remettre le
contentieux technique à caractère médical de la sécurité sociale dans le droit
commun des tribunaux des affaires de la sécurité sociale.
C'est un amendement intéressant, mais je ne crois pas que l'évolution déjà
amorcée puisse être aussi rapide dès cette étape.
En revanche, le Gouvernement propose une réforme des tribunaux du contentieux
de l'incapacité qui permettra d'éviter que ces tribunaux ne soient présidés par
le directeur régional des affaires sanitaires et sociales et composés de
fonctionnaires en activité.
On se rapproche ainsi du droit commun, même si nous sommes conduits - et tel
est l'objet des sous-amendements que j'ai présentés -, à modifier le dispositif
gouvernemental, qui, dans l'état actuel des choses, a notre préférence s'il est
amendé.
C'est pourquoi je souhaiterais que l'auteur de l'amendement n° 212 rectifié
veuille bien le retirer. Dans le cas contraire, je serais obligé d'émettre un
avis défavorable. Nous allons cependant dans le même sens et la finalité
recherchée dans les sous-amendements que nous présentons à l'amendement du
Gouvernement est la même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n°s 456, 457, 458,
459 et 460, et sur l'amendement n° 212 rectifié ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
S'agissant du sous-amendement n° 456, les actuels TCI
sont organisés, je l'ai dit tout à l'heure, sur la base des vingt-deux régions
administratives, non sur celle du ressort des trente-cinq cours d'appel. Le
Gouvernement n'a pas prévu de modifier cette organisation qui donne aujourd'hui
satisfaction. Le changement de la dénomination des TCI n'entraîne pas pour
autant de modification de leur nature. Dans ces conditions, le Gouvernement
n'est pas favorable à ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 457 a trait au positionnement des médecins dans le cadre
des TCI. Il me semble qu'appeler des médecins experts à siéger au sein de la
commission crée une confusion dans le statut de l'expertise médicale. Il me
paraît en effet essentiel que le médecin reste un véritable expert et puisse
être soumis au principe de la contradiction. L'avis du Gouvernement est donc
défavorable sur ce sous-amendement et, par voie de conséquence, sur le
sous-amendement n° 458.
Par le sous-amendement n° 459, vous souhaitez, à juste raison, me semble-t-il,
étendre la procédure disciplinaire au président de la commission. Le
Gouvernement partage votre intention, mais estime que cette extension doit
tenir compte de la situation spécifique des magistrats honoraires, qui restent
régis par le statut de la magistrature et sont soumis à son régime
disciplinaire. On ne peut donc prévoir pour eux les mêmes règles que pour les
personnes qualifiées qui exercent la présidence. Pour cette raison, il me
semble nécessaire de réétudier cette disposition, ce qui ne devrait pas poser
problème.
J'en viens au sous-amendement n° 460 : le code de l'organisation judiciaire ne
permet pas que le premier président de la cour d'appel transmette un
procès-verbal au procureur général.
S'agissant de l'amendement n° 212 rectifié, le Gouvernement est bien conscient
que les tribunaux du contentieux de l'incapacité ne peuvent continuer à
fonctionner dans les conditions actuelles, puisque la Cour de cassation
considère qu'ils ne présentent pas les garanties d'un tribunal impartial. La
réforme de ce contentieux doit être immédiatement effective afin de ne pas
bloquer davantage le traitement des affaires. Vous prévoyez, par cet
amendement, de rattacher à la compétence des tribunaux les affaires de sécurité
sociale. Cette mesure se traduirait par un transfert immédiat de 80 000
nouvelles affaires vers les tribunaux d'action sociale. Un tel afflux n'est pas
gérable à court terme et risque de se traduire par une dégradation importante
du fonctionnement de ces juridictions, et donc par de moindres garanties pour
les justiciables. Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement
demande le retrait de cet amendement. A défaut, il émettra un avis
défavorable.
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Seillier, rapporteur.
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Après avoir entendu Mme la secrétaire d'Etat, je dirai que le
Gouvernement va effectivement dans le même sens. Nous allons trouver, grâce à
nos sous-amendements, un rapprochement. Je ne conteste pas qu'il puisse y avoir
des perfectionnements, qu'une deuxième lecture permettra de réaliser. En tout
cas, sur le terme « tribunal », il y a un côté symbolique auquel nous sommes
attachés. Par conséquent, ces sous-amendements sont maintenus.
M. le président.
Monsieur Franchis, l'amendement n° 212 rectifié est-il maintenu ?
M. Serge Franchis.
J'ai bien noté la cohérence des dispositions présentées par M. le rapporteur
et les observations de Mme le secrétaire d'Etat. Cet amendement est
partiellement satisfait par l'ensemble de ces dispositions. Aussi, je le
retire.
M. le président.
L'amendement n° 212 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 456, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 457, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 458, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 459, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 460, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 320 rectifié, accepté par la
commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Nous en revenons à l'amendement n° 319, précédemment réservé.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 50 rectifié, M. Seillier, au nom de la commission des
affaires sociales, propose de compléter l'article 10
quater
par un
paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« V. - Dans la sous-section 2 de la section 3 du chapitre III du titre IV du
livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 143-10
ainsi rédigé :
«
Art. L. 143-10
. - Toute contestation portée en appel devant la cour
nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du
travail doit donner lieu à une expertise médicale du dossier par un médecin
qualifié. »
La parole est à M. Seillier, rapporteur.
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Cet amendement porte sur le problème délicat de la présence
des médecins dans les formations de jugement de la Cour nationale de
l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.
C'est sur l'initiative de votre commission, sur proposition de M. Claude
Huriet, rapporteur, que les médecins avaient été introduits dans la composition
de la Cour nationale lors de l'examen de la loi du 18 janvier 1994 relative à
la santé publique et à la protection sociale.
Il est frappant de constater que le ministère de la justice n'a nullement
appliqué la volonté du Parlement et n'a jamais introduit de médecins dans les
instances de jugement. Au cours de ces sept dernières années, la composition de
la Cour nationale n'a donc jamais été conforme à la loi, comme l'a d'ailleurs
souligné l'avocat général de la Cour de cassation dans des conclusions
présentées en décembre 2000. Après réflexion, il n'a pas été proposé de
maintenir la présence de médecins.
Le souci du parallélisme de composition entre les juridictions de différents
degrés doit tenir compte de la spécificité du rôle d'appel de la Cour
nationale. La présence de médecins dans les tribunaux du contentieux de
l'incapacité est justifiée parce que ceux-ci, je l'ai dit voilà un instant,
procèdent, s'agissant de litiges relatifs à l'état médical des personnes, à
l'examen éventuel des requérants. En revanche, devant la Cour nationale, il est
procédé à un examen non pas des personnes mais du dossier : l'appel ne donne
pas lieu à un nouvel examen médical du patient, sauf demande d'examen
complémentaire. C'est pourquoi il a seulement été prévu par décret un avis
obligatoire d'un médecin qualifié sur tout dossier soumis en appel.
On peut raisonnablement penser que l'avis préalable obligatoire du médecin
qualifié est plus protecteur du respect des impératifs médicaux que ne le
serait l'introduction de médecins à voix délibérative. Les médecins qui
seraient présents dans les formations de jugement auraient moins de temps à
consacrer à l'examen d'un dossier qu'un médecin qualifié ayant reçu la mission
de présenter un rapport sur la question et ayant eu toute liberté de consulter
les dossiers médicaux.
Pour protéger l'avenir et rester dans la ligne définie en 1994, cet amendement
garantit, au niveau de la loi, l'expertise d'un médecin qualifié. J'ai
d'ailleurs eu l'occasion de vérifier auprès de notre collègue M. Claude Huriet
que cette analyse, à l'expérience et après examen de la situation précise de la
Cour nationale, recueillait également son accord. C'est pourquoi la commission
propose cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Le nouveau code de procédure civile laisse aux
juridictions le soin d'apprécier la nécessité de l'expertise. Votre amendement,
en obligeant la Cour à faire procéder systématiquement à une expertise
médicale, conduirait à limiter sa capacité d'appréciation sur ce point. Vous
comprendrez, dans ces conditions, la position de rejet du Gouvernement.
M. Philippe Nogrix.
Oh !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10
quater
, modifié.
(L'article 10
quater
est adopté.)
Article 10 quinquies