SEANCE DU 10 MAI 2001
M. le président.
« Art. 28. - I. - Le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes
de la guerre est ainsi modifié :
« 1° Les deux derniers alinéas de l'article L. 79 sont remplacés par un alinéa
ainsi rédigé :
« Les arrêts rendus par les cours régionales des pensions peuvent être déférés
au Conseil d'Etat par la voie du recours en cassation. » ;
« 2° Les articles L. 95 à L. 103 sont abrogés ;
« 3° L'article L. 104 est ainsi rédigé :
«
Art. L. 104
. - Les décisions ainsi que les extraits, copies, copies
exécutoires ou expéditions qui en sont délivrés, et généralement tous les actes
de procédure auxquels donne lieu l'application des livres Ier et II du présent
code, sont dispensés des formalités de timbre et d'enregistrement. Ils portent
la mention expresse qu'ils sont faits en exécution du présent code. »
« II. - Les dispositions du présent article prennent effet à compter du 1er
janvier 2001. Les affaires pendantes à cette date devant la commission spéciale
de cassation des pensions sont transférées au Conseil d'Etat. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 100, M. Seillier, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 322, le Gouvernement propose de rédiger comme suit le II de
l'article 28 :
«
II -
Les dispositions du présent article prennent effet à compter du
premier jour du troisième mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.
Les affaires pendantes à cette date devant la commission spéciale de cassation
des pensions sont transférées au Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Seillier, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 100.
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
La commission des affaires sociales considère que l'article
28, qui vise à supprimer la commission spéciale de cassation des pensions, ne
va pas sans soulever certaines questions lourdes de conséquences.
On peut en effet raisonnablement craindre que la suppression de la commission
précitée ne se traduise, en définitive, par une dégradation du service rendu au
justiciable. Actuellement, le délai moyen de jugement devant la commission est
de moins d'un an. Or le délai moyen de jugement du Conseil d'Etat est beaucoup
plus long : 72 % des affaires sont traitées en plus d'un an, et 28 % en plus de
trois ans. Aussi l'adoption de l'article 28 aurait-elle finalement pour
conséquence un ralentissement des procédures, fort dommageable pour les
justiciables, d'ailleurs le plus souvent âgés.
On ne peut également que s'interroger sur les conditions d'entrée en vigueur
du présent article. Le paragraphe II prévoit que la suppression de la
commission prendra effet à compter du 1er janvier 2001. Dès lors, la valeur
juridique des décisions rendues par la commission entre le 1er janvier 2001 et
la date de publication de la loi devient pour le moins incertaine. Pendant ce
laps de temps, la commission n'aurait,
a posteriori
, plus d'existence
légale, et ses décisions seraient alors privées de base légale.
Dans ces conditions, et sous réserve des précisions ou des garanties que
pourrait apporter le Gouvernement, la commission propose au Sénat d'adopter un
amendement de suppression de l'article 28.
Cela constitue non pas, bien entendu, un procès d'intention à l'égard du
Conseil d'Etat, mais un constat pragmatique de la situation, telle qu'elle peut
être analysée à l'heure actuelle au travers des statistiques relatives aux
délais d'instruction effectivement constatés.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 322 et
pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 100.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
La commission spéciale de cassation des pensions, la
CSCP avait été créée par le décret du 8 août 1935 et adjointe au Conseil d'Etat
pour juger les nombreux pourvois en cassation nés de l'application de la loi du
31 mars 1919 sur les pensions militaires d'invalidité, qui avait institué les
tribunaux départementaux et les cours régionales des pensions.
L'existence de cette commission ne se justifie plus aujourd'hui : le nombre
d'affaires enregistrées chaque année a été divisé par deux en moins de dix ans
et s'établit désormais autour de 330. La réduction de l'activité de la CSCP
conduit dès lors à se demander si un seuil n'a pas été franchi, au-dessous
duquel il n'est plus raisonnable de laisser subsister un organisme autonome.
Par ailleurs, les anciens combattants ont tout à gagner à l'attribution du
contentieux au Conseil d'Etat. La charge quantitative induite par une
réattribution du contentieux de la cassation des pensions aux formations
ordinaires du Conseil d'Etat représentera moins de 5 % des capacités de
jugement de la section du contentieux. La réforme ne devrait donc pas conduire
à un engorgement du Conseil d'Etat, lequel est actuellement dans une situation
plutôt favorable. Du reste, les délais de jugement au Conseil d'Etat sont
sensiblement les mêmes qu'à la CSCP.
En tout état de cause, la réforme ne mettra pas en cause les spécificités dont
bénéficiaient les anciens combattants. La dispense du ministère d'avocat prévue
par le décret du 30 septembre 1953 est maintenue, tout comme celle du droit de
timbre, prévu par l'article 6-4 de la loi n° 63-254 du 15 mars 1963.
Le texte clarifie en revanche le droit applicable et contribue à l'unification
des procédures de pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. Les
justiciables devant les tribunaux départementaux et les cours régionales des
pensions seront désormais soumis au droit commun en la matière.
Le monde combattant a été associé à cette réforme et la soutient. Le
vice-président du Conseil d'Etat a ainsi reçu le président de l'Union française
des associations de combattants et de victimes de guerre et lui a donné
l'assurance que les anciens combattants ne seraient pas lésés par la
suppression de la CSCP et que leurs requêtes seraient traitées avec une
attention particulière et dans des délais satisfaisants.
A l'issue de cet entretien, les dirigeants des associations susdites ont fait
savoir à leurs adhérents qu'ils ne s'opposaient pas à la réforme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 322 ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Si les associations d'anciens combattants et de victimes de
guerre souhaitent cette réforme, il n'y a pas de raison que la commission se
montre plus exigeante qu'elles.
En conséquence, si l'amendement n° 322 du Gouvernement permet de répondre aux
deux objections que j'ai formulées, je m'y rallierai et je retirerai celui de
la commission.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Dans sa rédaction actuelle, le présent article prévoit
la suppression de la commission spéciale de cassation des pensions au 1er
janvier 2001. La suppression d'une juridiction ne pouvant avoir qu'un effet
rétroactif, il est proposé que ces dispositions prennent effet à compter du
premier jour du troisième mois suivant l'entrée en vigueur de la présente
loi.
M. le président.
Compte tenu de ces explications complémentaires, monsieur le rapporteur,
acceptez-vous de retirer l'amendement n° 100 ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Oui, monsieur le président, je m'estime satisfait.
M. le président.
L'amendement n° 100 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 322, accepté par la commission.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 28, ainsi modifié.
(L'article 28 est adopté.)
Article 28 bis