SEANCE DU 15 MAI 2001
M. le président.
La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 1065, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes particulièrement chargé du droit des
consommateurs, et je voudrais donc attirer votre attention sur les difficultés
rencontrées par plusieurs millions de personnes exclues du système bancaire
traditionnel.
J'ai, bien sûr, pris acte de la décision récente du Gouvernement de mettre en
place, conformément à la « loi Aubry », un service bancaire de base réservé aux
exclus. Mais le nombre des personnes concernées est dérisoire et les modalités
d'accès sont dissuasives pour cette catégorie de la population.
Par ailleurs, j'ai suivi avec intérêt l'examen et l'adoption par l'Assemblée
nationale, le 25 avril dernier, d'une proposition de loi visant à assurer la
gratuité de la délivrance et du traitement des chèques. Mais de telles
dispositions sont-elles bien réalistes dans la perspective de l'ouverture du
marché bancaire européen ?
Surtout, n'est-il pas plus urgent de restaurer le droit à un service bancaire
de base de qualité pour tous, un service bancaire universel gratuit, octroyant
une gamme complète de prestations élémentaires, qu'il s'agisse, par exemple,
d'un compte de dépôt, de relevés bancaires ou postaux ou de la délivrance d'un
certain nombre de titres de paiement gratuits et sécurisés, et ce quel que soit
le montant des revenus des personnes et selon des modalités accessibles à tous
?
Enfin, j'estime qu'une autre priorité est d'assurer une meilleure transparence
des coûts des services bancaires pour les clients et de donner le droit à ces
derniers de recourir à la protection prévue par le code de la consommation en
cas de litige. A quand une initiative du Gouvernement à ce sujet ?
Par conséquent, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous
comptez entreprendre pour traduire dans les faits ces deux priorités et donner
ainsi une suite concrète aux travaux de la commission Jolivet.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, vous avez raison :
il convient de protéger les personnes en situation d'exclusion bancaire, et le
Gouvernement, qui a fait en ce sens des propositions et accepté des amendements
lors de l'examen de différents textes de loi, partage pleinement cette
préoccupation.
Il l'a montré encore récemment, à l'occasion de la discussion du projet de loi
portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dit
MURCEF, examiné il y a quelques jours par l'Assemblée nationale et qui viendra
prochainement devant la Haute Assemblée.
Afin d'aider les Français confrontés à des difficultés d'exclusion, le
Gouvernement a pris plusieurs mesures majeures et il devrait les compléter
prochainement par de nouvelles propositions.
Tout d'abord, le décret publié le 17 janvier dernier institue un service de
base bancaire gratuit pour les exclus et définit le contenu des services
bancaires de base pour les personnes en situation d'exclusion bancaire. Ces
services comprennent notamment des moyens de paiement à distance - virements,
prélèvements, carte de paiement à autorisation systématique.
Ensuite, afin de faciliter la sortie du dispositif d'interdiction d'émettre
des chèques, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi MURCEF des mesures
visant à aménager le régime des pénalités libératoires et des frais bancaires
applicables aux chèques sans provision, afin de favoriser la régularisation de
la situation des personnes faisant l'objet d'une interdiction d'émettre des
chèques pour des sommes d'un montant limité.
Comme vous le savez, le projet de loi sur les nouvelles régulations
économiques, qui sera promulgué prochainement et que j'ai défendu, au nom du
Gouvernement, à la tribune de l'Assemblée nationale il y a quelques jours, a
ramené de dix à quinze ans la durée maximale de cette interdiction, ce qui
n'est pas mince. Cette nouvelle disposition facilitera grandement les sorties
anticipées.
Il est un autre point que vous avez évoqué qui nous paraît important : la
protection des sommes insaisissables.
Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a repris très activement les
travaux relatifs à la mise en oeuvre effective des dispositions sur
l'insaisissabilité, de façon à assurer un « reste à vivre » alimentaire aux
personnes saisies, travaux dont j'espère pouvoir présenter prochainement les
résultats.
Il s'agit également de moderniser les relations entre les banques et leur
client. Vous proposez, quant à vous, la mise en place d'un service bancaire
gratuit universel, demande qui avait été formulée par une association de
consommateurs.
Or le Gouvernement, ainsi qu'il l'avait déjà indiqué devant votre assemblée à
l'occasion de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations
économiques, souhaite réserver ces services de base bancaires aux populations
visées par la loi contre les exclusions. Notre problème, en effet, n'est pas
tant de savoir si les chèques seront gratuits ou pas - les banques seraient
tentées d'en reporter le coût sur d'autres produits - que de nous attacher à
examiner l'ensemble de la tarification bancaire à travers les relations
banque-client, le prix réel des services, le prix réel de l'ouverture des
comptes, le prix réel des documents fournis par ailleurs. C'est donc,
globalement, sur la tarification dans son ensemble plus que sur la gratuité des
chèques que le Gouvernement entend faire porter son action, parce qu'il faut
veiller à la transparence du coût des services bancaires pour les clients.
La modernisation de la relation entre les banques et leurs clients est un
élément essentiel de notre action et le complément indispensable des mesures
spécifiques destinées à traiter les difficultés particulières.
Le Gouvernement a introduit plusieurs dispositions en ce sens dans le projet
de la loi MURCEF. Ces dispositions, qui ont vocation à s'inscrire à la fois
dans le code monétaire et financier et dans le code de la consommation, auront
pour effet d'améliorer très sensiblement, et pour l'ensemble de la clientèle
bancaire, la transparence de cette relation commerciale et de rééquilibrer
cette relation en faveur des clients.
Les dispositions proposées constitueront, pour l'ensemble de la clientèle
bancaire, un progrès très notable, et ce dans trois directions : transparence
et contractualisation systématique des services bancaires et de leur
tarification ; protection contre les effets pernicieux des ventes forcées et
des ventes à prime ; accès direct au juge et recours à un dispositif
décentralisé de médiation rapide et gratuite.
Cet ensemble de mesures devrait permettre de défendre l'intérêt réel des
clients des banques, mieux qu'une disposition qui apparaîtrait peut-être
aujourd'hui comme une mesure phare, mais qui serait illusoire du fait des
effets indirects qu'elle pourrait avoir sur les clients des banques.
Le Gouvernement s'engage donc résolument dans la voie de la défense réelle de
l'ensemble des clients des banques, et notamment des plus défavorisés.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rappelé, à juste titre, que le
Gouvernement s'était attaqué à ce chantier complexe que représentent les
relations entre les usagers du système bancaire et les banques. Je vous donne
acte - je l'avais d'ailleurs déjà fait - de ce qu'un premier pas a été fait
avec la mise en place du service bancaire de base pour les exclus. Mais je
renouvelle mon interrogation à cet égard.
En effet, certains experts estiment l'exclusion bancaire à plusieurs millions
de personnes ; peut-être est-ce un peu excessif. Monsieur le secrétaire d'Etat,
combien de personnes seront-elles concernées par ce service bancaire de base ?
On parle de quelques milliers. Si cette estimation était avérée, ce serait une
grande déception pour ceux qui, comme moi - et je ne suis pas le seul -,
militent pour le retour au service public bancaire, « retour » parce qu'il
existait il y a une vingtaine d'années ; nous sommes, de ce point de vue, en
régression.
D'autres mesures ont été prises ou sont proposées par le Gouvernement,
notamment sur toutes les questions complexes d'interdiction bancaire. C'est un
progrès très significatif que je veux saluer. De même, il est important qu'une
part des revenus, notamment les allocations vitales, soit insaisissable et,
dans ce domaine aussi, vous faites une avancée.
Je reviens maintenant sur deux sujets centraux.
Comme vous, je ne pense pas que décréter le chèque gratuit pour l'éternité
soit une solution. Encore faut-il inciter les banques, y compris par un fonds
de compensation, à admettre l'ensemble des citoyens ou plutôt des résidents à
ces services de base.
Enfin, il y a un élément sur lequel vous ne m'avez pas répondu et qui est
pourtant très important : envisagez-vous, comme cela avait été évoqué par le
Gouvernement, de soumettre les banques au code de la consommation ?
INDEMNISATION DES RÉPARATIONS DES DÉGÂTS
CAUSÉS PAR LES TEMPÊTES DE DÉCEMBRE 1999