SEANCE DU 15 MAI 2001


M. le président. La parole est à M. Goulet, auteur de la question n° 1056, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Daniel Goulet. Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème que je vais évoquer est d'une actualité brûlante, puisqu'il s'agit du taux de la TVA frappant les restaurateurs.
Pourquoi a-t-il été décidé, par un récent arrêté, d'appliquer le taux réduit de 5,5 % à la seule restauration collective ? C'est là, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, une inégalité devant l'impôt qu'il faut absolument corriger en ramenant à 5,5 % le taux de la TVA pour tous les restaurateurs, d'autant plus que, vous le savez, ceux-ci sont confrontés à de graves problèmes d'équilibre budgétaire.
Je pense surtout ici à ceux d'entre eux qui ont subi les graves dommages que nous connaissons : en effet, je suis l'élu d'un département qui a été placé sous embargo pendant de longues semaines, et j'aperçois l'un de mes collègues (M. Goulet se tourne vers M. Cornu) qui faisait partie de la commission sénatoriale d'information dans cette région.
Nous avons recueilli les doléances des restaurateurs ; ceci s'ajoutant à cela, nous devons tous faire preuve d'obstination pour tendre à une certaine équité.
Je serais tenté, à cet égard, de faire référence à un illustre monarque, Henri VIII, qui, à l'occasion de son huitième et dernier mariage, avait indiqué à ses détracteurs, surpris de son obstination, que pour lui, il s'agissait d'une victoire de l'optimisme sur l'expérience !
Toutes proportions gardées, je veux rester confiant dans la décision que le Gouvernement prendra enfin. Mais il faut d'abord que vous nous expliquiez, monsieur le secétaire d'Etat, la véritable raison pour laquelle vous refusez d'abaisser le taux de TVA applicable à la restauration.
Aujourd'hui, je vous demande de bien vouloir affronter une sorte d'épreuve de vérité, car les restaurateurs, comme nous-mêmes, seront extrêmement attentifs aux décisions qui seront prises.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, j'ai écouté attentivement votre question, mais j'aurais aimé que vous précisiez que la mesure que vous préconisez coûterait, si elle était appliquée, 20 milliards de francs. C'est là une question non pas d'obstination, mais de finances !
En ce qui concerne la restauration collective, le taux de la TVA n'a, en fait, pas été abaissé, car ce secteur en était jusqu'à présent exonéré en vertu de deux circulaires datant de 1942 et de 1943. Ces textes viennent d'être abrogés à la demande des professionnels de la restauration, qui considéraient que les cantines leur faisaient une concurrence déloyale. Conformément à l'article 279 a bis du code général des impôts, ces cantines seront soumises à la TVA au taux réduit de 5,5 %, dans des conditions prévues par l'article 85 bis de l'annexe III du même code. Il n'y a là rien d'illégal et il n'est opéré aucune discrimination, puisque nous traitons tous les secteurs de la même façon.
Cela étant, il est difficile, monsieur le sénateur, de soutenir que ces cantines font concurrence à la restauration traditionnelle, car elles ne s'adressent pas du tout au même public, comme vous le savez.
Bien sûr, en ma qualité de secrétaire d'Etat chargé notamment de la consommation, je peux vous dire que l'ensemble des corps de métiers me demandent régulièrement d'abaisser le taux de la TVA, au motif qu'ils créent des emplois, qu'ils produisent de la valeur ajoutée ou qu'ils développent l'activité touristique sur le territoire. Tous formulent cette demande, y compris les présidents de club de golf, qui prétendent que, si nous réduisions le taux de la TVA, ils pourraient créer 20 000 emplois en France.
C'est peut-être vrai, mais le coût de cette mesure, s'agissant de la restauration, atteindrait 20 milliards de francs, et amputer massivement les recettes publiques apparaît pour le moment, vous le savez bien, monsieur le sénateur, incompatible avec l'objectif de réduction des déficits et de maîtrise de l'endettement public.
Par ailleurs, je rappelle que le Gouvernement a déjà fait adopter des mesures visant à une forte baisse de la TVA, pour un total de 60 milliards de francs.
J'ajoute, pour ce qui concerne les restaurateurs, notamment ceux de l'Orne ou de Bourgogne, que je connais bien, que le droit communautaire, plus particulièrement la directive du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des taux de TVA, ne permet pas à la France d'appliquer à la restauration commerciale un taux de TVA autre que le taux normal. Elle n'a, sur ce point, pas été modifiée par la directive relative aux services à forte intensité de main-d'oeuvre susceptibles de bénéficier, pour une période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002, d'un taux réduit - ce qui est le cas pour l'artisanat dans le bâtiment.
Aujourd'hui, monsieur le sénateur, seuls six Etats membres de l'Union européenne qui, au 1er janvier 1991, appliquaient déjà un taux réduit à la restauration commerciale ont été autorisés à maintenir celui-ci, conformément aux dispositions de l'article 28-2 de la sixième « directive TVA ». Tel est le cas du Portugal, souvent cité en exemple : la dérogation dont a bénéficié cet Etat repose sur le fait qu'il appliquait, jusqu'en 1991, un taux réduit de TVA à la restauration. Or la France n'est pas dans cette situation.
En outre, huit autres Etats membres de l'Union européenne soumettent la restauration commerciale à des taux de TVA compris entre 15 % et 25 %. La France se situe donc dans une moyenne, certes toujours trop élevée au goût des professionnels, mais elle ne se trouve pas aujourd'hui dans une situation d'exception par rapport aux autres pays.
Cela étant, le Gouvernement est attentif à la situation du secteur de la restauration, qui concourt à faire de notre pays la première destination touristique en Europe et dans le monde.
Ainsi, ce secteur bénéficiera pleinement des baisses d'impôt décidées, en particulier de la suppression progressive de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle et de la réduction des cotisations patronales mise en oeuvre depuis quelques années.
Il apparaît d'ailleurs que l'allégement des charges sociales constitue une réponse plus appropriée aux attentes du secteur de la restauration qu'une baisse de la TVA, notamment dans l'optique de la mise en place des 35 heures, qui se négocie actuellement.
A cet égard, j'ai reçu la semaine dernière les représentants de l'hôtellerie française. Je peux vous préciser que, dans la perspective de la conclusion d'un accord, un décret est en préparation afin d'alléger les charges sociales pesant sur la valeur des repas servis aux employés des restaurants, ce qui représente une dépense de 500 millions de francs en année pleine pour le budget de l'Etat.
M. Daniel Goulet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je relève un point positif dans votre intervention : vous avez indiqué que, en concertation avec les représentants de l'hôtellerie et de la restauration, vous préparez un décret qui permettra d'alléger substantiellement les charges sociales pesant sur ce secteur.
Cependant, je voudrais faire deux observations en réponse à vos propos.
Tout d'abord, vous avez indiqué que les restaurateurs n'étaient pas seuls à demander une réduction du taux de la TVA. Or je n'ai pas entendu, en tout cas dans ma région, d'autres professionnels réclamer le bénéfice du même traitement.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Et les réparateurs automobiles ?
M. Daniel Goulet. En outre, les restaurateurs et les hôteliers, vous l'avez vous-même souligné, contribuent très largement au solde positif de la balance commerciale de la France. Chacun sait en effet que notre pays est le plus visité au monde et que ce secteur apporte des réponses substantielles aux problèmes budgétaires qui sont les vôtres, monsieur le secrétaire d'Etat, et que je comprends.
Il conviendrait donc de comparer les 20 milliards de francs que pourrait effectivement coûter la réduction du taux de la TVA aux bénéfices et aux excédents assez importants que dégagent la restauration et le tourisme.
Par ailleurs, vous avez évoqué les situations différentes existant, au sein de l'Union européenne, en matière de TVA. Dans ce domaine, je crois qu'il faudra de toute façon parvenir à une harmonisation, afin que les restaurateurs français n'aient pas à souffrir de la comparaison.

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