SEANCE DU 15 MAI 2001
PRÉSIDENCE de M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la prise en charge de la
perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée
d'autonomie.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président, je
souhaite répondre sur les deux points qui sont vraiment les points les plus
importants du débat et qui ont été évoqués par le rapporteur, M. Vasselle, et
le rapporteur pour avis, M. Mercier, ainsi que par le premier orateur M.
Huguet, points sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour sa part, répondra à l'ensemble des
orateurs à la fin de la discussion générale et apportera d'autres
précisions.
Je laisserai de côté, pour l'instant, la question soulevée par M. Vasselle et
relative au fonds de réserve des retraites. Je préciserai seulement, s'agissant
de son financement, que celui-ci est assuré. Je l'ai d'ailleurs indiqué à
l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. Il sera régulièrement
alimenté pour atteindre 1 000 milliards de francs.
Quant au fonds social vieillesse, son équilibre n'est pas compromis par la
création de l'APA, ni d'ailleurs sa capacité à alimenter le fonds de réserve.
Il faut savoir en effet que le fonds social vieillesse dégage des excédents
cumulés croissants du fait que ses recettes sont plus dynamiques que ses
dépenses et qu'il finance le minimum vieillesse, dont le nombre d'allocataires
diminue régulièrement, ainsi que les cotisations de retraite des chômeurs, dont
le nombre a fortement diminué grâce au succès rencontré sur le terrain de
l'emploi.
C'est précisément parce que la politique du Gouvernement engendre ces succès
et ces excédents que nous pouvons prévoir un financement par la CSG, de
l'allocation personnalisée d'autonomie, ce qui n'a pas été possible en janvier
1997 compte tenu de la situation très dégradée des comptes sociaux et de la
conjoncture économique.
J'en viens à la comparaison, qui a été évoquée longuement par M. Vasselle tout
à l'heure, entre l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation
spécifique dépendance. A ce sujet, le Gouvernement a évité d'entrer dans une
polémique qui, je crois, n'aurait d'ailleurs pas été la bienvenue. L'exposé des
motifs rappelle donc sobrement les insuffisances constatées de la prestation
spécifique dépendance. Moi-même, je n'y ai pas insisté dans mon discours
introductif.
Mais on peut dire, si on le lit bien, que ce projet de loi reprend certaines
des modalités de la PSD - M. Huguet l'a d'ailleurs rappelé - le plan d'aide ou
l'évaluation sur la base d'une grille nationale, par exemple, modalités que
nous n'avons pas voulu écarter, car elles nous paraissaient être des acquis
positifs. Cela montre que nous n'avons pas eu une attitude politicienne ! En
effet, ce n'est pas parce qu'un texte a été voté par une autre majorité que
nous n'avons pas à en reprendre les points positifs.
Cela étant dit, il est vrai que la PSD présente des insuffisances
flagrantes.
D'abord, les conditions de ressources sont plus restrictives. Ainsi, au-dessus
de 6 000 francs par mois de revenus, les droits des personnes âgées diminuent
considérablement. Ils s'éteignent pratiquement au-delà de 10 800 francs.
Il faut souligner, en revanche, l'absence de plafond de ressources de l'APA et
le nombre plus important de personnes qui pourront bénéficier de cette nouvelle
allocation : 800 000 personnes âgées contre 140 000 seulement qui bénéficient
aujourd'hui de la PSD.
En effet, aux 300 000 personnes qui pourraient théoriquement prétendre à la
PSD actuellement, il faut ajouter les personnes classées en GIR de 1 à 3, ainsi
que celles qui sont classées en GIR 4, soit 500 000 personnes en tout.
Voilà des chiffres qui permettent de se faire une bonne idée de la nouvelle
allocation.
Ensuite - c'est la principale insuffisance - la PSD engendre des inégalités
majeures. En effet, le montant moyen de la PSD à domicile varie de 1 374 francs
à 6 414 francs par mois dans les départements les plus généreux et les plus
riches, soit un rapport qui est tout de même de 1 à 4,7 ! Je ne crois pas
qu'une telle situation soit tenable.
Elle a d'ailleurs fait l'objet de fortes critiques qui émanaient non pas
exclusivement du Gouvernement, mais de toutes les associations représentatives
des retraités et des personnes âgées, de l'ensemble des professionnels, ainsi
que des députés, qui, sur tous les bancs, ont constaté qu'une telle inégalité
ne devait pas perdurer.
Si le projet de loi reprend ce qui nous a paru bon dans la prestation
spécifique dépendance, il instaure toutefois une vraie rupture en créant un
droit universel qui est égal sur tout le territoire, et ces deux principes
essentiels font que l'on est vraiment très près du cinquième risque,...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Sauf pour le
financement !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... le mode de gestion mis à
part.
J'ai entendu tout à l'heure M. Vasselle parler de la nécessité de procéder
par voie réglementaire. Non ! On fait d'abord la loi,...
M. Philippe Nogrix.
Il n'y a rien dans ce texte !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... puis on définit les
décrets. En revanche, je puis vous assurer que vous serez associés à la
rédaction de ces décrets, qui sont, c'est vrai, importants. Il en sera de même
des députés ; je le leur ai dit.
Le Gouvernement n'a jamais songé à reprocher à quiconque l'échec de la
PSD,...
M. Philippe Nogrix.
Elle n'a pas échoué !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... échec relatif d'ailleurs,
car c'est déjà bien que 140 000 personnes bénéficient de cette prestation. Il
s'agit toutefois d'une tentative qui n'a pas atteint les objectifs fixés ; il
faut donc être beau joueur. Je n'aurais d'ailleurs pas fait cette mise au point
si M. Vasselle ne s'était pas exprimé sur le ton qu'il a adopté.
(Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains indépendants.)
M. Huguet a dit ce qu'il fallait dire, et je pense que nous n'avons pas à nous
livrer à un jeu politicien stérile pour tenter de minimiser les avancées
considérables que représente l'allocation personnalisée d'autonomie. Je vous
remercie, monsieur le rapporteur pour avis, d'avoir eu l'honnêteté de
reconnaître précisément ces avancées.
Au demeurant, vous avez formulé des interrogations auxquelles je vais
maintenant m'attacher à repondre, notamment en précisant le contenu de l'effort
supplémentaire demandé aux départements.
Nous partons - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis - d'une
dépense actuelle de 5 milliards de francs au titre de la PSD et de l'allocation
compensatrice pour tierce personne, qui demeure. S'y ajoute, de façon, selon
moi, peu contestable, le recyclage des dépenses que les mêmes départements
consacrent à l'aide ménagère aux personnes relevant du GIR 4 et appelées à
bénéficier de l'APA, soit 500 millions de francs.
La même logique, celle du redéploiement des dépenses, vaut pour les dépenses
d'aide sociale à l'hébergement, qui seront effectivement réduites, pour les
départements, par l'effet de la réforme de la tarification des établissements
d'hébergement,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Si vous la faites mieux appliquer que la précédente
!
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... d'un montant estimé à 1,4
milliard de francs. Comme vous le savez, la recomposition du budget de ces
établissements en trois sections - hébergement, dépendance et soins - va
réduire les coûts, et donc l'aide sociale payée par les départements.
Nous en sommes à près de 7 milliards de francs légitimement considérés comme
la reconduction des dépenses actuelles...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je ne l'ai pas contesté.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, mais vous avez été très
habile, vous avez présenté cela comme des économies à réaliser. Non, il s'agit
bien de dépenses actuelles.
J'ajouterai que l'observatoire décentralisé de l'action sociale, l'ODAS,
présidé par M. Méhaignerie, a évalué à quelque 1,4 milliard de francs la baisse
des dépenses affectées à la perte d'autonomie à l'occasion du passage de l'ACTP
à la PSD entre 1996 et 2000. Cette somme, qu'on qualifie d'économie pour faire
court, doit effectivement être agrégée à l'estimation des engagements actuels
des départements, soit un total de 8,5 milliards de francs environ.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Oui, bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La contribution des
départements étant proche de 11 milliards de francs - 10,8 milliards de francs
pour être précise - ce sont donc bien 2,5 milliards de francs supplémentaires
qui leur sont demandés et non pas 5 milliards de francs.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Mais j'ai bien mentionné 2,5 milliards de
francs.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous sommes donc d'accord sur
ce point.
M. Philippe Nogrix.
Mais non !
M. Alain Joyandet.
C'est de la prestidigitation !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'ailleurs, nous ne pouvons
qu'être d'accord, monsieur Mercier, puisque vous savez très bien - vous étiez
présent - que ces données ont fait l'objet de rencontres,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Mais non, justement, je n'étais pas là.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et d'échanges de courriers
entre l'Assemblée des départements de France et Martine Aubry. Vous le savez,
les ministères ont de la mémoire et conservent des comptes rendus des réunions,
des échanges de lettres, et, Martine Aubry et moi, nous nous parlons !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Vous avez raison !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Donc, quand j'ai des doutes, je
vérifie.
Le principe d'une dépense supplémentaire des départements avait été clairement
exposé pour un montant de 2,5 milliards de francs. D'ailleurs, dans son dernier
courrier, M. Puech sollicitait une contribution significative extérieure à
celle des départements, et je crois que le projet du Gouvernement y répond,
avec un apport de 5,5 milliards de francs.
En tout cas, ce que je peux dire, c'est que nous avons manifesté, et vous y
avez d'ailleurs répondu, une volonté constante de concertation avec les
départements. Ainsi, la décision que nous prenons, qui est critiquée par
certains, de laisser aux départements, comme cela paraît normal pour toutes les
raisons que j'ai dites, la responsabilité de la décision et de la distribution
de l'APA témoigne du fait que le Gouvernement a recherché une solution
équilibrée.
L'affectation d'un prélèvement comme celui de la CSG est également un point
fort pour sécuriser le financement dans l'intérêt même des départements. C'est
un financement très lisible, très sûr et qui n'est pas soumis à l'annualité
budgétaire, donc aux contraintes qui pourraient en résulter pour le financement
de la prestation.
Par conséquent, il me semble que vous devriez plutôt vous réjouir des
modalités de financement mises en oeuvre.
Vous vous êtes interrogé sur la répartition des efforts des différents
financeurs au cours de la montée en charge et en régime de croisière. C'est une
vraie question.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il manque 6,5 milliards de francs !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous en avons d'ailleurs
beaucoup débattu à l'Assemblée nationale.
Toutefois, vous avez dû noter que, dans le projet de loi, rendez-vous est
donné en 2003. Nous savons très bien que, lorsqu'une nouvelle prestation est
créée, le coût qu'elle atteindra ne se dégage pas immédiatement. Nous avons
donc mis les chiffres sur la table et nous avons dit que nos premières
estimations de dépenses et de financement étaient fondées sur une montée en
charge. En 2003, nous ferons un bilan, et je suis sûre que, du moment où nous
aurons dispensé une prestation qui répondra véritablement aux besoins des
personnes âgées, il sera impossible de revenir en arrière. Je suis persuadée
que nous saurons alors trouver le bon équilibre pour faire face aux dépenses
nécessaires en régime de croisière parce qu'il n'y aura plus, à l'égard de
cette prestation, la défiance que nous avons pu constater ces dernières
années.
A ce propos, M. Barrot, à l'Assemblée nationale, a eu l'honnêteté de
reconnaître que si, en janvier 1997 - mais c'était dans un autre contexte, un
contexte de déficit des régimes de sécurité sociale, un contexte de stagnation
économique - si, disais-je, en janvier 1997, on n'était pas allé plus loin,
c'est parce que les problèmes de financement n'avaient pas pu être résolus.
Nous entendons envoyer un signe fort en disant que les départements, ce dont
nous les remercions, et la solidarité nationale, via la CSG, financent, et
qu'une fois la preuve faite sur le terrain de l'utilité de la réponse à ces
nouveaux besoins, la collectivité nationale saura, en 2003, trouver les
financements supplémentaires.
M. Alain Joyandet.
En 2003, c'est nous qui serons au pouvoir !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
N'en soyez pas si sûr, monsieur
le sénateur, car nous ferons tout, rassurez-vous, pour être là en 2003 afin de
continuer cette grande réforme.
M. Alain Joyandet.
En 2003, c'est nous qui paierons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'il n'y a que cela qui vous
inquiète, rassurez-vous !
M. Alain Joyandet.
En général, c'est vous qui passez les commandes et c'est nous qui payons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais non ! Rassurez-vous ! Nous
saurons gagner les élections pour continuer à proposer les projets que vous
n'avez pas su engager parce que vous avez mené une politique économique qui
était à contre-sens !
M. Alain Joyandet.
C'est nous qui allons payer !
M. le président.
Mes chers collègues, la parole est à Mme le ministre, et à celle seule !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous devriez éviter de vous
montrer trop arrogants ! Ce n'est jamais une bonne chose !
Plusieurs sénateurs de l'Union centriste et du R.P.R.
C'est vous qui êtes arrogante !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais non ! Je vous réponds de
manière très détaillée, avec des éléments précis à l'appui !
M. Philippe Nogrix.
Non ! Pas du tout.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous pouvez toujours manier les
invectives, ce n'est pas ainsi que vous allez convaincre, même si cela peut
vous faire plaisir sur le moment !
M. Bernard Murat.
Et les municipales ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en viens à l'intervention de
M. Huguet, qui a souligné les avancées que représente le projet du
Gouvernement, et je l'en remercie.
Il nous a également fait part de ses préoccupations quant à sa mise en oeuvre,
et elles sont légitimes.
(Ah ! sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Vous manquez vraiment d'élégance, messieurs !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je voudrais vous dire, monsieur
le sénateur - et Mme Guinchard-Kunstler aura l'occasion de le préciser à
nouveau -, que nous sommes toutes les deux extrêmement attentives aux
conditions d'application et de mise en oeuvre de cette réforme.
Vous avez d'ailleurs très justement souligné que tous les départements n'ont
pas apporté la même réponse aux besoins des personnes âgées. Certains
départements, comme le vôtre, ont accru leurs efforts, d'autres les ont
diminués.
Vous nous demandez d'en tenir compte dans la péréquation qui sera mise en
place. Je peux vous répondre que telle est bien l'intention du Gouvernement.
Mme Claire-Lise Campion.
Très bien !
M. Philippe Nogrix.
Comment pourrez-vous le faire ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si vous m'écoutez, vous le
saurez !
(Rires.)
M. Hilaire Flandre.
Par un tour de passe-passe, simplement !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les modalités de mise en oeuvre
de la péréquation sont fondées, me semble-t-il, sur des critères objectifs et
équitables : le nombre de personnes âgées ; le potentiel fiscal, pour tenir
compte de la richesse relative de chaque département ; le nombre de
bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, pour tenir compte des coûts
sociaux que supportent certains départements. Je m'engage d'ailleurs à ce que
la combinaison de ces différents critères fasse l'objet d'une concertation
approfondie avec les départements et les instances qui les représentent,...
M. Roland Huguet.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... pour essayer de parvenir,
compte tenu de l'hétérogénéité des situations, à l'appréciation la plus
équilibrée possible - je ne dirai pas la plus exacte, car il va bien falloir
trouver un compromis entre les intérêts divergents des départements.
En tout cas, ces décisions ne seront pas prises par le seul Gouvernement. Je
l'ai dit à l'Assemblée nationale, je le redis ici, nous mènerons avec toutes
les composantes politiques une concertation sur les modalités et les critères
de répartition de ce financement.
M. Philippe Nogrix.
Il manque toujours 5,5 milliards de francs !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre,
veuillez m'excuser de prendre la parole maintenant, mais notre souci est de
faire en sorte que le dialogue entre la commission, le Sénat ou Mme
Guinchard-Kunstler et vous-même, soit le plus fécond possible.
Vers vingt heures, le rapporteur, M. Vasselle, m'a fait savoir qu'il aurait
quelques minutes de retard à la reprise de la séance. Il est bien certain que,
si nous avions pu savoir que vous répondriez dès la reprise aux orateurs qui se
sont exprimés avant la suspension de séance, il aurait fait l'impossible pour
retraverser Paris et être ici à l'heure.
Puisque nous évoquons ce problème, je note qu'une douzaine d'orateurs doivent
encore intervenir. Leur répondrez-vous ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est Mme Guinchard-Kunstler
qui leur répondra, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure.
Quant à M. Vasselle, je ne lui reproche absolument pas son retard, chacun a
ses obligations : j'ai les miennes et vous avez les vôtres.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je tenais simplement à
vous expliquer pourquoi les choses s'étaient déroulées de la sorte.
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, dès
1995, à plusieurs reprises, à cette même tribune, je disais à propos du projet
de loi instaurant une prestation d'autonomie :
« Les organisations syndicales, les associations de retraités, le mouvement
mutualiste, qui ont vu venir la situation actuelle de très loin, réclament
depuis plus de dix ans - et nous les soutenons - la création d'une véritable
prestation d'autonomie qui regroupe l'ensemble des prestations, aides et
allocations diverses et qui permette la coordination des différents
intervenants.
« Il est urgent de mettre en place cette allocation, car, selon une étude de
la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés de 1994,
près de 700 000 personnes âgées connaissent aujourd'hui des problèmes de
dépendance, et leur nombre devrait doubler dans les vingt-cinq prochaines
années. »
Dès 1995, je rappelais donc cette réalité : le vieillissement de la population
est un phénomène de société qui s'impose et s'imposera de plus en plus à
nous.
Aujourd'hui, les personnes âgées dépendantes sont plus de 800 000.
Je ne revendique nullement la paternité de ces constatations puisqu'elles
reprenaient, à l'époque, les analyses du livre noir de la PSD, signé par les
représentants des personnes âgées, des familles et des professionnels.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis, on peut lire :
« Le bilan de quatre ans d'application de la loi du 24 janvier 1997, qui a
institué la prestation spécifique dépendance, rend nécessaire une refonte
d'ensemble du dispositif de prise en charge des personnes âgées : l'accès à
cette prestation est en effet trop restrictif puisque 140 000 personnes
seulement la perçoivent à la fin de l'année 2000. » En effet, potentiellement,
300 000 personnes pourraient être attributaires de cette prestation.
Je poursuis ma citation : « Prestation insuffisante au regard des besoins pour
constituer un véritable soutien à l'autonomie, elle présente au demeurant de
très fortes disparités selon les départements. » Voilà pourquoi nous étions
opposés au projet de loi en 1997.
La majorité gouvernementale d'alors, mes chers collègues, avait pourtant fait
appliquer cette très inégalitaire PSD, caractérisée, à notre sens, par de
nombreuses incohérences et facteurs dissuasifs : des plafonds de ressources
draconiens ; un recours sur succession et donation, notamment.
Et vous voulez aujourd'hui, malgré les travers avérés de la PSD et les
critiques qui lui ont été adressées de toutes parts, transformer le dispositif
proposé par le Gouvernement en une « PSD
bis
» ! J'en veux pour preuve
le rapport de notre collègue Alain Vasselle. En effet, celui-ci, tout en
reconnaissant tardivement que la PSD était un dispositif transitoire,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ah non !
M. Guy Fischer.
J'y reviendrai, monsieur le rapporteur.
... mais en omettant l'économie de 1,4 milliard de francs réalisée par les
départements, accuse le Gouvernement de vouloir faire apparaître une rupture
ente l'APA et la PSD qui ne se justifierait pas, le bilan de cette dernière
étant jugé encourageant.
Il suffirait, selon M. Alain Vasselle et M. Michel Mercier, de modifier à la
marge le chapitre II du code de l'action sociale et des familles.
C'est là une démarche que nous désapprouvons totalement.
Après ces quelques réflexions, j'en viens aux éléments incontestablement
positifs du nouveau dispositif qui nous est proposé.
Selon le texte, l'APA devrait profiter à terme aux 800 000 personnes
concernées. Si l'on compare ce nombre aux 135 000 bénéficiaires de la PSD, on
mesure bien la volonté de toucher la plupart, sinon la quasi-totalité, des
personnes qui ont effectivement besoin d'une telle allocation.
Le barème serait fixé à l'échelle national - il serait donc plus égalitaire -
et varierait en fonction du degré de dépendance et des revenus.
Je rappelle que l'expérimentation qui avait été menée jadis dans douze
départements concernant la PSD faisait apparaître une très grande inégalité
entre eux. Notre collègue M. de Raincourt, qui a tout à l'heure véritablement «
descendu en flammes » le présent projet de loi, est pourtant l'élu d'un de ces
départements où les prestataires avaient peu à attendre.
Il convient par ailleurs de souligner la nouveauté que constitue l'admission
au sein du dispositif des personnes classées en GIR 4, c'est-à-dire moyennement
dépendantes, alors que celles-ci ne bénéficiaient pas de la PSD. C'est là une
avancée non négligeable. En vérité, la frontière qui avait été placée entre le
GIR 3 et le GIR 4 était artificielle. Or elle déterminait sans transition
l'acceptation ou le refus de la prise en charge au titre de la PSD.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Entre le GIR 4 et le GIR 5, ce sera pareil !
M. Guy Fischer.
Pardonnez-moi, mon cher collègue, mais l'intégration du GIR 4 permet tout de
même de faire progresser de manière significative le nombre de bénéficiaires
!
D'ailleurs, M. Jean-Pierre Sueur, dans son rapport, avait reconnu le caractère
largement artificiel de cette frontière, sur laquelle les départements avaient
pu jouer.
Cela dit, monsieur Mercier, vous avez, dans le département du Rhône, vous-même
réparé l'erreur que vous aviez commise à la Haute Assemblée en modifiant le
dispositif à plusieurs reprises, je suis là pour en témoigner.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Monsieur Fischer, me permettez-vous de vous
interrompre ?
M. Guy Fischer.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, avec l'autorisation de
l'orateur.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Puisque M. Fischer a l'amabilité de me laisser
l'interrompre, je voudrais, avant de commenter les propos qu'il vient de tenir,
en profiter pour répondre à Mme la ministre.
Les départements ne peuvent pas être mis en permanence en accusation dans
cette affaire. La décentralisation implique certaines règles, telle celle qui
doit conduire à traiter chaque situation en fonction des conditions locales.
Or, ici, on est en train - et c'est peut-être judicieux - de faire gérer par
une collectivité locale une prestation qui est, dans son économie générale, une
prestation nationale.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Bien sûr !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Là réside le changement.
La critique que nous avons formulée tout à l'heure porte essentiellement sur
le fait que le financement n'est pas assuré.
M. Charles Revet.
Comme toujours !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je vous remercie, madame le ministre, de l'avoir
dit très clairement en faisant les additions. Vous avez en effet admis que, si
tout était là pour 2002, il manquait beaucoup pour après. Je pense, moi, que le
compte n'y est pas tout à fait pour 2002 et qu'il manquera effectivement
beaucoup pour après.
M. Charles Revet.
Voilà !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Nous souhaitons donc que, dans le débat qui va
s'ouvrir, le Gouvernement accepte de travailler avec le Sénat pour rendre
pérenne un financement qui ne serait pas supporté uniquement par les
départements.
Il est clair, en effet, que les impôts départementaux ne peuvent pas fournir
17 milliards de francs d'un coup de baguette magique. Or c'est ce qui leur est
demandé !
M. Fischer a dit que j'avais modifié les conditions d'application de la loi
dans notre département...
M. Guy Fischer.
Que vous les aviez améliorées !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
... et Mme la ministre avait dit que j'avais
largement négocié avec le ministère. En fait, j'ai négocié un peu et puis j'ai
eu la chance ou la malchance de ne plus pouvoir participer aux négociations.
Je n'ai donc pas participé aux négociations sur l'APA. Je suis solidaire de ce
que peuvent faire mes collègues membres de l'Assemblée des départements de
France, mais je ne suis pas engagé par leur vote.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
indépendants.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Je suis heureux d'avoir permis à M. le rapporteur pour avis d'apporter ces
éléments.
Lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, les amendements et les
engagements du Gouvernement ont permis de réaliser des progrès sensibles.
Ainsi, le recours sur succession, principal écueil du dispositif, a été
supprimé.
M. Philippe Nogrix.
Ce n'est pas le Gouvernement qui l'a supprimé !
M. Guy Fischer.
Certes, l'amendement était d'origine parlementaire, mais le Gouvernement ne
s'y est pas opposé et n'a pas invoqué l'article 40.
M. Philippe Nogrix.
Mais ce n'etait pas une proposition du Gouvernement !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Le Gouvernement l'a tout de même acceptée.
M. Guy Fischer.
J'accueille avec d'autant plus de satisfaction cette avancée que je m'étais,
d'emblée, opposé à une mesure dont le pouvoir de dissuasion est considérable.
La barre des 300 000 francs faisait tomber le couperet trop souvent et les
familles touchées étaient modestes. C'étaient souvent les économies d'une vie,
un petit patrimoine qui étaient en cause. Admettez que de nombreuses familles
ne demandaient pas la prestation spécifique dépendance de peur de voir un
patrimoine somme toute très modeste récupéré dès le premier franc. Croyez-moi,
j'en ai vu de nombreux exemples.
Nous allons maintenant devoir examiner la situation des personnes handicapées.
Nous attendons, madame la ministre, une prise de position de votre part. En
effet, lors du débat sur le projet de loi de modernisation sociale, vous nous
avez renvoyé à la discussion du présent texte. Les handicapés ne comprendraient
pas que l'on exonère l'APA de tout recours sur succession, ce qui nous paraît
logique, puisque cette allocation sort du champ de l'aide sociale, et qu'on
maintienne le recours en cas de retour à meilleure fortune.
Par ailleurs, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est engagé à
généraliser l'attribution de l'APL en établissement pour diminuer le coût de
l'hébergement.
Bien entendu, même si la grille AGGIR apparaît aujourd'hui comme le référent,
peut-être faudra-t-il l'adapter, de manière à mieux prendre en compte les
besoins réels.
De même, il conviendrait que l'effet de seuil lié à la CMU soit réexaminé pour
faciliter l'accès à une couverture complémentaire.
Enfin, l'ouverture d'une enveloppe de 500 millions de francs consacrée à la
formation des aides à domicile pourra être multipliée par deux en fonction des
besoins constatés. L'amendement adopté a permis de pérenniser le fonds de
modernisation destiné à cette profession.
Lorsque notre collègue rapporteur fustige les « coûts masqués » de la réforme,
il ne craint pas la contradiction !
En effet, la majorité sénatoriale réclame constamment l'augmentation du
soutien financier accordé à l'aide à domicile ; c'est un véritable
leitmotiv
!
Mais cela n'empêche pas M. Vasselle de reprocher au Gouvernement la
création de ce fonds destiné à la modernisation et à la professionnalisation de
l'aide à domicile.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Comment est-il financé ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est le financement qui est contesté, cher collègue !
M. Guy Fischer.
Est-il permis de douter qu'il soit fondamental de mettre au coeur de cette
réforme les personnels qui vont précisément, sur le terrain, rendre aux
personnes dépendantes un service essentiel tant sur le plan des soins que sur
celui de l'accompagnement, aussi bien à domicile qu'en établissement ?
Je voudrais à présent pointer certaines lacunes et faire des propositions
constructives pour améliorer ce texte.
En effet, malgré un progrès certain, celui-ci ne va pas aussi loin que ce qui
est réclamé par les associations et les syndicats de retraités ou les
gestionnaires d'établissement.
J'ai pris soin de les écouter, comme vous toutes et vous tous, et je partage
largement leurs inquiétudes.
La question fondamentale me semble bien être de savoir si, oui ou non, nous
voulons considérer la dépendance comme une pathologie, justifiant son
inscription dans le dispositif des risques prévus par la sécurité sociale. Pour
notre part, nous nous prononçons pour une intégration dans la branche
maladie.
Je m'appuierai sur le rapport de M. Pascal Terrasse, qui énonce que l'APA
correspond à un besoin social nouveau qui exige qu'il soit fait appel à la
solidarité nationale. Avec la proposition que nous formulons, la solidarité
nationale pourra pleinement s'exprimer.
Nous ne pouvons que déplorer - et c'est le point majeur de divergence entre
nous - que la prestation demeure gérée par les conseils généraux, même si c'est
en coopération avec les organismes de sécurité sociale. Ainsi, la notion de
subsidiarité est maintenue. Nous sommes donc encore en partie dans la logique
de l'action sociale, et non dans celle de la véritable solidarité nationale au
sens où nous l'entendons.
Même si nous comprenons la nécessité d'aller par étapes vers cette prestation
universelle - et nous reconnaissons qu'est établie pour la première fois une
prestation universelle - nous aurions cependant apprécié que la « clause de
rendez-vous » introduite dans ce projet de loi garantisse la volonté du
Gouvernement d'aller jusqu'au bout de sa volonté de traiter dignement,
globalement et sur le long terme, l'importante question de la dépendance.
Nous aurions également souhaité que l'arbitraire limite d'âge soit supprimée.
En effet, pourquoi perpétuer une telle inégalité, alors que, nous le savons, on
peut devenir dépendant à tout âge, à la suite d'une maladie, ou d'un accident
?
J'aurai l'occasion de revenir sur ces deux points particulièrement importants
lorsque je présenterai nos amendements visant à instituer une véritable
prestation de sécurité sociale.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Comme M. de Raincourt !
M. Guy Fischer.
Examinons à présent les lacunes qui nous inquiètent le plus.
Les nouveaux tarifs ne valent que pour les personnes maintenues à domicile.
Pour celles qui sont hébergées en établissement, ils seraient réduits de
manière à couvrir seulement la part dépendance. Le décret réformant la
tarification des établissements - décret qui vient de paraître, alors qu'il est
issu de la loi instituant la PSD, laquelle est sur le point d'être abrogée ! -
va distinguer trois domaines : les soins, l'hébergement et la dépendance. Les
solutions retenues contribuent donc, selon nous - mais nous ne demandons qu'à
être convaincus du contraire - à maintenir une certaine inégalité de traitement
entre domicile et établissement, inégalité que l'ensemble des organisations et
gestionnaires d'établissement a toujours rejetée.
La justice voudrait en effet que l'on revienne à une tarification binaire et
que l'APA soit versée aux établissements sous forme de dotation globale. Ce
point fait l'objet d'un débat. Un amendement a été déposé par M. Méhaignerie.
Nous sommes prêts à partager une certaine vision des choses. Nous y reviendrons
lors de la discussion des articles.
En tout cas, nous souhaitons vivement que les familles et les établissements
accueillent favorablement cette réforme.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Et les contribuables ?
M. Guy Fischer.
Mais, là encore, il faut convaincre. En vérité, nous attendons plus de
transparence et de lisibilité, car nous ne voudrions pas que les familles
soient confrontées à des charges qu'elles ne pourraient maîtriser, donc à des
augmentations sensibles, et que la situation des établissements devienne plus
difficile, voire précaire. D'ailleurs, il faut construire des établissements
car, eu égard aux longues listes d'attente qui sont recensées, un grand nombre
de besoins ne sont pas satisfaits.
En matière de qualification du personnel, il me semble que le texte devrait
préciser la notion de qualité des intervenants, en privilégiant des
professionnels qualifiés encadrés par des services prestataires dûment agréés,
afin de garantir une qualité d'accompagnement, ce qui n'est pas toujours le cas
dans les situations de gré à gré.
Enfin, un volet me semble cruellement manquer au chapitre des personnels ; il
s'agit des établissements. Même si l'on entend privilégier le maintien à
domicile, il est bien évident que l'augmentation de la longévité s'accompagnera
inéluctablement de pathologies plus lourdes en matière de dépendance. Pour ces
personnes-là, il conviendrait, dès à présent, de prévoir la montée en charge
d'une augmentation significative de personnels formés à l'accompagnement dans
les établissements. Certes, le Gouvernement propose 6 milliards de francs sur 5
ans. Mais une part de cette somme insuffisante risque fort de servir non pas à
créer des emplois nouveaux, mais à diminuer les tarifs fixés par les
départements.
Par ailleurs, le tarif dépendance des établissements sous-estime notoirement
les besoins d'aide. Il en résulte deux conséquences : inégalité entre
établissements et domicile, ce qui est une entrave au libre choix, et maintien
de moyens notoirement insuffisants, notamment en personnels travaillant dans
les établissements.
Dans le même esprit, il conviendrait d'élaborer un plan d'aide individuel,
valable également pour le domicile et l'établissement, et de veiller à la
présence au sein des instances, de représentants de professionnels et de
retraités, ainsi que de représentants des services d'aide à domicile. C'est, à
mon avis, dans ce sens que la grille AGGIR devrait pouvoir être remplacée, tout
au moins mise à jour, pour devenir un outil de mesure plus fin et plus
approprié aux conditions de vie sociale des personnes, quel que soit leur degré
de dépendance.
Tout cela nous amène, bien sûr, à la question du financement.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Ah !
M. Guy Fischer.
Nous craignons, en effet, que le budget prévu ne soit très rapidement
insuffisant eu égard aux besoins : le projet de loi prévoit de laisser 11
milliards de francs à la charge des départements, avec un mécanisme de
péréquation selon leur richesse, de prélever 5 milliards de francs sur les
recettes de CSG et de faire contribuer à hauteur de 500 millions de francs les
caisses de sécurité sociale. Nous demandons à être convaincus, madame la
ministre. Qu'en sera-t-il après 2003 ? A cette époque, le coût de la mesure
devrait en effet atteindre 23 milliards de francs.
A fortiori,
si l'on s'oriente vers un financement par la solidarité
nationale - bien que, madame la ministre, vous ne soyez pas encore convaincue
d'une telle nécessité, même si, tout à l'heure, vous avez pratiquement parlé de
cinquième risque, ce qui nous semble un point capital - il faudra se donner des
moyens beaucoup plus importants.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il faudra une cotisation !
M. Guy Fischer.
C'est précisément ce que nous ne voulons pas !
Un traitement de la dépendance digne de ce nom en France comporte, bien
entendu, un coût. Si l'on prend l'exemple de l'Allemagne, où plus de 110
milliards de francs sont consacrés à la dépendance on mesure mieux le chemin
qu'il nous reste à parcourir.
S'agissant des choix qui ont été faits en matière de financement, vous n'êtes
pas sans savoir, madame la ministre, que nous ne les partageons pas. Cette
année, la CSG a engendré des rentrées intéressantes. Qu'en sera-t-il demain, en
année pleine ?
Avec force, nous défendrons un amendement visant à augmenter le taux de CSG
sur les produits de placements et les revenus du patrimoine.
Mais, au fond, la solution consiste non pas, comme le propose la commission
des finances, à augmenter la dotation globale de fonctionnement, mais bel et
bien à instituer une prestation sécurité sociale financée par la solidarité
nationale, non par les seuls salariés mais également par les employeurs.
Pour augmenter de façon significative les ressources de la protection sociale,
pourquoi ne pas tout simplement aller jusqu'au bout de la réforme des
cotisations sociales, que nous appelons de nos voeux, en modulant notamment ces
dernières en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée ?
La majorité sénatoriale, par un véritable subterfuge, oublie pour un instant
son leitmotiv favori, à savoir la baisse des prélèvements sociaux, et n'hésite
pas à demander, voire à revendiquer, un nouveau concours de l'Etat. Elle
préfère encenser, embaumer son enfant, la PSD, qui n'avait pu grandir faute
d'ambition.
Quoi qu'il en soit, excepté ce débat sur le financement, le texte est
globalement perçu comme une avancée importante.
Au regard des amendements présentés par la commission des affaires sociales et
par la commission des finances, et de tous ceux que nous découvrirons
demain,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Dont ceux du Gouvernement !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Et ceux du groupe communiste républicain et citoyen
!
M. Guy Fischer.
... je doute fort que le dispositif dont nous avons montré tout l'intérêt mais
aussi les limites puisse être amélioré, contrairement à ce qui s'est passé à
l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, autrefois, les générations se succédaient ; désormais, elles
cohabitent. Chaque génération voit son passé et son avenir s'allonger.
Cette évolution démographique vers un vieillissement de la population
française, mais aussi européenne, est un défi pour notre société. Défi, dans le
sens où nous devons maintenir les liens entre les générations, afin que cette
cohabitation soit une chance pour le renforcement de la cohésion sociale. La
vieillesse ne doit plus être vécue comme un amoindrissement, comme une angoisse
par les personnes, ni même comme un sacrifice par les familles.
Il n'y a pas si longtemps encore, seul le dévouement, le renoncement à une vie
professionnelle de la femme, de la fille ou de la belle-fille permettaient aux
parents âgés en perte d'autonomie de rester chez eux. C'est dans ce contexte
que les questions du rôle des aînés et de la place que notre société est prête
à leur laisser doivent être posées.
De rapports oubliés en projet de loi avorté, le Parlement a adopté, le 24
janvier 1997, un dispositif imparfait : la prestation spécifique dépendance -
nous en avons longuement parlé ce soir - dont nous savions déjà à l'époque
qu'elle serait vécue comme un recul, et cela s'est, hélas ! confirmé.
D'un montant inférieur à l'allocation compensatrice pour tierce personne, la
prestation spécifique dépendance a, en outre, l'inconvénient de poser des
conditions de ressources trop restrictives et d'être inégalement répartie, en
raison des disparités financières entre les départements. A cela s'ajoutent les
difficultés qui résultent du classement des personnes, selon les groupes
iso-ressource. Enfin, bien sûr, les récupérations sur les successions et les
donations ont largement contribué à détourner de nombreuses personnes du
bénéfice de cette aide.
Personne ne regrettera donc la disparition de cette prestation, qui a engendré
déception et insatisfaction. Les chiffres sont là pour nous en convaincre : à
ce jour, 135 000 personnes perçoivent la prestation spécifique dépendance et 40
000 l'allocation compensatrice pour tierce personne, alors que le nombre de
personnes âgées en perte d'autonomie, nécessitant une assistance permanente ou
régulière, est estimé à environ 800 000, comme cela a été dit à plusieurs
reprises.
Le projet de loi mettant en place une aide personnalisée à l'autonomie, que
vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, madame la secrétaire
d'Etat, est une avancée majeure et attendue, qu'il convient de saluer.
Je me réjouis donc de constater que cette nouvelle prise en charge de la
dépendance est réellement un droit universel, objectif et personnalisé. En
effet, l'absence de plafond de ressources et la fixation d'un barème national,
dont l'objet est de remédier aux disparités dues à la liberté laissée aux
conseils généraux, instaurent une équité de traitement pour tous les
bénéficiaires.
Le montant de la prestation sera modulé en fonction du degré de perte
d'autonomie et du niveau de ressources, et prendra en compte la diversité des
besoins, ce dont je me félicite.
Enfin, cette prestation, par son montant, donne et reconnaît enfin le droit à
nos aînés et à leur famille de choisir véritablement les modalités d'aide les
mieux à même de leur convenir.
Je regrette pourtant le maintien de la ségrégation par l'âge. En refusant de
supprimer cette barrière, nous maintenons un dispositif qui a montré ses
limites. Nous savons que, dans un avenir proche, de nombreuses personnes de
moins de soixante ans risquent d'être touchées par des maladies dégénératives
et qu'il sera nécessaire de trouver de meilleures réponses à leurs besoins.
Les orientations de la politique sociale européenne ont pris conscience de ces
risques et vont également vers la suppression de ce critère d'âge. Certains
pays européens l'ont d'ailleurs déjà écarté. La France ne pourra donc, à terme,
maintenir une telle position. Comment en effet justifier une différence de
prise en charge, par exemple, entre le jeune handicapé et celui qui est âgé de
soixante ans ou plus, différence déjà introduite, ne l'oublions pas, par la
prestation spécifique dépendance ?
Si, comme certains l'ont regretté, l'allocation personnalisée d'autonomie
n'est pas, en tant que telle, la reconnaissance d'un cinquième risque, elle y
concourt. L'importance de l'événement ne doit pas, en effet, être sous-estimée.
Depuis les ordonnances de 1946, créant les quatre branches de la sécurité
sociale, les grandes réformes instaurant un nouveau droit social sont
exceptionnelles. Je les rappelle : 1958, l'assurance chômage ; 1971, le droit à
la formation professionnelle ; 1988, le revenu minimum d'insertion. La retraite
à soixante ans, en 1982, ou la CMU, en 1999, progrès sociaux majeurs, ont, pour
leur part, étendu des droits existants.
L'allocation personnalisée d'autonomie est une étape supplémentaire vers la
reconnaissance d'un cinquième risque ; elle en a les caractéristiques
principales, et en cela elle constitue une avancée sociale.
Cette nouvelle allocation combine l'avantage d'être une prestation quasiment
légale, dès lors que l'on a supprimé l'obligation alimentaire et le recours sur
succession, et l'avantage d'avoir une gestion de proximité, assurée par les
départements, en association avec les caisses de retraite, dont le savoir-faire
est incontestable dans le domaine de la coordination gérontologique.
La mise en oeuvre réelle et efficace de l'aide aux personnes dépendantes me
paraît, à ce jour, plus importante que la réflexion sur la création d'un
cinquième risque.
Nombre de mes collègues ont parlé du coût de ce nouveau droit. Pour ma part,
je m'attacherai à développer la mise en oeuvre de cette allocation et les
bénéfices qu'en retireront les personnes concernées.
La prise en charge de tous les aspects de la dépendance me paraît majeure. En
cela, la collaboration entre les départements et les services des caisses de
retraite est essentielle. Elle permettra l'établissement de plans
personnalisés, suffisamment globaux, pour prendre en charge les dépenses liées
aux personnels, à l'accueil et aux aides techniques, mais aussi à l'adaptation
du logement. Ces plans tiendront compte de chaque situation particulière en
fonction de l'environnement, du handicap, de l'entourage, ce qui rendra
possible une adaptation au cas par cas des aides apportées.
L'allocation personnalisée d'autonomie permettra ainsi une meilleure
solvabilité des personnes vieillissantes, ce qui facilitera le recours à une
tierce personne, condition de leur maintien à domicile. Cela me paraît
essentiel.
Par ailleurs, je suis très soucieuse de la qualité de l'aide qui sera apportée
à ces personnes et, par là même, de la qualification des personnels qui
participeront à ce maintien à domicile.
Je suis, pour ma part, favorable au recours à un organisme agréé de service
d'aide à domicile, dans le cadre d'une activité prestataire. Selon moi, le
contrat de gré à gré doit, quant à lui, être assorti d'un véritable
encadrement, voire d'une formation minimale et d'un contrôle, afin de garantir
une prestation de qualité.
L'aide à domicile apportée pour le maintien d'une personne en perte
d'autonomie dépasse largement le concept - je vous prie d'excuser le mot un peu
provocateur - de « gardiennage » ; elle exige, au contraire, des qualités
techniques de soin mais aussi d'écoute et d'observation que seule une formation
permet d'acquérir.
La qualité des aides et des soins apportés aux personnes âgées dépendantes
doit donc être une préoccupation constante : à cet égard, nous serons très
attentifs au contenu des décrets d'application.
Des moyens financiers considérables vont être alloués au maintien à domicile,
en faisant appel en partie à la solidarité nationale, ce qui me paraît
inévitable, et même souhaitable, dans le contexte démographique qui est le
nôtre et que j'ai rappelé précédemment.
Il ne faudrait cependant pas que cette avancée sociale soit compromise par un
déficit non pas financier, mais matériel ou humain.
Les associations rencontrent aujourd'hui - nous le savons tous - de sérieuses
difficultés de recrutement, en grande partie pour des raisons liées aux
carences statutaires et salariales.
Le maintien à domicile doit être considéré comme un gisement d'emplois et doit
donc bénéficier de programmes de formation, ainsi que d'une revalorisation
statutaire et salariale de ces professions.
L'allocation personnalisée d'autonomie doit être en cela une chance de
reconsidérer le champ de l'aide à domicile en redonnant un sens aux actions de
ce secteur. J'espère à ce titre obtenir de votre part, madame la ministre,
madame la secrétaire d'Etat, l'assurance que des décisions allant dans cette
direction seront prises.
Selon les statistiques de l'INSEE, en 2020, le nombre de personnes dépendantes
s'élèvera à environ 3 millions, dont 600 000 seront atteintes de la maladie
d'Alzheimer ou de maladies apparentées.
Il est dommageable que la prévention des risques ne soit pas davantage prise
en compte dans ce texte.
Ces statistiques mettent également en évidence que, si le maintien à domicile
peut être une solution, nous aurions tort de minimiser le rôle fondamental des
établissements spécialisés.
A ce titre, la différence entre les prestations servies pour le maintien à
domicile et celles qui sont prévues pour le placement en établissement me
paraît encore trop importante. C'est pourquoi je me réjouis de l'initiative de
l'Assemblée nationale, qui a adopté un amendement de son rapporteur, Pascal
Terrasse, visant à garantir une égalité de traitement entre aide à domicile et
hébergement en établissement, majorant pour ce faire la déduction fiscale pour
les dépenses d'hébergement en établissement, en portant son taux de 25 % à 50
%.
Le Gouvernement nous donne l'occasion par ce texte d'offrir aux personnes
vieillissantes une fin de vie digne. L'allocation d'autonomie personnalisée
sera, à mon sens, une véritable réussite en tant que point de départ vers la
construction d'une politique du vieillissement, en lien avec celle du
handicap.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, vous nous avez fait part de
votre volonté de progrès social. Je souhaite vous assurer de tout mon soutien.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la prise en charge de la dépendance est un enjeu majeur pour
notre société. En 1900, 40 % des Français atteignaient l'âge de soixante-cinq
ans. Aujourd'hui, ils sont 80 %.
Dans mon département, la Corrèze, 28 % de la population a plus de soixante
ans. Nous devons offrir à ces personnes la même qualité de vie qu'à l'ensemble
de la population. En effet, préserver la cohésion sociale, c'est aussi
maintenir le lien entre les générations. Cela implique que nous soyons
attentifs aux besoins des personnes âgées qui ne sont pas totalement autonomes
dans les actes essentiels de la vie quotidienne.
La loi de 1997 créant la prestation spécifique dépendance a constitué une
première étape importante dans la satisfaction des besoins des personnes âgées.
Cette loi visait à répondre aux besoins des personnes âgées dépendantes en
axant cette nouvelle prestation sur les plus dépendants et les plus démunis. Il
s'agissait d'une première étape dont nous admettons tous qu'elle comportait
certaines insuffisances ; mais c'était un progrès, et il était clairement posé
que ce dispositif était transitoire, dans l'attente d'une amélioration de la
situation économique et financière de la France.
La PSD était, certes, une étape perfectible, mais elle était surtout une étape
essentielle dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes. En effet,
grâce à elle, et pour la première fois dans notre histoire, était créé un
dispositif spécialement adapté à la prise en charge de la dépendance. On
apportait ainsi une première réponse aux familles en plein désarroi.
Par ailleurs, je constate que le bilan quantitatif de la PSD est encourageant
puisque le nombre des bénéficiaires est en croissance continue.
A la fin de l'année 2000, 140 000 personnes âgées de plus de soixante ans
percevaient la PSD. Au total, depuis la création de cette prestation, 300 000
demandes ont reçu une réponse favorable des conseils généraux. Par ailleurs, 75
% des conseils généraux versent une prestation comprise entre 3 000 et 4 500
francs.
Aujourd'hui, le Gouvernement soumet à notre examen un projet de loi relatif à
la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à
l'allocation personnalisée d'autonomie.
En préambule, le Gouvernement rappelle à la nation, comme pour mieux s'en
convaincre lui-même, que la PSD, mise en place par un gouvernement de droite,
est inadaptée et sans effectivité pour une véritable prise en charge de
l'autonomie des personnes âgées.
Madame la ministre, lors de l'examen de votre projet de loi par l'Assemblée
nationale, vous avez déclaré que, en améliorant considérablement la vie
quotidienne des personnes âgées, ce texte constituera une avancée majeure et
une vraie rupture par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
Alors, comment pouvez-vous expliquer que le dispositif de l'allocation
personnalisée d'autonomie soit
grosso modo
identique à celui qui avait
été retenu pour la PSD ? En effet, comme la PSD, l'allocation personnalisée
d'autonomie est une prestation en nature versée par les départements. Comme
pour la PSD, le montant de l'allocation personnalisée d'autonomie versée à
domicile est fonction des besoins de la personne tels que définis dans un plan
d'aide, ce dernier demeurant établi par l'équipe médico-sociale du
département.
En fait, le dispositif de l'APA n'innove que sur deux points.
Tout d'abord, ce dispositif devrait être uniforme puisqu'il est fondé sur un
barème national. Or il me semble délicat, voire impossible, de donner à cette
prestation un caractère totalement égalitaire. En effet, le plan d'aide retenu
variera nécessairement en fonction à la fois des équipes médico-sociales de
chaque département, des établissements et des degrés d'autonomie.
Aussi, une nouvelle fois, le Gouvernement avance des concepts généreux qui
donneront lieu à des réveils douloureux. Pour s'en convaincre, il suffit de se
remémorer nos débats sur la couverture maladie universelle. Mme Martine Aubry
nous annonçait la disparition de l'exclusion en France. Deux ans plus tard,
qu'en est-il ? Tous les maires savent que l'exclusion s'est considérablement
aggravée dans chaque commune. De plus, avec l'application de la CMU, certaines
personnes défavorisées ont vu leurs ressources décroître. Ainsi, les personnes
qui perçoivent l'allocation aux adultes handicapés ne peuvent plus bénéficier
de l'aide médicale gratuite puisque leurs ressources sont légèrement
supérieures au plafond fixé par la CMU, soit 3 500 francs.
L'autre innovation de l'APA consiste à retenir les personnes classées en GIR
4. Ainsi, l'APA peut être considérée comme plus généreuse que la PSD. Mais
encore faudrait-il que l'APA s'accompagne d'un financement spécifique, sûr et
pérenne. Or tel n'est pas le cas.
Je ne reviendrai pas sur la question du financement de l'APA, qui a largement
été évoquée par nos collègues Alain Vasselle et Louis de Broissia. Je remarque
seulement, d'une part, que l'Etat est absent dans le financement de l'APA et,
d'autre part, que l'APA n'est plus financée dès 2003, selon les chiffres
affichés par le Gouvernement.
Enfin, à la lecture de ce projet de loi, je m'interroge sur deux autres
points.
Quelle place l'APA fait-elle aux centres locaux d'information et de
coordination gérontologique ?
Depuis le début de l'année, j'ai créé dans ma commune de Brive-la-Gaillarde un
tel centre pour améliorer l'aide aux personnes en perte d'autonomie. Cette
structure constitue le lieu unique regroupant les services de maintien à
domicile. Aussi, il me paraît étonnant que ces structures ne soient pas
associées, dans ce projet de loi, à la prise en charge de l'autonomie des
personnes âgées, alors que la logique voudrait qu'elles soient pleinement
intégrées à ce dispositif.
De même, je note que l'augmentation du nombre des bénéficiaires potentiels de
la nouvelle allocation ne s'accompagnera pas d'un soutien des associations
d'aide à domicile.
Comme vous le savez tous, mes chers collègues, les associations d'aide à
domicile jouent un rôle capital dans la prise en charge des personnes âgées
dépendantes. Or, depuis quelques années, elles traversent une période très
difficile. Le Gouvernement a augmenté leurs charges financières, d'une part, en
supprimant l'exonération de charges sociales dont elles bénéficiaient pour
l'emploi de personnes à contrat à durée déterminée et, d'autre part, en ne
finançant pas le passage aux 35 heures dans ces structures, comme c'est
d'ailleurs le cas dans l'ensemble des collectivités locales.
Or, comme vous le savez, les tarifs des associations d'aide à domicile sont
fixés conventionnellement. Ces associations n'ont donc aucune marge de
manoeuvre pour assurer leur équilibre financier. Et, aujourd'hui, le
Gouvernement va augmenter les bénéficiaires potentiels de la nouvelle
allocation, alors que ces associations sont incapables - et j'insiste sur ce
mot - de répondre à la demande d'aide en forte hausse.
Par ailleurs, le développement du maintien à domicile dans toutes ses
composantes - habitat, santé, social - de manière à aller vers une
hospitalisation à domicile constitue, à mes yeux, un élément capital.
L'hospitalisation à domicile, d'une part, permettrait d'améliorer la qualité
de la vie des personnes âgées, la cohésion sociale au sein de la cellule
familiale, et, d'autre part, serait moins coûteuse pour les finances sociales
que l'hospitalisation dans un établissement public ou privé : je n'en veux pour
preuve que le coût d'un lit d'hôpital qui, en moyenne, s'élève à 2 500 francs
par jour, alors que le coût d'un lit à domicile est, en moyenne, de 1 000
francs par jour.
Aussi, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, il me paraît urgent
que le Gouvernement réexamine sa politique envers les associations d'aide à
domicile.
Nous avons tous conscience de l'importance majeure de ce débat car il y va du
bonheur et de la dignité de nos vieux parents, que nous chérissons. Mais c'est
aussi l'honneur d'une démocratie d'assurer à cette population, à qui nous
devons tout, une fin de vie qui soit citoyenne.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, il existe un certain
consensus sur les principes qui gouvernent l'allocation personnalisée
d'autonomie puisque, sous couvert d'une révolution sociale, vous reprenez un
dispositif quasi similaire à celui de la PSD. Vous ne faites qu'élargir le
nombre des bénéficiaires, conformément à ce dont nous étions tous convenus lors
de l'adoption de la loi de 1997 ; mais nous vous en donnons acte.
C'est pourquoi je voterai le texte tel que modifié par la commission des
affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, dans notre pays, comme dans toute l'Europe, l'espérance de vie
ne cesse de croître, et c'est une chance dont nous sommes tous heureux : les
générations passées n'ont pas eu le bonheur de pouvoir vivre aussi longtemps
que vivent les générations actuelles et que vivront, j'espère, les générations
futures.
Mais nous savons aussi que ce bouleversement de la pyramide des âges
s'accompagne de véritables défis à relever.
L'un d'eux, particulièrement aigu, est le financement de nos retraites. La
solution préconisée est celle de la mise en place d'un fonds de réserve des
retraites financé, notamment, par les excédents du fonds de solidarité
vieillesse. Je ne reprendrai pas le débat. Je note simplement que le fait de
vider ce fonds de 50 milliards de francs en trois ans aboutit à le rendre
quasiment moribond. Le débat est donc repoussé, et ce sont les générations
futures qui auront à trouver des solutions.
Un autre défi est celui du bien-être et de la dignité des personnes âgées
dépendantes. Je me réjouis, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat,
que le Gouvernement ait inscrit à l'ordre du jour du Parlement le chantier de
l'allocation personnalisée d'autonomie afin de mieux répondre aux attentes
légitimes des personnes âgées et de leur famille.
Je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont déjà été excellemment
développés par les orateurs précédents, notamment par M. le rapporteur et M. le
rapporteur pour avis. Je limiterai donc mon intervention à trois
observations.
Tout d'abord, je voudrais rappeler que la prestation spécifique dépendance,
souvent vilipendée, voit ses principes fondamentaux reconduits dans la nouvelle
allocation. Il s'agit à nouveau d'une prestation en nature versée aux personnes
hébergées en établissements ou maintenues à domicile et qui tient compte à la
fois des ressources et du degré de dépendance des personnes âgées.
Fallait-il, à partir de là, critiquer cette mesure, comme cela a été fait,
parce qu'elle ne prévoit pas le versement de cette prestation à tous ceux qui
auraient souhaité la percevoir ? L'objectif est-il de dépenser à tout prix le
maximum ? Je n'en suis pas sûr !
A mon avis, l'objectif doit rester le versement de cette prestation à ceux qui
en ont véritablement besoin. S'il en faut 600 000 ou 800 000, ce sera 600 000
ou 800 000 ! Mais on peut se demander si l'on n'est pas allé parfois un peut
vite en besogne.
Néanmoins, le passage de la PSD à l'APA permettrait d'apporter des
améliorations ainsi, le versement de l'allocation pour des handicaps légers
constituerait, pour de nombreuses familles, un progrès substantiel.
De la même façon, le maintien de la prestation malgré des niveaux de
ressources plus élevés marque une avancée. La suppression de la barrière
psychologique de la récupération sur succession permettra à de nouveaux
bénéficiaires de formuler des demandes sans arrière-pensées. Enfin, une autre
amélioration a trait à la formation des intervenants à domicile.
Toutes ces mesures devraient se traduire par une augmentation substantielle du
nombre des bénéficiaires, qui passerait de 135 000 à 800 000. Chacun d'entre
nous aura établi les ratios qui s'imposent pour son département, car - et c'est
là que le bât blesse - il existe des conséquences financières qui,
malheureusement, ne laissent pas de vous étonner.
En effet, si je reprends ce qui a déjà été dit, je constate que, dès 2002, et
sans parler de la suite, les conseils généraux seront amenés à contribuer à
hauteur de plus de 5 milliards de francs sur fonds propres, sans compensation
de l'Etat. Or nous savons tous combien les marges fiscales des départements ont
été rognées, ces dernières années, par des mesures gouvernementales
successives. L'inscription presque d'office de ces dépenses nouvelles met les
conseils généraux en état de dépendance aggravée.
Si l'uniformisation des allocations est établie, au plan national, pour
répondre à un souci d'universalité, si les principes sont arrêtés par l'Etat,
si l'attribution se fait de façon quasiment automatique, on peut se demander
dans quelle mesure les conseils généraux ne sont pas assimilés à des services
déconcentrés de l'Etat. Il s'agit là d'une démarche bien peu respectueuse de
l'esprit de la décentralisation, où l'Etat finance sa promotion avec les moyens
des collectivités.
Sans doute me dira-t-on que j'exagère. Si peu ! Je prendrai un exemple pour
illustrer mon propos : le 18 mai prochain, Mme Guinchard-Kunstler, secrétaire
d'Etat, dirigera à Strasbourg une réunion sur le bilan de la PSD et sur les
perspectives de l'APA dans le Bas-Rhin. Vu le rôle que le département est amené
à jouer - c'était du moins ce que j'avais cru comprendre - on aurait pu
imaginer que cette manifestation serait, pour le moins, organisée de façon
conjointe. Mais non, le président du conseil général, qui est pourtant,
semble-t-il, un acteur essentiel, a été informé de cette initiative de manière
tardive et annexe !
Cette façon de procéder est tout à fait révélatrice de l'état d'esprit qui
prévaut aujourd'hui au sein du Gouvernement, en dépit de toutes les assurances
qui nous sont données aujourd'hui.
Je conclurai mon propos en évoquant l'approche globale.
A cet égard, on a beaucoup parlé du cinquième risque : nous le savons tous, le
problème du veillissement de la population, avec ses nombreux corollaires, ne
pourra être résolu par le biais de solutions timides ou partisanes. Il est donc
nécessaire d'opérer une véritable mutation, un changement d'état d'esprit quant
à la prise en considération de la personne âgée dans la cité.
Ainsi, l'urbanisme, l'architecture, l'organisation de la vie culturelle,
sportive, économique et sociale sont à repenser l'implantation des immeubles,
leur agencement, la conception des logements, la réalisation de la voirie,
l'organisation des transports en commun, le rôle et le fonctionnement des
associations doivent tenir compte de la personne âgée dépendante.
Je crois qu'il est absolument nécessaire de placer la personne âgée au coeur
de nos préoccupations et d'organiser la cité en fonction de ses besoins, et non
pas en fonction de nos priorités actuelles.
Comme vous le voyez, nous sommes encore loin de cette approche globale,
pourtant souvent déjà retenue à l'étranger.
Pour l'heure, j'espère que nos débats permettront de corriger les dispositifs
viciés prévus par le texte que le Gouvernement nous soumet, et que celui-ci
aura à coeur de tenir compte de nos propositions lors de l'ultime lecture à
l'Assemblée nationale.
C'est avec cet espoir, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, que
nous examinerons les amendements déposés par les commissions des affaires
sociales et des finances.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le texte relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie dont
nous débattons aujourd'hui nous a été présenté comme la quatrième grande loi
sociale de cette législature.
En effet, il permettra d'instaurer, à compter du 1er janvier 2002,
l'allocation personnalisée d'autonomie pour quelque 800 000 personnes
actuellement âgées de plus de soixante ans, moyennement ou très dépendantes.
Ce texte, nous le savons, remplacera la loi du 24 janvier 1997, qui a créé la
prestation spécifique dépendance. Mise en oeuvre par le précédent gouvernement,
celle-ci est très rapidement devenue la cible de l'ensemble des associations
représentatives des personnes âgées du fait de ses insuffisances, dont deux au
moins nous paraissent d'importance : la première tient à la prise en compte
d'une partie seulement de la dépendance, avec, de plus, un frein efficace,
celui de la fixation des recours, notamment sur succession, à un niveau plutôt
bas, puisqu'il était question de 300 000 francs, la seconde consiste en
l'inégalité de la prise en charge financière selon les départements.
Tout cela montre que des intentions louables ne font pas la qualité d'une loi
et que, en l'occurrence, un texte plutôt improvisé a eu des répercussions
fâcheuses sur la volonté de l'ensemble des conseils généraux d'assumer
convenablement leur principale compétence, à savoir la compétence sociale.
Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui a pour vocation de dépasser
les limites du système antérieur prenant en compte la dépendance forte et
moyenne, il prévoit de créer un droit objectif, fonction de la perte
d'autonomie, un droit universel, avec un barème unique pour l'ensemble du
territoire, et un droit personnalisé, fondé sur un plan d'aide. Il s'agit là,
comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, d'« une intervention publique
d'une autre échelle et d'une autre nature ».
Je voudrais, dans un premier temps, relever, pour m'en réjouir, deux éléments
fondamentaux constitutifs du projet de loi.
En premier lieu, les moyens mis à la disposition des personnes dépendantes
permettront une véritable politique de maintien à domicile, condition
essentielle, nous le savons, de la bonne évolution physique et psychique de ces
personnes. J'ajouterai que l'effort consenti en 2001 par le Gouvernement, et
qu'il faudra poursuivre, dans le cadre des services de soins infirmiers à
domicile, est un complément indispensable tant au bien-être des personnes qu'à
la maîtrise des coûts sociaux.
Cette politique de maintien à domicile se doublera par ailleurs, au sein des
établissements, d'une véritable politique de prise en charge de la dépendance,
et ce pour au moins une raison : son individualisation au travers de la
tarification rendra la dépendance beaucoup plus « lisible » et incitera, je
l'espère, un certain nombre de responsables d'établissement à la prendre
réellement en compte.
En second lieu, je me félicite du choix du département comme acteur principal
de la gestion. En effet, c'est à cet échelon que s'expriment le mieux
l'expérience et la compétence sociale, ainsi que la notion de proximité, qui
permet de connaître les besoins et de coordonner les actions avec les
principaux partenaires.
J'en viens maintenant à la seconde partie de mon propos, relative au plan de
financement.
Ce dernier, qui représente une somme totale de 16,5 milliards de francs, se
partage entre la participation des départements, celle d'un fonds national
redistribuant les recettes de la CSG et celle des caisses, au travers - cela
est important et avait souvent été demandé - d'un système de péréquation
départementale.
En ce qui concerne la part de financement assumée par les départements, elle
est estimée à 11 milliards de francs, selon un calcul additionnant le coût
actuel de la PSD, un effort supplémentaire de 2,5 milliards de francs et des
économies réalisées tant sur la PSD que grâce à la future tarification.
Les deux premiers termes de cette addition ne soulèvent pas de discussion sur
le plan des principes, puisque, la volonté des départements étant de gérer
l'allocation, ceux-ci se sont engagés non seulement à reconduire les dépenses
liées à la PSD, mais aussi à fournir un effort supplémentaire à hauteur de 2,5
milliards de francs. A cet égard, je regrette que M. Michel Mercier ait quitté
l'hémicycle, car j'aurais pu lui rappeler la visite que nous avons rendue à Mme
la ministre en compagnie de M. Puech, au cours de laquelle nous nous sommes
engagés, en contrepartie, bien sûr, de la gestion départementale, à consentir
l'effort précité.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Bernard Cazeau.
S'agissant des économies faites depuis 1997 sur la PSD, elles sont, il est
vrai, madame la ministre, très variables suivant les départements, et ce
système avantagera ceux qui n'ont pas toujours véritablement joué le jeu.
Par ailleurs, les économies liées à la mise en oeuvre de la nouvelle
tarification me paraissent très prospectives et mériteront d'être vérifiées, le
moment venu, en vue d'un éventuel rééquilibrage, peut-être lorsque le bilan
sera établi, en 2003.
En ce qui concerne le financement par le biais de la CSG, je voudrais faire
part de notre accord à la fois sur le principe de la création d'un fonds et sur
celui du recours à une recette de solidarité nationale telle que la CSG.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Oui !
M. Bernard Cazeau.
S'agissant du choix de la CSG, il nous semble tout à fait normal que
l'équilibre du financement de l'APA corresponde à une logique de solidarité
nationale. En effet, cette nouvelle allocation nous paraît devoit être
considérée comme une véritable allocation sociale.
Contrairement à M. le rapporteur, je ne trouve pas non plus extraordinaire que
nous fassions dès aujourd'hui un « clin d'oeil » au cinquième risque, pour
reprendre votre propre expression, monsieur Vasselle, principe d'ailleurs
retenu de manière presque unanime par les associations. En effet, l'évolution
de la dépendance, telle qu'on peut l'envisager aujourd'hui, deviendra tellement
exponentielle au fil des années que le mode de financement devra non seulement
être revu, mais aussi obligatoirement faire appel, à un moment ou à un autre, à
un véritable effort de solidarité nationale, tel qu'il peut être défini, par
exemple, dans l'optique d'un cinquième risque.
Sur le plan du financement départemental, cette méthode me paraît beaucoup
plus lisible et beaucoup plus rassurante qu'une dotation globale de
fonctionnement à l'évolution hypothétique, dont le calcul n'a rien à voir avec
l'évolution de la dépendance.
Enfin, pourquoi ne pas instaurer un fonds de redistribution, dès lors que la
péréquation voulue par les départements et acceptée par le Gouvernement
nécessite un calcul très transparent à partir d'une recette bien individualisée
?
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais formuler
dans un premier temps.
Il est certain que la dépendance est devenue aujourd'hui un sujet de société,
et son financement une question qui ne sera pas résolue d'un seul coup de
baguette ou de loi magique, qui imposera des remises en chantier au fur et à
mesure de l'accroissement du nombre de personnes dépendantes auquel la société
d'aujourd'hui, et plus encore celle de demain, auront à faire face.
Un seul exemple tiré d'une simulation effectuée dans le département de la
Dordogne montre que, entre 2000 et 2010, le nombre des personnes âgées de
soixante-quinze ans et plus passera d'un peu plus de 35 000 à un peu plus de 58
000, soit 66 % d'augmentation.
De telles perspectives doivent rendre modeste le législateur le plus
perspicace et amener à considérer que, si le projet de loi qui nous est proposé
constitue un très important progrès pour la prise en charge sociale de cette
catégorie de Français, il ne nous exonère pas de réfléchir dès maintenant à
l'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, 12 millions de nos concitoyens sont aujourd'hui âgés de
soixante à soixante-quinze ans, et ils sont 4,2 millions à dépasser l'âge de
soixante-quinze ans.
En une vingtaine d'années, l'espérance de vie s'est accrue en France de plus
de trois ans, et la moitié des fillettes qui naissent actuellement devraient,
si l'on en croit les prévisions démographiques, devenir centenaires.
Parallèlement à ce constat, il convient de se réjouir du fait que l'âge moyen
auquel surviennent des ennuis véritablement invalidants a considérablement
reculé.
Cette très importante population âgée attend, sur le plan tant collectif
qu'individuel, que notre société lui accorde un regard plus bienveillant.
Elle entend, notamment, que son utilité non seulement sociale mais aussi
économique soit mieux reconnue.
Elle revendique également, et trop souvent en vain, une plus juste
représentativité au sein des instances qui débattent et décident de son sort,
et même, bien au-delà, au sein de celles où sont traités les problèmes de la
société dont elle continue de partager le destin.
En fait, elle refuse très légitimement que la mort biologique soit précédée
d'une longue et insidieuse mort sociale dans un monde où elle est souvent
blessée par le « jeunisme » trop agressif et arrogant que véhiculent les médias
et qui finit par dominer notre conscience collective.
Il est sans doute symptomatique de constater que 7,7 % seulement des médecins
généralistes déclarent appartenir à un réseau gérontologique, alors que les
personnes âgées constituent la très grande majorité de leur clientèle.
Par ailleurs, l'enseignement de la gériatrie n'est obligatoire que depuis
trois ans et il reste à faire, dans le domaine de la prévention du
vieillissement, un travail de recherche et de mise en oeuvre considérable.
La dépendance lourde croît rapidement avec l'âge. Les chiffres sont, à cet
égard, éloquents : 1,7 % des personnes âgées de soixante-cinq à soixante-neuf
ans sont confinées au lit ou en fauteuil et doivent être aidées pour la
toilette, l'habillage et la prise des repas. Elles sont 9 % à quatre-vingt ans,
20 % à quatre-vingt-cinq ans et 35 % à quatre-vingt-dix ans.
Il en résulte des conséquences très lourdes pour les familles, qui, en cette
aube du XXIe siècle, voient souvent coexister quatre, voire cinq générations,
mais sont, dans le même temps, marquées par des séparations, des ruptures, des
bouleversements imprévisibles.
Il se trouve en général, au pivot de cette organisation ou de cette
désorganisation familiale, une personne - presque toujours une femme - qui, le
regard tourné à la fois vers les plus jeunes et vers les plus âgés, prend sur
elle de gérer, au quotidien, les appels au secours des uns et des autres.
Cette tâche est d'autant plus épuisante, physiquement comme moralement,
qu'elle incombe souvent à une personne qui n'est plus très jeune elle-même et
que, de surcroît, ses décisions ne sont pas toujours bien acceptées par les
membres plus passifs de la famille, sur fond de tabous, de secrets et de
conflits latents.
Aussi, pour la souffrance des personnes âgées dépendantes autant que pour
celle de leurs proches, on ne peut qu'adhérer à l'ambition du projet de loi
dont nous débattons aujourd'hui, qui consiste à apporter, d'une manière
uniforme sur tout le territoire national, une aide personnalisée, en fonction
du degré de dépendance et du niveau des ressources, aussi bien aux personnes
âgées résidant à leur domicile qu'à celles qui sont hébergées dans des
établissements spécialisés.
Par-delà cet objectif annoncé, bien des interrogations et des inquiétudes me
paraissent cependant devoir être évoquées. Je retiendrai trois d'entre elles, à
savoir le financement, l'aide à domicile et l'aide en établissement.
La première interrogation tient au financement des dispositions proposées.
Beaucoup d'intervenants l'ont évoquée avant moi.
Autant la proportion initiale entre les trois sources de financement peut, à
la rigueur, paraître acceptable, autant son évolution dans la durée doit être
de nature à préoccuper les responsables départementaux.
En effet, aucune projection sérieuse ne permet aujourd'hui de mesurer la
charge qu'ils auront à assumer à ce titre, ne serait-ce qu'à l'horizon des cinq
années à venir.
Il m'eût semblé beaucoup plus équitable que le projet de loi pérennise la
participation de l'Etat dans la proportion qui est la sienne au moment de la
mise en oeuvre de la loi, soit à hauteur d'un tiers environ.
Les départements verront donc croître, après d'autres lignes budgétaires,
cette charge incontournable, sans que des concours extérieurs viennent
accompagner cet effort.
Comment ne pas souligner ici qu'il s'agit malheureusement d'une stratégie
constante de ce gouvernement, qui, dans de nombreux domaines, signe des traites
sur l'avenir, sans se préoccuper avec suffisamment de rigueur de la manière
dont elles seront honorées ?
J'en reviens à l'allocation personnalisée d'autonomie proprement dite pour
évoquer le maintien à domicile.
Aujourd'hui 80 % des personnes âgées vivent à domicile, et il faut s'en
réjouir, tant que l'environnement humain et matériel le permet dans des
conditions convenables.
L'environnement humain est d'abord celui de la famille. Deux tiers des
personnes âgées vivent seules ; la plupart d'entre elles sont des veuves. Ces
personnes ont, certes, besoin d'aide pour les gestes de la vie quotidienne,
mais elles ont aussi, et surtout peut-être, besoin d'un contact humain et
chaleureux, besoin de parler, d'écouter de sentir des présences autour
d'elles.
Plus on facilitera la prise en charge des soins aux familles, plus celles-ci
pourront se consacrer au côté relationnel et affectif de la prise en charge de
leurs parents.
Cependant, pour celles et ceux qui remplissent pleinement cette obligation, la
tâche est très lourde et souvent difficile à assumer sur le plan psychologique.
Dans des cas extrêmes, cette difficulté peut conduire à la maltraitance ou au
suicide.
Aussi faut-il faire en sorte que soient utilisées pleinement les possibilités
qu'offrent l'accueil de jour ou le séjour temporaire dans un établissement
spécialisé, services qui permettent à la famille de « souffler » et qui, dans
bien des cas, constituent une préparation utile dans la perspective d'un
placement ultérieur.
Il y aurait également toute une réflexion à mener sur le rôle des
foyers-résidences, qui pemettent à la famille de se contenter d'une présence
plus intermittente.
Mais ce qui apparaît essentiel pour que le maintien à domicile soit assuré
dans les meilleurs conditions, c'est que le dispositif puisse s'appuyer sur des
équipes d'intervenants très professionnels.
Aujourd'hui, les services d'aide à domicile appellent au secours parce que les
moyens leur sont trop chichement comptés, et leurs personnels se plaignent à
juste titre d'une absence de véritable reconnaissance de leur statut, de
rémunérations insuffisantes et aléatoires, d'une formation pratiquement
inexistante.
Il y aura là un énorme effort à faire pour que l'allocation personnalisée
d'autonomie puisse produire tous les effets attendus.
L'intervention des services ne devra pas se limiter au financement d'heures de
ménage et de cuisine. Il faudra qu'ils sachent faire du « sur-mesure » avec des
professionnels de qualité, financer des déplacements, animer des groupes de
parole, de culture, de musicothérapie, de gymnastique d'entretien, de soutien
psychologique.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Très bien !
M. Daniel Eckenspieller.
Reste le problème des personnes hébergées en maison de retraite. C'est là que
se trouvent concentrés les cas les plus lourds, sur le plan tant de la
dépendance physique que de la détérioration intellectuelle.
Le placement en établissement est toujours terriblement traumatisant, pour la
famille, qui culpabilise, alors qu'elle vient d'achever d'interminables et
usantes démarches pour trouver une place d'accueil, et pour la personne âgée
elle-même, qui a perdu tous ses repères.
Presque toutes les maisons de retraite ont une très longue liste d'attente,
mais, quatre fois sur cinq, ce n'est pas cette liste d'attente qui alimente les
admissions : des situations d'urgence, souvent imprévisibles quinze jours plus
tôt - une hospitalisation à la suite d'une chute, d'un accident vasculaire,
d'une intervention chirurgicale - font que le retour au domicile n'est plus
envisageable. L'hôpital devant libérer le lit pour un autre patient, les
maisons de retraite se retrouvent avec un personnel notoirement insuffisant
pour assurer ce qui relève de la partie « soins ».
Par un glissement insidieux, ce sont les moyens consacrés à l'hébergement qui
viennent pallier cette insuffisance...
M. Charles Revet.
C'est exact ! C'est tout à fait anormal !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Daniel Eckenspieller.
... et ce sont, à leur tour, les moyens des services qui se trouvent
dépouillés, avec les conséquences inévitables que cela entraîne sur le
fonctionnement général.
La situation est aujourd'hui véritablement dramatique, et personne ne comprend
pourquoi le décret relatif à la tarification, attendu depuis trois ans, n'a été
publié que la semaine dernière, décret d'ailleurs d'une complexité
redoutable.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Daniel Eckenspieller.
Quant au plan de médicalisation et aux moyens financiers qui y seront
consacrés, nous restons dans un flou préoccupant.
M. Charles Revet.
Comme d'habitude !
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Daniel Eckenspieller.
Le stress du personnel est considérable. La qualité du service en pâtit et,
surtout, la surcharge de travail ne permet plus d'assurer les gestes de soins,
la présence dans la chambre pour le ménage, un minimum d'écoute et d'échange,
sans même parler de la sécurité, qui ne peut pas toujours être garantie dans
les conditions requises.
Quand quatre ou cinq personnes doivent, en trois heures, lever, laver,
habiller, conduire à la salle à manger une soixantaine de personnes âgées
infirmes ou gravement perturbées, le seuil de l'inacceptable est atteint.
Il n'est pas rare que des personnes hospitalisées le matin soient renvoyées à
la maison de retraite dans la journée.
Quant à l'accompagnement des mourants, il reste, lui aussi, insuffisant, faute
de temps.
Il est plus qu'urgent que soient mises en oeuvre des mesures qui donnent aux
personnels soignants les moyens de faire leur travail dans des conditions tout
à la fois acceptables pour les résidents et supportables pour eux-mêmes.
Restera la difficulté de recruter des infirmières, alors que nous sommes
actuellement contraints d'aller les chercher en Espagne ou ailleurs. Restera
aussi, véritable épée de Damoclès pour les établissements, l'imminente mise en
oeuvre de la réduction à trente-cinq heures du temps de travail !
La disposition proposée et adoptée par l'Assemblée nationale selon laquelle, à
titre expérimental, dans une quinzaine de départements, l'allocation
personnalisée d'autonomie peut être globalisée me paraît sage et devra, sans
nul doute, être généralisée à brève échéance.
Elle évitera les distorsions de prix au sein d'un même établissement,
instituera une solidarité interne et évitera la conséquence désastreuse d'un
changement de prix qui traduirait, d'une manière indécente vis-à-vis de la
personne concernée et de la famille, l'aggravation de sa dépendance.
Par ailleurs, si l'attribution de l'allocation fait bien l'objet d'une
révision périodique, il est des cas très nombreux où l'évolution de la
dépendance n'est pas linéaire, où il se produit des ruptures brutales faisant
passer, d'une heure à l'autre, un patient de l'échelle 4 ou 5 de la grille
AGGIR à l'échelle 1 ou 2.
La réactivité de l'administration ne pourra pas être suffisante pour prendre
en compte ces situations.
C'est pourquoi la mutualisation, au sein d'un même établissement, d'un niveau
moyen de dépendance, régulièrement réévalué, paraît aller tout à la fois dans
le sens d'une plus grande simplicité et d'une meilleure efficacité.
J'ai voulu insister sur les conséquences très graves qu'entraîne aujourd'hui
le retard apporté à la mise en place de la nouvelle tarification de la prise en
charge des soins en établissement. Cette situation exaspère, à juste titre, les
responsables, le personnel, les familles dont un parent vit là ses dernières
années.
Il me paraît indispensable, madame le sécrétaire d'Etat, que vous nous donniez
des indications quant aux modalités concrètes et au calendrier de mise en
oeuvre du décret relatif à la tarification et, surtout, sur le plan de
médicalisation que vous avez évoqué en présentant le projet de loi devant notre
assemblée.
Votre réponse est attendue avec énormément d'intérêt par toutes celles et tous
ceux dont la tâche quotidienne consiste à apporter aux plus vulnérables d'entre
nos aînés non seulement des soins mais encore le réconfort d'une présence
chaleureuse.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
jusqu'en 1997, il n'existait pas de prestation spécifique à destination des
personnes âgées dépendantes.
Pour faire face aux problèmes inhérents à la dépendance, M. Jacques Barrot,
alors ministre du travail et des affaires sociales, avait fait voter, le 24
janvier 1997, une loi instaurant une prestation spécifique dépendance.
Cette loi n'a pu être qu'une première étape à la prise en charge des personnes
âgées dépendantes. Il était nécessaire d'améliorer ce texte.
Il est évident que tous les acteurs de la prestation spécifique dépendance, y
compris les services qui sont chargés de la gestion, seront satisfaits qu'elle
soit remplacée par une nouvelle prestation.
Toutefois, tout en reconnaissant les avancées que représentent certaines
dispositions du projet de loi - je pense à la suppression du recours sur
succession - de nombreuses améliorations restent à apporter, notamment en
matière de financement.
Comme pour la PSD, il est nécessaire de distinguer les deux volets distincts
de la future prestation selon qu'elle sera versée à une personne âgée restée à
domicile ou à une personne séjournant dans un établissement. Les montants et
les enjeux ne sont pas de même ordre.
L'APA à domicile répond à l'objectif, admis par tous, de favoriser au maximum
le maintien à domicile. L'APA en établissement, en revanche, a pour but de
solvabiliser les résidents au regard du tarif afférent à la dépendance,
résultant, dans chaque établissement, de l'application prochaine de la nouvelle
tarification ternaire fondée sur les soins, l'hébergement et le degré de
dépendance.
Si le maintien à domicile est un choix logique et légitime des personnes
âgées, il doit, à ce titre, bénéficier de moyens suffisants. Les établissements
d'hébergement ne doivent pas être pénalisés, car leur rôle est essentiel
lorsque le niveau pathologique et l'état de dépendance de la personne âgée
nécessitent un environnement médicalisé.
En l'espèce, les moyens dont bénéficient les établissements d'accueil
apparaissent bien insuffisants.
La manière dont le projet de loi prévoit le versement de l'allocation
personnalisée d'autonomie dans les établissements suscite une autre inquiétude.
En effet, l'APA versée en établissement est affectée au paiement des tarifs
dépendance de chaque résident, le montant étant calculé dans le cadre de la
réforme de la tarification en se fondant sur trois éléments.
Il est à cet égard regrettable que les décrets d'application de la réforme de
la tarification n'aient pas été transmis au moment de la discussion du texte en
commission cela aurait donné une plus grande transparence au débat.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Jean-Louis Lorrain.
En tout état de cause, la mesure figurant dans le projet de loi risque de
donner lieu à des disparités de traitement selon les structures d'accueil ou
les types de dépendance. Elle plonge, en outre, dans une situation d'insécurité
et d'angoisse le bénéficiaire potentiel, qui redoute une réévaluation de son
degré de dépendance, laquelle entraînerait une hausse du tarif applicable.
C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a approuvé, sur
proposition de nos collègues du groupe UDF, le principe d'une expérimentation :
dans plusieurs départements, une dotation globale sera versée aux
établissements sur la base d'une évaluation du niveau moyen des personnes
résidentes.
Au moment de la détermination de la nouvelle allocation, on pourra déjà
mesurer les effets de cette expérience et décider, à la lumière de ses
résultats, de sa généralisation.
Aux tarifications complexes, dites ternaires, je préfère une expérimentation,
qui posera le problème de la revalorisation substantielle du rôle de
l'assurance maladie. Nos établissements doivent en effet en finir avec les
forfaits « soins » squelettiques.
Un autre point du projet de loi aurait mérité d'être mieux traité. Je veux
parler du maintien du seuil de l'âge.
En effet, l'APA s'adresse uniquement aux personnes dépendantes âgées,
c'est-à-dire aux personnes âgées de plus de soixante ans ; or la dépendance
affecte également des personnes adultes plus jeunes, qu'elle résulte des suites
d'une maladie ou d'un accident.
La référence à l'âge introduit donc une différence artificielle et constitue
un seuil qu'il convient, à terme, de dépasser, en mettant en place une
allocation prenant en compte la dépendance en tant que telle, et non pas
seulement la dépendance des personnes âgées.
Ensuite, il faut regretter que le débat concernant la mise en place d'une
véritable prestation prise en charge par la sécurité sociale ne soit pas allé
plus loin. La dépendance est en effet un aléa de la vie et, compte tenu du
vieillissement inéluctable de la population, ce phénomène est appelé à
s'amplifier. Si l'on veut garantir des financements stables, il est donc
nécessaire de sortir d'une logique d'aide sociale.
Si l'examen, en première lecture, du projet de loi par l'Assemblée nationale a
permis d'améliorer le texte sur certains points, de nombreuses incertitudes
demeurent, notamment sur le financement de l'allocation.
Dans votre intervention liminaire, madame la secrétaire d'Etat, vous avez
exclu tout développement liant dépendance et retraite. Il nous paraît pourtant
indispensable d'attribuer des retraites suffisamment élevées et, dans le même
temps, de prendre en charge les coûts supplémentaires liés à la dépendance.
Appréhender les coûts, c'est véritablement la question. Il eût été nécessaire,
à cet égard, de distinguer la perte d'autonomie liée au vieillissement,
relevant de la solidarité familiale et de proximité, de la dépendance liée à
une pathologie lourde, donc médicalisée.
Il faut malheureusement dénoncer un financement aussi incertain que celui qui
a été mis en place pour les 35 heures. Il convient aussi de souligner le choix
du Gouvernement à propos du fonds de réserve des retraites, qui verra, une fois
de plus, ses maigres ressources encore restreintes.
Cette absence de moyens ne pourra qu'amplifier les difficultés que rencontrent
déjà les associations d'aide à domicile et leurs salariés en termes de
rémunération, de formation et de recrutement, au point de remettre en cause la
mise en oeuvre de l'allocation personnalisée à l'autonomie.
Je veux plaider aujourd'hui en faveur d'une politique de maintien à
domicile.
Les manifestations du 21 octobre 2000 ont montré le malaise d'une profession
encore insuffisamment reconnue et soutenue. Elles ont, en outre, mis en
évidence les incohérences d'une gestion partielle et d'un manque de vision
globale pour une réelle politique de maintien à domicile.
L'aide à domicile concerne une population fragilisée très importante : les
personnes âgées, les personnes atteintes de handicaps ou de maladies, les
personnes victimes de difficultés sociales parfois insurmontables.
Les enjeux de la refonte de la loi du 30 juin 1975 sont donc multiples.
Il s'agit, d'abord, de consolider le socle légal de l'aide à domicile,
notamment au niveau de son financement, et de définir un statut professionnel
des intervenants.
Plus encore, il s'agit de permettre à des millions de personnes de faire un
choix de vie, celui du maintien à domicile. Ce dernier passe par la
reconnaissance d'un droit à des prestations d'aide à domicile ouvert aux
familles et aux personnes souffrant d'incapacités.
L'évaluation individualisée de leur situation devrait permettre le respect de
leur choix de vie.
Quelque 120 000 salariés travaillent dans le secteur de l'aide à domicile. Ces
salariés, des femmes en majorité, sont dans une situation de précarité
alarmante : 60 % ne touchent que le SMIC.
Par ailleurs, leur statut n'a aucune assise juridique. C'est la raison pour
laquelle, madame la secrétaire d'Etat, je plaiderai pour que la loi sur les
institutions sociales et médico-sociales, que nous devrons examiner avant
l'été, soit inscrite le plus rapidement possible à l'ordre du jour de notre
Haute Assemblée.
Les difficultés rencontrées par l'aide à domicile concernent l'avenir de notre
société. En effet, devant le vieillissement accéléré et l'augmentation
significative du nombre des personnes âgées, une politique active de maintien à
domicile doit se développer. Cela doit rester l'objet prioritaire du projet de
loi qui nous est présenté aujourd'hui.
Par ailleurs, je me permettrai de rappeler ce qui a déjà été dit par certains
de mes collègues, à savoir qu'il faut tenter de limiter le maintien à domicile
s'agissant des contrats de gré à gré. Ceux-ci peuvent poser des problèmes quant
à la qualification et au professionnalisme de la personne, qui, souvent, fait
partie de l'entourage familial de la personne âgée.
Il est donc urgent, madame la secrétaire d'Etat, d'assurer un socle légal
solide à l'aide à domicile et de promouvoir ce choix de vie, qui représentera
l'une des réponses essentielles aux questions soulevées par le déclin
démographique et par le vieillissement croissant de la population.
Le développement massif de l'aide à domicile représente une étape,
fondamentale dans l'évolution de notre société, qu'il nous appartient de
franchir en respectant au mieux les intérêts des populations concernées, tout
en connaissant ses limites.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
venons d'entendre beaucoup de propos très justes et très intéressants sur la
dépendance des personnes âgées.
Les chiffres qui expriment le vieillissement de notre population sont
éloquents. Ils devraient être enthousiasmants. Pourtant, ils traduisent
l'ampleur d'un problème que nous devons poser d'un point de vue sociétal et
auquel nous devons apporter des solutions en termes éthiques.
Quant à la réalité humaine, elle est connue de tous : chacune et chacun a été,
est ou sera confronté sinon à la dépendance d'une personne proche, du moins à
sa propre crainte de vivre totalement exclu du monde, en raison des
conséquences de sa propre vieillesse et du regard stigmatisant que la société
portera sur lui.
Souvent, les orateurs emploient les mêmes mots pour parler de la souffrance et
de l'humiliation de ces personnes âgées, qui, comme chaque être humain, ont
droit à la dignité et au respect.
La prise en charge de la dépendance se présente donc comme un véritable défi
de société.
Le texte sur la PSD que nous avions discuté il y a quatre ans avait le mérite
d'exprimer la conscience d'un devoir. En fait, il n'allait pas plus loin. Il ne
marquait pas une profonde rupture qualitative et quantitative par rapport aux
dispositifs déjà en vigueur. Avec mes collègues du groupe socialiste, nous
avions avancé des raisons pour ne pas le voter. Aujourd'hui, nous constatons
que nous étions malheureusement dans le vrai.
En revanche, j'ai confiance dans le texte actuel instituant l'APA. Je lui
reconnais, en particulier, une immense qualité, celle de répondre à ce « devoir
d'humanité » que vous avez défini, madame la secrétaire d'Etat, avec beaucoup
de tact, traduisant ainsi l'éthique qui vous anime pour traiter le problème.
L'enjeu est clair : le nombre de personnes âgées va augmenter et la société
doit relever le défi de la prise en charge du vieillissement de la population.
L'évolution de notre civilisation fait que de plus en plus de personnes se
trouvent isolées, aussi bien en ville qu'en zone rurale.
Nous ne pouvons pas laisser le fossé se creuser entre celles et ceux qui sont
entourés et les autres, qui ne le seraient pas. Il faut également faire en
sorte que la dégradation de l'état physique et mental d'une personne ne
détériore pas la relation qu'elle entretient avec ses proches.
Ici, la solidarité revêt un sens noble. Elle correspond, dans cette acception,
à notre choix de société. Il ne s'agit pas seulement d'aider des personnes à
vivre, mais d'oeuvrer pour qu'elles puissent être des citoyens à part entière,
donc capables d'échanger, d'enrichir l'histoire et de transmettre la
mémoire.
Si envisager de vivre longtemps est réconfortant, la perspective qu'une partie
très longue de l'existence risque d'être dégradante est quelque peu
angoissante.
Les personnes âgées, comme les jeunes enfants, sont une population dépendante.
Les enfants sont pris en charge sérieusement et les moyens nécessaires sont
mobilisés. Au nom de quoi les personnes âgées ne le seraient-elles pas ?
Personne, dans un monde civilisé, ne pourrait le justifier.
Mais des blocages existent. Il s'agit, d'abord, d'obstacles financiers.
Aujourd'hui, ils s'estompent cependant grâce à la reprise économique et au
retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Il s'agit, ensuite, de problèmes de choix entre différentes priorités.
Je crois toutefois que, ce soir, nous sommes en train de dépasser ces
blocages. Notre démarche en direction des personnes âgées passe d'une logique
d'aide et d'assistance à un véritable soutien personnalisé favorisant la
socialisation. Cette approche sous-tend toute l'action du Gouvernement en
direction des plus vulnérables et de ceux qui sont exposés à l'exclusion. Nous
retrouvons dans l'APA des points de convergence qui rejoignent cette
philosophie politique.
Notre objectif doit être en permanence de faire en sorte que l'usager, sa
liberté et sa dignité soient au centre des dispositifs que nous créons. Dès
lors que les moyens existent et sont dégagés dans le cadre des priorités, la
complexité des questions financières et de gestion doit être relativisée. Elle
n'est que la conséquence de l'ambition de résoudre de plus en plus de questions
sociales, tout en allant vers du « sur-mesure ».
Il ne s'agit pas pour moi d'opposer nécessité d'apporter une solution et prise
en compte de la contrainte financière dans la transparence. Bien au contraire,
je crois que l'une des conditions de la réussite de l'application de l'APA
réside dans la conscience que chaque acteur a d'être identifié à travers ses
propres responsabilités : cela vaut de l'Etat jusqu'à la personne âgée
elle-même, qui doit être consultée, en passant par son entourage familial ou
médico-social, par les responsables d'associations d'aide à domicile ou
d'établissement, par les conseils généraux et par les gestionnaires des caisses
de sécurité sociale.
Je crois que ce texte est une étape. J'apprécie la façon dont il concilie la
nécessaire clarté de la définition de la mission d'aide à l'autonomie des
personnes âgées et la possibilité d'engager un cheminement vers la création
d'un risque, avec la perspective d'en rediscuter en se fondant sur l'expérience
engagée.
S'il en est ainsi, c'est grâce à l'importance des moyens mis en oeuvre. Les
principaux défauts de la PSD découlaient de ce manque de ressources. Le
dispositif incitait en fait les départements à le détourner pour faire des
économies. Nous dénoncions alors l'évident sous-dimensionnement du conseil
général pour assumer correctement la prise en charge de ce risque sans apport
supplémentaire. Pourtant, certains départements ont fait l'impossible. Mais,
comme nous l'avions prévu, nous avons eu à déplorer une grande disparité entre
les départements et finalement, pour les usagers, des inégalités scandaleuses
de traitement d'un lieu à l'autre. Il s'agissait donc bien d'un dispositif
gravement inadapté.
Aujourd'hui, l'Etat entend mobiliser 5 milliards de francs sur la CSG. Il
concrétise ainsi son objectif de solidarité nationale sans pour autant mettre
en péril le FSV. La reprise est là. Les cotisations rentrent. C'est l'effet de
la croissance, de la politique volontariste de l'emploi conduite par le
Gouvernement qui connaît un incontestable succès. Notons ici que l'APA
permettra des créations d'emplois estimées à 20 000.
Par ailleurs, l'Etat sollicite 500 millions des fonds de la sécurité sociale.
Ils correspondent à la prise en charge du GIR 4. Ce transfert ne me paraît pas
pénaliser le GIR 5 et le GIR 6.
Il est une autre caractéristique qu'il faut souligner dans ce texte, au-delà
des moyens mis pour combler les disparités, à travers le fonds de péréquation,
c'est l'augmentation globale de l'engagement financier. Chacun pourra le
mesurer concrètement. Il s'agit de rendre cette prestation universelle et
efficace.
Nous créons là un nouveau droit. La conséquence naturelle en est qu'il ne doit
pas y avoir d'obstacles à son accessibilité. Nos collègues de l'Assemblée
nationale l'ont bien compris, en faisant disparaître la récupération sur
succession.
Le réseau des CLIC, qui va se développer, permettra d'informer et d'aider les
intéressés, afin que les démarches ne rebutent plus personne. Il devra aussi
permettre l'indispensable coordination des différents intervenants auprès des
personnes âgées et leur complémentarité.
Je disais que ce texte nous apparaît comme une étape. Il doit améliorer
considérablement les relations entre les personnes âgées, les acteurs
professionnels et l'entourage familial. Il permet d'envisager l'avenir de façon
plus sereine.
Cependant, il laisse sans réponse plusieurs questions.
Certaines d'entre elles auraient pu trouver une réponse dès maintenant et
portent sur des sujets sur lesquels nous déposerons des amendements. D'autres
questions sont liées à une réflexion plus générale sur la perte d'autonomie et
sur l'avenir des institutions sociales et médico-sociales.
Tout d'abord, nous pouvons nous interroger sur l'usage qui est fait de la
grille AGGIR, destinée à mesurer le degré de perte d'autonomie. S'il est bien
que les personnes classées en GIR 4 puissent se voir proposer un plan
d'autonomie - et pas seulement celles qui sont classées en GIR 1, 2 et 3 -
pourquoi celles qui sont classées en GIR 5 et 6 n'ont-elles pas ce même droit
?
La grille est malheureusement utilisée comme critère unique d'accès au plan
d'autonomie, alors que ce dernier se fonde sur la prise en compte de tout un
contexte, notamment sur la présence ou non d'un entourage. On peut penser que,
si elles bénéficiaient de l'APA, des personnes classées en GIR 5 qui vivent
seules se verraient proposer des plans d'autonomie appelant plus de moyens que
des personnes classées en GIR 4 disposant de meilleurs revenus et étant mieux
entourées. L'APA serait alors plus clairement universelle. Evaluer la situation
des personnes âgées en GIR 5 et 6 permettrait surtout de se donner les moyens
de la prévention, qui doit être privilégiée.
Par ailleurs, ayons la démarche que je suggérais au début de mon propos : ne
pensons qu'à garantir respect et dignité aux usagers. Cela passe par la liberté
de choix quant à leur lieu de vie. Si la majorité des personnes âgées restent à
domicile et que d'autres choisissent d'aller en établissement, n'oublions pas
que beaucoup de celles qui s'y trouvent en souffrent comme d'une contrainte,
voire d'une injustice. Il me paraîtrait normal qu'une personne se retrouvant en
établissement puisse revendiquer aussi un plan d'aide individuel pour le calcul
du montant de l'APA la concernant. Ce montant doit être établi avec la même
rigueur et le même souci de justice que pour la personne restant à domicile, en
prenant en compte tous les éléments du contexte, notamment la rupture avec le
domicile.
Les personnes en établissement représentent, de fait, les situations les plus
lourdes. Ce problème doit pouvoir être géré dans le cadre législatif, tout en
laissant aux acteurs une marge de manoeuvre suffisante. Les conventions
tripartites doivent encadrer la mise en oeuvre de l'APA. La possibilité
d'envisager une mutualisation n'est pas contradictoire avec le souhait que je
viens de formuler et elle doit s'insérer dans une réforme de la
tarification.
Une formation et une professionnalisation de qualité pour les personnels est
une préoccupation forte. Cette exigence va de pair avec celle de la
revalorisation du statut des aides ménagères. Elle représente un enjeu majeur.
Nous avons déposé un amendement à ce propos pour mieux encadrer les contrats de
gré à gré.
Les rencontres que nous avons eues avec des responsables d'association ou
d'établissement nous ont parfois interpellés par les critiques que nous avons
entendues et qui expriment des angoisses. Certaines de ces critiques sont
celles qui étaient déjà formulées contre la PSD. Les méfiances sont aussi liées
aux déceptions, aux frustrations, qu'avait entraînées la PSD. Plutôt que de
retenir ce que le texte apporte, beaucoup sont tentés de ne se fixer que sur ce
qu'ils considèrent comme étant des lacunes. On sent certaines réticences chez
les acteurs, liées, sans doute, à la dimension du dispositif à maîtriser,
inhérente à l'ambition même qui le porte.
Il faut considérer ces inquiétudes avec beaucoup d'intérêt. Elles
correspondent, pour l'essentiel, à une contestation de la barrière de l'âge
pour l'accès à la prestation et à des attentes sur la notion de cinquième
risque.
Avec l'APA, sommes-nous si éloignés de la notion de cinquième risque ? Ce qui
nous en sépare, c'est tout d'abord l'absence de cotisation de sécurité sociale,
encore que l'introduction d'un apport de CSG fasse intervenir la solidarité
nationale, et, ensuite, le rôle des conseils généraux, dans la suite de leurs
compétences et parce que vous avez considéré, madame la secrétaire d'Etat, que
le département avait tout son rôle de proximité à jouer pour rendre plus
efficace l'application de l'APA.
Chacun de ces deux problèmes, barrière à soixante ans et cinquième risque,
pourrait trouver sa propre solution, mais celle qui est apportée à l'un
conditionne celle qui est appliquée à l'autre. Nous avons le devoir d'apporter
des réponses cohérentes, lisibles, inspirées par un même esprit, à nos
concitoyens, qui demandent de la clarté en ce qui concerne les règles de la
société.
C'est souvent le manque de lisibilité des mesures, par leur enchevêtrement,
qui contribue à créer l'exclusion. Il faut que les différents dispositifs,
adaptés à chaque type de situation de handicap social, convergent dans une même
logique de mise en oeuvre. C'est la démarche qui avait prévalu lors de la mise
en place des différentes branches de la sécurité sociale.
Les termes du débat peuvent se résumer en une question fondamentale pour
l'avenir de la cohésion de notre société et du rapport de confiance entre les
citoyens et les gouvernants : par quel mécanisme juste et efficace assurer à
chaque personne qu'elle pourra être un noeud de liens sociaux ?
Ce débat sera sans doute popularisé avec l'approche des futures élections
nationales. Il faut absolument le faire vivre et lui apporter une solution,
sans quoi nous aurons du mal à faire entendre notre voix dans une Europe qui
demandera de plus en plus une harmonisation en matière sociale.
Si nous ne parvenons pas à résoudre cette question, nos concitoyens
manifesteront encore plus de défiance envers leurs dirigeants nationaux et
envers l'Europe. Mais je suis optimiste. Le dispositif de l'APA, parce qu'il
pose ce débat de manière intelligente, tout en apportant dans l'immédiat, pour
les personnes âgées, des solutions concrètes qui perfectionnent notre société,
nous aide à aller dans le bon sens.
Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai noté durant ce débat,
de même qu'à l'Assemblée nationale, qu'au-delà des appartenances politiques
nous nous retrouvions pour saluer les mêmes avancées de l'APA et pour souligner
les mêmes questions à approfondir. Preuve que le travail du Gouvernement est en
phase avec l'évolution de notre société.
(Applaudissements sur les travées
du groupe socialiste et celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'évolution de notre société permet de vivre de plus en plus longtemps, mais
cet allongement de la vie s'accompagne souvent d'une perte d'autonomie, voire
d'une dépendance qui s'accroît avec les années.
C'est pourquoi, pour répondre aux situations lourdes, tant sur le plan médical
que sur le plan social, des personnes âgées et de leurs familles,
l'organisation de la prise en charge de la dépendance est devenue une priorité.
C'est juste et généreux. Encore ne faut-il pas se tromper de méthode.
Sur l'initiative du Sénat, la loi du 24 janvier 1997 créait la prestation
spécifique dépendance, qui fut la première étape décisive d'une prise en charge
solidaire.
La PSD avait pour principal objectif de corriger les défauts de l'allocation
compensatrice pour tierce personne, en la remplaçant par une prestation en
nature.
Elle instaurait, pour la première fois, l'évaluation par une équipe
médico-sociale du niveau de dépendance de la personne, au moyen d'une grille
nationale, la définition de ses besoins et l'élaboration d'un plan d'aide
personnalisé. Sur ces points, l'APA n'est pas novatrice.
Son caractère transitoire annonçait la révision de son dispositif après les
premières années d'application. C'est l'objet du texte de loi que nous
examinons aujourd'hui et qui institue l'allocation personnalisée
d'autonomie.
Cette réforme, intéressante, puisqu'elle propose d'élargir le champ
d'application de la PSD et offre un traitement égal de la dépendance sur tout
le territoire, ne semble cependant pas à la hauteur des espérances.
On peut en effet craindre que ce texte ne simplifie pas les procédures
d'instruction, de versement et de contrôle, et regretter qu'il crée une
disparité entre le domicile et l'établissement, pénalisant ainsi les structures
d'hébergement indispensables lorsque le degré de la dépendance ne peut être
assumé que dans un environnement médicalisé.
On peut également déplorer que l'épineuse réforme de la tarification dans les
établissements ne soit pas mise en place simultanément et systématiquement avec
cette nouvelle allocation présentant un risque supplémentaire de majoration de
charges pour les départements,...
M. Charles Revet.
Tout à fait !
Mme Annick Bocandé.
... contrairement à ce que vous affirmez, madame le secrétaire d'Etat.
Par ailleurs, la définition des règles d'intervention au niveau national
limite l'autonomie des départements, principaux financeurs de l'APA, et va à
l'encontre des principes de décentralisation.
Puisque l'on voulait uniformiser le dispositif sur le plan national, ne
fallait-il pas privilégier un autre mode de financement, par exemple par la
création d'un risque supplémentaire, comme le demandent les associations de
personnes âgées, ou encore par une contribution du budget de l'Etat, plutôt que
de faire appel aux finances des départements ? Mais était-ce envisageable si
près d'échéances électorales importantes ?
Une nouvelle fois l'Etat décide, les départements financent !
En effet, le financement repose, pour une part minime, sur la solidarité
nationale, par l'affectation d'une partie de la CSG au détriment du fonds de
solidarité vieillesse - déjà ponctionné pour les 35 heures - donc une nouvelle
fois au détriment du fonds de réserve des retraites, et, pour la plus grande
part, sur la solidarité locale, ce qui imposera des efforts budgétaires
considérables aux départements.
J'en veux pour preuve le coût des deux premières années, qui a été estimé
entre 15 milliards et 17 milliards de francs par an, avec une prise en charge
d'environ 11 milliards de francs par les conseils généraux, et 5,5 milliards de
francs par l'Etat et la sécurité sociale.
A terme, il est évoqué 23 milliards de francs, en espérant que ces estimations
n'ont pas été minimisées, madame le secrétaire d'Etat.
Prenons l'exemple de mon département, reconnu pour ses efforts en matière de
politique sociale.
M. Charles Revet.
C'est vrai !
Mme Annick Bocandé.
En Seine-Maritime, la prise en charge des 3 200 bénéficiaires représente
actuellement une masse budgétaire de 120 millions de francs.
Si l'on projette au niveau départemental les estimations faites au niveau
national sur le nombre de bénéficiaires, la dépense serait augmentée dans des
proportions inquiétantes.
Tous les conseils généraux pourront-ils assumer cette nouvelle charge sans
avoir recours à l'impôt ?
On peut d'ailleurs s'interroger sur les modalités de répartition du fonds de
financement de l'APA par l'Etat, tous les critères sont surprenants.
De plus, la complexité et le croisement des multiples sources de financement
ne sont pas sans poser le problème de la gestion à long terme de cette
allocation.
Enfin, on ne peut que déplorer, sur ce point comme sur quantités d'autres, le
renvoi systématique à de futurs décrets, confirmant les aspects incertains de
cette proposition.
Même si le projet de loi constitue une tentative pour améliorer le dispositif
existant, son contenu est décevant. Il ne correspond pas à la grande réforme
annoncée. Il oublie complètement la dimension familiale, espace privilégié
d'affection et de solidarité.
Mais je ne doute pas que notre assemblée, grâce à ses nombreux amendements,
parvienne à modifier ce texte de façon constructive, comme l'a fait l'Assemblée
nationale en adoptant notamment l'amendement du groupe de l'UDF qui supprime le
recours sur succession, considéré comme un frein réel à la libre expression des
besoins.
C'est sûrement vrai, mais cette décision induira encore un manque à gagner non
négligeable pour les finances départementales,...
M. Charles Revet.
Eh oui !
Mme Annick Bocandé.
... qu'il serait bienvenu de compenser, madame le secrétaire d'Etat.
Une société s'honore quand elle s'occupe de ses aînés. Souhaitons que nos
travaux contribuent à renforcer la tranquillité des personnes âgées et à
améliorer la qualité de leur fin de vie.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parmi
les principales mesures adoptées à l'Assemblée nationale, il faut noter la
suppression du recours sur succession, ainsi que le droit à l'expérimentation
des départements pour le versement de l'APA en établissement sous forme d'une
dotation globale. S'agissant du recours, l'amendement du groupe UDF, défendu
par mon excellent collègue d'Ille-et-Vilaine Pierre Méhaignerie a été adopté à
l'unanimité, alors que le projet de loi n'abordait pas ces sujets, si sensibles
pour la population !
Un débat s'est instauré à propos de la nature de l'aide apportée aux personnes
âgées dépendantes à ce stade. De nombreux députés ont défendu la mise en place,
à terme, d'une prestation financée par les organismes de sécurité sociale.
Notre collègue Henri de Raincourt a repris cette proposition.
Le Gouvernement, tout en admettant que la question se poserait un jour ou
l'autre, a estimé que le plus important était « l'efficacité de la mise en
oeuvre de cette prestation de solidarité nationale ».
De nombreuses incertitudes persistant au sujet du financement, nos collègues
députés du groupe UDF se sont abstenus, tout comme l'ensemble des groupes de
l'opposition, ainsi que le groupe communiste, qui fait pourtant partie de la
majorité plurielle du Gouvernement, à ce jour, que je sache.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Pas pour longtemps !
M. Philippe Nogrix.
Notre pays consacre 1 % de son PIB à la dépendance, contre 3 % en moyenne dans
les pays de l'OCDE. La prise en charge collective de la dépendance constitue
donc, d'ores et déjà, un enjeu majeur de solidarité nationale et de santé
publique.
Sous le terme dépendance, on a tendance à confondre deux problèmes.
Le premier correspond à une difficulté d'adaptation de la personne âgée à son
environnement. Il est vrai qu'à partir d'un certain âge le rapport de la
personne âgée à son environnement se complique : fatigue dans les actes de la
vie quotidienne, peur d'aller faire les courses, à tel point que Montherlant
écrivait dans ses carnets que beaucoup de vieillards mouraient parce qu'ils
étaient moins ou pas aimés du tout. Il n'y a pas, dans cette forme de
dépendance, de cause pathologique, on en est bien d'accord.
Le second problème, en revanche, concerne le handicap lié à des complications
pathologiques.
La distinction entre ces deux formes de dépendance constitue probablement la
clé d'une politique de prise en charge de la dépendance. C'est la distinction,
qui doit être faite et que nous devons faire entre le sanitaire et le social.
Sans cette distinction se présenteront des problèmes de financement très
complexes que nous ne réussirons pas à résoudre.
C'est le sanitaire qui est dominant en cas de handicap et le social en cas de
manque d'adaptation à l'environnement.
Le financement qui nous est proposé est essentiellement social. Il faudrait,
sans doute, trouver quelques fils directeur permettant d'opérer l'attribution
des responsabilités entre secteur social et secteur médical.
La nouvelle prestation qui nous est proposée, madame la secrétaire d'Etat,
correspond-elle vraiment aux attentes et à la modernisation souhaitable et
souhaitée par tous de la prise en charge de la dépendance ? Sincèrement, je ne
le crois pas, car l'APA relève à la fois de l'aide sociale et de la solidarité
nationale et ne règle en rien le lancinant problème de la tarification dans les
établissements.
Ce n'est en réalité, - nombre de mes collègues l'ont souligné - qu'une PSD
améliorée par un élargissement des conditions d'accès, accompagné, hélas ! d'un
renchérissement pour l'instant non financé de façon claire, transparente,
équilibrée et pérenne.
Avec ce texte, on voudrait nous faire oublier la nécessité d'engager une
réforme audacieuse, en profondeur, de la prise en charge de la dépendance,
comme l'a fait l'Allemagne, notamment.
Fallait-il continuer à traiter de la même façon le domicile et l'établissement
? Ne pouvait-on envisager, par exemple, de continuer à faire confiance aux
acteurs de proximité sous la responsabilité des départements pour ce qui
concerne le domicile et réformer, en le simplifiant, l'hébergement en
établissement ? Sur ce point, M. Fourcade avait raison.
Nous savons tous que les établissements à développer sont les établissements
d'hébergement temporaire et d'accueil de jour permettant une transition avec un
hébergement complet en institution, souvent inéluctable.
Les établissements restent très inégaux en nombre et en qualité. Or le projet
de loi ne fait pas allusion à cet aspect essentiel.
Les aléas de la tarification ont freiné, nous le savons, nombre de directeurs
d'établissement et de décideurs. Manifestement, un certain nombre d'obstacles
ont freiné le développement des institutions, et nous sommes actuellement en
situation de manque.
Les années de mise en place de la PSD nous ont toutefois apporté des
enseignements intéressants, dont le principal fait ressortir que
l'accompagnement à domicile était presque satisfaisant, les difficultés venant
essentiellement des établissements.
Le deuxième enseignement, c'est qu'un effort important de formation doit être
accompli sur l'ensemble du réseau de gérontologie : seules deux heures sont
consacrées actuellement à l'acquisition de la connaissance spécifique des
personnes âgées dans le cursus médical !
La réforme des études médicales devrait remédier à ce manque, mais un problème
demeure : il n'existe que trente gériatres enseignant sur l'ensemble du
territoire français.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler.
Tout à fait !
M. Philippe Nogrix.
Mais il n'en est pas question dans le projet de loi.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il est vide ce projet de loi !
M. Philippe Nogrix.
Or, quelle réponse donne le présent texte ? Une réforme tellement complexe de
la tarification, malgré les récentes adaptations, que les gestionnaires
d'établissement et les représentants des personnes âgées ne s'y retrouvent
absolument pas.
M. Charles Revet.
C'est tout à fait vrai !
M. Philippe Nogrix.
En outre, le financement du nouveau dispositif fait appel à une nouvelle
trésorerie dont seule a le secret la majorité plurielle actuelle, ce qui rend
hypothétique le bouclage financier.
La mesure est chère. Une partie de son financement nous est proposée à travers
un fonds - un fonds de plus ! - qui va fragiliser, de par les ressources
sollicitées, le fonds de réserve des retraites, que nous savons, les uns et les
autres, déjà insuffisamment alimenté. Qui plus est, le contrôle de ce fonds
échappera au Parlement, puisqu'il sera absent de la loi de financement comme de
la loi de finances. C'est une atteinte de plus aux prérogatives du
Parlement.
Le seul à limiter son intervention financière, c'est l'Etat. Aussi, je
voudrais dire à mon collègue Roland Huguet, à propos de la demande qu'il a
faite à Mme la secrétaire d'Etat eu égard à la dépense engagée dans son
département exemplaire, particulièrement en pointe sur la PSD, qu'il ne pourra
rien obtenir de l'Etat en plus des 5,5 milliards de francs répartis sur
l'ensemble des départements, car le fonds est plafonné à ce montant, tandis que
les dépenses engagées dans chaque département sont sans limite connue ; tous
les calculs qui nous ont été présentés cet après-midi ne sont basés que sur des
hypothèses.
Je voulais donc avertir notre collègue Roland Huguet, quoique je sois sûr
qu'il a, hélas ! bien compris ! Mais il se doit de croire aux prévisions
annoncées par le Gouvernement qu'il soutient ! Je crains que la mise au point
qui sera faite en 2003 ne lui soit aussi amère, compte tenu de l'accroissement
de la fiscalité qu'il aura dû prévoir dans son budget départemental d'alors par
rapport à celui de 2001.
Avec mes collègues de l'Union centriste, je pense que l'examen du projet de
loi en première lecture à l'Assemblée nationale a permis, grâce à l'adoption de
certains amendements de nos collègues du groupe UDF, d'améliorer le texte sur
certains points. Néanmoins, de nombreuses incertitudes demeurent, notamment sur
le financement, une fois de plus hasardeux, de cette allocation.
Avant de conclure, je voudrais rappeler que le problème de la prise en charge
de la dépendance aurait sans doute déjà trouvé sa solution, madame la
secrétaire d'Etat, si, d'une part, la création de postes de soins infirmiers à
domicile avait suivi les besoins et, surtout, d'autre part, si la
médicalisation des établissements avait été convenablement opérée et
financée.
Les retards accumulés ont entraîné une dégradation générale, qui s'est
cristallisée à tort sur la PSD et les départements, lesquels ont servi de bouc
émissaire. Par l'institution de la nouvelle APA, ils seront transformés en
financeurs uniques, contraints et forcés, en l'absence d'une concertation
suffisante, sans aide de la solidarité nationale, qui aurait dû se manifester
par un accompagnement financier de l'Etat à hauteur des évolutions.
M. Charles Revet.
Tout à fait !
M. Philippe Nogrix.
Qu'importe au Gouvernement de voir les impôts des départements augmenter !
Il est vrai que la réforme qu'il propose améliorera quelque peu la prise en
charge des personnes âgées, mais peu de contribuables y verront un lien avec
l'augmentation inéluctable de la fiscalité locale que connaîtront les
départements.
En conséquence, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, je
soutiendrai le « contre-projet » de financement, élaboré en étroite
concertation par les commissions des affaires sociales et des finances,
proposant un financement alternatif et rappelant le Gouvernement à ses
responsabilités.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Guigou a déjà
largement répondu aux questions posées par MM. les rapporteurs au sujet du
financement. J'aimerais cependant, monsieur Vasselle, vous apporter un certain
nombre d'explications au sujet de l'utilisation de la CSG pour financer le
fonds de modernisation de l'aide à domicile.
J'ai pris le temps d'écouter, avec beaucoup d'intérêt, ce que disaient
l'ensemble de vos collègues. Il faut que nous soyons très clairs et que nous
reconnaissions l'obligation de faire évoluer, de structurer de façon très
importante l'ensemble de nos services de maintien à domicile. C'est en tout cas
le discours que j'ai entendu tenir par l'ensemble des orateurs.
Monsieur Vasselle, vous avez critiqué, en parlant de détournement,
l'utilisation de la CSG pour financer le fonds de modernisation de l'aide à
domicile, qualifié de fonds de formation professionnelle.
Ce fonds de modernisation ne se substitue ni au budget de l'Etat, qui finance
les formations initiales en travail social, ni aux employeurs, qui doivent
assumer toutes leurs responsabilités en matière de formation
professionnelle.
Si le Gouvernement propose d'affecter une fraction dûment encadrée par la loi
à la modernisation du secteur de l'aide à domicile, c'est parce qu'il est
indispensable et urgent de faire un effort très significatif pour ce secteur,
dont chacun connaît les handicaps ; vous les avez tous rappelés : faibles
rémunérations, faibles qualifications et difficultés de recrutement.
Si l'on veut faire des progrès réels et rapides en matière de maintien à
domicile, il faut aider ce secteur à se professionnaliser, améliorer le niveau
de la qualification des salariés et les encourager à s'engager dans la voie de
la validation des acquis de l'expérience. C'est à ces conditions que le
maintien à domicile deviendra plus attractif et qu'il pourra répondre, dans les
années à venir, aux attentes et aux besoins des personnes âgées qui veulent
rester chez elles le plus longtemps possible.
Cet objectif est inséparable de la politique globale de compensation de la
perte d'autonomie portée par l'APA. Il est donc parfaitement naturel que le
fonds de financement de l'APA alimente la modernisation de l'aide à
domicile.
Vous avez été nombreux, me semble-t-il, à trouver les mots justes pour évoquer
l'évolution des métiers de l'accompagnement, leur reconnaissance et la
nécessité de la formation. Vous connaissez tous mon engagement sur ce sujet.
Madame Campion, vous avez su dire en quoi ce projet de loi permet de créer un
véritable droit.
Vous avez d'ailleurs été nombreux à poser le problème de la ségrégation par
l'âge. Je pense qu'il nous faudra encore réfléchir sur ce point.
L'un d'entre vous a bien montré combien le problème de l'accompagnement, en
particulier à domicile, est un problème de femmes. Ce sont en effet souvent les
filles ou les belles-filles qui accompagnent leur mère ou leur belle-mère. Cela
est trop souvent oublié et il était juste de le souligner.
M. Murat a insisté sur la place à réserver aux CLIC. Je crois que le projet de
loi va dans ce sens, d'autant que l'Assemblée nationale a tenu à leur donner,
précisément, toute leur place.
MM. Adnot et de Raincourt ont évoqué la suppression des recours sur
succession. C'est un sujet que nous avons déjà évoqué la semaine dernière lors
du débat sur le projet de loi de modernisation sociale, et je ne peux que
répéter ce que je vous en ai dit alors.
Si le Gouvernement a suivi la proposition quasi unanime de l'Assemblée
nationale en faveur de la suppression des recours sur succession, c'est parce
que cette mesure présente une réelle cohérence avec la nature même de l'APA. En
effet, l'APA ne relève plus de l'aide sociale subsidiaire. Elle constitue une
prestation de solidarité destinée à compenser un risque, celui de la perte
d'autonomie, qui guette chacun et dont la charge financière dépasse très
souvent les capacités financières et humaines des familles. C'est donc à ce
titre qu'il est légitime de ne pas soumettre l'APA au recours en récupération
sur succession.
En revanche, il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'étendre cette
exonération au-delà du champ de la prise en charge de la perte d'autonomie. En
particulier, les recours en récupération opérés sur les bénéficiaires de l'aide
sociale à l'hébergement ou sur les ayants droit expriment la mise en oeuvre des
solidarités familiales, et il n'y a pas lieu d'y mettre un terme. Je l'ai fait
valoir devant l'Assemblée nationale et je le dis à nouveau devant vous,
mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l'ai fait la semaine dernière.
Au demeurant, vous le savez comme moi, l'essentiel des recettes issues de la
récupération sur les successions provient des recours exercés sur les
prestations d'hébergement.
Il serait vraiment très intéressant qu'un travail de fond soit mené sur
l'ensemble des dispositifs de récupération pour voir réellement à quoi cela
correspond. Mme Guigou et moi-même avons pris l'engagement de faire en sorte
que ce travail soit mené afin que le problème puisse réellement être posé non
seulement en termes financiers mais aussi au regard des solidarités familiales
vis-à-vis de l'hébergement et de la perte d'autonomie.
M. de Raincourt, si je l'ai bien compris, choisit le cinquième risque, presque
en solitaire, pour soulager à terme la collectivité de certaines charges.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Avec Mme Dieulangard et M. Fischer.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Non, Mme Dieulangard a dit très clairement combien le
dispositif proposé permettait réellement de créer un droit.
M. de Raincourt a, lui, explicitement exprimé sa volonté de se défaire très
rapidement du système de financement.
Mais le cinquième risque a aussi un coût, qui doit être supporté par l'assuré
social, le cotisant ou le contribuable. Quelle que soit la poche d'où l'on tire
l'argent, il faudra bien payer ! Moi qui suis aussi élue locale, je l'ai très
souvent entendu dire par des responsables de collectivités locales, toutes
tendances confondues.
La vraie question, que l'on ne peut esquiver, est de savoir si l'on veut se
donner les moyens d'affronter un défi social majeur des trente prochaines
années. L'effort supplémentaire qui est demandé aux départements représente 3 %
de leur budget social. Comment, dans ces conditions, M. le Raincourt peut-il
dire que le Gouvernement va spolier les départements ?
L'une des différences majeures entre le dispositif que nous proposons et celui
de la PSD tient à la mise en oeuvre du fonds de financement. Un certain nombre
de vos collègues de l'Assemblée nationale l'ont d'ailleurs admis. Ce fonds est
précisément destiné à compenser largement le surcoût pour les départements,
dans une optique de péréquation et de solidarité.
M. Fourcade a reconnu le caractère généreux de ce projet de loi, et j'y ai été
très sensible. D'une manière générale, j'ai noté la pertinence de ses analyses,
son réalisme et sa conscience de l'importance des enjeux.
En revanche, je ne vois pas quels gériatres ont pu dire qu'il fallait des
modes de prise en charge fondamentalement distincts pour les incapacités liées
au vieillissement et celles qui sont dues à des handicaps plus anciens. C'est
d'ailleurs une affirmation qui a été reprise par M. Nogrix.
Depuis des années, j'écoute attentivement les gériatres et j'observe ce qui se
passe dans d'autres pays. Ce débat a eu lieu, par exemple, en Allemagne lorsque
ce pays a mis en place son système de prise en charge de la dépendance.
Certains faisaient une distinction entre la dépendance liée au vieillissement
et la dépendance liée au handicap. Mais, très rapidement, les Allemands ont
cessé de se poser cette question, l'enjeu étant, non pas de connaître les
causes de la perte d'autonomie, mais bien l'organisation de la prise en charge
de l'autonomie.
Je ne souhaite pas du tout que, en France, s'ouvre un débat sur la question de
savoir quel système mettre en place selon la cause de la perte d'autonomie.
J'ai cru comprendre que, dans le débat relatif à la suppression de la barrière
d'âge, c'est cela que vous affirmiez : organisons-nous correctement pour une
prise en charge de l'autonomie.
En tout cas, concernant les personnes âgées, il serait extrêmement dangereux
de faire une différence selon que l'origine de la perte d'autonomie est le
vieillissement ou un handicap.
On ne peut pas opposer vieillissement et handicap, prendre le risque d'une
dichotomie, comme le propose M. Fourcade, entre maintien à domicile et
hébergement en établissement. Les frontières du maintien à domicile
s'élargissent sans cesse : 70 % des personnes très peu autonomes, confinées au
lit et au fauteuil, restent aujourd'hui à domicile.
Il faut organiser un dispositif global et coordonné élargissant sans cesse le
champ du maintien à domicile, organisant la coordination entre le sanitaire et
le social, permettant à tous les établissements confrontés à une population de
plus en plus dépendante de bénéficier des financements de l'assurance maladie.
Telle est notre volonté.
D'ores et déjà, l'assurance maladie est le premier financeur de la dépendance,
avec un engagement de près de 20 milliards de francs, et nous allons
considérablement l'accroître en cinq ans.
Je laisse à M. Fourcade la responsabilité de ses critiques à l'égard des
directeurs d'établissement. J'avoue en avoir été un peu surprise.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ils n'ont pas toujours
joué le jeu !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Quoi qu'il en soit, je partage largement son analyse
selon laquelle nous ne pourrons traiter efficacement les problèmes de la perte
d'autonomie sans la conjonction des efforts de tous : les hôpitaux, les
départements, les collectivités locales, l'assurance maladie...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Et l'Etat !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
... et l'Etat, bien sûr.
Le sujet du versement de l'APA sous forme d'une dotation globale en
établissement a été évoqué par M. Dériot, que je remercie de se porter candidat
à l'expérimentation, et par M. Fischer. Le Gouvernement est prêt à tenter cette
expérimentation, mais reste très attaché à tout ce qui favorise, que ce soit à
domicile ou en établissement, la personnalisation de l'aide, y compris
l'individualisation de l'allocation. J'ai entendu des directeurs
d'établissement dire combien il était important de préserver un système
d'individualisation en établissement.
S'agissant de votre souci de qualifier les personnels en établissement, vous
avez sans doute noté, monsieur Fischer, que, dans mon discours liminaire,
j'avais insisté sur mon engagement à prendre des initiatives urgentes en
matière de formation des personnels non qualifiés en fonction.
C'est justement parce que je m'intéresse tout particulièrement à la qualité de
la prise en charge gériatrique dans les établissements de santé et aux liens
entre les établissements et leur environnement que je me rendrai à Strasbourg
dans quelques jours - vous ne pouviez pas le savoir puisque la décision a été
prise hier - pour soutenir la mise en oeuvre d'un véritable volet
gérontologique du schéma régional d'organisation sanitaire. J'aurai sans doute
le plaisir de rencontrer M. Richert à cette occasion.
L'APA n'est pas dissociable de l'action que nous devons mener pour promouvoir
les réseaux gérontologiques et développer une filière gériatrique de qualité.
Le problème de l'absence des gériatres des PUPH, en particulier, a été posé,
mais ce n'était pas l'objet de ce projet de loi. Il reste que c'est un des
points sur lesquels je souhaite travailler très rapidement. Reconnaissez
cependant avec moi que ce n'est pas une des filières reconnues comme les plus
nobles.
Monsieur Eckenspieller, j'ai été ravie de vous entendre dire que le rôle de
l'aide à domicile ne se borne pas à la cuisine et au ménage.
Je partage votre appréciation sur le caractère très aléatoire de l'orientation
vers les établissements, qui se fait plus en fonction des disponibilités qu'en
raison de l'adaptation du projet de vie aux besoins de la personne.
Sur tous ces points, reconnaissez que, avec le fonds de modernisation et les
CLIC, nous nous dotons des outils qui nous permettront de faire avancer
également la prise en compte des besoins de la personne et de la situation des
familles.
Nous allons accélérer la mise en oeuvre de la réforme tarifaire. Vous avez pu
voir les premiers signes de cette accélération avec la parution d'un décret
longtemps attendu.
Je crois qu'il n'y a jamais eu un plan d'une telle hauteur pour le financement
des maisons de retraite et de l'ensemble des structures d'hébergement.
Mme Dieulangard parlait tout à l'heure du devoir d'humanité. C'est une notion
à laquelle je suis très attachée. Je crois que le plan financier correspond à
un devoir d'humanité non seulement en direction des personnes âgées mais aussi
en direction du personnel.
Je le répète, je suis prête à prendre le temps de vous expliquer les enjeux de
la réforme de la tarification non seulement en termes financiers mais aussi
quant à son organisation - quoi qu'ait pu dire M. Michel Mercier de sa
complexité - qui fait que la qualification sera une priorité...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Mais vous ne pouvez pas en même temps réaliser un
financement global. On ne peut pas faire une chose et son contraire !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Mais c'est tout l'intérêt de l'expérimentation : elle
doit nous permettre d'y voir clair et de mesurer les avantages de la
tarification.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Les deux choses sont antinomiques !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
C'est un débat, et il va aussi se dérouler au sein des
conseils généraux.
Au coeur de la réforme de la tarification, il y a la qualité de la prise en
charge et la qualification du personnel.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que ce dispositif n'est pas financé. Mme
Guigou a rappelé clairement quelle était la part qui revenait actuellement aux
départements : c'est un effort de 2,5 milliards de francs qui leur est demandé
et qui vient s'ajouter aux 5,5 milliards de francs tirés de la CSG.
Je vous redis, après Mme Guigou, qu'un bilan sera réalisé en 2003. Il nous
permettra de prévoir les adaptations nécessaires à l'équilibre que fixe la loi
entre la contribution financière des départements et ce qui relève de la
solidarité nationale. Je réaffirme que c'est une démarche de bon sens, qui
s'effectue dans la transparence.
Je tiens à remercier M. Cazeau d'avoir rappelé l'accord de l'ADF sur l'effort
supplémentaire des départements en contrepartie de l'engagement que la gestion
de cette allocation serait confiée aux départements.
Mme Dieulangard a très justement rappelé que notre philosophie politique
consistait à lier l'exercice d'un droit et la personnalisation de l'action.
Je l'ai dit tout à l'heure, l'un des avantages de la prestation spécifique
dépendance fut de nous faire avancer vers l'individualisation, vers la prise en
charge individuelle, vers la reconnaissance de la situation particulière. Plus
on vieillit, plus on est singulier. Plus nous vieillirons, mesdames, messieurs,
plus nous serons singuliers.
Je pense ici à un vieux monsieur qui se trouvait dans une maison de retraite
de l'Ain. C'était un ancien conseiller général, mais aucun des membres du
personnel ne le savait, d'autant qu'il était complètement sénile. Ce n'est qu'à
partir du moment où ceux qui s'occupaient de lui ont su quelle avait été sa vie
qu'ils ont pu le reconnaître comme un individu particulier, le respecter.
L'enjeu de l'organisation mise en place par le projet de loi, l'enjeu du plan
ambitieux qu'il contient, que ce soit par le biais de l'APA, par les services
de soins à domicile ou par la mise en place de la réforme de la tarification,
par les six milliards de francs destinés au financement des maisons de retraite
et des structures d'hébergement, c'est de permettre, enfin, non seulement que
l'individualisation, la reconnaissance de chacun des individus, soit réellement
atteinte, que l'ensemble du secteur soit professionnalisé, que de véritables
services de maintien à domicile soient créés, mais, surtout, que nous
répondions à ce devoir d'humanité.
Je suis convaincue que nous avons dans les mains un véritable outil qui vous
permettra, qui nous permettra à tous de créer une véritable politique de prise
en charge des personnes âgées en perte d'autonomie.
Voilà ce que je voulais vous dire.
M. Philippe Nogrix.
Et le financement ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Le financement, je l'ai redit, est clair.
M. Philippe Nogrix.
Mais non !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Quand il sera nécessaire de poser à nouveau la
question du financement, nous le ferons.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Bien sûr !
M. Philippe Nogrix.
Comment ?
M. Charles Revet.
Vous ne serez plus là !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Nous serons là, j'en suis persuadée.
M. Philippe Nogrix.
Il n'y a rien dans la loi de finances !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je sais que ce plan ambitieux, comme l'a dit
MmeDieulangard, nous permettra de respecter ce devoir d'humanité que
j'évoquais.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Hilaire Flandre.
Ce n'est pas très convaincant !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Compte tenu de l'heure, je ne souhaite pas rebondir sur
l'intervention de Mme Guigou ni sur celle qui vient d'être prononcée par Mme le
secrétaire d'Etat.
Il me paraît cependant nécessaire de revenir sur quelques points pour lever
d'éventuelles ambiguïtés à la suite des informations qui ont été apportées par
les membres du Gouvernement.
Premier point : en ce qui concerne les décrets d'application, Mme Guigou a
affirmé qu'une concertation très étroite serait menée avec les différents
partenaires après l'approbation du texte. Or, devant l'Assemblée nationale et
en commission, Mme Guigou avait affirmé que les décrets d'application,
notamment s'agissant des critères de distribution des crédits du fonds de
péréquation, seraient transmis pour information parlementaire pendant la
discussion devant les deux assemblées ».
Je tenais à rappeler ce point pour remettre les pendules à l'heure, si
nécessaire. En effet, les engagements pris par le Gouvernement devant
l'Assemblée nationale ne semblent pas être les mêmes que ceux qu'il a
l'intention de prendre devant la Haute Assemblée. Le Sénat a autant de
légitimité que l'Assemblée nationale et doit être traité de la même manière en
ce qui concerne la connaissance des décrets d'application.
J'en viens au deuxième point que je souhaite évoquer, à savoir le caractère
transitoire. Comme j'ai renoncé tout à l'heure à demander à M. Fischer de
m'autoriser à l'interrompre,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
C'est dommage !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... je voudrais lui dire que l'aspect transitoire figurait en
chapeau du texte que le Sénat avait adopté. Il n'a jamais été dit devant la
Haute Assemblée que le texte que nous adoptions avait un caractère
définitif.
D'ailleurs, je l'ai indiqué lors de mon intervention dans la discussion
générale. Je suis surpris, monsieur Fischer, que vous n'y ayez pas été
attentif. Sans doute étiez-vous conduit par un autre objectif, qui consistait
plutôt à critiquer ce que la commission des affaires sociales envisageait, pour
vous donner plus de poids dans l'approbation d'un texte sur lequel vous avez
d'ailleurs émis un avis qui était plutôt partagé, puisque vous avez terminé
votre intervention en prônant le cinquième risque et en critiquant le
financement tel qu'il a été imaginé par le Gouvernement.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas tout à fait cela !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'en arrive au troisième point de mon intervention, et je
souhaite, madame le secrétaire d'Etat, que vous vous fassiez l'écho auprès de
Mme Guigou de cette réplique à son intention.
Mme la ministre a fait référence aux propos de M. Barrot, ancien ministre, en
affirmant que lui au moins avait fait preuve d'objectivité en reconnaissant
qu'avec la prestation spécifique dépendance on n'était pas allé jusqu'au bout
de ce qui aurait été souhaitable, compte tenu de la situation de déficit de la
sécurité sociale.
Mais je n'ai rien dit d'autre dans mon propos lors de la discussion générale
! J'ai rappelé que la prestation spécifique dépendance avait été mise en place,
sur l'initiative du Sénat, dans un contexte qui ne permettait pas de mettre en
oeuvre la prestation d'autonomie. J'ai rappelé que le Premier ministre, M.
Alain Juppé, avait retiré le texte de l'examen des deux assemblées compte tenu
de la conjoncture dans laquelle nous nous trouvions à l'époque.
C'est parce que nous souhaitions apporter une réponse aux personnes âgées que
M. Fourcade et plusieurs membres de la commission des affaires sociales avaient
déposé une proposition de loi visant à mettre en place une prestation
spécifique dépendance à l'intention de ceux qui nécessitaient une réponse
urgente, c'est-à-dire les personnes les plus dépendantes et les plus démunies.
Mais, ce faisant, nous savions que nous n'apportions une réponse qu'à une
partie de celles et de ceux qui étaient en situation de dépendance. C'est parce
que le contexte, alors, ne permettait pas d'aller au-delà.
Cependant, nous avions pris l'engagement devant la représentation nationale,
et le Gouvernement en était d'accord, de revenir sur ce texte dès que les
moyens de la France le permettraient. Vous l'avez fait, un peu tard certes,
mais il n'est jamais trop tard pour bien faire !
Enfin, je terminerai en disant que nous sommes tout à fait en désaccord avec
le Gouvernement quant à la pérennité du financement. Contrairement à ce qu'a
affirmé Mme Guigou à l'Assemblée nationale, la pérennité dudit financement
n'est pas assurée. Une clef de répartition est prévue dans le texte,
dites-vous. I l n'y a pas de clef de répartition dans le texte. La preuve en
est que nous avons éprouvé le besoin, avec notre collègue Michel Mercier, de
déposer un amendement pour définir cette clef.
Nous verrons, lors de l'examen des amendements, si le Gouvernement est prêt à
prendre en considération nos propositions, qui vont dans le sens, semble-t-il,
de ce que vous êtes prêtes à accepter dans le cadre des discussions que vous
mènerez avec les partenaires traditionnels de l'Etat dans ce domaine,
c'est-à-dire les départements et l'ADF.
Voilà les quelques points que je souhaitais évoquer brièvement. Bien entendu,
nous aurons l'occasion demain, lors de la discussion des articles, de revenir
plus longuement sur ces différents points et d'apporter d'autres précisions.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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