SEANCE DU 22 MAI 2001


M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 42 est présenté par M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 58 est déposé par MM. Adnot, Belot, Branger, du Luart et Ostermann.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 3334-7-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 3334-7-2. - Il est créé au sein de la dotation globale de fonctionnement des départements une dotation dont le montant est égal à la somme définie au I de l'article additionnel après l'article 1er de la loi n° du , relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
« Le montant de cette dotation est réparti entre les départements en fonction de la part des dépenses réalisées par chaque département au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie dans le montant total des dépenses au titre de l'allocation personnalisée constatée l'année précédente pour l'ensemble des départements, du potentiel fiscal et du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion de chaque département. Le premier de ces critères est pondéré par 80 %, le deuxième par 10 % et le troisième par 10 %.
« Toutefois, les deux premières années, cette dotation est répartie entre les départements en fonction du nombre de personnes âgées, du potentiel fiscal et du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion de chaque département. Le premier de ces critères est pondéré par 80 %, le deuxième par 10 % et le troisième par 10 %. »
L'amendement n° 42 est assorti de deux sous-amendements présentés par M. Fréville.
Le sous-amendement n° 51 a pour objet, dans la première phrase du deuxième alinéa et dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 42, de remplacer les mots : « potentiel fiscal » par les mots : « potentiel fiscal par habitant de chaque département selon les modalités définies à l'article L. 3334-4. »
Le sous-amendement n° 52 vise, à la fin de la première phrase du deuxième alinéa et à la fin de la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 42, à remplacer les mots : « nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion de chaque département » par les mots : « revenu moyen des habitants de chaque département ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 42.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement a pour objet de « mettre en musique » le principe que vient de poser le Sénat en suivant la commission. J'espère, madame le secrétaire d'Etat, que vous y serez favorable car c'est le seul moyen que nous puissions trouver pour que le projet de loi que vous défendez devienne réalité : à défaut, l'APA ne sera pas financée.
L'article additionnel qu'il est proposé d'insérer prévoit ainsi que la solidarité nationale envers les départements pour le financement de l'APA s'exprimera sous la forme d'un concours particulier au sein de la DGF, selon une technique absolument classique et bien connue pour avoir été utilisée plusieurs fois, notamment dans le domaine social - M. Delaneau l'a rappelé - par exemple lors de la suppression de la procédure des contingents communaux d'aide sociale.
La direction générale des collectivités locales, la DGCL, gère fort bien les dotations de ce type. Comme l'a rappelé notre collègue Yves Fréville, le comité des finances locales donne son avis et suit l'évolution des dotations. Les droits du Parlement comme les grands principes de nos finances publiques - notamment celui de l'universalité budgétaire - sont donc respectés.
Or, madame le secrétaire d'Etat, l'une des critiques essentielles opposées à la proposition de créer un fonds géré par un établissement public administratif et alimenté par une contribution des régimes de base d'assurance vieillesse et une fraction de la CSG tient précisément au fait que le montant, le contenu et la répartition de ce fonds échapperaient totalement au Parlement puisqu'ils ne relèveraient ni de la loi de financement de la sécurité sociale ni de la loi de finances annuelle, ce qui me paraît inacceptable.
L'amendement n° 42 comporte une seconde partie, à laquelle vous devriez pouvoir apporter votre soutien : il ne suffit pas que le Parlement définisse le concours que l'Etat apportera aux départements pour financer l'APA, encore faut-il qu'il fixe clairement les règles de répartition des fonds provenant de la solidarité nationale.
La commission des finances vous propose de préciser dans la loi les critères prévus par le projet de loi : l'effort réalisé par le département en faveur des personnes âgées, son potentiel fiscal et le nombre de bénéficiaires du RMI qu'il compte.
De la pondération de ces critères dépendra la nature même de l'effort de l'Etat, compensation ou péréquation. Or, compte tenu de la masse financière que représentera l'APA, l'Etat ne peut pas se borner à opérer une simple péréquation. Il doit apporter un véritable concours financier aux départements, ce qui implique que le critère objectif essentiel pour calculer son montant soit celui de l'effort accompli par chaque département en faveur des personnes âgées.
Dans cette logique de compensation, nous proposons de pondérer ce premier critère par 80 %, chacun des deux autres critères « péréquateurs » étant pondérés par 10 %.
Il convient de rappeler que le critère du potentiel fiscal concernerait plutôt les départements ruraux, tandis que le critère prenant en considération le nombre de bénéficiaires du RMI tiendrait compte des charges sociales que peuvent supporter certains départements urbains.
En bref, l'objet de cet amendement est donc de créer un concours spécial au sein de la DGF et de prévoir ses modalités de répartition.
M. le président. La parole est à M. Fréville, pour défendre les sous-amendements n°s 51 et 52.
M. Yves Fréville. La « mise en musique » de la participation de l'Etat au financement de l'APA proposée par la commission des finances est très satisfaisante et je n'interviens qu'en contrepoint. (Sourires.)
Le sous-amendement n° 51 tend, en effet, simplement à préciser qu'il faut tenir compte du potentiel fiscal par habitant, selon les mêmes modalités que celles qui sont appliquées au calcul de la dotation de péréquation de la DGF.
Le sous-amendement n° 52 concerne cependant un problème plus important.
Il résulte de la structure de financement qui nous est proposée que les départements prendront directement en charge 75 % de l'APA et que la fraction du produit de la CSG qui leur sera reversée représentera 20 % de la charge fiscale, les 5 % restants étant répartis, dans un objectif de péréquation, pour une moitié en fonction du potentiel fiscal, pour l'autre moitié en fonction du nombre de bénéficiaires du RMI.
Le sous-amendement n° 52 vise à remplacer ce dernier critère, dont je ne comprends pas très bien la justification. Il me semblerait plus cohérent de tenir compte, dans la logique de la péréquation, du revenu moyen par habitant des départements, donnée parfaitement connue, car, pendant les deux premières années, nous ne connaîtrons pas le montant des dépenses consacrées à l'APA. Le critère de répartition de la dotation versée par la DGF aux départements sera alors fonction non pas des dépenses supportées par les départements mais du nombre de personnes âgées.
Or, nous savons que le montant de l'allocation dépend de deux facteurs : d'une part, le nombre des personnes âgées et, d'autre part, le revenu des bénéficiaires. Un département peut compter de nombreuses personnes âgées, mais celles-ci peuvent avoir un revenu relativement élevé - je pense à certains départements de la région parisienne - ou, au contraire, des revenus très faibles.
Par conséquent, il me semblerait tout à fait logique, au moins pour les deux premières années pendant lesquelles on ne peut pas se fonder sur le revenu pour régler le mécanisme de péréquation, d'en tenir compte d'une autre manière. Il sera toujours temps au bout de deux ans de voir s'il faut choisir d'autres critères.
En tout cas, il n'est pas logique de retenir comme critère le nombre de bénéficiaires du RMI, car il ne prend pas en compte l'ampleur des différences de revenus entre départements.
M. le président. La parole est à M. Adnot, pour défendre l'amendement n° 58.
M. Philippe Adnot. Cet amendement, identique à l'amendement n° 42, a pour objet de modifier les modalités financières de l'APA.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 42 et les sous-amendements n°s 51 et 52, ainsi que sur l'amendement n° 58 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne vais pas m'attarder sur le sujet puisque notre collègue Michel Mercier l'a exposé de manière fort convaincante : la commission est tout à fait favorable à son amendement, ainsi qu'au sous-amendement n° 51.
En revanche, elle s'est interrogée sur la pertinence du sous-amendement n° 52.
M. Fréville fait référence au revenu moyen des habitants de chaque département. Or les critères retenus pour le calcul de la répartition prennent en compte des charges, qu'il s'agisse des dépenses en faveur des personnes âgées ou du nombre de RMIstes. Certes, le potentiel fiscal est un critère financier intéressant, mais le critère du revenu moyen des habitants de chaque département - même si nous comprenons quel est l'objectif recherché - nous a paru difficile à mettre en place. Il aurait au moins fallu que des simulations soient faites au préalable et que nous soyons assurés de sa fiabilité.
La commission s'est en définitive tellement interrogée qu'elle a penché vers un avis défavorable, et elle suggère donc à M. Fréville de retirer ce sous-amendement.
Sur l'amendement n° 58, identique à l'amendement n° 42, nous avons bien entendu émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 42 et les sous-amendements n°s 51 et 52, ainsi que sur l'amendement n° 58 ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 42 reprend le principe du recours à la DGF, et vous comprendrez que le Gouvernement ne peut qu'y être défavorable.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, on a du mal à vous comprendre !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Mais cela ne nous étonne pas !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement associera l'ADF, l'Assemblée des départements de France, et la représentation nationale à la définition du mode de pondération entre les critères de péréquation.
J'ai bien entendu les remarques qui ont été formulées. C'est un travail que nous devons faire en commun...
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est la dernière fois que l'on en parle ici !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Oui, mais, je vous l'ai dit, je souhaite rapidement y associer l'ADF. Avec l'ensemble de la représentation nationale, nous pourrons envisager d'autres formes de discussions ; si ce n'est pas ici, cela pourra être avec la commission. (M. le rapporteur pour avis manifeste son étonnement.) En tout cas, je suis prête à poursuivre le débat.
S'agissant du sous-amendement n° 51 de M. Fréville, je ne suis pas défavorable à une précision sur le potentiel fiscal, comme a pu le laisser paraître la réponse que j'ai adressée tout à l'heure à M. Michel Mercier, mais, l'amendement n° 42 tendant à remplacer la création d'un fonds de financement par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement, je ne puis qu'être en désaccord avec ce sous-amendement.
Quant au sous-amendement n° 52, il aurait pour effet de déséquilibrer les critères de répartition. Il tend en fait à prendre en compte un nouveau critère lié à la richesse des habitants par département, ce qui est redondant avec le critère du potentiel fiscal.
En contrepartie, votre sous-amendement, monsieur Mercier, supprime toute référence au nombre de bénéficiaires du RMI. En faisant ce choix, vous faites disparaître le critère qui tient réellement compte de la situation des départements.
Les arguments que j'ai développés au sujet de l'amendement n° 42 valent évidemment pour l'amendement n° 58.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Madame le secrétaire d'Etat, depuis le début de ce débat, vous nous expliquez, avec le sourire, que vous êtes prête à discuter de toutes les questions les plus importantes avec la représentation nationale, et vous venez de le dire une nouvelle fois à propos de la répartition du fonds. Mais, madame le secrétaire d'Etat, ici aussi, c'est la représentation nationale qui s'exprime ! C'est la dernière fois que nous avons l'occasion d'évoquer cette question et il est tout de même curieux que vous en renvoyiez la solution à une « représentation nationale » dont nous serions exclus. Je vous le dis très sincèrement, il n'est pas acceptable que vous nous traitiez ainsi, car le Sénat, c'est aussi la représentation nationale.
Votre texte pose au moins deux problèmes de constitutionnalité...
M. Yves Fréville. Tout à fait !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. ... et j'évoquerai le second lorsque nous aborderons l'amendement suivant.
Madame le secrétaire d'Etat, si vous voulez que ce texte aboutisse - et, pour notre part, nous le voulons - de manière que, demain, les personnes âgées dépendantes puissent, dans notre pays, bénéficier d'une allocation, vous ne pouvez pas balayer simplement d'un revers de la main les objections et les propositions du Sénat en évoquant la résolution future des problèmes avec la « représentation nationale ». Le Parlement doit épuiser sa compétence pour fixer clairement les critères de répartition du fonds.
M. Yves Fréville. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 51, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Fréville, le sous-amendement n° 52 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Je vais le retirer, monsieur le président, mais ce ne sera pas sous le bénéfice de l'argument avancé par Mme le secrétaire d'Etat. En effet, il n'y a pas redondance entre les critères. Chacun sait très bien qu'il existe des départements où le revenu par habitant est faible mais qui ont la chance d'abriter sur leur territoire une centrale nucléaire ou une usine de retraitement de déchets nucléaires, ce qui leur donne un potentiel fiscal très élevé.
En revanche, puisque la commission souhaite conserver le RMI et parce que je ne veux pas compliquer davantage encore les rapports entre le Gouvernement et certaine composante de sa majorité plurielle, je retire ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 52 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 42, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er, et l'amendement n° 58 n'a plus d'objet.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 40, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - En 2002 et en 2003, la dotation globale de fonctionnement des départements est majorée, dans les conditions fixées par la loi de finances, de 8,2 milliards de francs.
« A compter de 2004, le montant de cette majoration est revalorisé chaque année de la moitié de l'évolution du montant total des dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie constatée l'année précédente.
« II. - La majoration de la dotation globale de fonctionnement des départements résultant des dispositions du I du présent article n'est pas prise en compte dans le montant de la dotation globale de fonctionnement pour l'application du I et du II de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de la dotation globale de fonctionnement prévue au I du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 41, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - En 2002 et en 2003, la dotation globale de fonctionnement des départements est majorée, dans les conditions fixées par la loi de finances, de 8,2 milliards de francs.
« A compter de 2004, le montant de cette majoration est revalorisé chaque année du tiers de l'évolution du montant total des dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie constatée l'année précédente.
« II. - La majoration de la dotation globale de fonctionnement des départements résultant des dispositions du I du présent article n'est pas prise en compte dans le montant de la dotation globale de fonctionnement pour l'application du I et du II de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de la dotation globale de fonctionnement prévue au I du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 81, présenté par M. Fréville, et tendant, dans le second alinéa du I de l'amendement n° 41, à remplacer les mots : « du tiers » par les mots : « des deux tiers ».
Par amendement n° 57, MM. Adnot, Belot, Branger, du Luart et Ostermann proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - En 2002 et en 2003, la dotation globale de fonctionnement des départements est majorée, dans les conditions fixées par la loi de finances, de 11 milliards de francs.
« A compter de 2004, le montant de cette majoration est revalorisé chaque année des deux tiers de l'évolution du montant total des dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie constatée l'année précédente.
« II. - La majoration de la dotation globale de fonctionnement des départements résultant des dispositions du I du présent article n'est pas prise en compte dans le montant de la dotation globale de fonctionnement pour l'application du I et du II de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
« III. - La perte des recettes résultant de la majoration de la dotation globale de fonctionnement prévue au I du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter les amendements n°s 40 et 41.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. L'amendement n° 40 tend à préciser le mécanisme de financement de l'APA par l'Etat, conjointement à ce qui est apporté par les départements.
Ainsi que je viens de l'annoncer, je reviens sur les problèmes de constitutionnalité que pose le texte.
Je rappelle que l'APA constituera, pour les départements, une dépense obligatoire. Or, dans une décision du 29 mai 1990, à propos de la loi relative à la mise en oeuvre du droit au logement, le Conseil constitutionnel a rappelé clairement les règles qui s'appliquent dès lors qu'une dépense obligatoire est mise à la charge d'une collectivité locale. Le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur, et à nul autre - donc pas au détenteur du pouvoir réglementaire -, la possibilité de mettre à la charge d'une collectivité territoriale une dépense obligatoire. Encore cette possibilité est-elle soumise à conditions : il faut que cette obligation soit définie avec précision quant à son objet et à sa portée, que la compétence propre des collectivités territoriales soit respectée et que leur libre administration ne soit pas entravée.
Cette règle nous amène à définir clairement quelle va être la participation de l'Etat de manière à préciser la portée de l'obligation financière de la collectivité, ce que le texte, en l'état, ne fait pas.
Avec l'amendement n° 40, nous reprenons exactement la clef de répartition qui a été retenue pour le financement du fonds de solidarité pour le logement, le FSL, et selon laquelle la contribution des départements et celle de l'Etat doivent être strictement égales. Cette règle a été déclarée constitutionnelle et son application ne pose aucun problème.
Nous proposons donc de prévoir que le département prend en charge l'APA et que l'Etat, quant à lui, apporte un fonds de concours qui est égal à la moitié de la dépense prévisionnelle.
Faute d'apporter une telle précision, la loi risque d'être frappée d'inconstitutionnalité mais aussi, comme l'a fort bien dit notre collègue M. Huguet, de ne pas être applicable dans la pratique parce que le poids financier qu'implique cette nouvelle allocation pour les départements n'aura pas été pris en compte.
Aujourd'hui, les départements consacrent globalement 5,5 milliards de francs au financement de la PSD. L'année prochaine, vous nous l'avez dit, madame le secrétaire d'Etat, l'APA va coûter 16,5 milliards de francs. Or le fonds, tel que le Gouvernement l'a prévu, apportera 5,5 milliards de francs. Ainsi, de toute évidence, l'effort demandé aux départements sera doublé. On peut, bien sûr, arguer que certains n'ont pas fait assez auparavant, qu'ils ont économisé de l'argent, etc. Il n'empêche que les départements devront lever 5,5 milliards de francs d'impôts supplémentaires pour financer l'APA. Et, sur l'exercice suivant, on passera de 16,5 milliards de francs à 24,5 milliards de francs, soit 8 milliards de francs de plus ! Or rien n'est prévu pour faire face à cette montée en charge.
Alors, madame le secrétaire d'Etat, on a vraiment l'impression d'être devant un texte purement littéraire, avec un financement virtuel. C'est à se demander si vous avez vraiment envie que ce texte entre dans la pratique puisque vous ne prévoyez rien pour financer ces 8 milliards de francs supplémentaires ! En effet, demander aux départements d'augmenter de 5,5 milliards de francs leurs impôts une première année, puis encore de 8 milliards de francs l'année suivante, c'est un peu trop ! Les départements n'y parviendront pas.
L'Etat ne peut pas se contenter de présenter un texte, de dire que la dépense est obligatoire, de n'apporter que 5,5 milliards de francs, de ne fixer aucune règle et d'attendre que les choses se fassent d'elles-mêmes.
Nous, nous proposons quelque chose de sérieux, de constitutionnel, qui prévoit un partage égal de l'effort financier entre l'Etat et les départements.
Le Gouvernement ne peut pas mettre en place un droit universel et ne pas prendre en charge une part substantielle de l'effort financier nécessaire. Les départements ne peuvent pas pourvoir à l'essentiel de la mise en oeuvre de ce droit, et celui-ci ne verra pas le jour si nous ne sommes pas suivis. (MM. Fréville et Chérioux applaudissent.)
Quant à l'amendement n° 41, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 41 est retiré ; en conséquence, le sous-amendement n° 81 devient sans objet.
La parole est à M. Adnot, pour présenter l'amendement n° 57.
M. Philippe Adnot. J'ai suivi le même raisonnement que M. Mercier mais je n'arrive pas exactement aux mêmes conclusions.
Il faut tenir compte de ce qui s'est passé la semaine dernière : vous avez, mes chers collègues, supprimé la possibilité du recours sur succession...
M. Henri de Raincourt. Hélas !
M. Philippe Adnot. ... mais en ne prenant en compte que l'APA. Dès lors, dans la pratique, pour les départements, il sera impossible de maintenir les recours sur successions pour ce qui concerne l'aide sociale.
M. Henri de Raincourt. Evidemment !
M. Philippe Adnot. Dans le même établissement, on ne pourra pas maintenir un certain régime pour les uns et le supprimer pour les autres alors que leurs situations seront pratiquement identiques. Personne ne le comprendrait !
Au lieu de quelques centaines de millions de francs, il va s'agir d'une suppression de 4 milliards de francs. Et vous avez décidé que les départements allaient devoir payer 4 milliards de francs supplémentaires. Je propose donc que la dotation globale de fonctionnement actuellement de 8 milliards de francs soit portée à 11 milliards de francs et qu'en cas de progression des dépenses la charge supplémentaire soit supportée non plus par moitié par les départements et par l'Etat mais aux deux tiers par l'Etat et au tiers par les départements, ce qui restera d'ailleurs important.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 40 et 57 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Après un long débat sur cette question financière essentielle, la commission des affaires sociales a estimé que l'amendement n° 40, qui prévoit une répartition équitable de la charge en 2002 et en 2003 entre l'Etat et les départements, était le plus susceptible de répondre à l'attente des différents partenaires.
Certes, on pourrait souhaiter aller beaucoup plus loin, comme l'a suggéré notre collègue Philippe Adnot, en mettant les deux tiers de la dépense à la charge de l'Etat, les départements en assumant le tiers.
M. Philippe Adnot. Uniquement de l'évolution de la dépense ! Ce n'est pas tout à fait la même chose !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet ! C'est le sous-amendement de M. Fréville qui prévoyait globalement une telle répartition.
Quoi qu'il en soit, la commission a émis un avis favorable sur l'amendement de la commission des finances et demande à M. Adnot de bien vouloir retirer son amendement n° 57.
J'ajoute que des interrogations ont été soulevées ici et là. La compétence des départements concernant les personnes âgées est évidemment une compétence importante. Les départements veulent-ils, à terme, se priver d'une partie substantielle de leurs compétences en matière d'aide sociale ? Certains se posent la question, y compris en ce qui concerne la compétence relative aux personnes âgées. D'autres vont même jusqu'à se demander si les départements auront encore, dans le futur, une raison d'être dans notre dispositif institutionnel.
Eu égard à ces questions, nous avons, je crois, adopté une position équilibrée.
N'oublions pas que nous avons affaire à une nouvelle prestation relevant de la solidarité nationale, qui ne sera pas financée par la sécurité sociale puisque le Gouvernement a affiché sa volonté de ne pas assimiler la dépendance à un cinquième risque. Dès lors, il paraît cohérent que l'Etat assume au minimum une contribution égale à celle des départements. Si l'on devait confier la totalité de la charge aux départements, il conviendrait alors de leur accorder les ressources leur permettant d'y faire face. Or nous en sommes loin.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Le fait de ne pas fixer dans la loi la pondération des critères poserait, selon vous, monsieur le rapporteur pour avis, un problème de constitutionnalité. Personnellement, je ne le crois pas, et je tiens à rassurer la Haute Assemblée et vous-même.
Je répète que le fonds a bien pour première fonction de concourir au financement de l'APA. Aussi, il est clair que le nombre de personnes âgées dans un premier temps et les dépenses réelles d'APA en régime de croisière dans un second temps constitueront la base majoritaire de la répartition. La péréquation est évidemment nécessaire, vous l'avez bien reconnu. Elle est cependant de second rang par rapport au rôle du fonds qui est de concourir pour une large part à la dépense de l'APA. Il me semble important de le dire et de le dire très simplement comme je viens de le faire.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est mieux comme je l'avais dit !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Cela ne me surprend pas !
Je souhaiterais répéter un certain nombre de choses qui sont dites depuis le début de notre discussion et que je reprends après Mme Guigou : la mise en oeuvre du projet de loi ne conduit pas à une augmentation des dépenses des départements de 5,5 milliards de francs, contrairement à ce que vous soutenez pour justifier votre proposition.
M. Henri de Raincourt. Arrêtez ! Vous ne pouvez pas dire cela ! C'est absolument faux ! Ce sont des contre-vérités ! Vous ne répondez jamais aux questions que l'on vous pose ! C'est parfaitement nul !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Monsieur de Raincourt, s'il vous plaît, pouvez-vous m'écouter jusqu'au bout ? Je me fâche rarement mais je suis prête à le faire quand on ne m'écoute pas.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Heureusement, nous ne faisons pas la même chose ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Quand on est au Gouvernement, on ne se fâche pas, on respecte le Parlement !
M. Henri de Raincourt. Un peu de modestie, s'il vous plaît, madame !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Ecoutez ce qui se dit ailleurs, monsieur Mercier !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je l'ai dit voilà quelques instants !
M. Henri de Raincourt. Ailleurs, nous y sommes autant que vous, madame le secrétaire d'Etat !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Vous savez fort bien qu'un certain nombre d'économies ont été faites entre la PSD et l'ACTP.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Me permettez-vous de vous interrompre, madame le secrétaire d'Etat ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Je termine mon propos, monsieur le rapporteur pour avis.
Par ailleurs, la mise en place de la nouvelle tarification amènera un certain nombre de changements. Il faut l'entendre. Je crois d'ailleurs que vous l'avez dit.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je l'ai dit !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. En effet ! C'est M. de Raincourt qui ne m'écoute pas !
M. Henri de Raincourt. C'est vous qui n'écoutez pas ! Vous ne répondez jamais aux questions que l'on vous pose ! Cela fait dix jours que ça dure !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Je prends le temps de répondre !
S'agissant du rapport des deux tiers et de la moitié, je note aussi que les sommes mises à la disposition du fonds de financement de l'APA représentent plus des deux tiers du besoin de financement, estimé par le Gouvernement à 8 milliards de francs, ou la moitié des chiffres évoqués par la majorité sénatoriale, qui ne tiennent pas compte, comme je le disais à l'instant, des économies réalisées sur l'ACTP et sur la réforme de la tarification.
Le dispositif qui vous est proposé est équilibré. Je le répète : le mécanisme de péréquation mérite effectivement d'être discuté, en particulier avec la l'ADF, l'Assemblée des départements de France, mais il n'y a pas motif d'inconstitutionnalité dans le dispositif tel qu'il vous est présenté.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On verra !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je ne prolongerai pas inutilement le débat. Mais nous sommes tout de même au coeur du sujet.
Sur beaucoup de points, le Sénat vous a suivie, madame la secrétaire d'Etat, même si l'on a écrit et dit le contraire. Il est normal que vous vouliez nous présenter la mariée de la façon la plus belle possible, comme si vous aviez inventé une fleur nouvelle ; et, même si elle est ancienne, il faut bien la parer de couleurs nouvelles ! Cela, je l'accepte assez bien, car, après tout, il faut que tout le monde vive ! Il y aura des moments où la vie de chacun se décidera. Cela fait partie du jeu.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ce n'est pas un jeu !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Si ce n'est pas un jeu, ce n'est pas la peine d'y jouer, madame Dieulangard !
On arrive au coeur du sujet, qui est le financement. On peut promettre - et c'est vrai que ce n'est pas un jeu, ma chère collègue - encore faut-il tenir ! Dans ce cas précis, on ne tiendra pas.
Si on met autant de passion dans cette affaire-là, c'est parce que l'on parle depuis trop longtemps de la dépendance pour ne pas essayer de résoudre cette question ensemble.
Prétendre faire passer la charge des départements de 5,5 milliards de francs à 24 milliards de francs au total avec 5,5 milliards de concours de la solidarité nationale, je le dis très clairement : ça ne passera pas ! Quand je vois que, dans certains départements pas très riches - j'ai des chiffres que votre ministère a bien voulu me communiquer quelques minutes avant le début de notre discussion -, le poids du financement passera de 20 millions de francs à 99 millions de francs et que l'effort de la solidarité nationale sera de l'ordre de 30 millions de francs - d'après vos propres chiffres -, je me dis qu'ils n'y arriveront pas. Nous pourrions tous citer des exemples de ce type.
Si nous voulons tous ensemble que l'on puisse faire un grand pas vers le prise en charge de la dépendance, un vrai concours de l'Etat, garanti, pérenne, qui évolue en même temps que la dépense, est indispensable. Ce n'est pas en accordant une fois pour toutes 5,5 milliards de francs que l'on résoudra la question !
Si vous examinez l'amendement que la commission présente, madame la secrétaire d'Etat, vous constaterez que nous avons pris en compte ce que vous avez qualifié d'« économies ». En effet, nous avons pris en compte les économies au titre de la tarification ; nous avons pris en compte les économies que, selon vous, les départements ont fait par rapport à ce qu'ils auraient dû dépenser. A cet égard, on pourrait discuter à perte de vue. Toutefois, afin d'en finir, nous avons pris en compte ces « économies ». C'est uniquement au-delà que nous avons partagé. Notre amendement a mis à la charge du département deux fois 1,4 milliard de francs, et c'est à partir de là que nous avons partagé moitié-moitié. Ce que vous avez dit - nous n'allons pas nous quereller sur ce point - nous l'avons pris en compte. Mais vous savez bien que sans un véritable effort de l'Etat le dispositif ne fonctionnera pas. Les départements ne pourront pas suivre car la charge sera trop importante.
Parmi les présidents de conseil général ici présents, il y a ceux qui sont obligés de dire que ce n'est pas mal, ou qui baissent la tête en attendant que cela passe, et je le comprends. Mais nous savons bien que nous n'y arriverons pas ! Aidez-nous si vous voulez que ça fonctionne !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 40.
M. Henri de Raincourt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Tout d'abord, je souhaite vous présenter mes excuses, madame la secrétaire d'Etat, si j'ai perturbé le déroulement de votre exposé. Toutefois, même si nous essayons, les uns et les autres, de nous contrôler, il est des moment où nous explosons, parce que nous sommes des personnes de terrain. Nous sommes passionnés par la discussion de ce matin comme nous l'avons été par celle de la semaine dernière et par les enjeux qui sont en cause.
S'agissant de cet aspect financier, on a envie de vous dire : vous qui représentez le Gouvernement, n'essayez pas de nous faire croire quelque chose qui, de toute façon, n'est pas exact. Les faits sont têtus et ils démontreront que les propos qu'a tenus Michel Mercier à l'instant et précédemment sont, eux, tout à fait exacts.
Le dispositif qui est en train d'être mis en place est inapplicable. On feint de croire qu'il sera appliqué. Or il ne le sera pas. Que se passera-t-il ? Eh bien ! on arrivera tranquillement avec des effets d'annonce jusqu'aux élections de 2002 et, ensuite, on reprendra le problème de façon à essayer de trouver une solution qui soit pratique, qui soit utile pour les personnes qui en ont besoin et qui soit supportable pour les départements.
Par ailleurs, depuis des décennies tous les gouvernements qui se sont succédé ont, d'une manière chronique, toujours imposé aux collectivités locales des dépenses supplémentaires. En effet, l'Etat ne balaie jamais devant sa porte, il fait toujours payer aux autres. Qu'il s'agisse de gouvernements de gauche ou de droite, à cet égard la dérive est sensiblement la même. Mais a-t-on un exemple, dans les cinq ans à dix ans qui viennent de s'écouler, d'un projet de loi imposant une telle explosion des finances des départements sur une seule action ?
Je comprends que l'Association des maires de France dise, dans un communiqué de presse, qu'elle est tout à fait favorable à la suppression du recours sur succession, car elle n'a rien à payer. C'est une marque de considération, de confiance et d'amitié à laquelle nous sommes sensibles. (Sourires.)
En l'occurrence, il s'agit des départements, et d'eux seuls. Jamais, depuis dix ans, un seul projet de loi n'aura entraîné de telles conséquences financières sur les budgets des départements. Eh bien, au lieu d'opter pour la raison, madame la secrétaire d'Etat, vous avez choisi l'effet d'annonce pour essayer de gagner des voix. A ce jeu-là, tout le monde perdra, d'abord et avant tout les personnes âgées, et c'est bien la raison pour laquelle je voterai l'amendement présenté par mon ami Michel Mercier. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Adnot. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Si l'amendement n° 40 est adopté, l'amendement n° 57 n'aura plus d'objet. Aussi, Monsieur Mercier, et je vous prie de m'en excuser, je voterai contre l'amendement de la commission des finances afin que l'on ait une chance d'examiner le mien. (Sourires.)
Puisque nous aurons des rendez-vous, nous pourrons faire des comparaisons. Pour ma part, je considère que les charges financières sont sous-estimées. Certains font des calculs avec des augmentations de 2 % à 3 %, mais en intégrant déjà la péréquation dont ils vont bénéficier. Je ne sais pas comment M. Huguet a fait pour calculer la part de péréquation qui reviendra à son département ; il est sûrement très au fait de la décision finale qui sera prise et de l'intérêt qu'il y trouvera. Je ne sais pas comment M. Vasselle fait pour savoir que cela va seulement doubler pour sa collectivité territoriale. A mon avis, compte tenu de la richesse de son département, la péréquation sera négative. En effet, votre dépense me semble très peu élevée, monsieur Vasselle. Vous aurez vraisemblablement beaucoup plus à votre charge.
Je le répète, comme on n'a pas pris en compte la suppression totale du recours sur succession, l'amendement de la commission des finances ne tient pas compte de toutes les conséquences financières, et j'y suis donc opposé.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Mes chers collègues, nous voulons que l'allocation personnalisée d'autonomie soit financée. C'est notre objectif commun.
Nous disons tout simplement que les finances départementales ne sont pas susceptibles d'apporter ce financement, puisque nous n'avons comme autre ressource que le 0,1 % de CSG. Pour quelles raisons ? Des raisons qui proviennent de la politique même du Gouvernement. Quelles sont les ressources actuelles des départements ? Nous avions des ressources qui nous avaient été données lors de la décentralisation de l'aide sociale, la vignette automobile et les droits de mutation à titre gratuit. Qu'à fait le Gouvernement ? Il les a, pour les unes - la vignette - supprimées et, pour les autres, fortement diminuées et remplacées par la DGF, qui croît de quelques points par an ; c'est une recette qui n'est pas dynamique. Ce n'est pas nous qui avons supprimé ces impôts, c'est le Gouvernement, qui se contredit.
Quels autres impôts reste-t-il ? Des impôts que le Gouvernement ne fait que rogner. S'agissant de la taxe d'habitation, j'entends à longueur de discussion des lois de finances que cette taxe est injuste, qu'elle doit être diminuée, que le Gouvernement prévoira des exonérations, des dégrèvements... que sais-je encore ? J'entends également dire que, pour la taxe professionnelle, la part sur les salaires n'est pas une base satisfaisante, qu'elle doit être supprimée et que l'Etat octroiera des ressources en remplacement. Aussi, je voudrais comprendre. Quelle est la politique globale du Gouvernement à l'égard des finances départementales ? Pour ma part, j'en conclus qu'il n'en a pas, et qu'il tire dans tous les sens ! En l'occurrence, nous sommes saisis d'une réforme qui, sur le plan du financement, et de ce seul point de vue, est parfaitement démagogique.
Enfin, je voudrais que l'on cesse de croire que les départements ont volontairement fait des économies sur la PSD. Il existe une raison démographique majeure. On atteint, hélas ! la situation de dépendance vers quatre-vingt-cinq ans et nous savons bien que les classes 1914 à 1918 ont été des classes creuses. Si on ajoute quatre-vingt-cinq à 1914, on obtient 1999. Vous le constatez, la baisse des dépenses des départements en faveur des personnes âgées a d'abord des causes démographiques. Il ne s'agit pas de véritables économies ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. J'ai en main la lettre de M. Puech à Mme Guigou, aux termes de laquelle il donne clairement son accord aux travaux réalisés par les ministres, Mmes Aubry et Guigou, et à l'architecture de ce projet de loi. Il reconnaît clairement le niveau d'abondement de l'échelon national. Il serait peut-être intéressant d'y faire référence un peu plus souvent.
Toutefois, personne n'a dit que le risque financier de la montée en charge serait exclusivement assumé par les départements. Comme je l'ai dit tout à l'heure, et vous l'avez reconnu implicitement, monsieur Mercier, la moitié de la montée en charge, si l'on retient vos chiffres, est assumée par le fonds.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Si notre amendement est adopté !
M. Yves Fréville. En effet, s'il est adopté !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Non ! Les 5,5 milliards de francs du fonds correspondent bien à la moitié de la montée en charge.
M. Henri de Raincourt. L'année prochaine !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale et ici même, en particulier lors de la discussion générale, on sait fort bien qu'il sera nécessaire d'apprécier l'évolution de la situation dans l'ensemble des départements et de dresser un véritable bilan, notamment parce qu'il n'est pas simple d'évaluer la dépendance.
C'est pourquoi le projet de loi prévoit qu'un bilan financier sera établi en 2003, ce qui nous donnera l'occasion de nous retrouver pour examiner la situation. En effet, nul n'est aujourd'hui en mesure de déterminer avec précision le nombre des personnes qui seront concernées et les modalités du dispositif à mettre en place. Je crois que tout le monde en est d'accord, et M. Fourcade l'a très clairement reconnu l'autre jour.
En tout état de cause, on ne peut pas prétendre que le Gouvernement ne contribue pas, aux côtés des départements, au financement des mesures proposées.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je souhaiterais apporter deux précisions, madame le secrétaire d'Etat.
En premier lieu, vous avez cité une lettre du président de l'Assemblée des départements de France. C'est très bien, mais la loi s'élabore ici, et pas ailleurs !
L'ADF a donné son accord à un projet qui ne relevait pas du droit universel, mais qui était encadré par des conditions de ressources qui ne sont d'ailleurs plus valides aujourd'hui. Certes, il est normal que le Gouvernement dépose des projets de loi, que la représentation nationale les examine et qu'ensuite les groupes de pression fassent connaître leur avis, mais ceux-ci, aussi légitimes soient-ils, ne font en aucun cas la loi.
En second lieu, les chiffres que nous avons retenus sont ceux que vous nous avez donnés, avec tellement de parcimonie d'ailleurs que nous ne pouvons que les répéter inlassablement ! (M. de Raincourt sourit.)
En effet, c'est vous, madame le secrétaire d'Etat, qui avez annoncé que 800 000 personnes seraient prises en charge au titre de l'APA. Personne ici n'a pu inventer ce chiffre ! Ces calculs émanent bien de vos services et nous n'avons fait que les reprendre. Nous affirmons simplement que nous sommes prêts à accompagner votre effort si vos chiffres sont exacts et s'ils traduisent bien l'objectif visé par le Gouvernement, mais que rien ne sera possible sans un véritable partage de la responsabilité financière.
Or vous proposez que, en période normale, le financement du dispositif soit assuré à hauteur de 25 % par l'Etat, les 75 % restants étant à la charge des départements. Mais les ressources départementales reposent aujourd'hui essentiellement sur les impôts acquittés par les ménages et non plus sur la taxe professionnelle, dont nous n'avons plus vraiment la possibilité d'accroître le rendement.
M. Henri de Raincourt. Tout à fait !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Or augmenter de 20 % le montant de la taxe d'habitation - car c'est de cela qu'il s'agira - est tout à fait inimaginable.
Par conséquent, nous proposons que le financement du dispositif soit assumé à parts égales par l'Etat et les départements, ce qui représente déjà un énorme effort pour ces derniers.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Joël Bourdin. C'est encore injuste !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir un instant sur la position prise par le président de l'Assemblée des départements de France. J'en suis bien d'accord avec M. le rapporteur pour avis, c'est tout de même l'Assemblée nationale et le Sénat qui font la loi !
M. Jean Chérioux. Heureusement !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. J'estime d'ailleurs que cette position est beaucoup moins évidente que vous ne l'avez dit, madame le secrétaire d'Etat.
J'ignore de quand date le courrier dont vous avez fait état. Pourriez-vous me le préciser ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Il date du 15 février.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Pour ma part, je suis en possession d'un courrier du 3 avril. (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. Ah !
M. Joël Bourdin. Ce n'est pas le même !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je vais vous lire un passage de cette lettre du président de l'Assemblée des départements de France :
« Un certain nombre de dispositions nouvelles ont été introduites depuis les derniers éléments portés à notre connaissance au cours du mois de décembre et, compte tenu du calendrier de l'examen du texte à la suite du renouvellement cantonal, nous n'avons pu saisir nos instances délibérantes. »
Voilà qui nuance vos affirmations sur la position adoptée par l'ADF, madame le secrétaire d'Etat !
Je citerai maintenant un texte que M. de Raincourt connaît bien, à savoir le rapport présenté au congrès de l'ADF de Metz, les 20 et 21 septembre derniers, par notre collègue Bernard Cazeau. Certains éléments ont largement évolué depuis, mais ce rapport avait été voté par les participants, à l'exception toutefois d'au moins deux d'entre eux...
M. Henri de Raincourt. ... d'à peu près 30 % d'entre eux. C'est un bon début ! (Sourires.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il indique que les membres de l'ADF « sont favorables aux propositions faites quant au principe d'une prestation quel que soit le lieu de résidence, du maintien du recours sur succession et donation avec relèvement des plafonds » - ce point a été modifié -, « le ticket modérateur d'usager variant en fonction des revenus », qu'ils « demandent la mise en place d'une dotation spécifique comprenant à la fois les financements assurés par les caisses de retraite aujourd'hui pour l'aide ménagère facultative au GIR 4 et un abondement propre de l'Etat », et qu'ils estiment « que cette dotation doit pouvoir compenser de manière significative l'élargissement important du public éligible ».
Par conséquent, la position de l'ADF ne constitue pas un blanc-seing accordé au Gouvernement pour son projet de loi, encore moins depuis que celui-ci a été modifié par l'Assemblée nationale. Il existe quand même de sérieuses réserves, que nous essayons de traduire par nos amendements.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Adnot. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Mon amendement étant le plus éloigné du texte présenté par le Gouvernement, je pense que nous devrions l'examiner par priorité. Cela m'éviterait de m'opposer à l'amendement de M. le rapporteur pour avis et me rendrait par là même service ! (Rires.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Ça, c'est la technique de l'Assemblée nationale !
M. le président. Monsieur Adnot, s'agissant d'amendements tendant à insérer un article additionnel, c'est l'ordre du dépôt qui compte. Je ne peux donc répondre à votre double souhait, qui serait, si j'ai bien compris, de soutenir un peu M. Michel Mercier, même si vous préférez votre amendement ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Merci, monsieur le président !
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai bien sûr l'amendement présenté par M. Michel Mercier au nom de la commission des finances, mais j'avoue que, après avoir écouté attentivement tous les arguments qui ont été avancés, je suis frappé du manque de cohérence de l'attitude du Gouvernement, qui relève quelque peu d'un double langage.
En effet, le Gouvernement annonce urbi et orbi que l'instauration de cette nouvelle prestation - qui n'est jamais qu'une ancienne prestation revêtue d'un nouvel habit - représente un accomplissement formidable dont bénéficieront 800 000 personnes, mais quand il s'agit de débattre du financement, tout change ! Nous partons pourtant des mêmes chiffres, comme vous l'avez souligné très justement, monsieur le rapporteur pour avis, mais le soufflé s'effondre et les dépenses se révèlent beaucoup plus faibles que l'on aurait pu le prévoir.
Je suis d'ailleurs persuadé que Mme le secrétaire d'Etat n'est pas à l'aise sur ce point. C'est tellement évident que, pour essayer de se défendre, elle recourt à des témoignages extérieurs, notamment celui de l'Association des maires de France. J'ai beaucoup de respect pour cette dernière, mais la nouvelle prestation ne devrait rien coûter à ses membres, et il ne lui était donc pas très difficile de vous donner son accord, madame le secrétaire d'Etat. (M. de Raincourt rit.)
En outre, vous vous livrez à un petit tour de passe-passe en citant le président de l'ADF mais en vous fondant sur un texte antérieur à l'établissement de la version définitive et modifiée du projet de loi.
Tout cela n'est pas très sérieux ! Ayez le courage de vos opinions : faites une grande réforme et acceptez d'en supporter les conséquences financières, ou bien soyez plus modeste, revenez aux réalités, et alors les conseils généraux seront peut-être en mesure de vous suivre.
M. Roland Huguet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Nous avons bien évidemment été attentifs aux arguments présentés par la commission des finances, mais aussi au fait que le Gouvernement souhaite faire de 2002 une année d'expérimentation et revoir le financement en 2003. (M. de Raincourt sourit.)
Je vois que M. de Raincourt m'approuve ; tout à l'heure, il affirmait pourtant que jamais un texte n'avait contraint les départements à un effort financier aussi considérable.
M. Henri de Raincourt. Oh si !
M. Roland Huguet. Qu'il me permette de lui rappeler l'instauration du RMI, notamment du volet « insertion » de ce dispositif. Mais peut-être le département de l'Yonne ne compte-t-il pas de nombreux RMIstes, auquel cas l'effort consenti n'aura bien sûr pas été aussi important qu'il a pu l'être dans mon département.
Cela étant, l'amélioration de la situation économique actuellement constatée, qui est réelle, permettra peut-être, compte tenu de la diminution du nombre des RMIstes, une réduction des coûts liés à l'insertion, ce qui constituerait une compensation pour les départements. Je reste prudent sur ce point et j'emploie le conditionnel, car je ne suis pas devin !
En tout état de cause, j'indique à M. Adnot que si les quelques chiffres que nous avons avancés reposent sur des hypothèses basses ou hautes et ne sont donc pas très précis, ils permettent néanmoins de donner un ordre d'idées.
Nous faisons d'ailleurs confiance au Gouvernement pour que, en 2003, le problème du financement soit de nouveau examiné. En effet, si les intentions sont bonnes, le financement doit être assuré, et je rejoins quelque peu M. Chérioux sur ce point.
Enfin, je suis d'accord avec M. le rapporteur pour avis quand il déclare qu'il revient à la représentation nationale et non pas à l'ADF de prendre des décisions en toute clarté sur ce sujet.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Je voudrais simplement éclairer mon collègue et ami Roland Huguet : le département de l'Yonne compte 335 000 habitants et, jusqu'à l'année dernière, environ 4 000 d'entre eux percevaient le RMI, chiffre qui a baissé de 3 % cette année. L'application de la loi entraînait une dépense de 18 millions de francs par an pour le département.
Mais je vous donne rendez-vous, monsieur Huguet : mettons en oeuvre le dispositif de l'APA prévu par le Gouvernement et les mesures supplémentaires votées par l'Assemblée nationale et, hélas ! le Sénat ; tout cela engendrant un surcroît de dépenses et une diminution des recettes, nous serons bien au-delà de 18 millions de francs ! (M. Chérioux applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er, et l'amendement n° 57 n'a plus objet.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est dommage !

TITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article additionnel avant l'article 2