SEANCE DU 22 MAI 2001
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Joly pour explication de vote.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans
vingt ans la France comptera 1 200 000 personnes âgées. L'allongement de
l'espérance de vie, évolution qu'il faut saluer, n'est pas exempt de risques de
perte d'autonomie. Il convient donc que la société apporte des réponses
appropriées à cette nouvelle donne.
La prestation spécifique dépendance a été instituée il y a quatre ans. Ces
dispositions avaient le mérite d'être une première réponse adaptée à la
condition de dépendance des personnes âgées. Toutefois, la solution n'était que
parcellaire. Pour la PSD, on dénombrait environ 140 000 bénéficiaires ;
l'allocation personnalisée d'autonomie, pour sa part, concernerait 800 000
personnes. Cet accroissement significatif montre que nombre de situations
réclamant ce type de prise en charge en étaient jusque-là écartées.
Néanmoins, et je le regrette, une fois de plus, il nous est proposé un
ensemble de mesures qui, dans leur finalité, font l'objet d'un consensus, mais
qui ne sont pas assorties de moyens financiers propres.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Bernard Joly.
L'exemple des difficultés que l'on a à appliquer la réduction du temps de
travail, notamment, ne paraît pas avoir servi de leçon.
Plus près de nous, avec la délivrance du NorLevo, ce sont les moyens humains
qui manquent, tout comme d'ailleurs dans les tribunaux, à la suite de
l'adoption de la loi relative à la présomption d'innocence. Il est quelque peu
inconséquent de mettre en place des dispositifs dont le fonctionnement et les
coûts seront supportés par d'autres.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Bernard Joly.
Dès lors que l'on sait que le nombre des bénéficiaires de l'APA ira en
s'accroissant et que la durée de l'aide servie fera de même, il y aura lieu de
moduler le dispositif adopté. Si cette réflexion n'est pas menée rapidement,
l'APA montrera très vite ses limites, comme cela a été le cas pour la PSD.
Notre société doit dès à présent se préparer à assumer les charges liées au
grand âge. Les années supplémentaires de vie méritent dignité et accompagnement
de qualité.
Grâce aux apports de nos commissions, le texte que je voterai aujourd'hui,
avec la majorité des membres du groupe du RDSE, constitue une avancée qui
permettra d'attendre le résultat d'un travail plus global.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Ce matin, M. Vasselle disait qu'il n'y avait pas « photo » entre la PSD et
l'allocation personnalisée d'autonomie ; dans son esprit, et après sa
démonstration, cela signifiait que c'était la même chose.
En revanche, M. Chérioux disait qu'il y avait une énorme différence entre la
PSD et la prestation d'autonomie puisque l'une concernait 130 000 bénéficiaires
et que l'autre en concernera 800 000, après quoi il ajoutait, bien sûr, un
commentaire sur le financement.
En effet, il était nécessaire de réformer la prestation spécifique dépendance.
Le nouveau texte était attendu de tous. Les parlementaires de terrain que nous
sommes étaient interpellés en permanence par les personnes âgées, par les
familles, par les associations.
Ce texte marque la reconnaissance du Gouvernement pour les personnes âgées et
pour toutes celles et tous ceux qui oeuvrent à leur bien-être, et nous vous
remercions, madame la secrétaire d'Etat, d'avoir soutenu ce dossier comme vous
l'avez fait.
Nous savons aussi, mes chers collègues, que ce texte vous tient à coeur. Nous
connaissons la détermination de la Haute Assemblée sur le dossier de la
prestation spécifique dépendance.
Il y a donc une préoccupation commune, dans notre pays, de traiter, au début
de ce nouveau siècle, le problème de la perte d'autonomie et de la dignité de
la personne.
Mais si la préoccupation est commune, on relève des différences
d'appréciation.
Ce texte est fondamentalement différent de la PSD. Il crée un droit universel,
un droit objectif et un droit égal qui concernera plus de 800 000 personnes.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Plus de 800 000 ? Cela a augmenté depuis ce matin
!
M. Roland Huguet.
Nous le verrons dans un an, ou en 2003, mon cher collègue, puisque nous avons
rendez-vous !
De plus, ce texte nous dote d'un outil qui nous permettra de conduire une
politique nationale dans le secteur de l'aide à domicile, secteur indispensable
dans le dispositif de la dépendance.
La différence apparaît aussi dans la conception du financement. La gestion de
la dépendance nécessite un partenariat entre l'Etat, les collectivités locales
et les organismes de sécurité sociale. Ce partenariat prend corps dans le plan
de financement. Le recours à la CSG pour assurer l'équilibre du financement de
la nouvelle prestation correspond à la logique de solidarité nationale sur
laquelle repose ce nouveau droit. La CSG en est la meilleure expression du fait
de son universalité.
Son affectation au fonds de financement est tout aussi logique. La création de
celui-ci constitue une nécessité pour reconnaître - sans aller, pour le moment,
jusqu'à la création d'une nouvelle branche de sécurité sociale - la perte de
l'autonomie comme un nouveau risque social.
Si nous pouvons accepter un certain nombre de modifications que le Sénat a
apportées dans le sens d'une meilleure lisibilité du texte, nous ne pouvons
accepter sa logique de financement. Là réside notre grande différence sur ce
texte.
Madame la secrétaire d'Etat, nous retenons surtout le rendez-vous que vous
nous avez fixé en 2003. Ce sera alors le moment de voir, après une année
complète d'expérimentation, ce que nous devons faire pour assurer la suite du
financement.
Mes chers collègues, à la fin de mon propos dans la discussion générale, je
disais que le groupe socialiste voterait le texte dans la mesure où il ne
serait pas trop dénaturé après les travaux de la Haute Assemblée.
J'ai souligné les améliorations, j'ai dit aussi les différences. Les
différences portant sur le financement étant si fortes, vous comprendrez que, à
regret, puisque nous sommes partisans du texte déposé par le Gouvernement et
amendé par l'Assemblée nationale, nous soyons conduits à voter contre le texte
élaboré par la Haute Assemblée.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Je ne vais pas reprendre ce que j'ai développé dans la discussion générale, si
ce n'est pour dire qu'à l'issue de notre travail je me trouve conforté dans
l'analyse que je m'étais permis de défendre ; elle a ses vertus, elle a ses
défauts, et tout cela fait partie du débat démocratique.
Qu'est-ce que l'APA ? A mes yeux, c'est une prestation spécifique dépendance
élargie et non financée. C'est là un problème considérable.
Le texte qui sera sans doute adopté par la majorité de l'Assemblée nationale
dans quelques jours ou dans quelques semaines sera, en réalité, la troisième
bombe à retardement financière du Gouvernement, après les 35 heures et après
les emplois-jeunes. Et tout cela explosera, comme par hasard, après les
échéances électorales de 2002 !
Il est clair que tant la commission des finances que la commission des
affaires sociales ont essayé d'apporter un certain nombre d'améliorations, de
façon que, sur le plan financier, l'APA soit supportable.
Il est tout aussi clair que, probablement, la sagesse ne l'emportera pas à
l'Assemblée nationale et que tout le travail accompli ici avec finesse et
intelligence sera balayé d'un revers de vote.
Si je voulais illustrer ce pressentiment, je dirais que la teneur des débats
milite en ce sens. Je disais ce matin que nous avions rarement eu à examiner un
texte ayant de telles conséquences financières pour les départements. Je peux
dire aussi que nous avons rarement vu une discussion se dérouler dans un tel
climat, le Gouvernement n'ayant manifestement pas l'intention d'accorder le
moindre écho à ce que proposait, argumentait, développait le Sénat.
Je fais partie de ceux qui ont tenté, tout au long de nos discussions,
d'obtenir des réponses à un certain nombre de questions concrètes. En vain !
Ainsi, comment conjuguer prestation forfaitaire et plan d'aide individualisée
? C'est impossible.
Comment mettre en place une réforme dynamique et ambitieuse de la tarification
avec des versements pour les personnes ? C'est impossible.
Autant d'approximations qui ne déboucheront sur rien à l'arrivée.
Je suis donc désolé de constater qu'il faudra reprendre ce débat, ce qui est
autant de temps perdu par rapport aux demandes des personnes âgées et de leurs
familles qui doivent trouver des réponses concrètes. A l'évidence, ce n'est pas
avec l'APA, qui ne tiendra pas la distance deux ans, que tout cela pourra
s'organiser.
Mais je me tourne maintenant vers mes amis Jean Delaneau et Michel Mercier.
Je suis, moi, en accord avec ce que j'ai préconisé lors de la discussion
générale. Les débats, ici, au Sénat, me confortent dans l'idée que nous ne
pourrons plus nous en sortir autrement que par le cinquième risque. A cet
égard, le Gouvernement aura pris une singulière responsabilité dans ce
cheminement inexorable.
C'est la raison pour laquelle je ne pourrai pas voter le texte qui a été
élaboré par le Sénat sur la recommandation de ses deux commissions, même si, à
l'évidence, j'en accepte les différentes dispositions.
Mais je vais de ce pas assister à la réunion de concertation de la majorité, à
dix-sept heures : mes chers amis, nous sommes donc quittes !
(Sourires.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Vous cheminez, monsieur de Raincourt, vous cheminez...
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Naturellement, je voterai les dispositions présentées au Sénat par la
commission des affaires sociales et la commission des finances.
Je voudrais remercier le président de la commission des affaires sociales, M.
Delaneau, et le rapporteur, M. Vasselle, d'avoir travaillé en lien si étroit
avec la commission des finances et d'avoir ménagé ainsi une qualité
particulière aux rapports entre les deux commissions. Dans une discussion où
les motifs d'acrimonie et de plaintes sont nombreux, ce point positif mérite
d'être souligné, d'autant que je me demande si ce n'est pas le seul.
Madame le secrétaire d'Etat, je veux vous faire part de mon immense déception.
Certes, je ne suis parlementaire que depuis peu de temps, mais c'est la
première fois que je vois une discussion se dérouler ainsi. Pas une seule fois,
en effet, le Gouvernement n'a trouvé le moindre début de commencement de
possibilité éventuelle d'un accord entre le Sénat et le Gouvernement. Sachant
que, aux termes de l'article 24 de la Constitution, le Sénat représente les
collectivités territoriales et que l'application de ce texte repose uniquement
sur les collectivités territoriales, il y a là un vice qui marquera la loi de
façon grave et définitive. De surcroît, vous avez choisi la procédure de
l'urgence, ce qui interdit au Sénat de discuter plus avant ce texte.
M. Patrick Lassourd.
Eh oui !
M. Michel Mercier.
Nous n'aurons donc plus rien à dire.
Et pourtant, tout est promis et rien n'est financé.
Certes, moyennant quelques raccommodages et un effort fiscal important des
départements, on passera probablement l'année 2002. Mais il n'en sera pas de
même au-delà et, dès 2003, tout ce dispositif ne pourra plus fonctionner faute
d'un financement pérenne. Si vous nous aviez indiqué qu'il s'agissait pour le
moment de poser des règles, de financer l'exercice 2002, pour étudier ensuite
les modalités d'un nouveau financement, nous aurions pu peut-être vous
entendre. Ce n'est pas la voie dans laquelle vous nous avez engagés.
Plus fondamentalement encore, ce texte me pose un véritable problème de
principe au regard de la décentralisation. Je n'y retrouve pas l'esprit des
discussions que nous avons pu avoir au mois de mai dernier avec le
Gouvernement. Un droit universel, sans condition de ressources ; une grille
d'évaluation ; un tarif national ; une dépense obligatoire. Que reste-t-il à la
collectivité territoriale ?
M. Patrick Lassourd.
A payer !
M. Michel Mercier.
Il ne lui reste rien, si ce n'est à servir une prestation que l'Etat,
incapable de financer seul, demande aux départements d'assumer. Telle la
réalité !
Permettez-moi, madame le secrétaire d'Etat, de vous rappeler la décision du
Conseil constitutionnel du 29 mai 1990, dans laquelle il considère que les
obligations que le législateur peut mettre à la charge d'une collectivité
territoriale « doivent être définies avec précision quant à leur objet et à
leur portée » - on sait que ce n'est pas fait - « et ne sauraient méconnaître
la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre
administration. »
Au terme de ce débat, je souhaite vous poser une seule question : pensez-vous
que la discussion en commission mixte paritaire sera ouverte, ou que tout est
déjà joué ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Cela ne dépend pas de moi !
M. Michel Mercier.
Bien sûr, mais le Gouvernement est-il ouvert à la discussion sur un certain
nombre de positions du Sénat qui lui sembleraient intéressantes ou, d'ores et
déjà, le jeu législatif est-il terminé ? Ne nous reste-il plus que le Conseil
constitutionnel ?
(Très bien! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de ces journées consacrées à l'examen du projet de loi relatif à la prise
en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation
personnalisée d'autonomie, je suis au regret de constater que le bilan du débat
est loin d'être positif. Pourtant, il était nécessaire pour parfaire le texte
déjà enrichi par l'Assemblée nationale, texte qui, indiscutablement, et
nonobstant les limites que nous avons signalées, représente un progrès par
rapport aux dispositions actuellement en vigueur concernant la PSD.
Mais, pour bon nombre de nos collègues, il a été beaucoup plus question de
défendre le bilan de la PSD, pourtant jugé calamiteux par les associations
membres du comité de vigilance de la PSD et cosignataires du
Livre noir et
Livre blanc,
que de chercher à faire évoluer le dispositif dans le sens
souhaité par ces dernières !
Bec et ongles, la majorité sénatoriale s'est agrippée à ceux des articles du
code de l'action sociale et des familles actuellement en vigueur qui
orchestrent la PSD, alors que ces textes se sont traduits par une aggravation
de la situation des personnes âgées bénéficiaires.
Aucun progrès n'a été enregistré pour assurer un traitement équitable entre
les personnes demeurant à domicile et celles qui vivent en établissement. Tous
les amendements que nous avions déposés en ce sens ont été rejetés. De même, et
je le déplore, notre proposition de mutualisation des financements dans les
établissements n'a pas été entendue.
Sous prétexte de vouloir éviter toute entrave à la liberté de choix des
bénéficiaires de l'APA, les dispositions destinées à garantir la qualité et la
continuité des interventions à domicile ainsi qu'à professionnaliser le secteur
ont été réduites.
L'argument du financement, aspect du texte qui pose réellement problème, nous
en convenons, a été avancé tant par la commission des affaires sociales que par
la commission des finances pour critiquer le projet et éviter ainsi de
construire une prestation sociale uniforme et universelle.
Autre point d'achoppement : le rétablissement ou non de la suppression du
recours sur succession votée par l'Assemblée nationale pour l'APA.
Nous avons pris acte de l'engagement du Gouvernement de remettre à plat
l'ensemble des règles de récupération, les questions concernant l'hébergement
et le retour à meilleure fortune pour les personnes handicapées demeurant
posées.
Pour autant, nous avons été de ceux qui se sont prononcés, à une voix de
majorité, en faveur de l'évolution immédiate de la situation en votant contre
certains amendements, prenant le contre-pied de ce qui a été acquis lors de
discussions antérieures relatives à l'APA ainsi que dans le projet de loi de
modernisation sociale ; ces amendements visaient à réintroduire ou à relever le
plafond au-delà duquel s'exerce la récupération.
Ainsi, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, au regard de notre ambition d'une prestation effectivement
universelle, sans barrière d'âge, gérée et financée par la sécurité sociale,
nous ne pouvons être que défavorables au dispositif amendé par la majorité
sénatoriale. Par conséquent, nous voterons contre.
M. le président.
La parole est à M. Esneu.
M. Michel Esneu.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
1997, sur l'initiative du Sénat, le Parlement a proposé pour la première fois
une réponse, sans doute imparfaite, au problème de la population âgée
dépendante, jusqu'à cette date plutôt mal pris en charge par l'allocation
compensatrice pour tierce personne, l'ACTP.
Dans un contexte budgétaire difficile, la majorité de l'époque avait centré
la nouvelle prestation sur les plus démunis et les plus dépendants.
Il faut également rappeler qu'il s'agissait d'un texte qui se voulait
provisoire et responsable, dans l'attente d'une autre loi et, surtout, d'une
amélioration de la conjoncture économique.
Cette future loi pouvait prendre deux orientations différentes : soit revenir
sur les acquis de la PSD et créer une nouvelle branche de la sécurité sociale,
soit s'inscrire dans la démarche entreprise lors de la création de la PSD, une
prestation en nature gérée par les départements sous condition de ressources.
C'est cette voie-là qui a été empruntée par le présent gouvernement, ce qui
n'était pas acquis au premier abord.
Cependant, au-delà des apparences, l'APA sera différente sur plusieurs
points.
Je citerai, au titre des points positifs, la tentative d'égalisation de la
prestation sur tout le territoire - je dis bien « tentative », car à chaque
besoin correspondra une prestation différente, ce qui est de toute manière
équitable - ; l'extension de la prestation au GIR 4 ; le fait, enfin, qu'il
s'agisse d'une prestation en moyenne plus généreuse, dépendant toutefois du
pouvoir réglementaire.
S'agissant des points négatifs, je relèverai l'avenir compromis de la réforme
de la tarification des établissements, qui demeure extrêmement complexe, et,
surtout, le financement, qui repose essentiellement sur les départements et la
sécurité sociale, au détriment des rares réserves mises de côté par le
Gouvernement pour l'avenir de nos retraites.
M. Alain Vasselle, notre excellent rapporteur, a exposé très clairement, et je
l'en remercie, les techniques employées par le Gouvernement pour faire financer
sa politique sociale par d'autres que lui. Son rapport a fort opportunément
décortiqué les nouvelles « tuyauteries » imaginées pour rendre opaque ce
financement et dénoncé un mécanisme d'équilibrage mis en place à la charge des
départements et dont la finalité n'apparaît que trop certaine.
Le groupe du RPR ne peut qu'approuver notre rapporteur d'avoir procédé à un
remodelage des modalités de la nouvelle prestation et modifié les conditions de
financement qui étaient, en l'état, inacceptables.
Désormais, l'Etat est financièrement responsable de sa politique sociale,
puisque c'est lui et non la sécurité sociale qui paiera. Il compensera
également le surcoût engendré par la nouvelle prestation à la charge des
départements.
Le groupe du RPR adoptera donc ce projet de loi tel qu'il a été amendé par la
Haute Assemblée.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
quelle déception !
Tant d'années de travail, de concertation et de rencontres, et, pour finir, une
réforme mi-figue mi-raisin.
Aucun problème n'est résolu. Tout le monde le sait, tout le monde le sent. En
dépit de nombreux apports, nous n'avons pas été écoutés. Tout était ficelé ; le
paquet était fait ; il ne fallait rien changer !
Mais les principaux intéressés n'ont-ils pas été oubliés ? Les personnes âgées
mais aussi leurs familles attendent : ils attendent des simplifications, ils
attendent des éclaircissements. Ils auront pour toute réponse quelques
chicaneries sur le surcoût et son financement, question d'ailleurs d'importance
colossale pour les départements.
Que le Gouvernement puisse même penser que la solidarité nationale doit être
assumée financièrement par les collectivités locales révèle son
incompréhension.
Quel recul par rapport à l'espoir qui nous a été donné !
Nos collègues qui soutiennent le Gouvernement - ils l'ont dit avec beaucoup
d'honnêteté - sont très mal à l'aise, car ils sentent bien que la réforme ne
répond pas aux attentes. Je comprends leur fidélité au Gouvernement, mais je
sais que, comme nous, ils auraient souhaité d'autres dispositions.
Après tant d'heures de débat, je regrette, enfin, que nous n'ayons pas eu le
temps d'examiner plus avant la proposition de M. de Raincourt. C'est peut-être
lui qui a la bonne vision du futur : il aurait fallu aller jusqu'au « cinquième
risque ».
Je note pour conclure que nous avons travaillé avec acharnement au sein de la
commission des affaires sociales et que j'apporterai mon soutien au projet de
loi amendé par le Sénat.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole et à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Après les interventions
que nous venons d'entendre, je voudrais présenter un certain nombre de mises au
point.
Tout d'abord, je comprends mal le procès d'intention qui est fait à la
commission des affaires sociales par un certain nombre d'entre vous, mes chers
collègues, dans la mesure où celle-ci a toujours cherché à maintenir la
disposition fondamentale du texte qui nous est proposé : un plus large accès à
une prestation permettant de faire face aux difficultés créées par une
dépendance ou une perte d'autonomie qui augmente avec l'âge et qui touche de
plus en plus de gens, des parents, des amis, et qui nous touchera peut-être
personnellement bientôt.
La commission n'a pas procédé à la moindre amputation sur ce point positif.
Elle n'a pas non plus refusé l'extension du classement en GIR 4. Nous sommes
donc bien dans le même état d'esprit que lors de la création de la PSD.
Nous suivons cette ligne depuis fort longtemps. M. Teulade nous avait annoncé
un tel dispositif pour très bientôt, puis Mme Veil nous l'avait promis pour le
mois de novembre 1973. Déjà, nous voulions faire avancer les choses. Mais, sans
l'initiative du Sénat, de sa commission des affaires sociales et de son
président M. Jean-Pierre Fourcade, il n'y aurait pas eu grand-chose de fait.
Ce que nous contestons aujourd'hui, et c'est parfaitement notre droit, c'est
la proposition incroyable qu'on nous fait : c'est au département qu'il
reviendrait de gérer le dispositif, car le département, nous dit-on, n'aura
bientôt plus que cela à faire !
Et le département de répondre : oui, je veux bien gérer, mais dois-je tout
payer ? On lui dit : les sommes que vous devrez verser iront dans un fonds. Oui
! mais un fonds contrôlé par qui ? On ne sait pas trop. Et on va déterminer des
critères de répartition pour équilibrer tout cela entre les départements...
A trop vouloir faire avancer l'âne à coups de bâton, il s'arrête !
Nous renvoyons donc la responsabilité d'une part plus importante du
financement à l'Etat, qui est le premier acteur de la solidarité nationale.
Nous ne disons pas non à une participation des conseils généraux. Mais nous ne
voulons pas nous lancer dans l'aventure alors que le Gouvernement est incapable
de nous dire comment les choses se passeront dans deux ans. A ce moment-là,
quel que soit le Gouvernement en place, nous pouvons en être certains, il
mettra la charge sur le dos des départements !
Telle est la position qui a été défendue par la commission des affairesd
sociales.
Pour ce qui est du « cinquième risque », vers lequel semblent vouloir aller un
nombre de plus en plus important de parlementaires et de responsables, c'est au
Gouvernement qu'il incombait de tracer la ligne dans laquelle il aurait
souhaité aller. Mais je ne crois pas qu'il s'engage dans cette voie.
Je souhaite que le Sénat vote ce texte tel qu'il a été modifié par la
commission des affaires sociales et la commission des finances. Les deux
commissions ont travaillé en étroite collaboration, je remercie M. Mercier,
rapporteur pour avis, de l'avoir souligné tout à l'heure.
Madame la secrétaire d'Etat, si nous sommes d'accord sur les objectifs, nous
divergeons effectivement sur les moyens et nous ne pouvons pas accepter
l'ensemble des charges que vous prévoyez d'imposer aux départements.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment de
conclure nos débats, je souhaiterais revenir sur quelques traits
caractéristiques de nos échanges, les grands dossiers ayant largement été
débattus.
Premier point qui me paraît important : il semble qu'il règne un certain
consensus au sein de la Haute Assemblée pour définir l'APA comme un droit égal
pour tous dans le cadre d'une gestion décentralisée. Cela traduit l'acceptation
d'un vrai changement : 140 000 personnes aidées actuellement contre 800 000
dans le dispositif tel qu'il est prévu.
Quelques-uns, à gauche, y perçoivent une étape importante, mais qu'il faudra
peut-être dépasser un jour. J'ai pris acte de leur préoccupation, mais j'ai
confiance dans leur pragmatisme.
D'autres sénateurs - au départ, j'avais cru n'en entendre qu'un, qui s'était
lui-même qualifié de solitaire - ont défendu la conception du « cinquième
risque » par défaut.
Mesdames, messsieurs les sénateurs, je ne crois pas que les départements
souhaitent refuser ou récuser leurs responsabilités à l'égard des personnes
âgées, vous venez d'ailleurs de le répéter, monsieur le président de la
commission. Je suis persuadée que les collectivités départementales sont
conscientes de l'enjeu et sauront y répondre.
Pour ma part, j'estime que ce projet de loi devrait donner aux départements la
capacité de construire une véritable politique d'action sociale destinée aux
personnes âgées.
De nombreux membres de la majorité sénatoriale ont voulu réécrire le projet
gouvernemental non pour y apporter des novations majeures, mais simplement pour
la forme, pour marquer autant que possible ce qu'ils estiment être une
filiation par rapport à la PSD. Il se sont livrés à un jeu tactique qui
pourrait se résumer ainsi : « plus PSD que cela, tu meurs... ».
Mais sur le fond, l'opinion et d'abord les bénéficiaires, jugeront.
Oui, il y a une continuité entre l'APA et la PSD, sur la nécessaire
coordination, sur l'individualisation et sur le principe du plan d'aide, mais
aussi sur la gestion confiée aux départements.
Mais il y a aussi des différences majeures sur le champ de la prestation,
l'universalité de l'allocation, les garanties d'égalité, l'ampleur des moyens
nouveaux mobilisés par l'assurance maladie en ce qui concerne le financement
des soins, la mise en oeuvre d'un mécanisme substantiel de compensation et de
péréquation des charges départementales, la modernisation et la
professionnalisation de l'aide à domicile - c'est un élément consensuel -, la
souplesse d'utilisation des aides - vous connaissez l'importance de ce thème
sur le terrain -, les modes de régulation institutionnelles, la coordination
gérontologique. Sur tous ces points, ce sont les personnes âgées qui
jugeront.
Pour terminer, je veux dire que le Gouvernement a respecté les engagements
pris auprès des conseils généraux.
Je rappelle à cet égard les dernières phrases du courrier que le président
Puech adressait le 15 février 2001 à Mme Guigou, évoquant les dotations de
compensation à verser aux départements : « En effet, disait-il, à notre sens,
ces dotations doivent pouvoir compenser de manière significative
l'élargissement du public éligible et les montants plus élevés des prestations,
et permettre une véritable péréquation en faveur des départements ayant un fort
taux de population. »
C'est le sens de la proposition qui a été faite !
Certes, nous avons une divergence nette sur l'évaluation du montant du besoin
de financement : le Gouvernement l'estime à 8 milliards de francs, M. Mercier à
10,5 milliards ou 11 milliards de francs. Mais je crois que l'on peut parler de
« compensation significative », pour reprendre les termes du courrier de M.
Puech, lorsque l'on rapproche les 5,5 milliards de francs du fonds de
financement de l'APA du montant total du besoin de financement.
Le taux de compensation, je le répète, est de 50 % si on l'applique au chiffre
de 11 milliards de M. Mercier, et de près de 70 % si on l'applique aux 8
milliards de l'estimation gouvernementale. Il représente aussi, tout
simplement, le tiers de la dépense totale, des 6,5 milliards de francs pour les
deux années à venir.
Ce rapport de l'ordre du tiers, il faut le souligner, n'est pas appelé à
s'altérer à court terme, compte tenu de l'accroissement des ressources
procurées par la CSG.
Nous avons là - je crois l'avoir déjà dit ce matin - une indexation
intéressante, moins aléatoire que celle de la DGF, et qui nous permettra de
tenir le cap sans surprise d'ici au rendez-vous d'évaluation, dans deux ans.
Monsieur Mercier, j'estime que vous avez fermé la discussion en construisant
votre logique sur la réécriture des dispositions actuelles. C'est dommage.
J'aurais préféré que l'on élagisse le débat.
Le Gouvernement a entendu la demande, exprimée à la fois par le président de
la commission des affaires sociales et par vous-même, monsieur Mercier, de
précision sur les dispositions législatives relatives à la péréquation et d'une
concertation avec les départements pour l'élaboration des décrets
d'application.
Le Gouvernement souhaite réussir. Et, j'en suis sûre, nous pourrons constater
cette réussite lors du rendez-vous de 2003. Quant à la concertation, comme je
vous l'ai promis, elle aura réellement lieu.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, en écho à vos
propos, je dirai que ce projet de loi permet de réaliser une avancée. Les
familles concernées, les personnes âgées, les personnels et l'ensemble des
institutions en sont d'ailleurs convaincus. Nous avons en effet mis en place un
dispositif qui s'appuie, comme je l'ai déjà dit, sur les points positifs de
l'APSD, mais avec un dispositif financier profondément différent.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7