SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
« Art. 6. - I. - Il est inséré, au titre III du livre 1er du code de la
sécurité sociale, un chapitre V
bis
ainsi rédigé :
« Chapitre V bis
« Fonds de réserve pour les retraites
«
Art. L. 135-6
. - Il est créé un établissement public de l'Etat à
caractère administratif, dénommé "Fonds de réserve pour les retraites", placé
sous la tutelle de l'Etat.
« Ce fonds a pour mission de gérer les sommes qui lui sont affectées afin de
constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de
retraite.
« Les réserves sont constituées au profit des régimes obligatoires d'assurance
vieillesse visés à l'article L. 222-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 621-3.
« Les sommes affectées au fonds sont mises en réserve jusqu'en 2020.
«
Art. L. 135-7
. - Les ressources du fonds sont constituées par :
« 1° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité
sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de
solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L.
651-2-1 ;
« 2° Tout ou partie du résultat excédentaire du Fonds de solidarité vieillesse
mentionné à l'article L. 135-1, dans des conditions fixées par arrêté des
ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ;
« 3° Le cas échéant, en cours d'exercice, un montant représentatif d'une
fraction de l'excédent prévisionnel de l'exercice excédentaire du Fonds de
solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1 tel que présenté par la
Commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa réunion du second
semestre de ce même exercice ; un arrêté conjoint des ministres chargés de la
sécurité sociale et du budget détermine les montants à verser ainsi que les
dates de versement ;
« 4° Les montants résultant de l'application de l'article L. 251-6-1 ;
« 5° Une fraction égale à 50 % du produit des prélèvements visés aux articles
L. 245-14 à L. 245-16 ;
« 6° Les versements du compte d'affectation institué par le II de l'article 36
de la loi de finances pour 2001 (n° 2000-1352 du 30 décembre 2000) ;
« 7° Les sommes issues de l'application du titre IV du livre IV du code du
travail et reçues en consignation par la Caisse des dépôts et consignations, au
terme de la prescription fixée par l'article 2262 du code civil ;
« 8° Le produit de la contribution instituée à l'article L. 137-5 ;
« 9° Toute autre ressource affectée au Fonds de réserve pour les retraites
;
« 10° Le produit des placements effectués au titre du Fonds de réserve pour
les retraites.
«
Art. L. 135-8
. - Le fonds est doté d'un conseil de surveillance et
d'un directoire.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe la composition du conseil de surveillance,
constitué de membres du Parlement, de représentants des assurés sociaux
désignés par les organisations syndicales interprofessionnelles représentatives
au plan national, de représentants des employeurs et travailleurs indépendants
désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs
indépendants représentatives, de représentants de l'Etat et de personnalités
qualifiées.
« Sur proposition du directoire, le conseil de surveillance fixe les
orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds en
respectant, d'une part, l'objectif et l'horizon d'utilisation des ressources du
fonds et, d'autre part, les principes de prudence et de répartition des
risques. Il contrôle les résultats, approuve les comptes annuels et établit un
rapport annuel public sur la gestion du fonds.
« Lorsque la proposition du directoire n'est pas approuvée, le directoire
présente une nouvelle proposition au conseil de surveillance ; si cette
proposition n'est pas approuvée, le directoire met en oeuvre les mesures
nécessaires à la gestion du fonds.
« Le fonds est doté d'un directoire composé de trois membres dont le directeur
général de la Caisse des dépôts et consignations qui en assure la présidence.
Les membres du directoire autres que le président sont nommés par décret pour
une durée de six ans, après consultation du conseil de surveillance.
« Le directoire assure la direction de l'établissement et est responsable de
sa gestion. Il met en oeuvre les orientations de la politique de placement ; il
contrôle le respect de celles ci. Il en rend compte régulièrement au conseil de
surveillance et retrace notamment, à cet effet, la manière dont les
orientations générales de la politique de placement du fonds ont pris en compte
des considérations sociales, environnementales et éthiques.
«
Art. L. 135-9
. - Le fonds peut employer des agents de droit privé,
ainsi que des contractuels de droit public ; il conclut avec eux des contrats à
durée déterminée ou indéterminée.
« L'ensemble des frais de gestion du fonds est à sa charge.
«
Art. L. 135-10
. - La Caisse des dépôts et consignations assure la
gestion administrative du fonds, sous l'autorité du directoire, selon des
modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Cette activité est indépendante
de toute autre activité de la Caisse des dépôts et consignations et de ses
filiales.
« La gestion financière du fonds est confiée, par appel d'offres, à des
entreprises d'investissement qui exercent à titre principal le service visé au
4 de l'article L. 321-1 du code monétaire et financier.
« Les instruments financiers que le Fonds de réserve pour les retraites est
autorisé à détenir ou à utiliser sont ceux énumérés au I de l'article L. 211-1
du code monétaire et financier.
«
Art. L. 135-11
. - Deux commissaires aux comptes sont désignés pour
six exercices par le directoire.
« Ils certifient l'exactitude de l'inventaire de l'actif établi
semestriellement par le directoire avant sa présentation au conseil de
surveillance et sa publication.
« Les dispositions des articles L. 225-218 à L. 225-227, L. 225-230, L.
225-233, L. 225 236 à L. 225-238, des deux derniers alinéas de l'article L.
225-240 et des articles L. 225 241 et L. 225 242 du code de commerce sont
applicables aux commissaires aux comptes désignés pour le fonds.
« Les membres du conseil de surveillance exercent les droits reconnus aux
actionnaires et à leurs assemblées générales par les articles L. 225-230 et L.
225-233 du code de commerce.
«
Art. L. 135-12
. - Tout membre du directoire doit informer le
président des intérêts qu'il détient ou vient à détenir et des fonctions qu'il
exerce ou vient à exercer dans une activité économique ou financière ainsi que
de tout mandat qu'il détient ou vient à détenir au sein d'une personne morale.
Ces informations, ainsi que celles concernant le président, sont tenues à la
disposition des membres du directoire.
« Pour la mise en oeuvre de la gestion financière, aucun membre du directoire
ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant,
une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un
mandat a un intérêt. Il ne peut davantage participer à une délibération
concernant une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne
morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat a
représenté une des parties intéressées au cours des dix-huit mois précédant la
délibération.
« Le président du directoire prend les mesures appropriées pour assurer le
respect des obligations et interdictions résultant des deux alinéas
précédents.
« Les membres du directoire, ainsi que les salariés et préposés du fonds, sont
tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues
aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Les experts et les personnes
consultées sont tenus au secret professionnel dans les mêmes conditions et sous
les mêmes peines.
«
Art. L. 135-13
. - Le fonds est soumis au contrôle de l'inspection
générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances.
«
Art. L. 135-14
. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les
modalités d'application du présent chapitre. Il précise notamment :
« - les attributions et les modalités de fonctionnement du conseil de
surveillance et du directoire ;
« - les modalités de la tutelle et, notamment, les cas et conditions dans
lesquels les délibérations du conseil de surveillance et les décisions du
directoire sont soumises à approbation ;
« - les modalités de préparation et d'approbation du budget du fonds. »
« II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Les deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 135-1 sont supprimés ;
au troisième alinéa de l'article L. 135-1, les mots : "dans les missions
mentionnées aux premier et deuxième alinéas" sont supprimés ;
« 2° A l'article L. 137-5, les mots : "au profit de la mission du Fonds de
solidarité vieillesse mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 135-1" sont
remplacés par les mots : "au profit du Fonds de réserve pour les retraites
mentionné à l'article L. 135-6" ;
« 3° Au premier alinéa de l'article L. 251-6-1, les mots : "au Fonds de
réserve pour les retraites mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 135-1"
sont remplacés par les mots : "au Fonds de réserve pour les retraites mentionné
à l'article L. 135-6" ;
« 4° A l'article L. 651-1, après les mots : "Fonds de solidarité vieillesse
mentionné à l'article L. 135-1", sont insérés les mots : "et du Fonds de
réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135-6" ;
« 5° L'article L. 651-2-1 est ainsi modifié :
«
a)
Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Tout ou partie du solde du produit de la contribution résultant de
l'application des dispositions de l'alinéa précédent est versé soit au Fonds de
solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1, soit au Fonds de réserve
pour les retraites mentionné à l'article L. 135-6. » ;
«
b)
Au troisième alinéa, les mots : "et le Fonds de solidarité
vieillesse" sont remplacés par les mots : ", le Fonds de solidarité vieillesse
et le Fonds de réserve pour les retraites". »
« III. - Le Fonds de réserve pour les retraites visé à l'article L. 135 6 du
code de la sécurité sociale est exonéré de l'impôt sur les sociétés prévu au 5
de l'article 206 du code général des impôts.
« IV. - A l'article 26 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à
l'épargne et à la sécurité financière, les mots : "fonds de réserve géré par le
Fonds de solidarité vieillesse en application de l'article L. 135-1 du code de
la sécurité sociale" sont remplacés par les mots : "Fonds de réserve pour les
retraites mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale".
« V. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier
2002.
« A titre transitoire et jusqu'à une date fixée par décret et qui ne peut être
postérieure au 1er juillet 2002 :
« - les produits mentionnés à l'article L. 135-7 du code de la sécurité
sociale sont centralisés et placés par le fonds institué à l'article L. 135-1
de ce code ;
« - les sommes gérées par la deuxième section du fonds institué à l'article L.
135-1 du même code à la date de promulgation de la présente loi demeurent
gérées par ce fonds ;
« - le Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1 du même
code suit l'ensemble de ces opérations dans les comptes spécifiques ouverts au
titre de la deuxième section du fonds, maintenus à cet effet à titre
transitoire, selon les règles en vigueur à la date de promulgation de la
présente loi.
« VI. - Le transfert des biens, droits et obligations du fonds visé à
l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale au fonds visé à l'article L.
135-6 du même code, est effectué à titre gratuit et ne donne lieu à aucune
indemnité ou perception de droits ou de taxes, ni à aucun versement de salaires
ou honoraires au profit des agents de l'Etat. »
Sur l'article, la parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Je me suis déjà exprimé sur cet article lors de la discussion générale, mais
je vais faire une ultime tentative pour convaincre la majorité du Sénat.
Comme je l'ai déjà indiqué, l'article 6 du projet de loi s'inspire largement
d'une proposition que le groupe socialiste avait formulée lors de l'examen du
projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2001 et que j'avais
défendue en novembre 2000.
Mon groupe est très favorable à la création d'un établissement public géré par
la Caisse des dépôts et consignations, sous le contrôle d'un conseil de
surveillance.
La commission des affaires sociales, sur proposition de son rapporteur, M.
Vasselle, propose de modifier profondément cet article. Peut-être est-il utile
en quelques mots de mettre en parallèle les deux propositions, celle qui nous
vient de l'Assemblée nationale et celle de la commission.
Au risque de me répéter, je dirai que le fonds de réserve fait intervenir des
masses financières importantes et de multiples acteurs. Aussi nécessite-t-il
une gestion administrative centralisée, qui regroupe notamment la tenue de la
comptabilité, les études économiques, financières et juridiques, le contrôle
des risques et ce afin de vérifier à tout moment que les parties prenantes
respectent les obligations de leurs mandats : sécurité des fonds, allocation
stratégique, dispersion des risques, contrôle des performances réalisées,
détection et gestion des conflits d'intérêt.
Tout cela implique une définition claire des attributions de chacun des
intervenants.
Un conseil de surveillance doit fixer les orientations générales de la
politique de placement des actifs du fonds, contrôler les résultats et établir
un rapport annuel public sur la gestion du fonds.
Un gestionnaire administratif unique, la Caisse des dépôts et consignations,
doit exercer de manière pleine et entière ses responsabilités.
Enfin, entre les deux, nous proposons l'institution d'un directoire ayant deux
rôles : un pouvoir de décision - il faut bien que quelqu'un décide - pour
définir les orientations stratégiques du fonds de réserve pour les retraites -
avant de décider, il consulte bien évidemment le conseil de surveillance sur
les points les plus importants ; un pouvoir d'autorité, car il faut bien que
quelqu'un ait ce pouvoir sur le gestionnaire administratif unique qu'est la
Caisse des dépôts et consignations.
Pour que le système fonctionne, et afin de donner toute l'efficacité
nécessaire à l'exécution des directives, pourquoi ne pas confier la présidence
du directoire au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ne
serait-ce que parce qu'il a le pouvoir d'autorité sur le gestionnaire ?
Y-a-t-il confusion entre le président du directoire et le président de la
Caisse des dépôts, qui peut être l'un des intervenants extérieurs ? Il suffit
de lire la nouvelle rédaction de l'article L. 135-12 du code de la sécurité
sociale pour avoir la réponse : « Pour la mise en oeuvre de la gestion
financière, aucun membre du directoire - que ce soit le directeur de la Caisse
des dépôts et consignations ou les deux autres membres - ne peut délibérer dans
une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au
sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat a un intérêt. Il
ne peut davantage participer à une délibération concernant une affaire dans
laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle
il exerce des fonctions ou détient un mandat a représenté une des parties
intéressées au cours des dix-huit mois précédant la délibération. »
J'ai tenu à vous donner lecture de cette nouvelle rédaction qui clarifie bien
la situation.
Il ne faut surtout pas prétendre que la présence du directeur général serait
inutile dans le directoire, parce que celui-ci détient bien d'autres
compétences.
Quel est l'objectif visé par la commission des affaires sociales, qui a déposé
une série d'amendements sur cet article ?
Elle propose une structure isolée, qui risque d'exiger des moyens humains et
matériels supplémentaires considérables et qui confierait, d'une manière mal
définie, la gestion du fonds à la Caisse des dépôts et consignations.
Toutefois, cette dernière ne pourrait pas participer aux appels d'offres
portant sur la gestion financière des ressources du fonds.
Outre qu'elle manifeste une suspicion malvenue et injustifiée à l'égard de la
Caisse des dépôts et consignations, on peut s'interroger sur la
constitutionnalité de cette proposition dans la mesure où l'interdiction de
soumissionner est contraire au principe d'égalité devant la loi et à la liberté
d'entreprendre.
Aussi le groupe socialiste votera-t-il contre tous les amendements soutenus
par la commission sur l'article 6.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ainsi
que l'a excellemment démontré notre estimé rapporteur de la commission des
affaires sociales, Alain Vasselle, le fonds de réserve destiné à garantir les
retraites ne constitue en aucun cas un instrument susceptible de répondre de
manière efficace à cet objectif et d'assurer vraiment le financement des
retraites sur le long terme.
Je ne reviendrai pas sur les arguments qu'il a développés. Je me contenterai
simplement de souligner le caractère très aléatoire du financement de ce fonds
et la nature relativement précaire de son statut. Ce n'est jamais qu'un fonds
parmi d'autres.
Le Gouvernement entend collecter plus de mille milliards de francs d'ici à
2020 pour permettre le « lissage » du déficit du système des retraites jusqu'en
2040. Il s'agit d'une opération à long terme, qui exige d'assurer la pérennité
du système. Or ce n'est pas le cas.
C'est pourquoi, d'ailleurs, je m'étais permis, en commission des affaires
sociales, d'évoquer devant Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité le
système mis en place en 1926.
En 1926, souvenez-vous mes chers collègues
(Exclamations amusées)
- non
pas de ce que vous avez vécu mais de ce que vous avez lu dans vos manuels
d'histoire
(Sourires),
souvenez-vous donc des mesures que le
Gouvernement d'alors avait été amené à prendre au lendemain d'un désastre
financier dû au Cartel des gauches, qui était la majorité de gauche plurielle
de l'époque.
(Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer.
Ce sont toujours les mêmes qu'on accuse !
M. Jean Chérioux.
Le gouvernement de Raymond Poincaré avait été obligé de rétablir le crédit
financier de la France. Il avait été très loin puisqu'il avait estimé
nécessaire de donner une valeur constitutionnelle à la caisse autonome
d'amortissement qui devait être créée, en complétant à cet effet la loi
constitutionnelle de 1875.
Je ne peux résister au plaisir de vous donner lecture d'un extrait de l'exposé
des motifs du texte qui fut présenté alors :
« Mais ce résultat ne saurait être pleinement atteint que si l'existence
autonome de la caisse, d'une part » - aujourd'hui, ce serait le fonds - «
l'intégrité des ressources que vous lui avez affectées, d'autre part, sont
entourées, durant toute la période de son fonctionnement, de garanties
solennelles. Les recettes réservées à la caisse d'amortissement » - traduisez
aujourd'hui par le fonds - « ne pourront, quels que soient les événements, être
détournées de leur destination. »
J'insiste sur ces termes, mes chers collègues : « intégrité des ressources »,
« garanties solennelles » et « absence de détournement de leur destination
».
A cet égard, ce qui s'est passé jusqu'ici n'est pas très encourageant.
Bien entendu, je ne proposerai pas de donner un caractère constitutionnel au
fonds de réserve des retraites - je ne sais d'ailleurs pas si la Constitution
nous le permettrait - mais je pense qu'il est indispensable d'assurer la
pérennité de son fonctionnement, ce que ne permet pas le texte que vous nous
présentez aujourd'hui, madame le secrétaire d'Etat.
Le fonds de réserve constitue pour les retraites une garantie en
trompe-l'oeil, ce qui n'est pas acceptable. Il n'est pas convenable de tromper
ainsi nos concitoyens.
Bien évidemment, aujourd'hui, nous ne discuterons pas de l'existence même de
ce fonds, qui existe bel et bien, hélas !
Toutefois, s'agissant des modalités, nous approuverons les modifications que
nous proposera d'y apporter notre rapporteur.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
je voudrais réagir sur deux ou trois éléments de l'intervention de M. Domeizel
et remercier M. Chérioux d'avoir soulevé un point d'histoire qui vient éclairer
fort à propos les membres de la Haute Assemblée, qui auront une décision
importante à prendre dans un instant en se prononçant sur les divers
amendements que la commission des affaires sociales m'a chargé de présenter à
la Haute Assemblée.
Il est vrai que cette référence à 1926 a largement inspiré le rapporteur que
je suis dans la rédaction des différents amendements que vous soumettra la
commission des affaires sociales.
Dans notre travail, c'est un souci à la fois de protection, de garantie, de
transparence et d'intégrité qui nous a animés.
Certes, s'agissant de l'intégrité des ressources, nous n'avons pu aller aussi
loin que nous l'aurions souhaité, car il eût fallu que nous nous engagions dans
une réforme d'ordre constitutionnel pour être sûr que le Gouvernement ne soit
pas tenté de détourner les fonds qui sont destinés au fonds de réserve : chat
échaudé craint l'eau froide !
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai entendu la réponse que vous avez donnée tout
à l'heure dans la discussion générale, mais les chiffres sont têtus et les
faits parlent. Malheureusement, nous avons été amenés à constater que le
Gouvernement a détourné des crédits qui figuraient au titre du fonds de
solidarité vieillesse au profit du fonds de réserve pour financer le FOREC,
l'APA et l'AGIRC-ARRCO.
D'ailleurs, M. Hascoët, lors de la discussion générale, a reconnu - comment
pouvait-il faire autrement, d'ailleurs ? - que le Gouvernement a fait un
prélèvement sur le fonds de solidarité vieillesse pour financer l'APA. Nous
voyons bien que ce gouvernement met en place des politiques pour lesquelles il
n'a pas le financement correspondant et qu'il va prendre de l'argent là où lui
semble possible de le faire. Mais cela le détourne, bien évidemment, des
objectifs qu'il s'était assignés, en l'occurrence utiliser les excédents du
fonds de solidarité vieillesse pour alimenter le fonds de réserve.
Monsieur Domeizel, permettez-moi de revenir sur votre intervention pour
relever quelques inexactitudes et des affirmations qui ne correspondent pas à
la démarche qu'a suivie la commission des affaires sociales.
Le premier point porte sur l'intérêt que présenteraient, à votre avis, la
gestion administrative et la gestion financière du fonds de réserve par la
Caisse des dépôts et consignations. Nous divergeons fondamentalement sur ce
point, semble-t-il. Pour notre part, nous considérons en effet qu'il ne faut
pas qu'il y ait un mélange des genres, qu'il faut bien séparer la gestion
administrative de la gestion financière. Si nous considérons que le
Gouvernement a fait un bon choix en confiant à la Caisse des dépôts la gestion
administrative du fonds, nous ne sommes pas d'accord sur le fait qu'elle ait à
gérer également la gestion financière.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur Domeizel, que nous avions, par notre
position, manifesté une suspicion malvenue à l'égard de la Caisse des dépôts.
Ce que nous voulons, c'est, comme l'a souligné tout à l'heure notre collègue
Jean Chérioux, accorder le maximum de garanties aux futurs retraités quant à la
gestion financière de ces fonds. Il faut donc que celui qui en a la
responsabilité ne soit pas à la fois juge et partie et qu'il n'y ait pas de
mélange des genres.
Que le directeur de la Caisse des dépôts soit membre du directoire et doive,
comme je l'ai dit dans l'exposé des motifs de plusieurs amendements, préparer
le cahier des charges, les appels d'offres et, en même temps, être responsable
d'une filiale qui pourra participer à ces appels d'offres constitue - vous
l'admettrez, monsieur Domeizel - un risque que nous ne pouvons pas nous
permettre de prendre au moment où les Français s'interrogent sur l'avenir de
leurs retraites et sur la pertinence avec laquelle le Gouvernement définit la
gestion des fonds destinés au fonds de réserve.
Vous avez évoqué le principe d'égalité en estimant que la disposition que nous
proposions pouvait revêtir un caractère inconstitutionnel. Permettez-moi de
m'interroger sur cette affimation : que faites-vous du principe de la
concurrence ?
Vouloir mettre sur un pied d'égalité la Caisse des dépôts et l'ensemble des
autres organismes ne me paraît pas être la bonne solution. Ce qu'il faut, c'est
veiller à ce que la concurrence joue à plein. A partir du moment où le
responsable d'une filiale participerait à un appel d'offres, la concurrence ne
jouerait plus dans des conditions satisfaisantes de complète transparence.
ARTICLE L. 135-6 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE